La cysticercose est une maladie causรฉe par les cysticerques, des larves de tรฉnia ร leur dernier stade, prenant la forme dโune petite vรฉsicule translucide pleine de liquide sรฉreux. La cysticercose ou ladrerie, est liรฉe ร la prรฉsence chez l’homme ou le porc, de la forme larvaire de Tรฆnia solium : Cysticercus cellulosae.
Les cysticerques pourraient envahir tous les organes du corps humain. Une fois ingรฉrรฉs, ils se transforment en embryons qui traversent la muqueuse de lโintestin. Ils empruntent ensuite la circulation sanguine avant de migrer vers certains organes oรน ils se transforment en larves. Les cysticerques ont une prรฉdilection pour le cerveau et pour les muscles, mais peuvent aussi toucher lโลil, les poumons ou la peau. Ils se calcifient dans les tissus envahis oรน ils forment des kystes (FIGARO., 2014). Ils sont le plus souvent localisรฉs dans les tissus sous-cutanรฉs, du cou et du thorax, dans les muscles orbitaires et lโลil, et le cerveau (cortex, ventricule, espace sous-arachnoรฏdien). Les symptรดmes peuvent apparaรฎtre quand la larve sโest dรฉveloppรฉe, soit un minimum de 60 jours aprรจs lโinfection.
La forme clinique de la cysticercose est liรฉe ร la localisation de la larve. Lโรฉpilepsie et les crises convulsives sont dominantes dans le cas de la neurocysticercose qui est une pathologie dโorigine parasitaire la plus frรฉquente et la plus grave du systรจme nerveux humain dans le monde. Les troubles de la vision peuvent aboutir ร la cรฉcitรฉ, gรฉnรฉralement rapportรฉe pour la cysticercose oculaire. Dans les muscles et les rรฉgions sous-cutanรฉes, les kystes provoquent un ลdรจme ou crรฉent des nodules sous la peau.
Cette maladie est liรฉe aux mauvaises conditions dโhygiรจne et au pรฉril fรฉcal. La cysticercose est actuellement une maladie des pays en voie de dรฉveloppement (PED), oรน sa frรฉquence est encore largement sous-estimรฉe (AUBRY., 2013). Elle est actuellement rapportรฉe en Amรฉrique centrale et en Amรฉrique du sud (Mexique, Guatemala, Equateur, Honduras, Bolivie, Pรฉrou, Brรฉsil), en Afrique (Sรฉnรฉgal, Bรฉnin, Cรดte d’Ivoire, Togo, Ghana, Burkina-Faso, Nigรฉria, RDC, Cameroun, Burundi, Kenya, Rwanda, Tanzanie, Ouganda, Mozambique, Zimbabwe, Afrique du sud), dans l’ocรฉan Indien (Madagascar) et en Asie (Indonรฉsie, Inde, Vietnam, Cambodge, Laos, Corรฉe, Chine, Nรฉpal, Mongolie, Philippines, Myanmar). Elle a รฉtรฉ รฉradiquรฉe en Europe au dรฉbut du XXe siรจcle, sauf dans quelques pays de l’Europe de l’Est et au Portugal (ROMAN et al., 2000). La figure 1 reprรฉsente cette rรฉpartition gรฉographique.
GENERALITE SUR LA CYSTICERCOSE
Historique
La ladrerie porcine a รฉtรฉ dรฉjร identifiรฉe depuis lโAntiquitรฉ, dรฉnommรฉe Voavary ร Madagascar. Dans lโAntiquitรฉ, Hippocrate (460-380 av. JC) distinguait dรฉjร trois sortes de vers parasites humains : les vers plats, ronds et les ascarides. La premiรจre catรฉgorie correspond aux cestodes (tรฉnias), dont Hippocrate dรฉcrit la trรจs grande longueur, lโexpulsion par anneaux et รฉgalement les segments remplis des ลufs. Dans son Historia animalium, Aristote (384-322 av. JC) qui peut รชtre considรฉrรฉ comme le fondateur de la parasitologie, est le premier ร dรฉcrire la ladrerie ou cysticercose du porc, en particulier au niveau de la langue. Un cas de cysticercose a รฉtรฉ dรฉcrit chez une momie รฉgyptienne qui a vรฉcu pendant la pรฉriode Ptolรฉmaรฏque (305-30av. JC) (BRUSCHI et al., 2006).
Cโest seulement en 1558 que fut dรฉcrite pour la premiรจre fois la cysticercose humaine par Rumler. Lโitalien Marcello Malpighi (1628-1694), fondateur de lโanatomie microscopique, fit une description du scolex des tรฉnias en 1681 et de la larve de T. solium en รฉtablissant clairement la relation entre les deux stades en 1687. Nicolas Andry (1658-1742), mรฉdecin lyonnais et รฉgalement parasitologue, publia un traitรฉ de la gรฉnรฉration des vers chez lโhomme. Il divise les vers humains en 14 catรฉgories selon leur localisation dans le corps. Le vรฉritable fondateur de lโhelminthologie est lโAllemand Karl Asmund Rudolphi (1771-1832). Il nomma le stade larvaire du T. solium, Cysticercus cellulosae, du fait de sa diffusion dans les tissus sous-cutanรฉs. Il faut attendre le XIXรจme siรจcle pour que soit dรฉmontrรฉ expรฉrimentalement que le cysticerque de porc est la forme larvaire du T. solium.
A Madagascar, oรน persistent des conditions dโhygiรจnes dรฉfectueuses (MONTEIRO et al., 1992 ; SENANAYAKE et al., 1993), les premiers cas y furent dรฉcrits au dรฉbut du XXรจme siรจcle, plus prรฉcisรฉment en 1901. Sur 63 488 sujets examinรฉs entre 1954 et 1984 (ROBINSON., 2001), le laboratoire dโanatomie pathologique de lโInstitut Pasteur de Madagascar (IPM) a diagnostiquรฉ 167 cas de cysticercose avec des localisations diverses (lรจvres, langue, anus, myocarde) et une faible frรฉquence des localisations cรฉrรฉbrale (1 cas) et oculaire (6 cas). Vingt-quatre pour cent des sujets avec cysticercose confirmรฉe รฉtaient รขgรฉs de moins de 10 ans (COULANGES et al., 1985). Une รฉtude rรฉalisรฉe en 1993 sur 1408 personnes รขgรฉes de 15 ans et plus, issues des 6 provinces du pays, a mis en รฉvidence une sรฉroprรฉvalence moyenne de la cysticercose de 18% par la seule technique ELISA utilisant des antigรจnes bruts de cysticerques (MICHEL et al., 1993).
Classification, morphologie et cycle du Tรฆnia solium
Classification et morphologie
Tรฆnia solium est un ver plat segmentรฉ appartenant au rรจgne des ANIMALIA, ร lโembranchement des PLATHELMINTHES, ร la classe des CESTODA, sous-classe dโEUCESTODA, ordre des CYCLOPHYLLIDEA, et ร la famille de TAENIDAE (BRYAN., 1999). Cโest un parasite humain de l’intestin grรชle, sa longueur varie de 1 ร 8 m, son scolex est sphรฉrique, dโun diamรจtre de 1 mm, avec 4 ventouses arrondies et un rostre court muni d’une double couronne de crochets (tรฉnia armรฉ). Les crochets sont au nombre de 22 ร 32 avec alternance de gros (160 ร 180 ฮผm) et de petits crochets (110 ร 140 ฮผm).
Cycle du Tรฆnia solium
La cysticercose se produit quand des ลufs de T. solium pรฉnรจtrent dans l’estomac par lโintermรฉdiaire de la nourriture ou de l’eau contaminรฉs par des matiรจres fรฉcales humaines infectรฉes. En outre, les personnes porteuses de tรฉnias adultes dans lโintestin (tรฉniasis), qualifiรฉes de hรดtes dรฉfinitifs, peuvent aussi sโauto infecter elles-mรชmes par la cysticercose en vomissant, ce qui refoule des ลufs dans lโestomac. Quand les ลufs reviennent dans lโintestin, ils รฉclosent et migrent par voie sanguine dans les muscles squelettiques, le cลur, l’ลil et mรชme le cerveau et la moelle รฉpiniรจre. Une fois en place, ils forment de petits kystes encapsulรฉs avec un seul scolex invaginรฉ dans une vรฉsicule remplie de liquide contenant le ver. Par contre, les ลufs ou les proglottis gravides du vers sont rejetรฉs vers lโextรฉrieur avec les matiรจres fรฉcales puis ingรฉrรฉs par les porcs, qualifiรฉs dโhรดtes intermรฉdiaires, et forment des cysticerques aprรจs รฉclosion avant de sโenkyster dans les muscles. Lโhomme peut รชtre infestรฉ par ingestion de viande de porcs crue ou mal cuite. Une fois arrivรฉs au stade adulte, les vers vont se loger dans lโintestin .
Mode de transmission
Lโhomme peut contracter la taeniase en ingรฉrant des cysticerques contenus dans la viande de porc crue ou insuffisamment cuite (ROUSSET., 1995). Lโinsuffisance dโinspection rรฉelle de la viande de porc crue ou mal cuite sont des facteurs favorisant lโinfestation de lโhomme (ZOLI., 1992).
Lโinfestation du porc est facilitรฉe par les conditions dโhygiรจnes dรฉfectueuses, et notamment la dรฉfaillance des systรจmes primitifs de lโรฉlevage, oรน les porcs ont facilement accรจs aux fรจces humains (CRUZ et al., 1989). En effet, dans la plupart des rรฉgions endรฉmiques, les latrines sont inexistantes (FLISSER et al., 1988), dโoรน les gens font leurs besoins dans la nature. Lโhomme peut รฉgalement contracter la cysticercose par lโingestion dโลufs de T. solium contenus dans des aliments ou de lโeau contaminรฉs, ou mรชme par auto-infestation (SARTI et al., 1994). Lโauto infestation peut survenir ร la suite dโingestion accidentelle dโลufs de T. solium par les mains sales (dรฉfaut dโhygiรจne) (OVERBOSCH et al., 2002).
Symptรดmes de la cysticercose
Une fois ingรฉrรฉs, les cysticerques se transforment en embryons qui traversent la muqueuse intestinale. Ils empruntent ensuite la circulation sanguine avant de migrer vers certains organes oรน ils se transforment en larves. Les cysticerques touchent principalement le cerveau mais peuvent aussi affecter dโautres organes tels que les muscles, lโลil, les poumons ou la peau . Ils se calcifient dans les tissus envahis oรน ils forment des kystes. Les manifestations de la cysticercose dรฉpendent de lโorgane touchรฉ, mais cโest principalement sous forme neurologique quโelle se prรฉsente. La cysticercose cรฉrรฉbrale, ou neurocysticercose, se traduit par des crises dโรฉpilepsie. Celles-ci sont parfois associรฉes ร des cรฉphalรฉes, des nausรฉes et des vomissements. Une encรฉphalite se voit parfois chez les personnes infestรฉes. Dโautres signes neurologiques sont possibles comme la mรฉningite, lโhydrocรฉphalie (SORVILLO et al., 2007) . La cysticercose peut aussi se manifester par des signes oculaires avec une atteinte de diffรฉrentes parties de lโลil, des signes musculaires et cutanรฉs, ou plus rarement, des signes pulmonaires. Concernant la cysticercose oculaire, les lรฉsions concernent principalement le vitrรฉ et la rรฉtine, mais rarement les autres parties de lโลil comme lโiris ou le cristallin. Si elle nโest pas traitรฉe, cette forme peut รฉvoluer vers la cรฉcitรฉ. Une myopathie peut se dรฉvelopper lorsque les kystes musculaires sont nombreux. Les kystes formรฉs sous la peau entraรฎnent la formation de nodules. La prรฉsence de larves dans les bronches peut se manifester par le crachement de sang lors de la toux (hรฉmoptysies).
|
Table des matiรจres
INTRODUCTION
I- GENERALITES
I-1 GENERALITE SUR LA CYSTICERCOSE
I-1-1 Historique
I-1-2 Classification, morphologie et cycle du Tรฆnia solium
I-1-2-1 Classification et morphologie
I-1-2-2 Cycle du Taenia solium
I-1-3 Mode de transmission
I-1-4 Symptรดmes de la cysticercose
I-1-5 Mรฉthodes de diagnostics
I-1-5-1 Diagnostic direct
– Biopsie
I-1-5-2 Diagnostic indirect
– Imagerie
– Tests immunologiques
Mรฉthodes de dรฉtection des anticorps
Mรฉthodes de dรฉtection dโantigรจnes
I-1-6 Immunopathogรฉnie
I-1-6-1 Rรฉponse cellulaire
I-1-6-2 Rรฉponse humorale
I-1-7 Traitements
I-1-8 Prรฉventions
II- MATERIELS ET METHODES
II-1 Types et cadre de lโรฉtude
II-2 Patients et รฉchantillons dโรฉtude
II-3 Recueil des donnรฉes
II-4 Critรจres dโinclusion et dโexclusion
II-5 Collecte des รฉchantillons et traitement des donnรฉes
II-6 Analyse des รฉchantillons de sรฉrum
II-6-1 La technique ELISA
II-6-1-1 Dรฉfinition
II-6-1-2 Principe gรฉnรฉral
II-6-1-3 Matรฉriels
II-6-1-4 Rรฉactifs fournis
II-6-1-5 Matรฉriels et รฉquipements requis
II-6-1-6 Les diffรฉrentes รฉtapes du test ELISA
II-6-1-7 Protocole du dosage
II-6-1-8 Critรจres de validation des rรฉsultats
II-6-1-9 Limites de la technique ELISA
II-6-2 Le Western blot ou EITB (Enzyme-linked Immunoelectrotransfer Blot)
II-6-2-1 Dรฉfinition
II-6-2-2 Principe
II-6-2-3 Matรฉriels et รฉquipements utilisรฉs
II-6-2-4 Rรฉactifs
II-6-2-5 Prรฉparation des protรฉines antigรฉniques et des sรฉrums
a) Protรฉines antigรฉniques
b) Sรฉrums ร tester
II-6-2-6 Protocole du dosage
II-6-2-7 Critรจres de validation des rรฉsultats
III- RESULTATS
III-1 La prรฉvalence de la cysticercose par le test ELISA
III-2 Rรฉsultats obtenus avec le test Western blot
III-3 Rรฉpartition selon le sexe et lโรขge
III-4 Caractรฉristiques cliniques
IV- DISCUSSIONS
CONCLUSION