Echantillon dense : CMOT hybride
Pour charger efficacement un piège optique directement depuis les mélasses il faut rassembler un maximum d’atomes, froids, dans un volume restreint, autrement dit avoir un nuage dense. Si la phase de mélasses grises permettra de refroidir le nuage de plusieurs ordres de grandeur, elle ne permet pas d’augmenter la densité de l’échantillon atomique. Il est nécessaire d’inclure une étape intermédiaire de compression du nuage, communément appelée piège magnéto-optique compressé, qu’on notera CMOT dans la suite.
La méthode usuelle, utilisant la transition piégeante D2 sera brièvement décrite, puis notre méthode moins conventionnelle combinant lumière D1 et lumière D2 de façon astucieuse sera expliquée.
Principe du fonctionnement d’un CMOT usuel
La densité obtenue dans un MOT est en général limitée par les processus de réabsorption et de collisions assistées par la lumière. On peut malgré tout, de façon transitoire, augmenter la densité du piège magnéto-optique en changeant les fréquences et les puissances des faisceaux lasers, ainsi qu’en modifiant le champ magnétique de façon à comprimer le nuage . L’idée de base est la suivante : la puissance du faisceau de repompe est baissée tandis que le désaccord en fréquence du faisceau principal est augmenté. Ceci conduit au pompage des atomes vers un état peu couplé à la lumière et limite donc les processus gênants suscités. Le gradient de champ magnétique est également augmenté afin d’aider à la compression du nuage d’atomes. Cette méthode, utilisée avec succès par d’autres groupes notamment pour le 39K , permet dans notre cas de multiplier la densité obtenue en fin de MOT 3D par un facteur 3 environ.
Nous allons voir dans la partie qui suit que ce facteur peut être bien plus grand (de l’ordre de 10) en utilisant une combinaison de lumière D1 et de lumière D2.
Optimisation expérimentale du CMOT hybride
L’idée de base du CMOT reste la même dans notre cas, mais nous allons tirer parti des états noirs naturellement présents sur la transition principale D1, qui est une transition J → J. En effet ces états noirs peuvent jouer le rôle des états peu couplés à la lumière, du moins là où le champ magnétique est nul (soit au centre du piège). Il faut par ailleurs conserver au moins l’un des faisceaux sur la transition D2 qui, contrairement à la transition D1, est piégeante. Dans notre montage, on peut avoir le faisceau principal D1 sans le faisceau repompeur correspondant, mais pas l’inverse à cause de la façon dont on utilise l’EOM. Nous allons donc naturellement utiliser pour ce CMOT hybride le faisceau principal de la transition D1 combiné au faisceau repompeur de la transition D2.
Echantillon froid : mélasses grises
La dernière étape essentielle avant le chargement du piège optique est le refroidissement subDoppler du nuage atomique. Ce dernier peut être réalisé dans des mélasses rouges usuelles sur la transition D2 du 39K. Cette méthode est cependant compliquée et peu efficace pour notre atome en raison de la structure hyperfine étroite déjà mentionnée.
Elle a cependant été utilisée dans plusieurs expériences . Dans notre cas, l’utilisation de ce type de mélasses conduit à des températures de l’ordre de 35 µK pour 90% des atomes du CMOT hybride. La méthode utilisée est dans ce cas celle mise en place par le groupe de Massimo Inguscio au LENS. Des précisions ainsi que nos résultats expérimentaux peuvent être trouvés dans la thèse de G. Salomon .
Il a cependant été montré, pour des atomes présentant une structure hyperfine étroite comme le nôtre, que d’autres techniques peuvent s’avérer efficaces. On peut citer par exemple le refroidissement Raman, ou encore le piégeage cohérent de population. Une technique, dont l’efficacité a été prouvée dans les années 90 , a récemment été réutilisée avec succès pour refroidir le lithium et l’isotope fermionique du potassium . Il s’agit de la technique de mélasses grises détaillée dans cette section. Notons que les résultats expérimentaux obtenus pour le 6Li et le 40K ont été comparés à des simulations numériques utilisant une méthode Monte-Carlo semi-classique. Pour finir, un autre groupe a pu comme nous observer l’intérêt des mélasses grises pour le refroidissement du 39K.
Le principe de base du fonctionnement de ce refroidissement sub-Doppler est présenté en utilisant un modèle simplifié à 3 niveaux. Nous verrons comment refroidissement Sisyphe et piégeage de population sélectif en vitesse s’associent pour parvenir à des températures sensiblement plus basses que celles obtenues dans les mélasses usuelles. En effet, les résultats expérimentaux montreront qu’on obtient une température de 6 µK à la fin du processus de mélasses grises.
Chargement direct d’un piège optique
Les trois premières étapes du refroidissement atomique, à savoir le MOT, le CMOT et les mélasses, ont été mises en place et optimisées dans le but de charger efficacement un piège optique directement, sans utilisation d’une étape de piège quadrupolaire magnétique.
Les mélasses grises nous ont permis d’atteindre des températures très basses, ce qui nous autorise à utiliser un piège optique peu profond pour capturer les atomes. La profondeur d’un piège optique est proportionnelle à la puissance lumineuse utilisée et inversement proportionnelle au carré du waist de ce piège. Nous verrons dans cette section comment charger un maximum d’atomes dans le piège optique en modifiant le waist du faisceau laser utilisé.
Mise en place expérimentale du piège optique
Le laser utilisé est un laser fibré IPG (modèle ELR-30-1550-LP) à 1550 nm, pouvant délivrer au maximum 30 W de puissance. Le waist en sortie du laser est de 500 µm. le faisceau est d’abord diffracté par un AOM (modèle AA MQ40- A2-L1560-WSc) refroidi à l’eau, qui nous permet d’allumer ou de couper rapidement la lumière qui arrive sur les atomes. La mise en forme du faisceau avant son arrivée sur les atomes est faite grâce à un télescope (+100/ − 75), situé environ 0, 8 m avant la lentille de 297 mm. Cette dernière, placée juste avant le miroir d’entrée du faisceau dans la chambre de science, nous permet de focaliser le laser sur le nuage atomique. En changeant les lentilles et leurs positions respectives on peut faire varier facilement le waist du faisceau à 1550 nm sur les atomes. L’optimum pour le chargement correspond à un waist ω1 = 150 µm.
Séquence expérimentale pour le chargement direct dans les mélasses
Pour charger ce premier piège optique, on procède de la façon suivante : le piège est allumé dès le début des mélasses, à puissance maximale. Dans notre expérience cela correspond à 22 W sur les atomes, soit une profondeur de U1 = kB ×40 µK (environ 7 fois la température des mélasses) pour le waist optimum. A la fin des mélasses grises on éteint tous les faisceaux ayant servis aux refroidissements Doppler et sub-Doppler et on attend en maintenant le piège optique allumé pendant 50 ms, afin de laisser le temps aux atomes des mélasses non piégés dans le FORT de tomber sous l’effet de la gravité. On image ainsi après temps de vol uniquement les atomes chargés dans le piège optique.
On a pu vérifier que les paramètres optimaux pour les mélasses grises détaillés précédemment ne sont pas modifiés par la présence du laser à 1550 nm. En effet, le déplacement lumineux introduit par ce nouveau faisceau n’affecte que le désaccord en fréquence global ∆, dont la zone de fonctionnement est large, d’environ Γ, et pas le désaccord Raman δ, beaucoup plus sensible. Cette caractéristique de notre cycle expérimental vers la production de condensats tout optiques de 39K est un avantage comparée au cas du 87Rb .
Enfin, nous avons observé que le nombre d’atomes chargés dans le piège optique augmente pendant un temps inversement proportionnel à la fréquence radiale du piège puis sature. Ainsi, augmenter le temps de recouvrement entre le FORT et les mélasses ne permet pas de charger plus d’atomes. Il semble qu’on soit limité par la densité du nuage après l’étape de mélasses grises.
Optimisation de la méthode de tri dans le piège optique
Un des points faibles de notre protocole expérimental est le tri que l’on doit effectuer avant l’évaporation. En effet, on perd à ce stade 2/3 des atomes capturés dans le piège optique. Dans un premier temps, ce tri a été optimisé dans le but de n’avoir qu’un seul état de spin dans l’échantillon, à savoir |F = 1, mF = −1i, afin de mieux comprendre comment se déroule notre évaporation au voisinage d’une résonance de Feshbach.
Une fois le condensat de Bose-Einstein obtenu, il a été naturel de chercher à optimiser le nombre d’atomes condensés en fonction des divers paramètres du tri, quitte à obtenir un échantillon moins pur. Les paramètres expérimentaux qu’on a optimisé sont les suivants : procédure d’allumage de chacun des deux pièges optiques (FORT 1 et FORT 2), valeur du gradient de champ utilisé, temps de tenue avec les différents pièges optiques et magnétique.
Le protocole expérimental optimal trouvé est le suivant :
Le FORT 1 est allumé rapidement dès l’étape de CMOT hybride. Le FORT 2 est allumé progressivement entre 10 ms avant la fin des mélasses et 45 ms après. L’échantillon chargé n’est donc absolument pas purifié lorsqu’on charge le piège dipolaire confinant.
Le gradient de champ est allumé immédiatement après la coupure des faisceaux de mélasses et on utilise la valeur maximale qu’on est capable de produire avec l’alimentation utilisée, soit environ 41 G.cm−1.
Les faisceaux ainsi que le champ sont tenus à valeurs constantes pendant 4 s puis le gradient de champ est coupé.
On obtient alors plus d’atomes dans le condensat, soit environ 35000 dans un condensat pur au lieu de 20000, même si il est évident qu’on trie moins efficacement les atomes.
On a vérifié grâce à une expérience de Stern et Gerlach proche de la condensation (afin d’avoir une température basse).
|
Table des matières
1 Un refroidissement dissipatif efficace pour le chargement d’un piège conservatif
1.1 Montage expérimental
1.1.1 Système laser
1.1.2 Système expérimental
1.2 Collection d’un maximum d’atomes : pièges magnéto-optiques
1.2.1 MOT 2D
1.2.2 MOT 3D
1.3 Echantillon dense : CMOT hybride
1.3.1 Principe du fonctionnement d’un CMOT usuel
1.3.2 Optimisation expérimentale du CMOT hybride
1.3.3 Interprétation
1.4 Echantillon froid : mélasses grises
1.4.1 Principe des mélasses grises : modèle simple à trois niveaux
1.4.2 Résultats expérimentaux : refroidissement alliant effet Sisyphe
1.4.3 … et piégeage de population sélectif en vitesse
1.4.4 Influence d’autres paramètres sur les mélasses grises
1.4.5 Paramètres optimaux pour les mélasses grises
1.5 Chargement direct d’un piège optique
1.5.1 Mise en place expérimentale du piège optique
1.5.2 Séquence expérimentale pour le chargement direct dans les mélasses
1.5.3 Maximisation du nombre d’atomes chargés
1.5.4 Paramètres optimaux : vers la condensation par évaporation tout optique
2 Vers la condensation tout optique du 39K
2.1 Propriétés de collisions du 39K
2.1.1 Description des interactions entre atomes à basse température
2.1.2 Minimum de Ramsauer
2.2 Résonances de Feshbach : principe
2.2.1 Quelques éléments de théorie pour comprendre la physique mise en jeu
2.2.2 Intérêt et utilisation du 39K pour le contrôle des interactions
2.3 Polarisation en spin du nuage dans le piège optique
2.3.1 Pompage optique en fin de mélasses
2.3.2 Stratégie de tri dans le piège optique
2.3.3 Discussion : autres stratégies envisagées ?
2.4 Évaporation dans un piège croisé
2.4.1 Mise en place du FORT 2
2.4.2 Evaporation au voisinage d’une résonance de Feshbach : protocole expérimental
2.4.3 Caractérisation de l’évaporation tout optique
2.4.4 Analyse des images : gaz thermique VS condensat
2.4.5 Evolution du système dans l’espace {n, λdB}
2.5 Température critique et calibration du nombre d’atomes
2.5.1 Cas d’un gaz parfait
2.5.2 Gaz en interactions
2.5.3 Résultats expérimentaux
2.6 Améliorations du montage
2.6.1 MOT 2D
2.6.2 Nouvelle ligne D1
2.6.3 Proposition d’un nouveau design de table optique
2.6.4 Optimisation de la méthode de tri dans le piège optique
2.6.5 Quel gain pour notre expérience ?
3 Observation expérimentale de nouvelles résonances de Feshbach pour le 39K
3.1 Résonances en onde p pour des mélanges de spins
3.1.1 Retour sur le tri : mélanges de spins
3.1.2 Comparaison aux simulations numériques
3.2 Étude d’une résonance en onde d
3.2.1 Protocole expérimental
3.2.2 Pertes à trois corps
3.2.3 Modèle général : un processus en deux étapes
3.2.4 Résonance fine : conséquences
3.2.5 Quels processus de collision en jeu ?
3.2.6 Quid d’un modèle en une étape avec collision directe à 3 corps ?
4 Gaz quantique à interactions contrôlables
4.1 Approche de Gross-Pitaevskii
4.1.1 Modèle utilisé
4.1.2 Fonctionnelle d’énergie
4.1.3 Equation de Gross-Pitaeskii tridimensionnelle
4.1.4 Limite unidimensionnelle
4.2 Interactions répulsives : expansion d’un condensat dans le crossover dimensionnel 1D-3D
4.2.1 Situation expérimentale : condensat dans un piège allongé
4.2.2 Évolution dans le crossover dimensionnel : modèle théorique
4.2.3 Expansion du condensat et calibration du nombre d’atomes
4.3 Interactions attractives : formation de solitons brillants
4.3.1 Problème considéré et contraintes expérimentales associées
4.3.2 Mise en place expérimentale
4.3.3 Formation de solitons brillants à vitesse contrôlable
Télécharger le rapport complet