GÉNÉRALITÉS DE LA LANGUE CAMBODGIENNE

PRÉCISION DU CHAMP D’ÉTUDE DE LA PARTICULE ka 

ÉTAT DE LA QUESTION SUR LA PARTICULE ka:

Jusqu’à présent, la particule fi ka n’a pas été l’objet d’une étude systématique. Deux ouvrages ont parlé de cette particule : le Dictionnaire khmer-français d’Alain Daniel (1985) et la Grammaire du khmer moderne de Khin Sok (1999). Alain Daniel propose quatre traductions, ce qui, selon nous, ne couvre pas l’ensemble des acceptations de la particule £ fi ka. Dans l’ouvrage de Khin Sok, nous trouvons une plus grande diversité en fonction de variation de sens, de critères syntaxiques, sémantiques et contextuels. Nous allons dans ce chapitre faire état de ces deux travaux.

SELON LE DICTIONNAIRE KHMER-FRANÇAIS D’ALAIN DANIEL:

« Alors », « donc », « ainsi » et « à savoir » sont les quatre traductions £ de fi ka proposées par Alain Daniel qui ne fournit aucun exemple d’énoncé illustratif de ces traductions. De plus, il ne spécifie pas la nature linguistique de la particule ka. Nous allons tenter ici de trouver des énoncés qui pourraient illustrer les traductions de Daniel. Prenons les deux petits énoncés suivants :
1) Cathy men sralaji kh jnom. kh fiom man sralaji Cathy
[Cathy + ne pas + aimer + moi. Je + ne pas + aimer + Cathy]
—» Cathy ne m’aime pas. Je ne l’aime pas.
Nous allons introduire la particule ka dans ces deux énoncés. Nous constatons à travers les illustrations que nous donnons que la particule ka peut renvoyer à deux valeurs : celle de conséquence qui rejoignent les traductions « alors », « donc », « ainsi » et celle de sélection « à savoir >> .

Dans le sens de « à savoir »

Si nous essayons de traduire la suite précédente (1) avec « à savoir », l’énoncé en français ne sera pas acceptable. (5) Cathy men sralap kh pom. kh pom kq men sralap Cathy [Cathy + ne pas + aimer + moi. Je + kg + ne pas + aimer + Cathy]
—» ? Cathy ne m’aime pas. À savoir, je ne l’aime pas.1
Il est fort probable que dans ce même énoncé, l’introduction de ka à travers les séquences (2), (3) et (4) puisse avoir les traductions équivalentes : « donc » au sens de « En conséquence » (Le Petit Robert, 2001); ou « alors » introduisant une conséquence et ayant comme synonyme « Dans ce cas », « Dans ces conditions », « En conséquence ». ka peut être également équivalent à « ainsi » introduisant une conclusion comme « Par conséquent ». Cette synonymie entre les trois traductions « alors », « donc » et « ainsi » proposées par Alain Daniel correspond au classement proposé par la Grammaire pédagogique du français d’aujourd’hui (Graficor, 1999) qui range ces trois termes dans la catégorie des coordonnants à valeur consécutive.

SELON « LA GRAMMAIRE DU KHMER MODERNE » DE KHIN SOK:

Diversité sémantique, contextuelle et syntaxique de la particule ka:

Dans son ouvrage Grammaire du khmer moderne, Khin Sok (1999) ne fait pas une étude approfondie de la particule ko en tant que tel, mais c’est une étude qui fournit des remarques intéressantes sur le terme dans différentes parties de son ouvrage. Cependant, nous pouvons y trouver les valeurs contestables ci-dessous dont les dénominations ont été proposées par Khin Sok :
– Valeur temporelle : ko marque une suite chronologique du récit
– Valeur de renchérissement
– Valeur de conséquence
– Valeur de similitude
– Valeur de réciprocité
– Valeur de comparaison d’égalité d’une même action ou qualité
– Valeur d’addition
– Valeur d’exclusion ou de correction (p. 16)
– Valeur de concession
Les énoncés suivants tirés de la Grammaire en khmer moderne peuvent nous montrer une diversité sémantique, contextuelle et syntaxique.

ka est adverbe et employé seul sans combinaison avec d’autres particules:

Dans les exemples ci-dessous tirés de son livre, l’auteur affirme que ka y est employé seul sans être en combinaison avec d’autres particules. Il est alors adverbe indiquant que le procès est en rapport avec un autre. Ce rapport peut exprimer :

Valeur temporelle : ka marque une suite chronologique du récit (9) koat teji num ha3Jkq tewph tsah
[il + acheter + gâteau + déjà + J<g + aller + maison]
—» Après avoir acheté le gâteau, il est rentré à la maison .

Valeur de renchérissement
( 10) loik nijej bararj kg kh
jiom sdap bain
[vous + parler + français + ka_+ je + comprendre]
—» Même si vous parlez français, je comprends.

Valeur de conséquence
(11) koat s?ap kh pom, kh jiom kg s?ap koat [il + détester + moi, + je + kg + détester + lui]
—» II me déteste, je le déteste aussi.
(Je le déteste parce qu’il me déteste en premier.)

Le mot « aussi » dans l’énoncé en français « II me déteste, je le déteste aussi » aurait dû être remplacé par « alors » et être traduit par « II me déteste, alors je le déteste ». Il ne faut pas confondre cet « alors » à valeur conséquencielle avec celui à valeur de similitude que Khin Sok mentionne dans une autre partie de son ouvrage pour renvoyer à un des emplois de ko en combinaison avec das (littéralement traduit par « aussi »).

ASPECTS THÉORIQUES ET MÉTHODOLOGIQUES:

L’APPLICATION DU TERME « PARTICULE »:

Notre étude de la particule ka en cambodgien se base sur différents aspects théoriques et méthodologiques qui tentent d’associer la syntaxe, la sémantique, renonciation et la pragmatique. Notre travail cherche à déterminer les caractéristiques syntaxiques, sémantiques et pragmatiques de la particule ka.

Caractéristiques générales de la particule ka
Pour commencer notre travail sur ka, nous utilisons le terme « particule », qui est un peu vague, pour indiquer ka dans notre analyse. Le khmer, ou cambodgien, est une langue riche en particules. Chaque particule a ses caractéristiques particulières. Une particule peut être unité lexicale portant un sens plein ou unité grammaticale. Elle peut aussi être particule discursive ou énonciative (Sylvain Vogel, 1997) (Ex. : tew est verbe et traduit par « aller », adjectif traduit par « allant vers », préposition de déplacement, particule d’impératif lorsqu’il est précédé par un verbe d’action tel que jiam tew traduit par «mange!

elon le Larousse Dictionnaire linguistique (1974), une «particule» est un morphème grammatical non autonome, qui forme avec un morphème lexical une unité accentuelle ou un mot. Sous le nom de  « particules », on regroupe souvent les affixes, les conjonctions de coordination, les adverbes négatifs (« ne » en français, par exemple), les propositions (« de » en français, par exemple).

Dans Les particules énonciatives en russe contemporain (ERA 642, 1989), les particules sont considérées comme la trace de déterminations portant sur la relation établie entre deux termes. Par termes, on entend aussi bien les arguments d’une même relation predicative que des termes appartenant à des relations différentes ou encore deux propositions : on retrouve le parallélisme mentionné ci-dessus entre le plan intraénoncé et le plan interénoncé. Lorsque la relation est saturée par les termes en présence (la relation est dite « nécessaire »), les termes sont construits comme totalement solidaires et aucun autre terme n’est envisagé ou envisageable. Lorsque la relation n’est pas saturée (elle est dite « impossible »), d’autres termes qui forment le présent recueil témoigne de la très grande complexité des phénomènes enjeu.

Le rapport de sélection de P ou de Q:

En français, nous pouvons avoir « ou » et « ou bien » dont l plupart des locuteurs ne font pas la différence que feraient les spécialistes en sémantique, ou lexicographie. En cambodgien, nous avons ri: « ou » et ri: ka « ou bien » que nous considérons pour l’instant comme équivalents de « ou » et « ou bien » du français sur plan syntaxique autant que sémantique. Il faut donc une comparaison systématique de ces quatre signifiants dans les deux langues. Pour l’instant, nous tentons de voir des effets de la particule ka sur ri: dans ri: ka, Ex. 6 : Situation : Dara doit faire un choix parmi les deux propositions de Vuthy : aller au cinéma ou aller au restaurant. Sa question est la suivante : Vuthy : Dara, ?asrj car/ tew me:/ kon ri: ka tewph oc9nej9th a:n? (Dara, + tu + vouloir + aller + voir + film + ou + ka + aller + restaurant)?

–» Dara, tu veux aller au cinéma ou bien au restaurant ? Ici, l’explication de la particule ka pourrait être la conclusion de ce que nous avons abordé plus haut. Jusqu’ici, la particule ka est un connecteur horizontal avec une valeur argumentative. Il enchaîne généralement deux séquences dans l’ordre « El puis E2 » de même nature et de même fonction. Ce qui signifie que les deux choix proposés à Dara sont aussi dans l’ordre El et E2. Dara devrait savoir qu’il est placé devant deux choix dont l’un précède l’autre. Vu thy qui les lui propose souhaite que Dara réfléchisse bien sur le premier choix, ou en prenne bien compte, avant d’aller au deuxième. Il s’agirait donc d’une bonne décision puisque Dara doit les vérifier l’un après l’autre.

Enfin, nous pouvons dire que la particule ka dans 2, 3 et 4 nous donne l’impression que le locuteur a fait une espèce de présupposition du fait qu’il considère la question posée comme une proposition (dans Ex. 2) dans laquelle il voit une valeur proposée (celle qui précède ka dans sa réponse). Dans sa séquence (2, 3 ou 4), le locuteur affirme cette valeur proposée de nouveau dans son premier énoncé (E1=A) puis l’enchaîne au deuxième énoncé E2 qui peut être la reprise d’un terme du El ou un autre mot ou groupe de mots et qui porte la valeur d’acceptation qui en possède plusieurs degrés en fonction de la nature deE2.

CONCLUSION:

Dans cette étude exploratoire des valeurs et emplois de ko en cambodgien comtemporain, selon notre champ d’étude qui se limite à observer seulement la présence et l’absence de ko dans un énoncé de P = El ka E2 où ko n’a pas de lien grammatical ou sémantique avec d’autres particules telles que \\a3J, ?3j, daoj, pontas, etc.; nous avons pu en constater une variation de traductions dans les contextes suivants :
• Conséquence (« donc », « alors », « aussi »)
• Sélection (« à savoir », « ou bien »)
• Renchérissement (« même si… »)
• Similitude (« aussi »)
• Réciprocité (« aussi »)
• Égalité d’une même d’action ou qualité (« ainsi que »)
• Addition (« en plus »)
• Exclusion ou correction (« malgré tout »)
• Concession (« bien que »)
La traduction de la particule ko est conditionnée aux valeurs contextuelle, syntaxique, sémantique ou pragmatique.

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Table des matières

INTRODUCTION 
1.1. GÉNÉRALITÉS DE LA LANGUE CAMBODGIENNE 
1.2. ÉCRITURE ET ALPHABETS
1.3. QUELQUES ILLUSTRATIONS SYNTAXIQUES DES PHRASES CAMBODGIENNES
2. ÉTAT DE LA QUESTION SUR LA PARTICULE ka 
2.1. SELON LE DICTIONNAIRE KHMER-FANÇAIS D’ALAIN DANIEL
2.1.1. Valeurs de conséquence
2.1.1.1. Dans le sens de « alors »
2.1.1.2. Dans le sens de « donc »
2.1.1.3. Dans le sens de « ainsi »
2.1.2. Dans le sens de « à savoir »
2.1.3. Valeurs de sélection plutôt que celle d’explication : « à savoir »
2.2. SELON « LA GRAMMAIRE DU KHMER MODERNE » DE KHIN SOK
2.2.1. Diversité sémantique, contextuelle et syntaxique de la particule ka
2.2.2. ka est adverbe et employé seul sans combinaison avec d’autres particules
2.2.2.1. Valeur temporelle : ka marque une suite chronologique du récit
2.2.2.2. Valeur de renchérissement
2.2.2.3. Valeur de conséquence
2.2.2.4. Valeur de similitude
2.2.2.5. Valeur de réciprocité
2.2.2.6. Valeur de comparaison d’égalité d’une même action ou qualité
2.2.2.7. Valeur d’addition
2.2.2.8. Valeur d’exclusion ou de correction : dans un sens de « malgré tout » ou « quoi qu’on en pense ou dise »
2.3. ka EN COMBINAISON AVEC D’AUTRES PARTICULES : COMPOSITION DE LA PHRASE COMPLEXE
2.3.1. La locution conjonctive kapontae
2.3.2. Dans la concession
3. AUTRES EMPLOIS DE ka N’AYANT PAS ÉTÉ PRIS EN COMPTE 
3.1. ÉTONNEMENT FACE À UN FAIT INHABITUEL
3.2. DANS LES STRUCTURES DE PHRASE EXCLAMATIVE
3.3. L’EXPRESSION ka ba:n
4. PRÉCISION DU CHAMP D’ÉTUDE DE LA PARTICULE ka 
4.1. REDÉFINITION DES LIMITES DU TRAVAIL
4.2. ILLUSTRATION DES CONTEXTES DISTRIBUTIONNELS D’ANALYSE
4.2.1. Impossibilité d’employer ka seule
4.2.2. Présence de ka dans un énoncé
4.2.3. Présence de kaen combinaison avec d’autres marqueurs
4.3. EMPLOIS DE ka EXCLUS DE NOS CHAMPS D’ÉTUDE
5. CORPUS ET SOURCES DE DONNÉES 
6. TRANSCRIPTION PHONÉTIQUE, POLICES ET SIGNES DIACRITIQUES 
7. ASPECTS THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIQUE 
7.1. L’APPLICATION DU TERME « PARTICULE »
7.2. QUE DIT-ON DE LA PARTICULE ka?
7.3. LA VALEUR UNITAIRE OU LA POLYSÉMIE
7.4. LA PRAGMATIQUE
7.5. L’ÉNONCIATION : LINGUISTIQUE DES OPÉRATIONS ÉNONCIATIVES DE CULIOLI
8. ANALYSE DE LA PARTICULE Ara 
8.1. L’IMPOSSIBILITÉ D’EMPLOYER ka SANS UN RAPPORT DE DÉPENDANCE
8.2. DU POINT DE VUE SÉMANTICO-SYNTAXIQUE, LA PARTICULE ka ENCHAÎNE LES ÉLÉMENTS DE LA MÊME CATÉGORIE
8.2.1. P = SN1 kaSN2
8.2.2. P = SN kaSV
8.3. DU POINT DE VUE PRAGMATIQUE, LA PARTICULE ka ENCHAÎNE P ET Q 8
8.3.1. La relation de causalité P —» Q
8.3.2. Le rapport temporel de P et Q
8.3.3. Le rapport de condition P — » Q
8.3.4. Le rapport de simultanéité de P et Q
8.3.5. Le rapport de sélection de P ou de Q
8.4. L’EXPRESSION ka ba:n
9. CONCLUSION

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