Formulation et caractérisation de bétons bas pH 

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Hydratation du ciment

L’hydratation du ciment s’opère par dissolution des solides anhydres, suivie d’une précipitation des hydrates formant une structure mécaniquement résistante (théorie de Le Chatelier). Elle passe par une succession d’étapes clairement mises en évidence par calorimétrie (Figure I – 2) : la phase de « pré-induction », durant quelques minutes, correspondant au mouillage des grains, la phase d’induction, ou période dormante, dont la durée, le plus souvent de quelques heures, dépend du nombre de germes d’hydrosilicates (C-S-H) formés dès la mise en contact du ciment avec la solution de gâchage, la phase d’accélération coïncidant approximativement avec le début de la prise et contrôlée par la croissance des hydrates sur les grains de ciment, la phase de décélération due à la coalescence des îlots d’hydrates en croissance à la surface des grains, puis au recouvrement total des grains par les hydrates, les réactions étant alors limitées par la diffusion à travers ces couches d’hydrates.
Les réactions chimiques qui se produisent lors de la mise en contact du ciment avec l’eau peuvent être décrites de la façon suivante :
Hydratation des silicates C3S et C2S Elle produit des silicates de calcium hydratés (C-S-H) et de la portlandite (CH) selon les réactions bilans suivantes : C3S + (y+3-x) H CxSHy + (3-x) CH C2S + (y’+2-x’) H Cx’SHy’ + (2-x’) CH
L’hydratation du C3S a une importance particulière parce qu’il est le composant prépondérant ; de plus, son produit d’hydratation (C-S-H) est responsable de la plus grande partie des propriétés mécaniques de la pâte durcie. Le C3S confère rapidement au ciment une résistance élevée, son hydratation n’évolue pratiquement plus après 28 jours. Le C2S dont la cinétique est plus lente, permet au contraire d’atteindre des résistances élevées à moyen et long terme.
Hydratation des aluminates C3A et C4AF Le C3A est le constituant le plus réactif du clinker. Il réagit très rapidement avec l’eau pour donner des hydrates métastables (C4AH13, C2AH8) qui se transforment en un aluminate de calcium hydraté C3AH6.
L’aluminate tricalcique contribue à la prise de la pâte de ciment, mais assez peu à la résistance finale. L’addition de gypse permet d’éviter le phénomène de fausse prise due à la cristallisation quasi immédiate des aluminates hydratés qui entraîne une mauvaise ouvrabilité de la pâte. Cet ajout de gypse provoque en effet la formation autour des grains de C3A d’ettringite (tri sulfo aluminate de calcium hydraté). C3A + 26H2O + 3CaSO4.2H2O C3A.3CaSO4.32H2O
La formation d’ettringite consomme 3 moles de sulfate de calcium par mole d’aluminate tricalcique. La teneur en gypse des ciments étant limitée, il y a donc en général excès de C3A par rapport au gypse. Lorsque le gypse est totalement consommé, la solution devient sous saturée par rapport à l’ettringite. Celle-ci se dissout et devient la nouvelle source de sulfate pour former avec l’aluminate excédentaire un nouveau composé : le monosulfoaluminate de calcium hydraté, avec une mole de sulfate de calcium pour une mole de C3A. C3A + 10H2O + CaSO4.2H2O C3A.CaSO4.12H2O
L’hydratation du C4AF est semblable à celle du C3A, mais la vitesse de réaction est plus lente et les hydrates formés contiennent du fer. Les produits de réactions sont les même que ceux issus du C3A en substituant aux aluminates des alumino-ferrites.

La solution interstitielle d’une pâte durcie d’un ciment Portland

La pâte de ciment durcie est un système hétérogène constitué d’un solide poreux, ainsi que d’une phase liquide et généralement d’une phase gazeuse présentes dans les pores. Le solide est formé de minéraux hydratés et éventuellement de ciment anhydre résiduel si l’avancement de l’hydratation n’est que partiel.
L’eau présente dans la pâte de ciment durcie se répartit sous trois formes : eau chimiquement liée, eau adsorbée et eau libre.
L’eau chimiquement liée a été consommée lors des différentes réactions d’hydratation et fait partie intégrante des hydrates. L’eau adsorbée est retenue à la surface solide des pores sous l’action des forces de Van der Waals. L’eau libre désigne la phase condensée qui remplit le volume poreux.
La composition de la solution interstitielle constituée par l’eau libre varie avec l’âge du matériau (Figure I – 3). Au terme des réactions d’hydratation, elle contient quelques mmol/L de calcium, une dizaine de mmol/L de sulfates, et plusieurs centaines de mmol/L d’alcalins (sodium et potassium). Le pH de la solution interstitielle est lié aux équilibres de phases en présence. Atkinson [ATK 85] propose une description de l’évolution du pH de la solution interstitielle d’un béton soumis à une lixiviation par l’eau pure (Figure I – 4).
Initialement le pH est égal ou supérieur à 13 à cause de la présence des alcalins dans la solution porale. A partir du flux considéré, il est prédit que 8500 ans sont nécessaires à une lixiviation totale des alcalins.
Dans l’étape suivante, c’est la portlandite qui tamponne le pH à 12,5 pendant 2,3105 années.

Les ciments avec ajouts de composés pouzzolaniques

Les ciments à la fumée de silice

La fumée de silice est un sous produit de la fabrication de silicium obtenu dans un four à arc à partir de quartz de grande pureté et de charbon [TAY 97]. La fumée de silice se présente sous forme de particules sphériques de diamètre compris entre 0,03 et 0,3 µm. Les particules de silice sont amorphes. Un matériau aussi fin que la fumée de silice a une très faible masse volumique en vrac (de 200 à 300 kg/m3). La manutention de cette poudre est difficile. Aussi la fumée de silice est-elle disponible sous forme densifiée (agglomérats de particules individuelles) ou sous forme de suspension. La silice amorphe (94 à 98%) constitutive de la fumée de silice est très réactive et la petitesse des particules accélère la réaction pouzzolanique avec la portlandite. Cependant, plusieurs auteurs [SAN 99, MIT 98] soulignent que la fumée de silice ne possède une réactivité pouzzolanique élevée que si elle est correctement dispersée dans le liant. Sous forme d’agglomérats, sa cinétique de réaction est beaucoup plus lente et une fraction importante peut rester non consommée à l’échéance de 180 jours..

Les ciments aux cendres volantes

Les cendres volantes sont recueillies dans les installations de dépoussiérage électrostatique ou mécanique des fumées des centrales thermiques à charbon [TAY 97]. Elles se présentent principalement sous forme de particules sphériques de diamètre compris entre 1 et 100 µm.
Leur composition chimique est très variable fonction du combustible utilisé. Elles sont constituées d’une phase vitreuse alumino-silicatée (fraction massique de 60 à 90%) à l’origine de la réactivité pouzzolanique et de minéraux cristallins non réactifs.
Les cendres volantes sont classées en deux catégories selon leur nature : type V pour les cendres silico-alumineuses aux propriétés pouzzolaniques (celles qui nous intéressent et qui contiennent moins de 10% de CaO) et type W pour les cendres silico-calcaires qui possèdent également des propriétés hydrauliques. Elles sont réglementées par la norme NF EN 450.
Des tendances générales peuvent être dégagées quant à leur influence sur les propriétés des matériaux hydratés lorsqu’elles remplacent une fraction du ciment Portland (Tableau I – 7).

Les ciments au laitier

Le laitier de hauts fourneaux est un sous produit de fabrication de la fonte brusquement refroidie par aspersion d’eau. Cette trempe provoque la vitrification du matériau [TAY 97]. C’est un matériau hydraulique latent (constitué majoritairement de 4 oxydes : CaO, SiO2, Al2O3 et MgO) [GLA 91], c’est-à-dire qui présente des propriétés hydrauliques lorsqu’il subit une activation convenable. Il est le plus souvent utilisé en mélange avec du ciment Portland et c’est la portlandite formée par hydratation du clinker qui active l’hydratation du laitier. [OH] (mol/L)
Dans un ciment au laitier, le clinker s’hydrate le premier, par dissolution du silicate tricalcique, pour former de la portlandite et des C-S-H. L’augmentation de l’alcalinité de la solution interstitielle permet le démarrage de la réaction du laitier.
Comme le laitier s’hydrate beaucoup plus lentement que l’alite du ciment Portland [TAY 97, XI 97], les liants incorporant du laitier dégagent une quantité de chaleur plus faible que celle d’un témoin de ciment Portland [DOU 90, GLA 91, JAV 68]. La quantité de portlandite dans un ciment au laitier est plus faible que celle produite par un CEM I [TAY 85]. Le magnésium présent dans les laitiers forme des hydrates de type hydrotalcite et des gels de M-S-H [BRE 04, BRE 05]. La valeur du rapport C/S des C-S-H est plus faible que celle d’un témoin de ciment Portland [DUC 95, GLA 91]. Selon Richardson et Groves [RIC 92], cette valeur décroît lorsque la proportion de laitier dans le liant augmente, de 1,8 pour un CEM I jusqu’à 1,1 – 1,2 dans le cas extrême d’une pâte de ciment ne contenant que du laitier activé par des alcalins.
L’association de ciment Portland, de laitier et de fumée de silice conduit à une diminution du pH de la solution interstitielle. Xi et al. [XI 97] ont étudié un liant constitué de 32,5% de CEM I, 60,5% de laitier et 7% de fumée de silice. Après 24 h d’hydratation, la suspension cimentaire (masse d’eau / masse de solide = 0,75 mL/g) présente un pH de 12,3, mais celui-ci est réduit à 11,3 après 14 jours d’hydratation. Cette chute de pH est due en partie à la capacité des liants incorporant du laitier à diminuer la teneur en alcalins de la solution interstitielle [DUC 95, RAS 91, CAN 87]. En effet, le gel de silicate de magnésium hydraté (M-S-H) (un hydrate du laitier) a été identifié comme ayant un fort pouvoir sorbant du potassium. D’autres phases, telles que l’hydrotalcite, la strätlingite et les C-S-H de faible rapport C/S pourraient aussi contribuer à la sorption des alcalins [BRE 04, BRE 05].

Intérêt des ciments ternaires

Comparaison de la réactivité pouzzolanique des cendres volantes et de la fumée de silice

Poon et al. [POO 01] ont effectué une étude comparative des propriétés des pâtes cimentaires incorporant du métakaolin, de la fumée de silice densifiée et des cendres volantes. Des résultats obtenus, il ressort que :
La cinétique de la réaction entre la chaux et les cendres volantes est plus lent qu’avec la fumée de silice : malgré un taux d’incorporation de 20 % de cendres volantes, la teneur en chaux du matériau reste très supérieure (9 % de Ca(OH)2 par rapport à la masse de CEM I) à celle des échantillons préparés avec 5 % ou 10 % de fumée de silice (7 % et 4 % de chaux restant dans le matériau respectivement).
Les réactions pouzzolaniques sont incomplètes à l’échéance de 90 jours.

Intérêt des mélanges ternaires CEM I / fumée de silice / cendres volantes

Les cendres volantes diffèrent de la fumée de silice par leur réactivité beaucoup plus lente : elles ne réagissent qu’après une à plusieurs semaines, lorsque la concentration des alcalins dans la solution interstitielle est devenue suffisante. L’utilisation simultanée d’une pouzzolane à cinétique rapide (fumée de silice) et d’une pouzzolane à cinétique lente (cendres volantes) en remplacement d’une fraction du ciment pourrait conduire à des synergies intéressantes :
Limitation du retard de prise et gain sur la résistance au jeune âge grâce à la fumée de silice,
Limitation de la demande en eau, réduction de la chaleur d’hydratation, gain sur la résistance à long terme, réduction du coût grâce aux cendres volantes,
Forte réduction des coefficients de diffusion due à un affinement du réseau poreux.
Les mélanges CEM I / fumée de silice / cendres volantes ont fait l’objet d’études dont les résultats présentent un intérêt dans la perspective de l’élaboration de bétons bas pH.
L’ajout en faible concentration (5 % de la masse de liant) de fumée de silice à un ciment aux cendres volantes induit une augmentation de la porosité totale mais un affinement de la structure poreuse du matériau hydraté [HUA 97]. Poon et al. [POO 99] indiquent que la fumée de silice est particulièrement efficace pour densifier les zones de transition pâte / granulats dans les mortiers ou bétons aux cendres volantes.
Langan et al. [LAN 02] ont étudié l’hydratation de pâtes de CEM I contenant de la fumée de silice et / ou des cendres volantes par calorimétrie isotherme à 25°C. Les résultats obtenus ne mettent pas en évidence l’effet de synergie escompté : l’ajout de fumée de silice à la pâte de ciment contenant 20 % de cendres volantes ne réduit pas le retard d’hydratation induit par ces dernières (Tableau I – 10)

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Table des matières

Introduction
Chapitre I – Du ciment Portland aux ciments bas pH – Approche bibliographique
1 Rappel sur le ciment Portland
1.1 Historique
1.2 Fabrication du ciment
1.3 Constituants du ciment
1.4 Hydratation du ciment
1.5 Chaleur d’hydratation
1.5.1 La solution interstitielle d’une pâte durcie d’un ciment Portland
1.6 Conclusion : conditions nécessaires à l’obtention de liants bas pH à faible chaleur d’hydratation
2 Les ciments avec ajouts
2.1 Les ciments avec ajouts de composés pouzzolaniques
2.1.1 Les ciments à la fumée de silice
2.1.2 Les ciments aux cendres volantes
2.2 Les ciments au laitier
2.3 Intérêt des ciments ternaires
2.3.1 Comparaison de la réactivité pouzzolanique des cendres volanteset de la fumée de silice
2.3.2 Intérêt des mélanges ternaires CEM I / fumée de silice / cendres volantes
2.3.3 Intérêt des mélanges ternaires CEM I / fumée de silice / laitier
2.3.4 Conclusion
2.4 Les ciments normalisés – Conclusion
3 Etat de l’art sur les liants bas pH
3.1 Les liants bas pH à l’international
3.1.1 Béton canadien LHHPC (low heat high performance concrete)
3.1.2 Béton japonais HFSC (high fly ash silica fume cement)
3.1.3 Le béton bas pH suédois
3.1.4 Les ciments bas pH développés en Finlande
3.1.5 Comparaison – Conclusion
3.2 Mesure du pH d’un matériau cimentaire
3.3 Travaux du CEA préliminaires à notre étude
3.3.1 Mélanges binaires
3.3.2 Mélanges ternaires
3.3.3 Conclusion : sélection des liants pour la suite de l’étude
Chapitre II – Formulation et caractérisation de bétons bas pH 
1 Matériel et Méthodes
1.1 Composition des matières premières
1.2 Méthodes utilisées
1.2.1 Gâchage des mortiers et des bétons
1.2.2 Caractérisation des matériaux frais
1.2.3 Caractérisation des matériaux durcis
2 Formulation
3 Propriétés des matériaux frais
3.1 Bétons
3.1.1 Air occlus et masse volumique
3.1.2 Affaissement
3.1.3 Retrait au jeune âge
3.2 Mortiers
4 Propriétés des matériaux durcis
4.1 Etude du solide
4.1.1 Variations dimensionnelles et pondérales
4.1.2 Résistances mécaniques
4.1.3 Porosité
4.1.4 Coefficients de diffusion des ions chlorures
4.2 Etude de la solution interstitielle
5 Récapitulatif – Conclusions
Chapitre III – Etude de l’évolution physico-chimique des liants bas pH au cours de l’hydratation 
1. Matériels et méthodes
1.1. Etude de l’hydratation de pâtes de liants bas pH
1.1.1. Etude du solide
1.1.1.1 Caractérisations macroscopiques
1.1.1.2 Caractérisations minéralogiques et microstructurales
1.1.2. Etude de la solution interstitielle
1.2. Les liants bas pH après hydratation totale
1.3. La sorption des alcalins par les pâtes de ciment
2. Etude de l’hydratation de pâtes de liants bas pH
2.1. Etude du solide
2.1.1. Caractérisations macroscopiques
2.1.2. Caractérisations minéralogiques et microstructurales
2.2. Etude de la solution interstitielle
2.3. Comparaison des valeurs de pH des solutions porales des pâtes et des bétons
2.4. Récapitulatif
3. Les liants bas pH après hydratation totale
3.1. Minéralogie du solide
3.2. Chimie de la solution en équilibre avec le solide
3.2.1. Comparaison des pH obtenus avec les pH des solutions interstitielles extraites de pâtes âgées d’un an
3.2.2. Etude des liants binaires CEM V / fumée de silice (Q0, Q1, Q2, Q3, Q4, Q5)
3.3. Les systèmes en fin d’expérience sont-ils éloignés de l’équilibre thermodynamique ?
4. Etude de la sorption des alcalins par les pâtes de liants bas pH
4.1. Relâchement des alcalins par des pâtes de liants bas pH et de ciments commerciaux
4.2. Relation entre la valeur du pH de la solution porale et sa concentration en calcium
4.3. Etude du mode de sorption des alcalins dans les pâtes de liants bas pH 108
5. Conclusion
Chapitre IV – Durabilité des matériaux bas pH – Etude expérimentale et première approche de modélisation 
1. Introduction
2. Lixiviation : résultats expérimentaux
2.1. Matériels et méthodes
2.2. Caractérisation du solide dégradé
2.2.1. Etude des échantillons après quatre mois de lixiviation
2.2.2. Etude des échantillons après neuf mois de lixiviation
2.2.3. Comparaison des résultats obtenus sur les solides lixiviés pendant 4 et 9 mois
2.3. Caractérisation de la solution lixiviante
2.3.1. Influence de la composition du liant
2.3.2. Influence de l’âge de l’échantillon
3. Récapitulatif
4. Lixiviation des bétons
5. Lixiviation : modélisation chimique
5.1. Données de base
5.2. Paramètres de modélisation
5.3. Résultats de la simulation
5.3.1. Pâte B
5.3.1.1 Durée de lixiviation : 4 mois
5.3.1.2 Durée de lixiviation : 9 mois
5.3.2. Pâte T1
5.3.2.1 Durée de lixiviation : 4 mois
5.3.2.2 Durée de lixiviation : 9 mois
6. Récapitulatif
Conclusion Générale 
Annexes 

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