Frottements et diffusion dans des champs fluctuants
Dynamique des fluctuations
Description probabiliste de la position
Afin de rendre la discussion qui va suivre plus concrรจte, prenons le cas simple dโune particule de position z โ R dans un potentiel V(z). La physique classique prรฉvoit que cette particule stationnera sur un minimum local du potentiel. Dโaprรจs la physique statistique, sa position subira des fluctuations thermiques et on ne peut donner que la probabilitรฉ de prรฉsence de la particule (un schรฉma de cette situation est donnรฉ FIG. 2.1). La probabilitรฉ de Boltzmann est
P(z) = Zโปยนย eโV(z)/T , (2.1)
oรน T est la tempรฉrature, Z est une constante de normalisation de la probabilitรฉ et la constante de Boltzmann a รฉtรฉ prise รฉgale ร 1 et le restera jusquโร la fin de cette thรจse. Dans la limite de tempรฉrature nulle, on retrouve le rรฉsultat classique oรน la particule sรฉjourne au minimum. Pour les objets rencontrรฉs dans la vie courante, comme une bille dans un bol, lโรฉnergie caractรฉristique du potentiel est beaucoup plus grande que lโรฉnergie thermique et le systรจme se comporte comme sโil รฉtait ร tempรฉrature nulle.
รquation du mouvement avec des fluctuations
Comme nous allons รฉtudier des phรฉnomรจnes dรฉpendants du temps, nous allons avoir besoin de la dรฉpendance temporelle de ces fluctuations. Le mouvement erratique des grains de poussiรจre observรฉ par Lucrรจce, a รฉtรฉ รฉtudiรฉ plus prรฉcisรฉment par le botaniste Robert BROWN en 1827 pour des particules ร lโintรฉrieur de grains de polen [Brown, 1828]. Il a ensuite รฉtรฉ formalisรฉ par Albert EINSTEIN et Paul LANGEVIN respectivement en 1905 et 1908 [Einstein, 1905, Langevin, 1908]. Cโest leur formalisme que nous allons prรฉsenter dans notre cas simple.
Sans fluctuations, le mouvement de la particule est rรฉgit par le principe fondamental de la dynamique de Newton :
mzยจ(t) = โฮปzห(t) โ V'(z(t)), (2.2)
oรน m est la masse de la particule, ฮป un coefficient de frottement et โV’ (z) est la force ressentie par la particule. Le frottement est introduit manuellement : sans fluctuations, il sert ร stabiliser la particule en un minimum local du potentiel. Avec fluctuations, il jouera un rรดle fondamental, comme nous le verrons. Lโidรฉe dโEinstein et Langevin, est dโy ajouter un terme de bruit. Physiquement, le bruit vient des chocs avec les particules environnantes, qui sont invisibles et ne nous intรฉressent pas ici. Il est modรฉlisรฉ par la composante alรฉatoire la plus simple (et la plus facile ร traiter) que lโon peut imaginer : un bruit blanc gaussien. Comme il est gaussien, il suffit de connaรฎtre sa fonction de corrรฉlation ร deux points, et blanc signifie que cette fonction de corrรฉlation prise ร des temps diffรฉrents est nulle ; il est รฉvidemment de moyenne nulle. On note ce bruit ฮท(t) et il est entiรจrement dรฉterminรฉ par
ย ฮท(t)ฮท(u) = 2Bฮด(t โ u), (2.3)
Questions posรฉes pas un environnement dynamique
Reprenons lโexemple de lโinteraction gravitationnelle : la dรฉcouverte de lโespace-temps comme mรฉdiateur de cette interaction, puis de la dynamique de lโespace-temps, a permis de dรฉterminer la vitesse de propagation de cette interaction. La thรฉorie de la relativitรฉ gรฉnรฉrale a aussi mis au jour le phรฉnomรจne dโondes gravitationnelles, oรน la rotation des astres dissipe de lโรฉnergie. Nous prรฉsentons ici quelques phรฉnomรจnes รฉtudiรฉs oรน la dynamique de lโenvironnement joue un rรดle crucial.
Effet Casimir hors รฉquilibre
Il y a plusieurs faรงons de tirer le systรจme utilisรฉ pour lโeffet Casimir hors de lโรฉquilibre, chacune dโelle faisant apparaรฎtre de nouveaux phรฉnomรจnes. On peut รฉtudier lโanalogue de la vitesse de propagation de lโinteraction de Casimir, par exemple en ยซ allumant ยป les fluctuations du champ ร lโinstant t = 0, et en รฉtudiant la dรฉpendance temporelle de la pression p(t) avant quโelle ne converge vers sa valeur dโรฉquilibre [Dean et Gopinathan, 2009]. Cela revient ร prendre une tempรฉrature dรฉpendante du temps T(t), telle que T(t < 0) = 0 et T(t โฅ 0) = T0 . Une autre faรงon consiste ร considรฉrer une distribution hรฉtรฉrogรจne de tempรฉrature [Rosenkrans et al., 1968, Antezza et al., 2008]. Dans ce cas, la force ne dรฉpend pas du temps mais son รฉquation dโรฉvolution est nรฉcessaire pour dรฉterminer la solution stationnaire, qui nโest pas une configuration dโรฉquilibre. ร ce propos, notons lโรฉvolution du rรดle de la tempรฉrature entre la distribution dโรฉquilibre de Boltzmann (2.1) et lโรฉquation de Langevin (2.13) : dans le premier cas, elle est globale et vaut pour tout le systรจme ; dans le deuxiรจme, elle est ยซ locale ยป, cโest ร dire quโelle peut dรฉpendre du temps ou de la position de la particule. Suivant cela, il est facile dโรฉcrire une รฉquation de Langevin pour le champ oรน la tempรฉrature nโest pas uniforme.
Frottements
Un autre moyen de mettre le systรจme hors de lโรฉquilibre est de faire dรฉpendre la position des plaques du temps. En fait, un effet peu apparaรฎtre avec une seule plaque. Ici encore, lโeffet peut รชtre dรป au champ moyen ou aux fluctuations du champ. Dans le premier cas, il sโagit de lโanalogue de la force dโAbraham-Lorentz Dirac ressentie par une particule chargรฉe accรฉlรฉrรฉe [Dirac, 1938]. Dans le second, il est vรฉritablement question de ยซ frottement de Casimir ยป ; les fluctuations quantiques du champ รฉlectromagnรฉtique peuvent par exemple exercer une force sur un miroir en mouvement [Fulling et Davies, 1976, Kardar et Golestanian, 1999]. De la mรชme maniรจre, un objet neutre polarisable en mouvement par rapport ร un gaz de photons subit une force de frottement [Mkrtchian et al., 2003]. Dans cette partie, nous รฉtudions ces deux phรฉnomรจnes pour une classe trรจs gรฉnรฉrale de champs subissant des fluctuations thermiques.
Diffusionย
On peut aussi รฉtudier comment un objet diffuse dans un champ fluctuant autour dโelle. Comme le champ ยซ diffuse ยป lui aussi (i.e. il suit une dynamique stochastique, contenant une part alรฉatoire), il sโagit finalement dโune diffusion couplรฉe entre lโobjet et son environnement. Un systรจme pour lequel cette question a รฉtรฉ posรฉe est la diffusion de protรฉines incluses dans des membranes. Les protรฉines peuvent รชtre couplรฉes ร divers paramรจtres de la membranes, comme sa hauteur (via la courbure), son รฉpaisseur, sa composition, etc. [Gambin et al., 2006, Reister et Seifert, 2005, Naji et al., 2007]. La question est de savoir si le couplage ร la membrane accรฉlรจre ou ralenti la diffusion de la protรฉine.
Diffusion dans le cas dโun couplage linรฉaireย
Aprรจs avoir รฉtudiรฉ les frottements subis par une particule tirรฉe ร vitesse constante, nous nous proposons dโรฉtudier la diffusion dโune particule libre. En premier lieu parce que ces rรฉgimes sont souvent reliรฉs par la ยซ relation dโEinstein naรฏve ยป : le coefficient de frottement est plus facile ร calculer, le coefficient de diffusion est plus facile ร mesurer (voir [Saffman et Delbrรผck, 1975, Gambin et al., 2006] pour les protรฉines membranaires). Cependant, nous avons vu que la relation dโEinstein naรฏve nโest a priori pas valable : il faudrait mesurer la vitesse moyenne ร force appliquรฉe constante. Le calcul du coefficient de diffusion permettrait dโรฉclaircir cette question. Dโun autre cรดtรฉ, la diffusion dans un potentiel alรฉatoire gelรฉ est รฉtudiรฉe depuis longtemps [Sinai, 1982, King, 1987, Dean et al., 2007]. Le cas dโun potentiel รฉvoluant dans le temps est une gรฉnรฉralisation logique de ces travaux. Revenons briรจvement au frottement : une particule tirรฉe ร vitesse constante dans un potentiel gelรฉ bornรฉ ressent une force moyenne nulle, ce qui est en contradiction avec la relation dโEinstein naรฏve (avec le mauvais coefficient de frottement). De plus, nous allons voir quโil est possible de faire varier la vitesse dโรฉvolution dโun champ, et ainsi passer de faรงon continue du cas gelรฉ au cas fluctuant. Enfin, cette gรฉnรฉralisation en suggรจre une autre : nous avons jusquโici รฉtudiรฉ une particule affectant son environnement, mais nous envisagerons aussi le cas dโune particule ne lโaffectant pas. Dans la limite de potentiel gelรฉ, ces deux cas se rejoignent.
Calcul perturbatif par lโintรฉgrale de chemin
Il est bien sรปr intรฉressant dโaller au-delร de la limite adiabatique, notamment pour faire le lien avec la diffusion dans les potentiels gelรฉs, qui correspondent ร la limite ฮบฯ โ 0. Le cas passif soulรจve en effet une interrogation : dans la limite adiabatique, la particule est accรฉlรฉrรฉe, alors quโelle est ralentie dans un potentiel gelรฉ.
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Table des matiรจres
1 Introduction gรฉnรฉrale
I Frottements et diffusion dans des champs fluctuants
2 Introduction : problรจmes dynamiques
3 Frottement dans le cas dโun couplage linรฉaire
4 Frottement dans le cas dโun couplage quadratique
5 Diffusion dans le cas dโun couplage linรฉaire
II Systรจmes dโions aux interfaces
6 Introduction : premiers modรจles dโions aux interfaces
7 Modรจle unidimensionnel de liquide ionique
8 Ions polarisables aux interfaces
9 Conclusion
A Publications
Bibliographie
Table des matiรจres