Fortune et évolution d’un vocable dans le discours professionnel du marketing direct

En 1 minute sur Internet dans le monde, 150 millions d’emails sont envoyés , et moins de la moitié d’entre eux arriveront à destination. Pourquoi ? Parce-que l’on estime que près de 57% de ces emails sont en fait des spam , des courriers indésirables.

Jeux concours, cartes fidélités, vente par correspondance, le secteur de la communication et du marketing a toujours rivalisé d’inventivité pour récupérer les coordonnées des consommateurs afin de les contacter pour leur vendre des produits ou des services. Aujourd’hui, c’est l’augmentation spectaculaire du nombre d’heures passées sur internet qui contribue à créer des kilomètres de données sur des millions d’utilisateurs, des données qui sont récupérées, morcelées, disséquées, transcrites, analysées, revendues, et dont la conséquence la plus facilement observable est l’accroissement, chaque jour, du nombre de courriers indésirables dans nos boites mail. L’autre conséquence directe de la production massive de données sur les internautes est l’augmentation du nombre d’entreprises se spécialisant dans la récolte puis la revente de ces données sous forme de lead , et c’est bien l’observation de ce phénomène auquel nous ne prêtons même plus attention, ainsi que des nouveaux éléments de langage du marketing qui a piqué notre curiosité. Clic, lead, prospect, client, point de contact, sont autant de mots et d’expressions qui ont été inventés ou adaptés pour parler de ces nouveaux usages, les manipuler, et c’est l’analyse sommaire de ce lexique qui nous a permis d’isoler un vocable qu’on ne définit plus et qui pourtant recouvre une richesse immense dans la langue et des pratiques professionnelles du marketing et de la communication : le contact.

Si ‘contact’ est un vocable extrêmement courant voir banal ou neutre, il suffit de réfléchir quelques minutes à ses emplois et ses usages pour se rendre compte de la multitude de définitions qu’il recouvre, d’objets qu’il désigne et d’imaginaires qu’il convoque. Le contact peut être direct, visuel, tactile, il peut désigner un individu : « je vais te donner le contact d’un ami qui pourra t’aider » ; mais aussi la communication ou la relation : « nous sommes en contact régulièrement depuis notre rencontre ». Un contact est une fiche de coordonnées dans un téléphone mobile, de même qu’il désigne, en publicité, le nombre de personnes qui, à un moment donné, rencontrent ou sont touchés par un support publicitaire , ou encore un contact enregistré auprès d’un prospect en marketing direct. Le contact est au cœur des plateformes on demand qui ont conquis, ces dernières années, l’industrie des services et de la rencontre : Uber, Tinder, Handy, autant de dispositifs dont la qualité première est la mise en contact.

Histoire et fortune d’un vocable polysémique et plastique 

Afin de mieux comprendre ce qu’est le contact, il a fallu en relever les occurrences et les interroger pour leur donner du sens. Le « contact » est en effet relativement courant : on l’emploie dans la vie de tous les jours, on l’utilise comme substitut pour d’autres mots, ou comme outil dans le milieu professionnel. On peut, intuitivement, lui associer plusieurs définitions, une histoire. C’est l’étude de ces occurrences qui nous a permis d’identifier différents modes de structuration du lexique, présentés ici.

Etat et action, l’imaginaire de la sociabilité 

Le contact, de l’état à l’action 

Dans l’une de ses acceptions la plus courante, le contact désigne un état, celui de quelqu’un ou de quelque chose étant lié, relié, en relation avec, en « contact » avec quelqu’un ou quelque chose d’autre. L’image la plus parlante pour appuyer cette première définition serait celle de conducteurs qui, au contact physique l’un de l’autre, autrement dit par l’action de se toucher, permettent le passage d’un courant électrique. Ce contact peut être direct, dans le cas du toucher, ou indirect, dès lors qu’il se fait par le regard ou par la parole. Qu’il soit direct ou indirect, le contact peut être initié par l’un des partis qui exécute l’action d’« entrer » en contact ou d’ « établir » un contact, tout comme il peut être interrompu par l’un des partis ou par un autre facteur. Un obstacle dans le champ visuel, ou une mauvaise couverture téléphonique font en effet « perdre le contact ». Il semblerait donc que le contact désigne non seulement un état et une action mais également une forme de relation.

Dans le langage courant, « être en contact » avec quelqu’un est synonyme de « entretenir une relation » avec cette personne. Si ce contact peut être plus ou moins fréquent, il semblerait qu’il puisse également être variable dans son intensité, puisque l’on peut qualifier un contact de rare et de superficiel, comme il peut être bon, fréquent et soutenu. Le téléphone est un outil de « prise de contact », une expression qui sous-entend souvent que les deux partis peuvent ne pas se connaitre au préalable. Ce contact peut avoir vocation à ne pas être entretenu, dans le cas d’un appel à un service client par exemple (« j’ai pris contact avec le service client qui m’a tout de suite dépannée »), comme il peut mener à une rencontre (« j’ai pris contact avec un spécialiste, j’ai rendez-vous avec lui la semaine prochaine »), et à une relation. On peut « être en contact » avec quelqu’un, dans le sens de « avoir la possibilité / les moyens techniques d’entrer en contact avec », comme on peut « être en contact » régulièrement avec un parent, ou un ami, ce qui désigne alors l’action répétée d’entrer en contact, en relation avec cette personne. Afin de confirmer nos intuitions autour de cet imaginaire de la relation que nous évoque le contact, nous avons tenté une brève incursion vers la langue anglaise et plus exactement vers la traduction de « garder le contact » : « to keep in touch ». Dans le cas de l’anglais, on constate que le lexique utilisé renvoie au contact physique, au toucher, et qu’une traduction littérale de cette expression pourrait être « garder à portée de toucher », ce qui vient bien renforcer l’idée selon laquelle le contact est une forme de relation, sur un mode réel (toucher) ou virtuel (téléphone). Ces occurrences et leur champ lexical nous laissent à penser que le « contact » est un mode de relation sinon une relation en lui-même, et que s’il est une relation, ou en tout cas un vecteur de relation, alors il est également un vecteur de social.

« Garder le contact », le téléphone comme ciment social 

La définition de « contact » comme relation sociale est assez simple à admettre dès lors que l’on pense à des expressions courantes telles que « restons en contact » ou « on garde le contact ». Dans un cas comme dans l’autre, ces expressions sont absolument performatives et semblent signifier quelque chose de l’ordre de « je m’engage ou je t’invite à entretenir notre relation sociale par quelque moyen que ce soit ». À l’inverse, « avoir perdu le contact » signifie bien qu’il y a eu une interruption de la relation. Dans son article « Gardez le contact ! » L’industrie du téléphone découvre la sociabilité , Claude Fischer explique comment l’industrie téléphonique en est venue à associer le contact par téléphone, donc l’action de téléphoner, au lien social ou en tout cas à l’entretien du lien social, et à utiliser cette association comme levier de vente par le biais de la publicité. En effet, si l’usage du téléphone au début de sa diffusion était naturellement assimilé à celui du télégraphe, il est rapidement apparu (aux chercheurs, rétrospectivement) que le changement de paradigme autour de l’usage du téléphone dans les années 1920 n’était pas lié à la découverte d’un nouvel usage à proprement parler, mais à l’acception par les distributeurs de l’usage « naturel » du téléphone par les consommateurs qui, non content de pouvoir communiquer à distance avec beaucoup plus de facilité, ont fait du téléphone un instrument de sociabilité. Par une étude longitudinale de la publicité des annonceurs et notamment de AT&T et Bell, Fischer montre qu’au début de la distribution du téléphone, les grandes campagnes nationales étaient d’abord portées sur la facilité à faire des affaires tout en gagnant du temps, et sur l’administration de la maison, alors que les « thèmes mondains » comme le fait d’appeler chez soi lorsque l’on est absent ou de « garder le contact avec les amis et les parents » étaient rares et presque toujours envisagés sur le mode du message rapide plutôt que sur celui de la conversation et du bavardage. Le glissement le plus visible dans la communication des annonceurs se fait, selon Fischer, dans les années 1920 lorsque Bell décide que vendre des abonnements téléphoniques, c’est vendre « quelque chose de plus vital que la distance, la rapidité et la précision! Le téléphone! met presque [les gens] face à face. C’est le substitut parfait au contact personnel. ». Pour insister sur ce glissement de la stratégie de vente vers une stratégie mettant à l’honneur le caractère « social » du téléphone, Fischer donne aussi l’exemple d’une publicité de 1934 de Bell Canada montrant un couple venant de se réabonner au téléphone et qui témoigne : « On a perdu le contact avec tous nos amis et on regrettait les bonnes occasions qu’on a maintenant retrouvées ». D’un point de vue économique, c’est également la reconnaissance de cet usage qui, selon Fischer, a poussé les annonceurs à passer au modèle du « service à temps facturé », opposé au modèle ancien de la facturation unique de l’abonnement téléphonique incluant des communications illimitées. Il écrit : « on peut donc en gros établir un parallèle entre le glissement des encarts publicitaires vers la sociabilité et le changement d’attitude dans l’industrie du téléphone de l’irritation à la reconnaissance des conversations sociales comme faisant partie du « confort, de la commodité et du luxe » de cette invention » . L’autre intérêt de l’article de Fischer est l’analyse de ce changement de paradigme appliqué au langage des professionnels de la téléphonie, qu’il effectue à partir de l’étude du lexique des guides fournis aux « représentants en téléphone ». Il rapporte en effet qu’un mémorandum de 1931 intitulé « Votre téléphone », adressé à ces représentants et ayant pour but de faciliter la vente et d’accroitre l’usage du « téléphone personnel » contient un premier chapitre intitulé « Favoriser l’amitié » et qui explique : « Votre téléphone maintiendra vivantes et actives vos relations amicales. De vraies amitiés sont trop rares et trop précieuses pour être brisées quand vous ou vos amis quittez la ville. La correspondance sauve les apparences pendant un certain temps mais les amitiés ne se nourrissent pas seulement de longues lettres. Quand vous ne pouvez pas rendre visite en personne, téléphonez de temps en temps. Un appel maintiendra remarquablement l’intimité. Il n’y a pas besoin que vos amis sortent de votre vie quand ils retournent loin chez eux ». « Garder le contact » par le téléphone est très clairement associé à un maintien actif des relations personnelles, à l’entretien non seulement de la sociabilité mais aussi de l’intime. L’emphase est mise sur la nature « vivante » et « active » de la relation, et le lexique employé suggère que cette relation ne sera pas altérée par une translation du réel (de « vraies amitiés ») au virtuel (l’appel téléphonique).

Notons dans cet extrait l’emploi du terme « correspondance » pour désigner de « longues lettres », et dont on peut trouver la définition suivante dans le Trésor de la Langue Française informatisé : « 2. Relation, communication entre des personnes. [!] a) Par échange de lettres, messages, etc. [!] SYNT. Entrer, être en correspondance avec qqn; lier, entretenir une correspondance; correspondance active, réglée, régulière, suivie. ».

« Correspondance » est utilisé comme un substitut de « contact » et il est d’autant plus intéressant de noter que dans cette définition, le champ lexical gravitant autour du mot « correspondance » est le même que celui employé depuis le début de ce travail autour du mot « contact » : « entrer en contact / en correspondance avec quelqu’un », « contact actif, régulier suivi », un lexique qui nous renvoie à la littérature et à l’imaginaire de la relation épistolaire, venant renforcer notre idée selon laquelle le contact, comme la correspondance, sont synonymes de relation et vecteurs de social.

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Table des matières

I)INTRODUCTION
II) GENERALITES
III) METHODOLOGIE
IV) RESULTATS
V) COMMENTAIRES ET DISCUSSION
VI) CONCLUSION  
VII) REFERENCES
ANNEXES
RESUME

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