Généralité sur les propriétés hydro-thermiques des bétons
Le transfert thermique dans un béton est plus complexe que dans les autres matériaux parce que non seulement le béton est un matériau composite, mais de surcroît les matériaux composants le béton sont des milieux poreux. La structure du béton correspond à la topologie particulaire où une phase (la matrice) en contient d’autres (pores ou inclusions). Chaque phase poreuse du matériau est considérée comme un système d’hétérogénéités composant une matrice solide et des pores interconnectés remplis d’un fluide (liquide ou gaz). La présence des pores perméables influence fortement le transfert de chaleur. Le phénomène peut être traité à l’échelle mésoscopique correspondant à une taille d’échantillon supérieure à celle des pores ou des inclusions. Nous renvoyons à l’ouvrage de Kaviany [KAV95] pour plus de détails sur la description du phénomène de transfert de chaleur. Les propriétés thermiques du béton sont influencées par la porosité et la structure amorphe ou cristallisée de chaque composant. Elles sont également fonction de la température et de la teneur en eau du matériau. La connaissance des propriétés thermiques est très importante pour l’utilisation des bétons d’isolation ou des bétons exposés à des chargements thermiques sévères.
Sensibilité des matériaux à l’humidité
Dans le béton, l’eau intervient dès la fabrication pour d’une part contribuer à la réaction chimique, et d’autre part apporter une consistance adéquate au béton frais. Après le durcissement, l’eau devient un constituant du béton. Elle continue à contribuer à la réaction pouzzolanique et joue un rôle important dans le comportement mécanique et thermique du béton. Dans le béton durci, l’eau se présente sous trois états différents :
• L’eau chimiquement liée contribue à l’hydratation du liant et fait partie de la structure des hydrates sous forme d’eau hydroxylique.
• L’eau adsorbée est physiquement liée à la surface des pores solides sous l’action de forces intermoléculaires et de forces électrostatiques. Il en existe deux formes : l’eau adsorbée à la surface des particules CSH (inter-lamellaire) et l’eau fixée entre les feuillets des particules CSH (inter-feuillet) [BAR 94] [BIL04].
• L’eau libre de forme l’eau capillaire est liée au solide par des forces de tension superficielles. L’eau libre existe aussi sous forme condensée dans les espaces intergranulaires et dans le volume poreux au-delà de la couche adsorbée des molécules.
Le béton durci à température et à humidité ambiantes est soumis à l’adsorption ou à la désorption en fonction de l’humidité relative de l’air. A température fixée, le nombre de molécules de vapeur d’eau adsorbées sur la surface d’un solide dans l’air humide est une fonction croissante de la pression partielle, donc de l’hygrométrie. Les énergies de liaison (d’adsorption) de ces diverses couches d’eau diminuent avec la distance au solide. L’eau est dans un état intermédiaire entre solide et liquide. Au-delà d’une certaine humidité, l’accroissement d’épaisseur de la couche adsorbée conduit à une condensation de l’eau dans les pores. C’est dans les pores les plus fins que ce phénomène est le plus important puisque ce sont eux qui présentent le rapport surface/volume le plus élevé.
Ce phénomène est étudié par le tracé des courbes de sorption. La courbe d’isotherme d’adsorption est obtenue par des mesures sur des échantillons secs et la courbe d’isotherme de désorption sur des échantillons saturés. Le principe de la mesure consiste à déterminer la teneur en eau des échantillons, en les disposant dans des ambiances de différentes humidités relatives (HR) et de température fixée. Pour chaque valeur de HR, l’équilibre thermodynamique du matériau doit être atteint pour la mesure de la teneur en eau. L’obtention de ces différentes HR peut reposer sur le principe des solutions salines saturées (cf. NF X 15-014 et 15-119) ou sur l’utilisation d’une enceinte climatique.
L’adsorption/désorption se manifeste par la formation/détachement de couches d’eau sur la surface des pores du matériau. Cela est dû à l’action des molécules d’eau en phase gazeuse mises en contact avec la surface développée du matériau.
Selon [SIN85], les isothermes de sorption peuvent être divisées en six types illustrés par la Figure I-5a. Les courbes d’isotherme correspondant le plus aux bétons sont celles du type II et IV [HAN11], [BIL 04] [BAR 94]. Le type II correspond à un matériau non poreux ou macroporeux. Cette isotherme est caractéristique d’une adsorption monocouche puis multicouche. Le point B indique la fin de l’adsorption monocouche et le début de l’adsorption des molécules sur la monocouche initiale (épaississement progressif de la couche adsorbée). Le type IV d’isotherme est rencontré dans plusieurs matériaux mésoporeux. Il présente une boucle d’hystérésis entre l’adsorption et la désorption qui est associée à une condensation capillaire dans les mésopores. La partie initiale est attribuée à l’adsorption monocouchemulticouche (comme dans le type II). La partie d’hystérésis apparait lorsque l’espace poreux résiduel restant après l’adsorption multicouche se remplitpar condensation. Cette phase condensée est alors séparée de la phase gazeuse par des ménisques.
Bien que les effets des divers paramètres affectant le phénomène d’hystérésis de sorption ne soient pas entièrement compris, l’hystérésis est souvent expliquée par la structure des pores et par le phénomène de condensation capillaire non-réversible,précédé d’une adsorption multicouche [GRU01]. De nombreux adsorbants poreux ont tendance à donner des boucles de type H2, mais dans de tels systèmes la distribution de la taille des pores et la formen’est pas bien définie. D’après Baroghel-Bouny [BAR 94], le type d’hystérésis qui correspondraitaux matrices cimentaires ordinaires est le type H2. L’étude de Haniche [HAN11] a donné une courbe d’hystérésis de type H2 sur un béton à hautes performances ayant un rapport E/C de 0,36 et un dosage en ciment de 450 kg/m3 . Néanmoins, en fonction de divers paramètres tels que le rapport E/C, les types H3 et H4 peuvent être également rencontrés. Par exemple, Ballard [BAL04] a relevé des courbes d’hystérésis de type H3 sur un béton ordinaire avec un rapport E/C de 0,64 et un dosage en ciment de 285 kg/m3.
Influence de la porosité et de la teneur en eau
La conductivité thermique du béton dépend de celles de la pâte de ciment, des granulats et de leurs proportions. La porosité et la teneur en eau influent fortement sur la conductivité thermique de la pâte de ciment et des granulats, donc sur celle des bétons de granulats légers [CHA02], [CLA93], [MIN03]. Plus la teneur en eau est élevée, plus l’eau pénètre dans les pores ouverts du béton (dans les granulats, la pâte de ciment ou à ’interface entre les granulats et la pâte de ciment). Comme la conductivité thermique de l’eau est plus élevée que celle de l’air, le transfertthermique par conduction augmente. Mindess a présenté dans son ouvrage [MIN03] la dépendance de la conductivité thermique des bétons à leur masse volumique et teneur en eau . Le matériau avec une porosité plus importante contient plus d’air et est un meilleur matériau d’isolation. Une teneur en eau de 10% conduit à une augmentation de conductivité du béton d’environ 60% pour une masse volumique de 1600 kg/m3 . Cette valeur diminue avec la masse volumique.
Influence de la température
La conductivité thermique du béton est influencée par la température [NEV00]. La conductivité thermique augmente jusqu’à la température de 50-60°C avant de diminuer fortement jusqu’aux températures 120-140°C à cause du départ de l’eau puis commence à se stabiliser. Cette observation est partagée par d’autres auteurs. L’étude de [MAR70] a montré que la conductivité thermique du béton composé de granulats siliceux (quartz) augmente avec la température ambiante et atteint un pic vers 60-80°C . Kim [KIM03] a également remarqué une augmentation de la conductivité du béton ordinaire pour des températures variant de 20 à 60°C. La dépendance de la conductivité thermique du béton à la température ambiante est expliquée par la présence de l’eau dans le béton [NEV00], [MAR70]. En effet, comme la conductivité thermique de l’eau augmente avec la température, celle du béton augmente également. Le départ de l’eau libre du béton se produit avec la montée de la température jusqu’à 80°C puis l’eau adsorbée commence à s’échapper du béton. Le départ de l’eau conduit à la diminution de la conductivité thermique du béton. Cela explique l’évolution de la courbe conductivité thermique – température vers 60°C.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre I : Etude bibliographique
1. Préambule : contexte général de l’étude
1.1. Réglementation thermique
1.2. Isolation thermique dans le bâtiment
1.3. Béton léger dans la construction
2. Phénomènes de transfert de chaleur
2.1. Modes de transfert de chaleur
2.2. Transfert thermique dans un milieu poreux
2.3. Mesure des propriétés thermiques
3. Propriétés des granulats légers
3.1. Classification
3.2. Composition chimique des granulats légers
3.3. Structure poreuse des granulats légers et capacité d’absorption d’eau
4. Généralité sur les propriétés hydro-thermiques des bétons
4.1. Sensibilité des matériaux à l’humidité
4.2. Influence de la porosité et de la teneur en eau
4.3. Influence de la température
5. Propriétés thermiques des bétons de granulats légers
5.1. Influence de la composition de la matrice cimentaire
5.2. Influence de la nature des granulats
5.3. Influence des additions minérales
5.4. Influence de la fraction volumique des granulats légers
6. Propriétés mécaniques des bétons de granulats légers
6.1. Influence des caractéristiques des granulats
6.2. Influence du rapport E/C et l’absorption d’eau des granulats
6.3. Influence du dosage en ciment
6.4. Influence des additions minérales
6.5. Influence de la fraction volumique des granulats légers
6.6. Paramètres affectant le module d’élasticité
7. Conclusion
Chapitre II : Méthodologie expérimentale et caractérisation des granulats et bétons légers
1. Caractéristiques des matériaux utilisés
1.1. Ciment
1.2. Fumée de silice
1.3. Adjuvant
1.4. Granulats
1.4.1. Composition chimique et minéralogique
1.4.2. Granulométrie
1.4.3. Masse volumique
1.4.4. Absorption d’eau et porosité accessible à l’eau
2. Préparation des échantillons de bétons
2.1. Méthodologie expérimentale
2.2. Formulations des bétons
2.3. Procédure de fabrication
2.4. Propriétés du béton frais
3. Essais sur les bétons de granulats légers
3.1. Propriétés physiques du béton durci
3.2. Mesure des propriétés mécaniques
3.2.1. Résistance en compression
3.2.2. Module d’élasticité dynamique par mesure de la vitesse de propagation des ultrasons
3.3. Mesure des propriétés thermiques
3.3.1. Démarche et conditionnement
3.3.2. Sensibilité à l’humidité
3.3.3. Propriétés thermiques mesurées dans l’enceinte climatique
3.3.4. Propriétés thermiques mesurées dans le four du Hot Disk
3.3.5. Synthèse des mesures thermiques réalisées
4. Conclusion
Chapitre III : Comportement thermique des bétons de granulats légers
1. Propriétés thermiques des bétons secs à 20°C
1.1. Influence de la fraction volumique de sable léger
1.2. Influence de la nature des granulats
1.3. Influence de la composition du liant
2. Propriétés thermiques des bétons à différents états hydriques
2.1. Influence du degré de saturation
2.2. Influence de la nature des granulats
2.3. Influence de la composition du liant
3. Propriétés thermiques des bétons à différentes températures ambiantes
4. Homogénéisation du comportement thermique
4.1. Comportement thermique équivalent
4.2. Modèle d’homogénéisation d’un matériau multi-phases polydisperses
4.2.1. Modèle de Mori-Tanaka
4.2.2. Modèle auto-cohérent généralisé
4.2.3. Modèle différentiel
4.2.4. Procédure d’homogénéisation multi-étapes
4.3. Identification de la conductivité thermique des granulats légers
4.3.1. Procédure d’inversion
4.3.2. Conductivité thermique des gravillons
4.3.3. Conductivité thermique des sables
4.4. Prédiction des conductivités thermiques des bétons légers
4.5. Analyse des flux thermiques microscopiques
5. Application des bétons de granulat léger à une enveloppe du bâtiment
5.1. Configurations de l’étude
5.2. Modélisation du problème de transfert thermique
5.2.1. Equations
5.2.2. Données matériaux
5.2.3. Données météorologiques
5.3. Résultats et discussion
5.3.1. Cas du mur non-isolé – Chaleur transférée
5.3.2. Cas du mur isolé – Caractéristiques harmonisées
6. Conclusion
Chapitre IV : Comportements mécanique et thermomécanique des bétons de granulats légers
1. Résistance à la rupture des bétons de granulats légers
1.1. Influence de la proportion de sable léger
1.2. Influence de la nature de granulat
1.3. Influence de la composition du liant
2. Module d’élasticité dynamique des bétons de granulats légers
2.1. Influence de la proportion de sable léger
2.2. Influence de la nature de granulats
2.3. Influence de la composition du liant
3. Optimisation des comportements mécanique et thermique des bétons légers
4. Homogénéisation du comportement mécanique
4.1. Problème d’inclusion d’Eshelby
4.2. Comportement équivalent d’un matériau multi-phases polydisperses
4.2.1. Modèle de Mori-Tanaka
4.2.2. Modèle auto-cohérent généralisé
4.2.3. Modèle différentiel
4.3. Contraintes microscopiques sous chargement de compression uniaxiale
4.4. Identification des propriétés mécaniques des granulats légers
4.4.1. Modules d’élasticité
4.4.2. Résistance à la rupture
4.5. Prédiction des propriétés mécaniques des bétons de granulats légers
4.5.1. Module d’élasticité équivalent
4.5.2. Résistance en compression
5. Homogénéisation du comportement thermoélastique
5.1. Coefficient de dilatation thermique et capacité thermique équivalents
5.2. Sensibilité des propriétés équivalentes des bétons de granulats légers
5.2.1. Coefficient de dilatation thermique
5.2.2. Capacité thermique volumique
5.3. Identification des capacités thermiques des granulats
5.4. Prédictions des capacités thermiques des bétons légers
6. Conclusion
Conclusions