Un nouveau défi pour les constructeurs et installateurs
Au regard des différentes initiatives internationales, les bâtiments neufs doivent consommer le moins d’énergie possible. Or, les bâtiments à basse consommation ont un comportement thermique différent des bâtiments existants. En effet, pour optimiser la gestion de l’énergie, les déperditions thermiques sont minimisées notamment grâce à une meilleure isolation, des doubles vitrages et une meilleure gestion des infiltrations d’air (Goffart 2013). De ce fait, les apports internes dus aux occupants et aux équipements ont des effets bien plus importants que dans les bâtiments « classiques » et la corrélation entre consommation et température extérieure devient moins évidente, comme le montre l’étude de Mohareb & al (2011). Les nouveaux enjeux de ces bâtiments consistent donc à optimiser les transferts thermiques dans le bâtiment en profitant notamment au maximum des apports solaires et en utilisant des systèmes de ventilation naturelle pour diminuer les besoins de refroidissement. Les systèmes CVC (chauffage, ventilation et climatisation) utilisés dans ces bâtiments doivent être régulés de manière optimale afin d’adapter leur fonctionnement à la charge pour consommer le moins possible sans pour autant altérer le confort des occupants. Ces nouveaux enjeux bouleversent la construction des bâtiments neufs : en plus de livrer un bâtiment conforme au cahier des charges, la consommation du bâtiment et le confort des occupants doivent être garantis après construction et tout au long de l’exploitation du bâtiment. Garantir la performance énergétique d’un bâtiment avant construction consiste à prédire l’énergie nécessaire pour fournir aux utilisateurs le confort et les fonctionnalités attendues (IEA, 2010). Ces attentes sont fortes pour les maîtres d’ouvrage, acquéreurs ou locataires qui souhaitent que les promesses de consommations énergétiques correspondant à un label ou à une réglementation thermique soient respectées lors de l’exploitation du bâtiment (Costa and Jouvent 2012). Des garanties peuvent être requises par des banquiers ou inscrites dans les contrats de location dans le cas de baux verts, désormais obligatoires pour la location de bureaux de plus de 2000 m² à usage de bureaux ou de commerce, selon la Loi Grenelle II du 12 juillet 2010 (LOI n° 2010-788, JOFR, 2010). Nous nous intéresserons à la garantie de performances des systèmes énergétiques des bâtiments tertiaires neufs. Comme le comportement des occupants et le climat ont une importance significative sur les besoins du bâtiment (Hong and Lin 2012), les entreprises portant l’engagement indexeront la consommation annuelle sur ces variables. Cet engagement est pris avant la phase de construction quand les caractéristiques du bâtiment et des systèmes CVC sont théoriques. Il est donc nécessaire de créer une méthode pour tenir compte de l’incertitude lors de l’élaboration d’une offre.
Comment définir un engagement de performance énergétique ?
Le Plan Bâtiment Durable, créé en 2009 et rassemblant des acteurs du bâtiment et de l’immobilier autour de l’efficacité énergétique des bâtiments a proposé deux définitions de la garantie de performance énergétique (Costa and Jouvent 2012) :
La garantie de performance énergétique intrinsèque (GPEI) en phase conception et travaux porte sur un niveau maximal de consommations énergétiques calculées selon un scénario d’utilisation et des paramètres de confort spécifiés en commun accord avec la maîtrise d’oeuvre. Les consommations prévisionnelles sont calculées lors de la conception, pendant le chantier et à la réception, mais ne sont pas mesurées effectivement sur le bâtiment. Cette garantie est un cadre juridique sécurisant les maîtres d’ouvrage.
La garantie de résultats énergétiques sur l’usage (GRE), quant à elle, assure un niveau maximal de consommation énergétique réelle et mesurable pour une durée fixée par le contrat. Nous nous plaçons, dans le cadre de cette thèse, dans le contexte d’une GRE. En effet, on souhaite garantir les consommations réelles du bâtiment sur une certaine durée, en s’appuyant sur des consommations mesurées. La GRE est définit par le Plan Bâtiment Durable (Costa and Jouvent 2012) comme : « un engagement contractuel entre un maître d’ouvrage, un propriétaire ou un locataire et un prestataire spécialisé par lequel ce dernier s’engage pour un immeuble ou sur un ensemble d’immeubles, dans le cadre de la réalisation de travaux neufs ou existants sur un niveau maximal de consommations énergétiques réelles et mesurables, ou sur un pourcentage de réduction des consommations énergétiques réelles par rapport à une situation de référence avant contrat en respectant des paramètres de confort spécifiés et ceci pendant une durée de couverture contractualisée. » Cette garantie de résultats énergétiques peut être définie au cas par cas et les consommations réelles doivent pouvoir être mesurées par une méthode simple. Dans le cadre d’une GRE, les scénarios d’utilisation du bâtiment et la météo sont définies conjointement par la maîtrise d’œuvre et la maîtrise d’ouvrage. Les méthodes de calcul et les hypothèses de confort sont déterminées en amont de l’établissement du contrat. Les consommations calculées seront réajustées en fonction du climat et de l’usage réels lors des mesures dans le bâtiment. Si les consommations mesurées sont supérieures au seuil de consommations (corrigées par le climat et l’usage) garanties, alors le garant du contrat devra régler une pénalité calculée en fonction de l’écart observé. Dans le cas contraire, alors l’économie d’énergie peut être partagée entre le garant et le client selon un taux défini par le contrat (cf. §5.2). Le mode de corrections climatique et d’usage de la consommation prédite sont définies dans le contrat (cf. §5.3) après validation par le client. Dans la majorité des cas, ce mode est imposé par le client qui peut proposer au garant de les modifier. Il existe des cas de figure, plus rares, où le garant propose une loi d’ajustement des consommations.
Rayonnement solaire et éclairage artificiel
Le rayonnement solaire entrant dans le bâtiment conditionne d’une part l’intensité de l’éclairement naturel et par conséquent le recours à l’éclairage artificiel, et d’autre part les apports thermiques. Pour le calculer, plusieurs étapes sont nécessaires : Tout d’abord déterminer le rayonnement incident (direct et diffus), puis calculer le rayonnement sur la fenêtre (prise en compte des masques proches et lointains), ensuite calculer le flux traversant la fenêtre en fonction du vitrage, puis, déterminer la tâche solaire, c’est-à-dire la partie intérieure du bâtiment effectivement touchée par le rayonnement solaire entrant. Enfin, dans le cas d’un éclairage automatique, calculer l’éclairage nécessaire pour assurer une luminosité suffisante dans le bâtiment. Chacune de ces étapes peut être réalisée de façon plus ou moins détaillées. L’utilisateur devra donc, pour chacune de ces étapes, trouver un compromis entre précision de la méthode et temps de calcul en fonction des informations dont il dispose. On fait appel à des fichiers météo représentatifs de plusieurs années de relevés (températures, vitesses du vent, etc.) ou une année particulière. Le logiciel Météonorm permet d’obtenir des années types pour les simulations thermiques dynamiques (Crawley & al, 1997). Il existe plusieurs méthodes de calcul de la transmission à travers les vitrages. Un modèle détaillé est incorporé dans le type 56 de TRNBuild (Solar Energy Laboratory et al. 2010). Il permet de calculer les coefficients de transmission, réflexion et absorption du rayonnement solaire. Pour chaque vitrage, on peut spécifier différents dispositifs d’ombrage internes et externes ainsi qu’une correction d’effets de bords. Le vitrage est décomposé jusqu’en 6 couches individuelles, séparées par différents gaz, pouvant être définies à partir du logiciel WINDOW développé par l’Université de Berkeley (Mitchell et al. 2013). La vitre externe est couplée par convection à la température de l’air extérieur et la vitre intérieure à la température de l’air ambiant. La température de chacune des couches est calculée grâce aux coefficients d’absorption, de transmission et de réflexion. Les transferts de chaleur par conduction et convection entre les couches sont également pris en compte. Cette méthode nécessite donc de connaître avec précision les caractéristiques physiques et géométriques de chacune des couches du vitrage. Pour modéliser le rayonnement solaire entrant dans le bâtiment, il faut également prendre en compte les masques proches et lointains. Plusieurs niveaux de détail peuvent être choisis. On peut par exemple définir précisément chaque masque pour chaque baie. Ce calcul géométrique peut être réalisé à chaque pas de temps pour les méthodes détaillées. On peut utiliser des coefficients issus de normes, comme la norme ISO 15099 pour les stores (Afnor 2011) ou des règles empiriques comme les Th-BCE (CSTB 2010). Il en va de même pour le calcul de l’éclairage artificiel qui peut être calculé comme la différence entre la luminosité souhaitée dans la pièce et l’éclairement naturel entrant ou alors comme une valeur forfaitaire liée à l’occupation du bâtiment.
Principe du regroupement des paramètres
Le regroupement de paramètres consiste de manière générale à associer une densité de probabilité non pas au paramètre en particulier, mais à un coefficient qui multiplie tous les paramètres du même groupe de la manière. Par exemple, si un bâtiment présente plusieurs pompes de différents réseaux de distribution, alors un coefficient global de variation du rendement des pompes peut être tiré au sort puis multiplié par chaque rendement de pompe afin d’étudier l’effet général des pompes sur le bâtiment au lieu de les étudier une à une. Si l’utilisateur souhaite une étude plus fine ou se rend compte que l’effet des pompes est plus important que prévu, alors il pourra désolidariser les rendements en associant une densité de probabilité à chaque rendement. De plus, juste avant la livraison du bâtiment a lieu l’étape de mise à point pendant laquelle l’équipe des « essais » veille à assurer le bon fonctionnement de l’ensemble des systèmes installés dans le bâtiment et ainsi, réduire l’incertitude sur l’ensemble des paramètres contrôlés. Les procédures d’essais peuvent nous permettre d’unir des paramètres entre eux, les vérifications étant souvent réalisées dans le même ordre, créant donc un lien entre les incertitudes de plusieurs paramètres
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Table des matières
Chapitre 1 : Garantir la performance énergétique des bâtiments : contexte et enjeux
1.1. Pourquoi garantir la performance énergétique des bâtiments ?
1.1.1. Contexte énergétique mondial
1.1.2. Un nouveau défi pour les constructeurs et installateurs
1.2. Qu’attend-on d’une garantie de performance énergétique ?
1.2.1. Les acteurs d’un projet de construction
1.2.2. Les différents types de projets de construction et leurs étapes
1.2.3. Comment définir un engagement de performance énergétique ?
1.2.4. Définition de l’engagement
1.3. La simulation thermique dynamique, une réponse limitée à la garantie de performance
1.3.1. Qu’est-ce que la simulation thermique dynamique ?
1.3.2. Les outils de simulation thermique dynamique
1.3.3. Les limites de la simulation thermique dynamique
1.3.4. Identification des sources d’incertitude dans la simulation thermique dynamique
1.4. La prise en compte des incertitudes en simulation thermique dynamique
1.4.1. Terminologie
1.4.2. Le couplage physico-probabiliste pour garantir la performance
énergétique
1.4.3. Approches existantes
1.5. Objectifs de la thèse
Chapitre 2 : Définition du modèle physico-probabiliste
2.1. Comment appréhender les différentes formes d’incertitudes ?
2.1.1. Incertitudes liées aux pratiques de modélisation
2.1.2. Incertitudes de mise en œuvre
2.1.3. Incertitudes d’exploitation
2.2. Constitution du modèle physique
2.2.1. Modélisation du bâtiment : le zonage thermique
2.2.2. Modélisation des systèmes et phénomènes physiques
2.3. Choix des paramètres probabilistes
2.3.1. La nécessité de réduire le nombre de paramètres d’entrée
2.3.2. Présentation du cas d’étude
2.3.3. Sélection des paramètres d’entrée
2.3.4. Regroupement de paramètres
2.3.5. Agrégation de paramètres par une étude préliminaire : le cas des ventilateurs
2.3.6. Application de la méthode au bâtiment Porte de Retz
2.4. Sélection des densités de probabilité
2.5. Création du modèle probabiliste du bâtiment Porte de Retz
2.5.1. Centrales de traitement d’air
2.5.2. Pompes à chaleur
2.5.3. Réseaux de distribution
2.5.4. Bâtiment
2.5.5. Usage et consignes
2.6. Résumé de la démarche
Chapitre 3 : Choix des méthodes de propagation des incertitudes et d’analyse de sensibilité
3.1. Quelles méthodes statistiques pour garantir les performances ?
3.1.1. Revue des études d’analyse de sensibilité dans le domaine du bâtiment
3.1.2. Revue des études de propagation des incertitudes dans le domaine du bâtiment
3.2. Analyse et sélection des méthodes statistiques
3.2.1. Panel des méthodes identifiées
3.2.2. Criblage
3.2.3. Méthodes d’échantillonnage
3.2.4. Méthodes d’approximation
3.2.5. Métamodèles
3.3. Résumé des méthodes sélectionnées
Chapitre 4 : Application des méthodes sélectionnées
4.1. Environnement expérimental
4.1.1. Outils utilisés
4.1.2. Comment réaliser le couplage physico-probabiliste ?
4.1.3. Structure du code de calcul
4.2. Méthodes de criblage
4.2.1. Comparaison entre la méthode de Morris et le Cumul Quadratique avec les scénarios d’occupation
4.2.2. Comparaison entre la méthode de Morris et le Cumul Quadratique sans les scénarios d’occupation
4.3. Analyses de distribution et de dispersion
4.4. Analyses de fiabilité
4.5. Analyses de sensibilité
4.5.1. Analyses de sensibilité globales
4.5.2. Analyses de sensibilité locales
4.6. Métamodèles
4.6.1. Décomposition fonctionnelle creuse en polynômes du chaos
4.6.2. Approximation par polynômes du chaos et non-régularité
4.7. Conclusion : choix de la méthode statistique
4.7.1. Identification des contraintes du modèle
4.7.2. Choix de la méthode selon les objectifs
Chapitre 5 : Méthodologie d’élaboration d’un contrat de garantie de performance
5.1. Introduction
5.1.1. La diversité des modèles de bâtiments
5.1.2. Les objectifs d’un contrat de garantie de performance énergétique
5.1.3. Démarche globale de garantie de consommation énergétique
5.1.4. Application au bâtiment « Porte de Retz »
5.2. Compréhension des besoins
5.2.1. Définition de l’objectif de l’étude
5.2.2. Inventaire des données disponibles
5.3. Définition du modèle physico-probabiliste
5.3.1. Création du modèle physique
5.3.2. Création du modèle probabiliste
5.4. Définition de la consommation contractuelle
5.4.1. Cas où la consommation contractuelle n’est pas connue
5.4.2. Cas où la consommation contractuelle est déjà connue : optimisation de l’engagement
5.5. Mettre en œuvre les moyens de respecter la consommation contractuelle : Analyse de sensibilité
5.5.1. L’étude concerne plusieurs postes de consommation ou contient plusieurs niveaux de paramètres discrets catégoriels incertains
5.5.2. Modèle de bâtiment sans paramètre discret catégoriel incertain
5.5.3. Modèle de bâtiment régulier et sans paramètres discrets catégoriels incertains
5.6. Identification des risques : Ajustement des consommations en fonction des sollicitations
5.6.1. Comment ajuster la consommation aux sollicitations réelles ?
5.6.2. Les pratiques courantes d’ajustement de la consommation
5.6.3. Application au bâtiment « Porte de Retz »
5.7. Rédaction du livrable : plan de mesure et vérification
5.8. Conclusions
Conclusions et perspectives
Annexes
Bibliographie
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