Dans un contexte de réduction de la pression environnementale sur les énergies fossiles, le gaz naturel jouit d’un regain d’intérêt car c’est le combustible le moins polluant, comparativement à d’autres combustibles fossiles. En effet, le gaz naturel, constitué principalement de méthane, permet de « produire le plus d’énergie par kg avec le moins d’émission d’oxyde de carbone » [ROJ94].
La commercialisation du gaz naturel (GN) présente des difficultés non négligeables, principalement à cause de son transport qui nécessite la mise en place d’un réseau de conduites reliant les pays exportateurs aux pays importateurs. Cette solution n’est envisageable que s’il y a proximité terrestre entre les fournisseurs et les consommateurs. Le GN peut également être transporté par méthanier sous forme liquide. En effet, lorsque le GN est refroidi jusqu’à -162 °C à pression atmosphérique, il se transforme en gaz naturel liquéfié (GNL). La liquéfaction du gaz naturel réduit son volume de plus de 600 fois, ce qui est plus pratique pour le stocker ou le transporter. Ce mode de transport nécessite la mise en place de toute une chaîne de transport qui comprend principalement :
➤ le traitement du gaz naturel à l’extraction et son acheminement par gazoduc jusqu’au littoral
➤ la liquéfaction du gaz
➤ le stockage et le chargement des méthaniers
➤ l’acheminement par méthaniers
➤ la réception et le stockage du GNL
➤ la gazéification.
Nota : Le terme de gazéification est utilisé plutôt que celui de regazéification, puisque l’objet de la thèse est de minimiser les pertes exergétiques lors du passage de la phase liquide du méthane à sa phase gaz.
Une usine de liquéfaction consomme en moyenne 12 % du gaz entrant pour son propre fonctionnement. Cette étape constitue la partie la plus coûteuse d’une chaîne de GNL (plus ou moins 50 % des coûts selon le type d’installations développées). En 1992, les usines de liquéfaction dans le monde présentaient une capacité totale de 69,2 millions de tonnes par an [ROJ94]. Selon Ferschneider et Fischer [FER10], « en 2008, environ 200 millions de tonnes de gaz naturel ont été liquéfiées, dont 40 % dans des unités démarrées dans les années 2000. Les unités actuellement en construction permettront de produire 100 millions de tonnes supplémentaires », Legault [LEG07] prévoit plus de 400 millions de tonnes d’ici 2015.
Etat de l’art de la gazéification du GNL
Dans un terminal méthanier le Gaz Naturel Liquéfié (GNL) acheminé à -162 °C est comprimé à 90 bar au-dessus de sa pression critique (45,99 bar). Il passe ainsi de la phase liquide à l’état de gaz dense au passage du point pseudo-critique (température critique du méthane de -82,56 °C). Une fois vaporisé, le GNL gazeux est réchauffé à haute pression (90 bar) jusqu’à une température de 5°C pour être injecté dans le réseau de transport du gaz .
Les sources d’énergie thermique disponibles sur un terminal méthanier pour la gazéification du GNL sont :
● l’air ambiant
● la chaleur de combustion du gaz naturel
● l’eau de mer
● d’éventuels rejets thermiques industriels .
Dans l’état actuel de la technologie, les systèmes de vaporisation les plus utilisés . sont :
➤ la vaporisation par échange de chaleur avec l’eau de mer (Open rack vaporizers – ORV)
➤ la vaporisation par combustion submergée (Submerged combustion vaporizers – SCV) .
Auxquels s’ajoutent :
➤ la vaporisation par fluide intermédiaire (Intermediate fluid vaporizers – IFV)
➤ la vaporisation avec échangeurs tube et calandre (Shell-and-tube vaporizers – STV) .
D’autres technologies sont aussi à l’étude, tel l’Ambiant Air Vaporizer (AAV) qui a fait l’objet d’expérimentations à petite échelle, mais les difficultés à surmonter sont la dépendance à la température ambiante et la formation du givre. Certains pensent surmonter ces difficultés en utilisant les pertes thermiques disponibles au voisinage des sites de gazéification.
La vaporisation par combustion submergée (SCV)
Description du procédé
Le GNL est réchauffé en s’écoulant à travers un faisceau de tubes immergés dans un bain d’eau, qui est chauffé par la chaleur de combustion de gaz naturel. Le brûleur du système de vaporisation à combustion submergée émet des gaz chauds (produits de combustion) qui chauffent directement l’eau du bain par barbotage. L’air de combustion est introduit dans le brûleur à travers une volute qui donne à l’air un mouvement tourbillonnant. Il en résulte un mélange plus homogène avec les gaz de combustion. Le bain d’eau est généralement à une température comprise entre 12 et 18 °C. La vapeur d’eau issue de la combustion est condensée dans le bain, ce qui améliore l’efficacité thermique de la SCV.
Consommation énergétique de la SCV et son impact sur l’environnement
Pendant le fonctionnement, 1,5 à 2 % de la cargaison de GNL sont utilisés pour alimenter le brûleur, ce qui correspond à un coût d’exploitation très important. De plus, l’eau du bain devient acide car les produits de combustion sont absorbés lors du barbotage. Il est donc nécessaire de neutraliser les acides formés (soude caustique, carbonate de sodium, bicarbonate de sodium…). L’eau du bain doit être déconcentrée en sel ; ceci est effectué par un renouvellement partiel du volume d’eau qui doit être traité avant d’être rejeté. Enfin, la SCV produit des quantités importantes de gaz de combustion. Ceci requiert l’installation d’une technologie de contrôle de la pollution des gaz de combustion, qui vient se rajouter aux coûts de fonctionnement de la SCV.
En raison de l’importance de la quantité de gaz de combustion, les émissions de NOx et de CO2 ne sont pas à négliger, même si une émission de NOx de moins de 46 ppm est réalisable. La quantité de NOx peut encore être réduite à 5 ppm en utilisant le système de réduction catalytique sélective (SCR), mais il double le coût du système.
Les avantages de la SCV
La capacité thermique du bain d’eau est très importante, il est donc possible de maintenir un fonctionnement stable, même en cas d’arrêt soudain ou lors de fluctuations importantes de la charge. Ce système s’adapte rapidement à l’évolution de la demande en gaz naturel. De plus, la SCV est conçue pour utiliser du gaz combustible à basse pression provenant de l’évaporation des gaz de l’installation comme les gaz lourds (C2 et plus) extraits du GNL.
La vaporisation par échange de chaleur avec l’eau de mer (ORV)
Description générale de l’ORV
L’ORV utilise l’eau de mer comme source de chaleur. L’eau de mer entre dans le gazéifieur à partir d’un distributeur placé en hauteur, et s’écoule vers le bas sur la surface extérieure d’un faisceau de long tubes à ailettes, appelé panneau, à l’intérieur duquel le GNL se gazéifie par échange de chaleur ; l’eau de mer est recueillie en bas et renvoyée au large.
Le gazéifieur est constitué d’un alliage d’aluminium pour avoir de bonnes caractéristiques mécaniques à basse température, et une conductivité thermique élevée. Les panneaux sont extérieurement revêtus d’alliage de zinc, offrant une résistance à la corrosion due à l’eau de mer. L’eau de mer est chlorée afin de protéger la surface externe des tubes contre le bioencrassement et éviter la prolifération de végétaux marins dans les tuyauteries. L’ORV nécessite un entretien régulier (généralement annuel) au niveau de la surface des tubes à ailettes. En général, la température d’eau de mer minimale souhaitée est de 8 °C.
L’impact environnemental de l’ORV
La technologie ORV nécessite de véhiculer de grandes quantités d’eau de mer, ce qui pose des problèmes au niveau de l’écosystème marin. En effet, le refroidissement et le traitement chimique de l’eau de mer qui est renvoyée au large a des répercussions sur la vie marine par l’abaissement de la température et la dégradation de la qualité de l’eau. L’ORV n’émet pas de polluants atmosphériques directs ; seule la puissance électrique alimentant les pompes d’eau de mer est une source de pollution indirecte.
Avantages de l’ORV
L’avantage majeur de l’ORV est d’utiliser une source de chaleur renouvelable (l’énergie thermique des mers), donc comparée à la SCV, la gazéification par échange thermique avec l’eau de mer émet moins de dioxyde de carbone et de polluants atmosphériques. De plus, elle présente des coûts de fonctionnement moindres.
La vaporisation avec échangeurs tube et calandre (STV)
Le principe de cette technologie ressemble à celui de l’ORV en fonctionnement en boucle ouverte et à celui de l’IFV en fonctionnement en boucle fermée. En boucle ouverte, le GNL entre en bas du vaporiseur et remonte verticalement ou en plan incliné tout au long de l’échangeur pour accroître l’échange thermique. Le gaz naturel liquéfié passe à travers plusieurs tubes alors que l’eau s’écoule du côté de la calandre. La technologie STV en boucle ouverte présente les mêmes impacts environnementaux négatifs que ceux de l’ORV.
En boucle fermée, un fluide intermédiaire tel que le propane ou l’eau glycolée est utilisé. Le fluide intermédiaire s’écoule dans des tubes à travers deux échangeurs distincts. Il est d’abord réchauffé par la source chaude disponible, puis est utilisé pour gazéifier le GNL, ce qui requiert une plus grande surface d’échange.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE 1 : GAZEIFICATION DU GNL
Introduction
1. Etat de l’art de la gazéification du GNL
1.1. La vaporisation par combustion submergée (SCV)
1.1.1. Description du procédé
1.1.2. Consommation énergétique de la SCV et son impact sur l’environnement
1.1.3. Les avantages de la SCV
1.2. La vaporisation par échange de chaleur avec l’eau de mer (ORV)
1.2.1. Description générale de l’ORV
1.2.2. L’impact environnemental de l’ORV
1.2.3. Avantages de l’ORV
1.3. Comparaison entre la SCV et l’ORV
1.4. La vaporisation par fluide intermédiaire (IFV)
1.5. La vaporisation avec échangeurs tube et calandre (STV)
1.6. La vaporisation par l’air ambiant (AAV)
2. Analyse exergétique des systèmes de gazéification actuels
2.1. Analyse exergétique du GNL
2.2. Destruction d’exergie dans les systèmes actuels
3. Valorisation par cycles de Carnot réversible et endo-réversible
4. Travaux en cours sur la valorisation du froid du GNL sous forme d’énergie mécanique
4.1. Etude bibliographique sur les systèmes de valorisation du froid du GNL sous forme d’énergie mécanique
4.2. Nouveau concept de gazéification avec valorisation à l’air ambiant (Brevet WO 2011/055045 A1)
5. Optimisation de l’architecture thermodynamique des cycles moteurs
5.1. Introduction
5.2. Contraintes et irréversibilités d’un cycle moteur réel
5.3. Choix des fluides de travail candidats
5.4. Analyse énergétique et exergétique
5.4.1. Compresseur (ou pompe)
5.4.2. Récupérateur
5.4.3. Echangeur Fluide/Propane
5.4.4. Turbine
5.4.5. Gazéifieur du GNL
5.5. Recherche de la meilleure solution
5.5.1 Solution avec un seul cycle thermodynamique
5.5.2. Solution de revalorisation avec deux cycles thermodynamiques
5.6. Conclusion
6. Analyse exergétique saisonnière préliminaire
Conclusions
Sommaire
CHAPITRE 2 : MODELISATION D’ECHANGEURS A AILETTES RONDES DISCONTINUES EN CONDITION DE GIVRAGE ET VALIDATION EXPERIMENTALE
Introduction
1. Description du dispositif expérimental
1.1. Conditions opératoires
1.2. Choix des maquettes d’échangeur
1.3. Circuit aéraulique
1.4 Circuit hydraulique
1.4.1. Circuit du frigoporteur (Temper -55)
1.4.2. Circuit de dégivrage
1.5. Système d’acquisition
2. Procédure expérimentale
3. Calcul d’incertitude
3.1 Tolérance des appareils de mesures
3.2. Incertitude sur le bilan de masse
4. Résultats expérimentaux
4.1. Dépôt de givre
4.2. Flux de chaleur sensible
4.3. Perte de pression et chute du débit
4.4. Conclusion
5. Modèle de croissance du givre sur les ailettes d’un échangeur de chaleur (avec validation par la littérature)
5.1. Etude bibliographique et présentation des mécanismes de formation de givre
5.1.1 Introduction
5.1.2. Description du phénomène de formation de givre
5.1.3. Modèles décrivant la formation de givre
5.2. Modélisation de la croissance de givre sur les ailettes d’un échangeur de chaleur
5.2.1. Hypothèses
5.2.2. Bilan de masse et d’énergie
5.2.3. Conditions aux limites
5.2.4. Validation du modèle
5.2.5. Conclusion
6. Modélisation d’échangeurs à ailettes discontinues en condition de givrage
6.1. Introduction
6.2. Modèle d’un élément de tube à ailettes en condition de givrage
6.2.1. Modèle « Géométrie »
6.2.2. Modèle « air »
6.2.3. Modèle « Tube+ Ailettes »
6.2.4. Modèle » fluide frigoporteur »
6.3 Schéma d’un modèle d’une maquette d’échangeurs
7. Etude bibliographique des corrélations du coefficient de transfert de chaleur et de la perte de pression (échangeurs à ailettes rondes discontinues)
7.1 Bibliographie des corrélations du coefficient de transfert de chaleur externe
7.1.1. Corrélation de Briggs et Young (1963)
7.1.2. Corrélation de Krupiczka et al. (2003)
7.1.3. Corrélation de Vampola (1966)
7.1.4. Corrélation de Ganguli et al (1985)
7.1.5. Comparaison entre les différentes corrélations du coefficient de transfert de chaleur externe
7.2. Bibliographie des corrélations de perte de pression
7.2.1. Corrélation de Robinson et Briggs
7.2.2. Corrélation Vampola (1966)
7.2.3. Validation expérimentale des corrélations de perte de pression
7.3. Corrélations du coefficient de transfert de chaleur interne
8. Corrélation des coefficients de transfert de chaleur et de masse en conditions de givrage
8.1. Introduction
8.2. Identification et corrélation du coefficient de transfert de chaleur et de la fonction de Lewis en condition de givrage
8.2.1. Coefficient de transfert de masse
8.2.2. Coefficient de transfert de chaleur
9. Validation du modèle
10. Corrélation de la perte de pression en condition de givrage
Conclusions
CHAPITRE 3 : STRATEGIE DE CONCEPTION ET DE PILOTAGE DU PROCEDE
Introduction
1. Données d’entrée, besoins et variables de design
2. Définition des besoins thermiques du procédé
2.1. Cycles moteurs
2.2. Boucle de fluide caloporteur
2.3. Pompe à chaleur
2.3.1. Le dégivrage
3. Recherche du cas défavorable
4. Etude du dégivrage
5. Dimensionnement des évaporateurs et de la pompe à chaleur
6. Analyse exergétique saisonnière (6 FPI)
Conclusion
CONCLUSION GENERALE