LES ATELIERS FILMIQUES
En 1898, les services de travaux photographiques servent au développement des phototypes, au tirage des épreuves et aux travaux divers amateurs. Il s’agit d’une vaste serre vitrée dégagée des bâtiments voisins. La reproduction et les agrandissements s’effectuent dans une chambre à part. La serre se constitue de cinq salles adossées : l’une pour les chargements ; l’une pour la manutention des commandes, le collage et le satinage ; une troisième pour le virage et le lavage des épreuves et phototypes ; une quatrième pour le tirage des positifs par contact sur verres ou papiers recouverts de gélatino-bromure d’argent et la dernière pour le développement. Alors qu’en 1927, les services de travaux photographiques, l’ajustage photo plus précisément, se trouvent après la rue Carducci, dans de nouveaux bâtiments proches de la fonderie.
En traversant la rue Carducci, se trouve le bâtiment le plus imposant des usines de la SEG et qui accueille les ateliers d’ajustage photo [Fig. 24], ainsi que le moulage, les peintres décorateurs et la menuiserie des décorateurs. L’ajustage photo, selon les fiches, engage 74 ouvriers gérés par Ferdinand Oudin. Ce dernier est incorporé dans l’armée le 15 novembre 1901 et passe en réserve le 1er novembre 1904. Il exerce alors la profession d’ajusteur mécanicien.
Présent dans la firme depuis 1906, il devient chef d’équipe en 1920 et a 49 ans en 1929.
L’ajustage est composé de trois services : l’ajustage photo [Fig. 25 et 26], l’ajustage marine (concernant les travaux pour l’aciérie de la marine majoritairement pendant la guerre de 1914- 1918, nous trouvons encore des traces de ce service à la fin des années 1920), et l’ajustage électrique. Plusieurs ateliers d’ajustage sont en place dans les usines des Buttes-Chaumont pour la raison simple que la mécanique optique dans la fabrication des caméras et des projecteurs doit être extrêmement minutieuse pour apporter rythme et fluidité nécessaire au bon déroulement de la pellicule. Le métier d’ajusteur peut aussi toucher d’autres services comme celui de l’outillage, du service électrique, du contrôle ou des laboratoires.
Le service de bobinage, qui consiste à enrouler les films afin d’en faire des bobines, se distingue de celui des pellicules. Il n’est pas indiqué sur le plan mais est très présent dans les fiches du personnel de la firme. Nous le lions ici au service des pellicules puisqu’il concerne le même matériel. Trente-sept personnes sont employées dans ce service : vingt-sept « bobineuses » ou « bobinières », une comptable d’atelier, un contremaître, une employée aux écritures, trois non professionnelles, une pointeau (venant de l’outil utilisé « à pointe conique en acier trempé servant à amorcer l’emplacement du trou à percer ») et deux personnes (un homme et une femme) dont les métiers ne sont pas précisés. Berthe Tessier (âgée de 46 ans en 1929 et présente depuis novembre 1917), devient chef d’équipe en novembre 1918, soit un mois après sa deuxième entrée dans la firme en octobre 1918.
L’atelier de vérification des films, emploie une majorité de femmes en 1929 avec vingt-six vérificatrices et seulement trois vérificateurs. Il s’agit pour ce service d’examiner la conformité et le bon fonctionnement des films destinés à la commercialisation.
Habituellement, les vérificatrices s’assurent, entre deux locations, que la pellicule n’est pas abîmée. Néanmoins, la photographie ci-dessous [Fig. 28] présente le service de vérification des films sans machines. Le chef de ce service est un homme, Louis Léchelon. Entré dans la firme comme simple employé à la vérification des films en 1903, à l’âge de 14 ans, il est ensuite envoyé au corps de l’armée le 5 octobre 1910 dans l’aéronautique. La profession indiquée sur sa carte militaire est effectivement monteur et vérificateur d’appareils de photographie. En 1912, il s’élève hiérarchiquement et devient le chef de ce service à 23 ans et le reste jusqu’à son départ en 1931 à 42 ans. Nous remarquons, avec les informations du personnel des derniers services étudiés demandant une grande minutie (bobinage, vérification et pellicules), qu’ils sont largement féminisés, tant les ouvriers que les chefs d’équipe.
Un peu plus au sud de la cité Elgé, nous trouvons les ateliers de tirage et de développement des négatifs. Quatre ateliers sont regroupés ici : l’atelier de développement des films, l’atelier d’impression, l’atelier de développement des négatifs ainsi que l’atelier de tirage et perforation. Étrangement, les fiches du personnel répertoriées ne font nullement mention de ces ateliers qui sont pourtant cruciaux dans la chaîne de production des films. Là encore, nous trouvons une trace des manques des fiches du personnel. Le fait que la production de la SEG soit à l’arrêt à la fin des années 1920 explique aussi un personnel moins nombreux, mais la SEG pouvait tout à fait traiter les films pour d’autres éditeurs. Un bâtiment réservé au dépôt des celluloïds est une fois de plus isolé pour des raisons de sécurité. En effet, le composant principal de la pellicule cinématographique reste à cette date le nitrate de cellulose, matière très inflammable.
L’ÉQUIPEMENT DES USINES NÉCESSAIRES À SON BON FONCTIONNEMENT
Les usines de la SEG disposent de tout l’équipement dont elles ont besoin pour fonctionner : une station électrique pour l’utilisation des machines automatiques par exemple, une chaufferie, un garage, de nombreux hangars de stockage. Ces bâtiments sont toutefois séparés des ateliers et se situent le plus au nord de la cité Elgé.
Dirigeons-nous vers la partie nord et plus isolée des usines où se trouvent les services de tôlerie, la chaufferie, le garage, les hangars, la première station électrique ainsi qu’un dépôt des celluloïds et le dépôt d’essence [Fig. 29]. Ces derniers ont besoin d’être isolés pour des raisons de sécurité. Le fonds des fiches du personnel nous fait part de cinq employés dans les garages : deux à l’entretien des voitures, un coursier, un électricien et une employée aux écritures.
Les usines et studios sont aussi dotés d’une station à vapeur qui comporte un groupe de générateurs capables d’une production de 1000 kgs de vapeur à l’heure. Cette station permet de transformer l’eau en vapeur grâce au charbon pour divers usages, allant du chauffage central à l’industrie.
Dès 1905, le groupe électrogène possède une puissance de 16.500 watts. Ceci va permettre, selon les brochures publicitaires de la firme, d’alimenter les machines de différentes puissances qui commandent chacune une génératrice électrique et donnent au total un millier de chevaux environ. Ainsi, cette station vapeur, ou chaufferie [Fig. 30], sert aux besoins industriels divers de l’usine et au chauffage des ateliers, des bureaux, des théâtres et des dépendances. Ce service emploie dix-huit personnes dont six « chauffeurs ». Ce personnel est spécialisé dans le domaine de la chaufferie et des machines qui s’y réfèrent, s’occupant du fonctionnement de la chaudière. Les autres ouvriers qui composent cette équipe sont des aides (chauffeurs, monteurs ou chaudronnier) et au nombre de dix. Le chef de service depuis février 1921, Louis Renard, est présent dans la firme depuis le 25 décembre 1906. Il avait 14 ans à son entrée et donc 37 ans en 1929.
Accolé à la chaufferie, nous trouvons le service de tôlerie. En effet, la tôle a besoin d’être chauffée afin de faciliter sa maniabilité. Les usines de la SEG utilisent ce matériau pour la fabrication de ses appareils et machines car il est plus facile à entretenir que le fer ou le cuivre, plus léger à manier mais surtout il résiste à l’acide. La partie du service de la tôlerie, en rapport avec les tôliers-chaudronniers ou tôliers-ferblantiers, est dirigée par Léon Lasalle, chef d’équipe depuis 1914, il a alors 63 ans en 1929.
Certains bâtiments sont isolés pour éviter tout danger d’incendie dû à l’inflammabilité des celluloïds et de l’essence. Ils permettent aussi le bon fonctionnement du reste des usines avec une station électrique [Fig. 31] puissante reliée au réseau électrique parisien. L’industrie cinématographique de la fin des années 1920 utilise fortement l’électricité et cette branche s’élargit au point de créer des services électriques. Au vu de sa forte exploitation par les industriels du cinéma, elle « augmente aussi dans une large mesure les revenus des Compagnies d’électricité60 ». En revanche, la SEG possède aussi un courant alternatif ou continu pour alimenter les arcs dans les studios :
La station électrique reçoit son énergie du réseau de la compagnie parisienne de distribution d’électricité sur lequel elle peut emprunter jusqu’à 1 000 kilowatts sous forme de courant alternatif diphasé à la tension de 12 300 volts. Installés avec les derniers perfectionnements, cette station est citée comme un modèle du genre ; elle comprend trois groupes de transformateurs composés chacun de deux transformateurs et d’une commutatrice. La disposition adoptée facilité le démarrage des groupes, assure leur bon fonctionnement aux charges très variables de leur service et leur mise en parallèle aisée, et permet enfin de réaliser une sensible économie de courant .
L’entretien électrique implique un service à part entière des usines de la SEG composé de 27 employés exclusivement masculins. Nous ne le retrouvons pas sur le plan des ateliers de la Cité Elgé. Parmi eux, nous trouvons huit électriciens, neuf aides-électriciens, un monteur électrique, deux aides-monteurs, un comptable d’atelier, un opérateur des films parlants, un opérateur de projection. Le chef de ce service depuis avril 1924 est Fernand Mercier, né le 13 janvier 1880. Il a donc 44 ans en 1929. Il fait une apparition dans la firme dès 1898 comme ajusteur électrique pendant trois ans, part faire son service militaire en 1901 et revient dans l’entreprise en 1904. Sa fiche n’indique pas d’autre départ, ni son salaire à son retour.
Nous pouvons aussi comptabiliser quatre personnes au service nommé « montage électrique », un électricien, un ajusteur, une non professionnelle et un chef d’équipe. Georges Bataille, chef d’équipe à 22 ans, en décembre 1927, reste jusqu’à la suppression de son emploi en juin 1931. Le montage électrique, d’après la Revue générale de l’électricité, concerne l’installation des fusibles, des disjoncteurs et de « tous les accessoires indispensables à la mise en marche normale d’une machine électrique ». Nous supposons que ce service permet à la firme de s’assurer du bon fonctionnement des machines-outils utilisant l’électricité, la station électrique ainsi que les trois sous-stations qui distribuent l’électricité dans les différents ateliers le nécessitant.
Plusieurs magasins sont parsemés au sein des usines ainsi que des services de contrôle.
Les bâtiments consacrés au contrôle et les magasins [Fig. 33] sont nombreux au sein de la cité Elgé. Un magasin se situe à côté du service de fraisage, les appareils terminés sont entreposés entre le service des pellicules et le laboratoire des produits chimiques, le dernier magasin se situe près de l’ajustage photo et d’un service de contrôle. Un deuxième bâtiment au centre des usines est consacré aux services de contrôle et de vérification des appareils.
Un peu plus de 80 personnes y sont employées. Les fiches indiquent aussi la présence de six ajusteurs, sept employés aux écritures et des contrôleurs. Ces personnes sont, sans doutes, chargées de contrôler tout le matériel et les tirages effectués dans les usines. Plusieurs types de contrôle sont effectués au sein des usines, il faut contrôler les pièces et appareils construits.
Les emplois de ce service ne sont pas toujours précisés, la mention « manoeuvre » est alors inscrite, ceci pour vingt personnes. Des ajusteurs sont présents dans ce service en cas d’anomalies afin de rectifier les erreurs et de rajuster les appareils si nécessaire. Quant aux appareils prêts pour la location, ils sont déposés dans le bâtiments 21 bis, rue des alouettes.
Cinq personnes – toutes des femmes – s’occupent de ce service à la fin des années 1920.
Conclusion et bilan à la fin des années 1920
Comme nous l’avons évoqué, la cité Elgé se situe aux Buttes Chaumont dans le XIXème arrondissement, entre les rues des Pyrénées, Carducci, Villette et des Alouettes. La cité s’étend jusqu’à la rue du Plateau où se situe une partie de l’imprimerie, proche du parc des Buttes Chaumont. Notons que les travailleurs habitent près des usines. Les fiches montrent que des adresses du XIXème arrondissement de Paris – mais aussi du XVIIIème et XXème – reviennent fréquemment, telles que la rue des Pyrénées, avenue Jean Jaurès, rue Fessart, avenue Simon Bolivar, boulevard de la Villette, rue Botzaris, rue des Solitaires, rue de Belleville, rue Clavel, rue des Envierges, rue Rébeval, rue Compans, autant de rues ou avenues qui entourent les usines Gaumont des Buttes Chaumont. Ceci rend peut-être compte du type de recrutement utilisé par les Établissements en ce qui concerne les employés aux usines. La SEG effectue un recrutement de proximité ou bien le personnel se rapproche de la firme une fois employé. Ils n’ont pas nécessairement la formation ou l’expérience lors de leur entrée dans l’entreprise mais ils l’acquièrent plutôt grâce à leur séjour dans la société.
Gaumont a créé une véritable petite ville dans le quartier de Belleville dont la cité Elgé est le centre.
La SEG est bien un empire typique de l’industrie française de la fin des années 1920.
Très bien implantée dans le monde cinématographique et, certes, parfaitement équipée pour le cinéma muet, cette fin de décennie sera charnière pour la firme Gaumont. Quelles difficultés sont alors à prévoir ? Comme nous l’avons vu, dès 1926 et 1927, Gaumont se soucie de mettre en place des services en lien avec le sonore, avec des laboratoires qui se spécialisent en acoustique ainsi que des employés (ingénieurs et opérateurs) et une filiale nommée Société Française des Filmparlants. La SEG donne alors une image de véritable colosse dans le monde cinématographique, mais cette image n’est-elle pas en décalage avec l’affaiblissement de la firme à la fin des années 1920 ? Bien que la société ait débuté ses recherches pour le sonore depuis maintes années, une course contre la montre va commencer à la fin de l’année 1928 et en 1929. Elle est amorcée avec la présentation du premier film sonore américain en France, Le Chanteur de Jazz, en janvier 1929. Une prise de conscience et une action rapide sont alors nécessaires pour ne pas se laisser dépasser par la concurrence étrangère.
Les usines des Buttes-Chaumont semblent être une réelle force de frappe pour la SEG à la fin des années. Elles sont bien équipées et possèdent un personnel expérimenté dans le domaine du parlant et la fabrication du matériel cinématographique. La Gaumont a tous les atouts en main pour appréhender cette nouvelle technique, la société donne en tout cas cette image.
LA LONGUE TRADITION DE LA RECHERCHE POUR UN CINÉMATOGRAPHE SONORE CHEZ GAUMONT : ATOUT OU INCONVÉNIENT ?
Les travaux sonores dans les laboratoires de la SEG sont issus d’une longue tradition datant des débuts de Gaumont dans l’industrie cinématographique. Ces recherches anciennes pour un cinématographe sonore permettent à la société d’avoir tous les atouts en main : le personnel est compétent et les ateliers bien équipés pour une bonne compréhension des enjeux. Néanmoins, cet avantage tourne à l’inconvénient lors du passage au parlant. Pendant les années 1920, les pistes des ingénieurs Gaumont ne sont plus assez innovantes, ils restent sur la synchronisation du cinématographe et du phonographe : une erreur qui causera énormément de retard aux laboratoires de la SEG65. La firme Gaumont n’avait sûrement pas anticipé une production à l’échelle nationale et encore moins internationale aussi rapidement de son cinématographe sonore.
Des questionnements sont alors soulevés dans la presse à la fin des années 1920 sur la capacité de Gaumont à équiper toutes les salles et honorer ses commandes en un délai très court dès 1929. Un consortium de la Société des Filmparlants regroupant Triergon, Kuechenmeister, Lignose-Breusing et Gaumont-Petersen-Poulsen est créé en 1928. La question cruciale est alors de trouver un appareil compatible avec tous les types d’enregistrements sonores pour la projection dans les salles. Apparaît alors déjà l’importance de l’interchangeabilité.
Des Phonoscènes au procédé Gaumont-Petersen-Poulsen (GPP)
Léon Gaumont s’intéresse à tous les travaux de recherche : son et couleur. Ici, sont mis en avant les premières phonoscènes d’Alice Guy puis le Chronophone, le film parlant existe déjà mais pas commercialisé (trop complexe, cher et pas l’unanimité du public, trop en avance sur son temps et manques de moyens scientifiques). Il faut attendre milieu des années 1920 pour que la SEG aboutisse enfin au procédé Gaumont-Petersen-Poulsen.
CHRONOPHONE ET PHONOSCÈNES : LES PRÉMICES DU CINÉMA SONORE GAUMONT (1900- 1910)
Léon Gaumont s’intéresse au parlant dès 1900, avec la fabrication d’une liaison mécanique flexible d’un phonographe à cylindre de cire relié à un cinématographe grâce à sa collaboration avec Georges Demenÿ. Ce dispositif sonore était très proche du Kinétophone d’Edison datant de 1877 puisqu’on pouvait entendre des sons au moyen d’un casque téléphonique. Le premier brevet d’invention en 1901 présente un système connecté entre un moteur électrique et un projecteur, les sons se propagent à travers l’écran grâce au téléphone dont les haut-parleurs sont câblés aux microphones.
En attendant le perfectionnement de l’enregistrement des sons à distance, les premières phonoscènes sont tournées par Alice Guy dès 1902. Celles-ci sont faites à partir de deux enregistrements, l’un phono et l’autre ciné, et connaissent un succès immense en France comme à l’étranger. Léon Gaumont est donc considéré comme un véritable pionnier dans ce domaine, même s’il ne réussit pas à imposer une production à grande échelle de ses appareils et films. En 1906, l’enregistrement devient électrique grâce à l’emploi d’un microphone et d’un stylet graveur en acier. L’amplification des sons s’effectue grâce à l’Elgéphone, invention enregistrée le 29 mars 1906. Cet amplificateur de sons est spécialement disposé pour être employé avec les disques phonographiques. Il convient aux théâtres, aux concerts et aux music-halls et il permet de substituer aux orchestres.
La construction d’une nouvelle cage de verre, en 1906, exclusivement destinée au tournage des films parlants aurait été construite pour la production des phonoscènes. Toutes sortes d’améliorations techniques sont nécessaires à la fabrication d’un nouvel appareil, une alliance entre le cinématographe et le phonographe : le Chronophone67[Fig 34], présenté le 27 décembre 1910 à l’Académie des Sciences (Gaumont présente alors un portrait parlant du professeur d’Arsonval). La première version du Chronophone est vendue aux exploitants et forains pour des spectacles réguliers dès 1906, mais la SEG n’est pas prête pour démarrer une production en série. Les moyens techniques dans les années 1910 ne permettent pas encore d’éliminer les imperfections des appareils enregistreurs et reproducteurs de sons dont la puissance est insuffisante. Le pick-up enregistreur fut employé dès 1910 par Gaumont, le microphone devenait indépendant de la machinerie d’enregistrement mais il restait encore un défaut d’intensité lors de la reproduction.
Les usines des Buttes-Chaumont vont connaître une transformation des ateliers pour continuer la recherche avec des laboratoires spécifiques pour confectionner les disques pour le phonographe du Chronophone dans les années 1910. De cette façon, les enregistrements et la fabrication de cet appareil se font dans les propres ateliers de la société dès 1911, la pellicule pour enregistrer les phonoscènes Gaumont est produite. En 1911, neuf films parlants sont présentés à la séance de la Société Française de Photographie. L’appareil Chronophone nécessite alors de disposer le phonographe reproducteur de son près de l’écran sur lequel est projeté l’image alors que l’appareil de projection en est éloigné, ceci « créait presque l’obligation de demander à l’électricité de relier synchroniquement les deux appareils».
Phonographe et enregistreurs cinéma sont mus par un moteur électrique chacun, branchés sur un même circuit. Les induits de chaque moteur tournent donc à la même vitesse de rotation grâce à un engrenage électrique. Les deux appareils fonctionnent en un synchronisme qu’il était simple de rétablir à la représentation. Le diaphragme du phonographe à pavillon se trouve supplanté par le pick-up dont le courant électrique va rejoindre le haut-parleur placé n’importe où dans la salle. Toute la partie mécanique est concentrée sur la même machine, assurant le synchronisme le plus rigoureux.
Au studio, la caméra est dans la cabine et le microphone au-dessus des acteurs, « le fil électrique transporte l’audition à la cabine fixe d’enregistrement ». C’est le mouvement du disque qui doit régler celui du cinéma. Le plus compliqué n’est pas la question du synchronisme mais plutôt celle d’un seul film enregistrant les vues et les sons.
1926 : L’ABOUTISSEMENT À UN APPAREIL D’ENREGISTREMENT SONORE, LE CINÉPHONE OU GAUMONT-PETERSEN-POULSEN
D’après l’article de Sézille dans Le Figaro, ce sont les découvertes s’intéressant à la télégraphie sans fil et celles de l’ingénieur américain Lee de Forest qui ont permis au film sonore de prendre autant d’ampleur en se débarrassant des impuretés lors des enregistrements et de procurer la puissance nécessaire pour la reproduction de ces sons. Dès le milieu des années 1920, « afin d’accompagner le développement des recherches entreprises par la firme dans le domaine du film sonore, deux nouveaux studios furent spécialement construits». Plus précisément, une brochure datant de 1924 indique l’agencement de deux salles spécialement dédiées aux films parlants. Un studio apparaît sur le plan accompagnant la brochure illustrant un « studio des Films Parlants ». Nous pouvons supposer qu’il s’agit du studio utilisé par la Société Française des Filmparlants, équipé dès 1926 de l’appareil Cinéphone [Fig. 35].
En effet, en 1926, un rapprochement avec Electrical Fono Films de Copenhague, particulièrement avec les ingénieurs danois Petersen et Poulsen, va initier la réalisation du procédé d’enregistrement sonore le Gaumont-Petersen-Poulsen. Appelé Cinéphone, cet ensemble est constitué d’un appareil de projection qui déroule la pellicule filmique et d’un défileur qui déroule la pellicule phonique. Ils sont réunis par une liaison mécanique et permettent de reproduire les sons de façon synchrone avec les images du film projeté. Le procédé GPP module la luminosité du film latéralement, suivant un graphique ondulé qui couvre et découvre plus ou moins de surface transparente suivant l’intensité du son. Alors que le procédé de l’américain Lee de Forest module l’ombre et la lumière de son film sonore par densité variable de lignes occupant toute la largeur du film (en profondeur d’un sillon phonographique de largeur uniforme).
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Table des matières
Introduction
À propos de Léon Gaumont et la SEG
Le point de départ de cette recherche : les fiches du personnel Gaumont
Les années 1928-1930 : le passage au parlant sur le sol français
. PARTIE I. GAUMONT, UN EMPIRE INDUSTRIEL DE LA FIN DES ANNÉES 1920
Introduction Partie I
CHAPITRE 1. LA SEG AU-DELÀ DES MURS. L’ESSOUFFLEMENT PROGRESSIF DE LA PRODUCTION ET DE L’EXPLOITATION À LA FIN DES ANNÉES 1920
A/ Des studios de grande renommée…à louer
A.1/ Les studios de la Villette, en plein coeur de Paris
A.2/ Les studios niçois à l’abandon
B/ Un parc de salles étoffé… géré par la MGM
B.1/ Un lancement prometteur dans l’exploitation des salles
B.2/ Une gestion laissée à la MGM malgré un personnel nombreux
CHAPITRE 2. VISITE DE LA FAMEUSE CITÉ ELGÉ
A/ Des laboratoires actifs
A.1/ Les laboratoires optiques
A.2/ Les laboratoires acoustiques
A/ Des usines au service de la fabrication des appareils
A.1/ Les ateliers de fabrication
A.2/ Les ateliers filmiques
A.3/ L’équipement des usines nécessaires à son bon fonctionnement
Conclusion et bilan à la fin des années 1920
. PARTIE II. FIN 1928 ET DURANT L’ANNÉE 1929, GAUMONT SE POSITIONNE DANS LA COURSE À L’ÉQUIPEMENT SONORE
Introduction Partie ii
CHAPITRE 3. LA LONGUE TRADITION DE LA RECHERCHE POUR UN CINÉMATOGRAPHE SONORE CHEZ GAUMONT : ATOUT OU INCONVÉNIENT ?
A/ Des Phonoscènes au procédé Gaumont-Petersen-Poulsen (GPP)
A.1/ Chronophone et Phonoscènes : les prémices du cinéma sonore Gaumont (1900- 1910)
A.2/ 1926 : l’aboutissement à un appareil d’enregistrement sonore, le Cinéphone ou Gaumont-Petersen-Poulsen
B/ La poursuite des travaux de recherche avec la T.S.F. et sur le « film parlant rationnel »
B.1/ La Télégraphie sans fil : une solution apportée au cinéma parlant
B.2/ Le film rationnel ou une tentative de rattraper les innovations en terme de son optique : enregistrement photographique du son
CHAPITRE 4. 1928-1929, LES PROPOSITIONS ET STRATÉGIES DE LA SEG POUR
ÉQUIPER LES STUDIOS ET LE DANGER DE L’ÉQUIPEMENT DES SALLES
A/ De la sonorisation à la production sonore (1928-1929) : les débuts timides de la SEG
A.1/ Prémices d’une entente avec Aubert : la sonorisation de l’Eau du Nil, un coup de maître ?
A.2/ La sortie du Chanteur de Jazz et la prise de conscience généralisée du sonore et ses conséquences sur la production en 1929, quelles difficultés pour la SEG ?
A.3/ La production sonore innovante mais discrète de Maurice Champreux
B/ L’équipement des studios par la SEG : une entrée dans la course réussie ?
B.1/ L’apparent bon aménagement des studios de la Villette pour le sonore à l’été 1929
B.2/ L’auditorium de sonorisation : un équipement modèle ?
B.3/ La Société Française des Filmparlants : une force pour la production sonore ?
C/ L’équipement sonore : un enjeu de taille dès 1929
C.1/ Les procédés américains et allemands (Western, RCA et Tobis) déjà installés en France : la SEG peut-elle rattraper ses concurrents ?
C.2/ Un procédé français concurrent : Radio-cinéma, bientôt allié ?
. PARTIE III. DE L’IDÉAL SONORE À L’ÉMERGENCE DE LA GAUMONT-FRANCO-FILM-AUBERT (GFFA) : UNE COURSE PERDUE D’AVANCE ?
INTRODUCTION
CHAPITRE 5. LES DÉFIS RELEVÉS PAR GAUMONT FIN 1929 ET 1930 : L’INTERCHANGEABILITÉ ET LE CONCEPT DE L’IDÉAL SONORE TYPE STANDARD 30 & POURSUIVRE L’ACCOMPAGNEMENT DES TOURNAGES SONORES
A./ Les optimistes débuts de l’Idéal Sonore (présenté en décembre 1929)
A.1/ La fabrication de l’appareil interchangeable (durant l’année 1929)
A.2/ De la sortie des usines (décembre 1929) à la présentation (janvier 1930) : l’Idéal Sonore est soutenu par la presse corporative
B/ 1930 : la SEG continue d’avancer ses pions sur la production sonore et ses enjeux (tournage en extérieur, équipement des studios…)
B.1/ Financement pour les dernières installations sonores dans les studios
B.2/ La production GFFA en 1930 : une réussite ?
B.3/ Innover et proposer la possibilité de tourner en extérieurs : les camions de sonorisation
B.3.1./ Un exemple de tournage en extérieur : Au pays des basques de Maurice Champreux (avril 1930)
B.3.2/ Les tournages en extérieur testés par d’autres metteurs en scène : un succès pour les ingénieurs du son Gaumont ?
CHAPITRE 6. LES APPORTS DE LA FUSION AVEC AUBERT-FRANCO-FILM (JUIN 1930) : ATOUTS ET INCONVÉNIENTS POUR LA SEG
A/ Apport d’une main-d’oeuvre et d’usines de mécanique de précision
A.1/ L’absorption des usines Continsouza
A.1.1/ Les ateliers de mécanique de précision situés rue des Pyrénées
A.1.2/ Une nouvelle main-d’oeuvre dans le quartier de Belleville
A.2/ Une fusion des compétences : la Compagnie Radio-Cinéma (CRC)
A.2.1/ L’appareil CRC amélioré avec des pièces Gaumont
A.2.2/ La présentation de l’appareil Radio-cinéma
B/ L’apport du circuit de salles de Franco-Film-Aubert : un marché pour l’Ideal Sonore ?
B.1/ Le réseau de salles Aubert-Franco-Film : la conquête du territoire français
B.2/ Son équipement pour le sonore : un bilan en demi-teinte pour la SEG ?
C/ La dure réalité de l’aménagement des salles en 1930
C.1/ Des salles GFFA essentiellement équipées avec Radio-Cinéma
C.2/ L’installation de l’Idéal Sonore dans les salles : une grande désillusion ?
C.3/ L’Idéal Sonore est abandonné au profit du centre d’études et de recherches
CONCLUSION
SOURCES
SOURCES IMPRIMÉES
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES (EXEMPLES DE FICHES DU PERSONNEL CITÉES DANS LE MÉMOIRE)
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