Fraude fiscale définition – causes – procédés et conséquences

Définition de la fraude fiscale

   Autour de la fraude fiscale gravite tout un kaléidoscope d’images et de mots qui rend très difficile la compréhension du phénomène. Le législateur marocain touché également par la confusion terminologique du phénomène n’a pas expressément définis la fraude fiscale. Dans le titre premier « sanctions en matière d’assiette » du Code Général des Impôts Marocain, les seuls actes réprimés fiscalement sont :
– Le défaut ou retard dans les dépôts des déclarations du résultat fiscal, des plus-values, du revenu global, des profits immobiliers, du chiffre d’affaire, des actes et des conventions ;
– L’abstention de communication des documents ;
– La rectification, l’omission, l’insuffisance ou la minoration de la base imposable, une nuance est néanmoins introduite à ce niveau, elle entraîne l’application d’une majoration de 100 % au lieu de 15 % des droits correspondants au bénéfice de l’exercice lorsque la mauvaise foi du contribuable est établie ;
– La complicité de fraude, en effet l’article 187  » Sanctions pour fraude ou complicité de fraude  » du Code Général des Impôts stipule que :  » Une amende égale à 100 % du montant de l’impôt éludé est applicable à toute personne ayant  » participé aux manœuvres destinées à éluder le paiement de l’impôt, assisté ou conseillé le contribuable dans l’exécution desdites manœuvres, indépendamment de l’action disciplinaire si elle exerce une fonction publique  » , il est à signaler que la répression prévue par cet article concerne le complice à la fraude fiscale et non pas le contribuable fraudeur.

Les éléments constitutifs de la fraude fiscale

   En droit général, la qualification possible de la fraude fiscale fut fondée sur trois éléments à savoir l’élément légal, l’élément matériel et l’élément intentionnel.
a – L’élément légal : La fraude fiscale est acte de mauvaise foi qui s’exerce à l’encontre d’un objet en l’occurrence la loi, et n’existe que s‘il y’a une règle obligatoire à laquelle on tente de se soustraire. La loi constitue donc l’élément légal. L’élément légal est une nécessité évidente. Le principe de la légalité des incriminations offre au contribuable une garantie contre les abus toujours possibles de l’Etat, puisque la répression n’est possible que sur la base d’un texte législatif d’incrimination. En droit marocain, bien que le législateur marocain n’invoque pas expressément la fraude fiscale, nous pouvons dire que les articles 186 et 187 du Code Général des Impôts marocain constituent l’élément légal. Par contre, en droit français l’élément légal est prévu fiscalement et pénalement. La fraude fiscale en droit français fait l’objet d’une double répression, l’article 1729 du Code Général des Impôts réprime la fraude fiscale par des majorations fiscales. Au contraire, l’article 1741 institue une répression pénale. Face à cette dualité de textes et de sanctions en droit français, la question s’est posée de savoir si la notion de fraude fiscale avait une unité. N’y’a-t-il pas deux notions de fraude fiscale ? L’une pénale et l’autre fiscale ? La doctrine française se prononce le plus souvent pour l’unité, les articles 1729 et 1741 du Code Général des Impôts réprimeraient le même délit de fraude fiscale.
b – L’élément matériel : La fraude ne doit pas être latente, pour être condamnable il faut qu’un fait extérieur la révèle : l’élément matériel. Ainsi les deux principales manifestations de la fraude fiscale sont l’omission ou l’action.
– La fraude pour omission est très fréquente, surtout en matière de TVA. Elle représente en moyenne près de 50% des chefs de redressement après vérification par l’administration fiscale. Elle peut prendre deux formes : l’omission de déclaration ou l’omission d’un élément d’assiette.
1) L’omission de déclaration est constitutive du délit de fraude fiscale si volontairement, elle permet de se soustraire au paiement de l’impôt.
2) L’omission d’un élément d’assiette est très courante. Surtout en matière de droits d’enregistrement où l’on parle « d’insuffisance d’évaluation ».
– En général, la fraude par action conduit à des dissimulations en matière imposable. Cette dissimulation peut être matérielle ou juridique.
1) La dissimulation matérielle porte notamment sur les bénéfices. Elle est obtenue directement par la minoration de recettes ou de stocks et indirectement par la majoration des charges.
2) La dissimulation juridique par acte déguisé se ramène à l’abus de droit(3). Les parties s’entendent pour cacher la véritable nature du contrat. Cependant, les manifestations de l’élément matériel peuvent tenir de la simple tentative, l’article 1741 du Code Général des Impôts français sanctionne « quiconque s’est frauduleusement soustrait ou a tenté de se soustraire frauduleusement à l’établissement au paiement … des impôts ». Autrement dit, la tentative de fraude est punissable. Cette extension pose d’ailleurs un problème de frontière. Entre les actes préparatoires à un délit, le commencement d’exécution et la consommation de ce délit, où se situe en effet la tentative ? La jurisprudence considère que la tentative à la fraude se situe avant la date de souscription de la déclaration fiscale, passé ce délai, pour la Cour de Cassation, le délit de fraude fiscale est consommé. Souvent, le problème de la définition de la tentative est facilité dans la mesure où des actes qui préparent la fraude sont déjà érigés en délits distincts. Ainsi l’article 1743 -1° du Code Général des Impôts Français punit de peines pénales « quiconque a sciemment omis de passer …..des écritures ou a passé des écritures inexactes aux livres comptables. » Les manipulations comptables sont donc sanctionnées indépendamment de la répression de la tentative de fraude.
c – L’élément intentionnel : Enfin, la fraude fiscale suppose un acte intentionnel de la part du contribuable, traduisant sa volonté de contourner de manière délibérée et intentionnelle la loi, afin d’éluder le paiement de l’impôt. Pour reprendre une définition utilisée par le Conseil Européen des Impôts en 1977,  » il y’a fraude dés lors qu’il s’agit d’un comportement délictuel délibéré « . Malgré la définition précisée en sus, l’élément intentionnel reste l’élément le plus délicat de la fraude fiscale. Il divise la doctrine, et le droit positif n’est pas définitivement fixé.
1) L’analyse doctrinale : Le droit pénal général distingue, les infractions matérielles, des infractions intentionnelles. L’analyse vaut pour le délit de fraude fiscale qui fait l’objet de deux appréciations différentes : objective et subjective.
– L’approche objective du délit de fraude fiscale conduit à se désintéresser de son caractère intentionnel, l’élément matériel suffirait. Dés lors qu’une norme fiscale a été violée peu importe l’intention, de même que le fait de démontrer l’intention frauduleuse est en pratique très délicat.
– L’approche subjective, elle exige du contribuable qui fraude une double connaissance. Il doit savoir au moment de l’acte qu’il contrevient à la loi fiscale, mais il doit vouloir en plus ce résultat et que son acte ait été commis librement sans contrainte : la fraude fiscale devient là une volonté consciente de commettre le fait prohibé par la loi.

Les divergences

   Les divergences entre la fraude fiscale et l’évasion fiscale seront analysées à partir des éléments suivants :
– L’acte : Il s’agit d’évasion fiscale lorsque intentionnellement, le contribuable utilise d’une manière abusive les lacunes du dispositif fiscal national, et l’existence de systèmes fiscaux variables selon les différents pays. Quant à la fraude fiscale, elle suppose un comportement intentionnel consistant à dissimuler une partie des recettes ou à majorer les charges.
– La légalité : Sur un plan juridique la légalité de l’acte constitue un critère de séparation : la fraude est illégale car elle constitue une transgression des dispositions fiscales, alors que l’évasion fiscale est aux regards de la législation comme n’enfreignant pas la loi, elle est donc légale autant qu’habile.
– La sanction : c’est la notion d’infraction qui sépare, en droit, la fraude et l’évasion fiscale. La qualité d’infraction ne s’applique qu’à la fraude fiscale qui est susceptible de sanctions soit fiscales, soit pénales. Alors que l’évasion fiscale ne fait pas l’objet de répression. Donc, évasion et fraude fiscales se confondent : l’évasion serait une variante de la fraude, puisque chercher à éluder l’impôt par quelque moyen que ce soit revient à frauder.

Les causes d’ordre culturel et historique

  D’une manière générale, tous les peuples ont été façonnés par des facteurs culturels et historiques, de sorte qu’ils adoptent actuellement une attitude variable à l’égard de l’impôt. Le sentiment d’hostilité à l’égard de l’impôt ne date pas d’hier, et ce quelque soit le contexte dans lequel on se place .Comme le souligne G.ARDANT, les situations dans lesquelles s’opérait le prélèvement dans toute sa forme, n’avaient pas pour préalable l’assentiment du contribuable, celui-ci supportait sans autre moyen de détour la contrainte du prélèvement(9). Indépendamment de ces conditions, l’impôt donne l’impression d’être « la contrainte la plus pénible » de par sa nature même. Cette attitude négative et antagoniste vis-à-vis de l’impôt, a suscité des réactions violentes, tel le mouvement POUJADE en France (10).
– Le poujadisme : Du nom de Pierre POUJADE, est un mouvement politique et syndical français, apparu en 1953 dans le Lot et qui disparaît en 1958. Ce mouvement revendiquait la défense des commerçants et des artisans, qu’il considérait mise en danger par le développement des grandes surfaces dans la France de l’après guerre. Ce sentiment d’hostilité à l’égard de l’impôt, n’est pas présent uniquement dans l’histoire des pays développés, il s’est également manifesté au sein des pays en voie de développement sous de formes spécifiques. Le Maroc a eu à connaître d’un système fiscal traditionnel jusqu’au début du 20ème siècle. A l’instar des pays musulmans, la fiscalité marocaine comprenait d’une part un système fiscal d’essence religieux, et d’autre part de nouvelles contributions créés à l’initiative des sultans. On distinguait dans cette dernière catégorie les impôts de souveraineté. Les impôts à caractère religieux étaient la « ZAKAT » (impôt sur les troupeaux d’animaux) et « l’ACHOUR » (impôt sur les récoltes ou le produit de la terre productive) : ces impôts étaient dus par les musulmans uniquement. Les impôts de souveraineté étaient constitués principalement par le « KHARADJ » (impôt foncier auquel étaient soumis les non musulmans en terre d’Islam), et la « JEZYA » (impôt de capitation). A ces deux impôts s’ajoutaient à titre ponctuel, la « HEDYA », la« MOUNNA », la « SOUKHRA » et la « HARKA ».

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : Fraude Fiscale : Definition – Causes – Procedes Et Consequences
INTRODUCTION DE LA 1ère PARTIE
CHAPITRE 1 – TERMINOLOGIE DE LA NOTION DE FRAUDE FISCALE
Section 1 – Le concept de fraude fiscale
§ 1 : Définition de la fraude fiscale
§ 2 : Les éléments constitutifs de la fraude fiscale
Section 2 – La distinction entre Fraude fiscale et évasion fiscale
§ 1 : Les éléments communs
§2 : Les divergences
CHAPITRE 2 – LES CAUSES DE LA FRAUDE FISCALE
Section 1 – Les causes imputables au contribuable
§1 : Les causes d’ordre culturel et historique
§ 2 : Les causes psychologiques
Section 2 : Les causes non imputables au contribuable
§1 : Les causes afférentes aux systèmes politique, économique et financier marocain
§ 2 : Les défaillances de l’administration fiscale
CHAPITRE 3 – Les Procedes De La Fraude Fiscale Et Ses Consequences
Section 1 : Les fraudes sur l’impôt , sur les bénéfices et la TVA
§ 1 : Les fraudes sur les comptes de gestion
§ 2 : Les fraudes sur les comptes du bilan
§ 3 : Les fraudes en matière des droits d’enregistrement
§ 4 : Autres formes de fraude
Section 2 : Les conséquences de la fraude fiscale
§ 1 : Les effets immédiats de la fraude fiscale
§2 : Les effets différés de la fraude fiscale
CONCLUSION DE LA 1ERE PARTIE
DEUXIEME PARTIE : Les Moyens De Lutte Contre La Fraude Fiscale
INTRODUCTION DE LA 2ème PARTIE
CHAPITRE 1 : Les préalables à la lutte contre la fraude fiscale
Section 1 : l’environnement social favorable
§ 1 : Action sur le contribuable : l’acquiescement fiscal
§ 2 : Amélioration des rapports de l’administration fiscale avec le contribuable
Section 2 : L’environnement légal et réglementaire adéquat
§1 : L’uniformisation et la simplification des règles fiscales
§ 2 : La simplification du système fiscal
CHAPITRE 2 : La prévention de la fraude fiscale
Section 1 : Etendue et portée des moyens de prévention
§1 : Le contrôle fiscal
§ 2 : La menace de redressement
Section 2 : Amélioration des moyens du contrôle fiscal
§ 1 : Amélioration des moyens techniques du contrôle fiscal
§ 2 : Amélioration des méthodes de travail
CHAPITRE 3 : La répression de la fraude fiscale
Section 1 : Les sanctions prévues contre la fraude fiscale
§1 : Les sanctions fiscales
§ 2 : Les sanctions civiles
Section 2 : Institution des mesures de dissuasion
§ 1 : Renforcement des sanctions
§2 : Assouplissement des procédures
CONCLUSION DE LA 2EME PARTIE
CONCLUSION GENERALE

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