L’éveil de la population mondiale sur le changement climatique
En 1972, dans la ville de Stockholm, la communauté internationale se réunissait pour la première fois autour des questions environnementales. Les crises écologiques émergeaient dans les débats publics et l’Etat devait réagir. Mais pour la majorité, les considérations environnementales freinent l’avancée économique. Surtout en cette période où le libre-échange progresse (sous la pression des Etats Unis). Il faut alors délocaliser les activités polluantes pour faire taire les débats…Les pays en voie de développement prennent cette opportunité, et attirent les activités polluantes dans leur pays. Dans les années 1980, avec Margaret THATCHER (Premier Ministre de la Grande Bretagne) et Ronald REAGAN (Président des Etats Unis), les questions environnementales sont balayées. Mais en 1992, elles reviennent plus fortes que jamais, grâce à la Convention-cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques. Enfin, le monde prend conscience de l’importance de l’environnement ! Déjà en 1960, l’économiste Ronald COASE considérait que la dégradation de l’environnement s’expliquait par son absence de valeur marchande. Et il a fallu le Protocole de Kyoto qui est une lutte contre les changements climatiques pour que réellement les ressources environnementales aient un prix et que tous se mobilisaient pour obtenir un accord de protection de l’environnement à l’échelle planétaire.
Les enjeux stratégiques des questions environnementales
Si dans les années 1980, l’environnement est considéré comme une donnée exogène au développement voire même une entrave à celle-ci. Aujourd’hui, l’on sait que l’environnement et plus particulièrement les changements climatiques peuvent affecter directement l’efficacité des investissements et la réalisation finale de nombreux objectifs de développement. En effet, selon « la Stern review : l’économie du changement climatique » : « Le changement climatique présente un défi unique pour l’économie : il constitue l’échec du marché le plus important et le plus étendu que l’on ait jamais connu. En conséquence, l’analyse économique se doit d’être mondiale, elle doit traiter d’horizons à longue échéance, garder à l’esprit l’économie du risque et de l’incertitude, et examiner la possibilité d’un changement majeur, qui ne saurait être marginal. Pour répondre à ces besoins, le rapport s’inspire d’idées et de techniques issues de la plupart des domaines importantes de l’économie, y compris de nombreuses avancées récentes », ce qui fait qu’aujourd’hui, l’environnement est bel et bien une question économique. Les Néoclassiques l’ont démontrés en considérant qu’un bien environnemental est un objet d’allocation (optimum de Pareto) puisqu’il est rare. En outre, si l’on se réfère aux deux approches du développement durable : la soutenabilité faible et la soutenabilité forte, un bien environnemental est un capital naturel. De plus, la préservation de celui-ci permet une meilleure qualité de vie. Donc préserver l’environnement permet non seulement de maintenir un certain niveau de capital naturel, mais en plus il permet de vivre sainement. Selon PEZZEY (1989)3, « le développement durable est le maintien du potentiel du bien-être (du point de vue microéconomie : utilité) au cours du temps », l’élément fondamental serait de maintenir le niveau de stock de capital (qui est une mesure du bien-être) – il ne doit pas diminuer mais au contraire augmenter. Ainsi les deux approches de la durabilité ont chacunes leurs idées. Avec la règle de HARTWICK (soutenabilité faible) : « il faut réinvestir la somme qui correspond à la valeur du capital naturel détruit », alors cet investissement sera l’équivalent d’une épargne compensatrice transmise aux générations futures. Tandis que pour la soutenabilité forte, le capital naturel n’est pas forcément remplaçable et qu’il peut avoir une valeur monétaire qui permettra la durabilité. Depuis quelques années, des économistes et des théoriciens du “capitalisme vert” tels qu’Amory LOVINS et Paul HAWKEN (Economistes écologistes qui ont remis en cause la substituabilité du capital naturel aux capitaux technique et humain puisque ce capital naturel a une fonctionnalité sans égal et qu’il n’est pas forcément remplaçable, de plus l’activité économique nécessite des flux de ressources naturelles sans que la réciproque soit vraie.) considèrent l’environnement, au sens global du terme comme une forme de “capital naturel”, au même titre que les capitaux physiques ou financiers. Et ce facteur doit être alloué comme les autres. En ce qui concerne le capital naturel (soutenabilité forte), il est composé:
• d’un capital naturel critique, qui est formé des richesses naturelles essentielles à la vie de l’homme et qui ne peuvent pas être remplacées, tel que le climat mondial ou la biodiversité,
• et d’un capital naturel proprement dit, regroupant les ressources naturelles renouvelables et certaines ressources. Ces ressources peuvent être partiellement ou totalement reconstituées.
Pour les économistes de la soutenabilité forte (Ecole Ecologiste Institutionnelle et Ecole de Londres), le capital naturel critique doit être absolument conservé et peut avoir une valeur monétaire selon différentes méthodes (mais malheureusement complexes et subjectives), et le capital naturel non critique peut-être remplacé par le capital humain ou le capital technique (manufacturé), c’est ainsi qu’il sera évalué (monnaie) ou alors il sera évalué comme matière première. Ainsi dégrader volontairement l’environnement équivaut à dégrader le capital naturel, diminuer le stock de capital en général, puis diminuer le stock de capital par tête : diminuer la croissance. Or Madagascar, célèbre pour sa richesse environnementale, pourrait augmenter sa croissance en mettant en exergue le contexte environnement. Mais avant, une brève situation économique du pays s’impose.
Le crédit carbone
Le crédit carbone est une unité d’émission de gaz à effet de serre (GES) échangeable. Il correspond à une tonne métrique d’équivalent de dioxyde de carbone (CO2). Et, il est utilisé pour compenser ses propres émissions de GES issues de l’utilisation de combustions fossiles dans le cadre de la lutte contre le changement climatique. Donc il est pensable que la détention de crédit-carbone puisse permettre à son propriétaire d’émettre davantage de GES c’est-à-dire polluer. En réalité, il ne donne pas le droit de polluer, il permet simplement de contrebalancer certaines émissions de CO2 inévitables. Néanmoins, économiquement parlant, il équivaut à un « droit de polluer », dans la mesure où l’on peut le vendre et l’acheter. Ce sont les pays signataires du Protocole de Kyoto qui utilisent les crédits carbones pour atteindre les objectifs de réduction des GES afin de parvenir à un développement durable propre. Remarquons qu’en économie de l’environnement, on ne cherche pas l’absence de pollution, c’est la pollution optimale qui est profitable pour tous : un échange de droits à polluer, une équivalence monétaire de la préservation des biens environnementaux (quand sa préservation vaut plus que sa destruction), un certain niveau de pollution permettant de produire des biens marchands,…
Les limites
Le fait de conserver une forêt dans une région donnée peut entraîner une déforestation dans une autre région pour compenser les besoins; de plus il pourrait y avoir un effet sur le droit propriété, particulièrement aux questions foncières, par exemple, les familles pourraient être délogées à cause de l’extension forestière ou bien par le fait est qu’elles ne peuvent plus se servir librement dans cette forêt. En effet, dans le monde 1,6milliards de personnes dépendent des forêts38, mais elles n’ont pas bien souvent de droits fonciers reconnus. Toutefois, à Madagascar, la nouvelle loi foncière de 2005 (loi n° 2005 – 019 du 17 octobre 2005 fixant les principes régissant les statuts des terres) a innové dans le sens que les occupations pérennes exercées par les populations sur les terres non encore cadastrées ni immatriculées et présumées appartenir à l’État dans la législation antérieur peuvent être reconnus comme droit de propriété. Pour Douglass NORTH (nouvelle économie institutionnelle), la propriété est un facteur de développement. Dans Structure and change [1981] il compare les directions divergentes de la France et de L’Espagne avec celles des Pays-Bas et de l’Angleterre entre le XVIème et XVIIIème siècle. L’Angleterre et La Hollande qui étaient pour les droits de propriété, ont connu une croissance durable par rapport à la France et à l’Espagne qui ont laissés l’Etat empiéter sur les propriétés. On en conclue qu’ « on obtient des institutions efficaces (une bonne allocation des ressources forestières pour notre cas) par un système politique qui incorpore des incitations à créer et à faire respecter les droits de propriétés ». Mais les problèmes ne se s’arrêtent pas là… La disponibilité financière annuelle pour réduire de moitié la déforestation dans les pays non industrialisés d’ici 2020 est de 3 à 33 milliards USD selon Stern, 15 à 25 milliards USD d’après la Commission Européenne et de 17 à 28 milliards USD selon l’Institut International pour l’analyse de systèmes Appliqués (IIASA). Ce qui pourrait être critiqué par plusieurs personnes. D’autant plus que la REDD ne récompense que les pays qui réduiront leur taux de déforestation sans pour autant sanctionner ceux qui surexploitent la forêt. Du point de vue économique, les pays récompensés pourraient être laissés de côté. En effet, ce sont ces mêmes multinationales (celles qui surexploitent) qui sont à l’initiative du projet REDD local : elles acquièrent les crédits carbones tout en surexploitant la forêt…De plus,le succès de REDD dépend précisement de leur financement de départ. « Les fruits économiques de la REDD ne se cueillent qu’à long terme ». Dans une politique de lutte contre la pauvreté, la dimension environnementale peut être vue comme un facteur entravant une réduction rapide de la pauvreté. Si une telle disponibilité financière existe dans le pays d’accueil, les politiciens auront tendance à prioriser les stratégies à résultats à court terme. Sans oublier que la REDD peut être perçue comme une entrave au libre-échange et la concurrence, facteurs indiscutablement prouvés favorable à celle-ci. Il faut dire aussi que le faible niveau d’instruction de la population rurale pourrait constituer une barrière potentielle dans la mise en œuvre du programme spécifié, surtout au niveau de l’encadrement technique, de l’adoption et de l’appropriation des techniques modernes. Ensuite, la revendique du droit de propriété sur le carbone séquestré par les activités de restauration et de conservation, et d’en faire usage, ou de céder à un tiers ce droit, ou le titre de propriété l’attestant (crédits d’émissions) pose un problème car aucune législation explicite pour définir les droits par rapport au carbone forestier n’existe actuellement à Madagascar, ni dans le secteur forestier, ni dans d’autres secteurs (hydro-énergie ou énergie géo-thermique). La stratégie REDD de Madagascar devra mettre en place cette base juridique. Enfin, la conjoncture actuelle tels que les trafics du bois de rose et le récent incendie de la réserve d’Isalo (aire protégée) en septembre 2010 pourraient aussi avoir un impact sur notre sélection au programme REDD. En effet, pour être éligible à la REDD, il faut donner une image positive vis-à-vis de la nature (préservation), or une exploitation illicite de la forêt et surtout du bois précieux pourrait ternir l’image du pays : c’est un risque d’investir dans un pays où l’on est sur que l’on se fera voler. D’après WILLIAMSON (nouvelle économie institutionnelle), ce comportement opportuniste est la raison pour laquelle la conception néoclassique de l’homo œconomicus est dépassée. Ceci d’après lui relève du problème des institutions et que l’homme s’il veut minimiser ses coûts de transaction (et maximiser sa satisfaction – D. NORTH) adoptera cette institution (qui équivaut à voler et tricher pour défendre ses intérêts).
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Table des matières
Glossaire
Liste des abréviations
INTRODUCTION
Partie I : La situation générale
Chapitre I : Le contexte mondial
Section 1 : L’éveil de la population mondiale sur le changement climatique
Section 2 : Les enjeux stratégiques des questions environnementales
Chapitre II : Le contexte malgache
Section 1 : Le contexte socio-économique malgache
Section 2 : Le contexte environnemental
Chapitre III : La REDD
Section 1 : Les origines de la REDD
Section 2: Définitions
Section 3 : Les mécanismes de la REDD
Chapitre IV : Le développement durable
Section 1 : Les définitions et principes du développement durable
Section 2 : Les dimensions du développement durable
Partie II : L’application de la REDD
Chapitre I : La REDD à Madagascar
Section 1 : Présentation générale
Section 2 : Le projet PHCF ou Programme Holistique de Conservation des Forêts
Chapitre II : La REDD ailleurs
Section 1 : Les points communs
Section 2 : La REDD au Congo
Chapitre III : Les résultats escomptés de la REDD à Madagascar
Section 1: Les attentes
Section 2 : Les limites
Section 3 : Conception de la politique de Madagascar dans le futur
CONCLUSION
Bibliographie
Annexes
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