Les spondyloarthrites (SpA) constituent un groupe de rhumatismes inflammatoires chroniques ayant en commun :
– une atteinte enthรฉsopathique prรฉdominante avec une topographie axiale (syndrome pelvi-rachidienne) et/ou pรฉriphรฉrique (arthrite, dactylite)
– une atteinte systรฉmique : immunologique et inflammatoire du tissu conjonctif
– une hรฉrรฉditรฉ attestรฉe par leur liaison avec lโallรจle Ag HLA-B27
– lโexistence de forme de passage
– lโabsence de tout stigmate dโauto-immunitรฉ.
Elles sont composรฉes la spondyloarthrite ankylosante (SPA), les arthrites rรฉactionnelles (AR), le rhumatisme psoriasique (RP), les rhumatismes associรฉs aux maladies inflammatoires de lโintestin (MICI), le SAPHO (acronyme de Synovite, Acnรฉ, Pustulose palmo-plantaire, Hyperostose, Ostรฉite), certaines arthrites juvรฉniles idiopathiques (AJI) et les SpA indiffรฉrenciรฉes (SpAI) [47,69]. Elles sont trรจs frรฉquentes en Occident oรน leur prรฉvalence se superposerait ร celle de la polyarthrite rhumatoรฏde (PR) [57]. En Afrique subsaharienne, elles sont en revanche considรฉrรฉes comme rares voire exceptionnelles [45]. Mais cette raretรฉ est remise en question par les รฉtudes rรฉcentes au Sรฉnรฉgal, oรน leur incidence est en constante croissance [6,21,22], sans aucun doute en raison de leur meilleure connaissance.
Leur diagnostic surtout prรฉcoce est actuellement une nรฉcessitรฉ, en raison de la possibilitรฉ de les mettre en rรฉmission avec les anti-inflammations non stรฉroรฏdiens(AINS) et/ou les biothรฉrapies, principalement les anti cytokines essentiellement anti-TNF alpha, les anti-IL1, les anti-IL6, les anti-IL17 et les anti-JAK, voire les anti-LB. [27,75,76]. Lโorigine de ces affections est multifactorielle, rรฉsultant de facteurs de risques gรฉnรฉtiques et environnementaux, agissant de concert [33,34,74]. Lโimplication des facteurs de risque gรฉnรฉtique dans le dรฉterminisme de ces pathologies, est attestรฉe par lโexistence de formes familiales, les รฉtudes de jumeaux et les modรจles animaux de la maladie [11,12]. Lโanalyse gรฉnรฉtique montre que leur hรฉrรฉditรฉ est multifactorielle et polygรฉnique impliquant lโAg HLA-B27 (comme lโillustre lโexistence des modรจles animaux suscitรฉs), ainsi que dโautres gรจnes en cours dโรฉvaluation situรฉs aussi bien dans le systรจme HLA et non HLA [6,12]. La dรฉtermination des facteurs gรฉnรฉtiques dans le dรฉterminisme de ces affections est ainsi multiple : รฉpidรฉmiologique (leur prรฉvalence suit celle de lโAg HLA-B27), diagnostique (lโAg HLA-B27 est un critรจre diagnostique notamment dans les critรจres dโASAS) [1,31,60,73], pronostique (les SpA HLA-B27+ sont plus graves que celles HLA-27 nรฉgatif) [5,29] et thรฉrapeutique (les SpA HLA-B27+ rรฉpondent mieux aux anti-TNF). La connaissance des gรจnes impliquรฉs pourrait aboutir ร une thรฉrapie gรฉnique.
HISTORIQUE
Les SpA sont considรฉrรฉes comme รฉtant le groupe de rhumatisme inflammatoire chronique le plus vieux de lโhumanitรฉ. En effet :
– 1213- 1279 avant Jรฉsus Christe : dรฉcouverte en Egypte de squelette รฉvoquant une SPA chez la momie du pharaon Ramsรจs II [46].
– XVIรจme siรจcle : premiรจre description anatomique dโune SPA par un mรฉdecin Italien du nom de Matteo Realdo Colombo mรฉdecin et chirurgien italien qui dans son livre ยซ De Re Anatomica ยป, livre la description de deux squelettes prรฉsentant des caractรฉristiques cliniques identiques ร celles de la spondylarthrite ankylosante. [46].
– XIXรจme siรจcle : individualisation de la SPA et son รฉventuelle association au psoriasis, au syndrome oculo-urรฉthral et aux entรฉrocolopathies par Pierre Marie en France, Adolph Von Strรผmpell en Allemagne et Vladimir Bechterev en Russie [47].
– 1931 : description des syndesmophytes (ponts osseux caractรฉristiques des pathologies inflammatoires des enthรจses) et des diffรฉrents stades de la sacroilรฉite par Sicard et Forestier [47].
– 1961 : description des premiรจres formes familiales de SpA par De Blรฉcourt en Grande Bretagne
– En 1970, lโassociation de lโantigรจne HLA-B27 avec la SPA a รฉtรฉ dรฉcouverte [10,11]. La dรฉcouverte de cette relation entre lโantigรจne HLA B27 et les SpA a constituรฉ un tournant dans lโhistoire des SpA.
– 1973 : premiรจres รฉtudes rapportant lโassociation de la SPA avec lโAg HLAB27 par Schlosstein L de lโuniversitรฉ de Californie qui rapportait une frรฉquence de lโantigรจne tissulaire HLA-B27 parmi 40 patients de SA de 88% (versus 8% parmi 906 tรฉmoins et Brewerton DA du Westminster Hรดpital rapportait une frรฉquence de lโantigรจne tissulaire HLA-B27 parmi 75 patients atteints de SA de 96% (versus 4% parmi 75 tรฉmoins). Aprรจs ces deux premiรจres publications, dโautres ont รฉtรฉ effectuรฉes dans le temps concernant lโhistorique de la molรฉcule HLA-B27 [46,79]
– En 10 ans, diffรฉrents termes ont รฉtรฉ utilisรฉs pour รฉvoquer le mรชme ensemble de pathologies (spondylarthropathie, spondylarthrites, arthrite sรฉronรฉgative) [79]. Ces diffรฉrentes appellations ont รฉtรฉ motivรฉes par la publication au fil des annรฉes de nombreux systรจmes de critรจres (New York en 1984, Amor en 1990, ESSG en 1991). De nouveaux critรจres de classification ont รฉtรฉ proposรฉs en 2009 par le groupe ASAS, pour les formes axiales et pour les formes pรฉriphรฉriques. Lโapport majeur de ces critรจres est la prise en compte de lโIRM (imagerie par rรฉsonnance magnรฉtique), avec une dรฉfinition de Sacro-ilรฉite en IRM, pouvant remplacer lโatteinte radiographique. Du mรชme coup, ces critรจres ont officialisรฉ le concept de spondyloarthrite non radiographique [60]. En parallรจle, sโest effectuรฉe une รฉvolution sรฉmantique et nosologique. Le terme spondyloarthrite remplace celui de spondylarthropathie, pour mieux dรฉfinir la composante inflammatoire et se rapprocher de la terminologie internationale proposรฉe (spondyloarthritis).
BASES MOLECULAIRES DE LโHEREDITEย
Afin de mieux comprendre le rรดle fondamental de la composante gรฉnรฉtique dans le dรฉterminisme des SpA, un rappel sur le gรฉnome humain est nรฉcessaire.
Chromosomes humainsย
Le chromosome est une structure cellulaire microscopique constituรฉ de molรฉcules dโADN, de protรฉines (les histones et les non histones). Il est le support physique des gรจnes, supports de lโinformation gรฉnรฉtique, et est transmis des cellules mรจres aux cellules filles lors des divisions cellulaires. [13,52,59]
โย Structure
Chez les eucaryotes, en particulier lโhomme, les chromosomes se trouvent dans le noyau cellulaire. Chaque cellule somatique humaine (ce sont toutes les cellules formant le corps dโun organisme multicellulaire cโest-ร -dire toutes les cellules nโappartenant pas ร la lignรฉe germinale telles que les gamรจtes, spermatozoรฏdes et ovules) possรจde 22 paires de chromosomes homologues (รฉgalement appelรฉs autosomes), numรฉrotรฉs de 1 ร 22 et une paire de chromosome sexuel (รฉgalement appelรฉ hรฉtรฉrochromosome ou gonosome), soit un total de 23 paires. [13,52] Les gamรจtes (cellules sexuelles) ne possรจdent quโun seul exemplaire de chaque chromosome, au contraire des cellules somatiques. Le sexe dโun individu est dรฉterminรฉ par le systรจme XY : les femmes possรจdent 2 chromosomes X (XX), tandis que les hommes possรจdent un chromosome X et un chromosome Y (XY). Les 2 chromosomes X de la femme sont homologues, mais le chromosome Y nโest homologue au chromosome X que pour une petite partie (rรฉgion pseudo autosomique). Les chromosomes sont linรฉaires dont chacun possรจde son propre centromรจre, avec un ou deux bras se projetant ร partir de celui-ci. Les extrรฉmitรฉs des chromosomes sont appelรฉes tรฉlomรจres. Les chromosomes ne sont identifiables que pendant la mitose, avant la mรฉtaphase, au cours de laquelle, ils deviennent visibles en microscope, composรฉs alors de 2 chromatides (structure condensรฉe en forme de bรขton et composรฉ de chromatine). Chaque chromatide est composรฉe dโune seule molรฉcule dโADN. Lors de la mรฉtaphase, le chromosome correspond ร une structure totalement condensรฉe, en chromatine, en forme de pelote de laine, ร l’aspect fibreux, composรฉe dโhรฉtรฉrochromatine (rรฉgions condensรฉes) et dโeuchromatine (rรฉgions dรฉcondensรฉes).
– Lโhรฉtรฉrochromatine, trรจs compacte, est composรฉe en ADN principalement inactif, se subdivise en 2 types : [13]
o lโhรฉtรฉrochromatine constitutive qui nโest jamais exprimรฉe. Chez le mรขle, le chromosome y est composรฉ essentiellement dโhรฉtรฉrochromatine constitutive ;
o lโhรฉtรฉrochromatine facultative qui contient des gรจnes inactivรฉs pouvant รชtre parfois exprimรฉs. Les femelles des mammifรจres ont 2 chromosomes X dont un est largement inactif, quโon peut observer dans le noyau interphasique sous le nom de corpuscule de Barr ou chromatine X.
– Lโeuchromatine, plus relรขchรฉe, est composรฉe dโADN actif, exprimรฉ en protรฉine. La chromatine est constituรฉe de particules enchaรฎnรฉes linรฉairement appelรฉes nuclรฉosomes, empilรฉs les uns sur les autres ร la maniรจre dโun collier de perles. Chaque nuclรฉosome est constituรฉ dโune partie centrale cylindrique protรฉique autour de laquelle sโenroule lโADN. Les protรฉines constitutives du nuclรฉosome sont les histones, protรฉines basiques interagissant avec lโADN par des liaisons ioniques. La partie centrale du nuclรฉosome est un octamรจre rassemblant deux copies des histones H2A, H2B, H3 et H4, lโhistone H1 servant aux interactions entre nuclรฉosomes.
โย ADN :
– Structure :
La molรฉcule dโADN est formรฉe de 3 composants de base : un pentose appelรฉ aussi le dรฉsoxyribose, un groupement phosphate et 4 types de base azotรฉes ร savoir les bases pyrimidiques (cytosine : C et thymine : T) et les bases puriques (adรฉnine : A, guanine : G). Chaque sous-unitรฉ dโADN รฉgalement composรฉe dโun dรฉsoxyribose, dโun groupement phosphate et dโune base, est dรฉnommรฉe nuclรฉotide. LโADN est organisรฉ ร la maniรจre dโune double hรฉlice, avec la colonne vertรฉbrale composรฉe de sucres et phosphate et les barreaux de paires de bases liรฉes par des liaisons hydrogรจne : 3 entre la C et G et 2 entre A et T. [13,59]
– Enroulement de lโADN :
LโADN est enroulรฉ autour dโun noyau protรฉique constituรฉ dโhistones pour former un nuclรฉosome. Les nuclรฉosomes formรฉs ร leur tour en solรฉnoรฏdes qui ร leur tour constituent les boucles de chromatine.
– Rรฉplication de lโADN :
La rรฉplication de lโADN dรฉpend essentiellement du principe de lโappariement des bases complรฉmentaires. Ce phรฉnomรจne permet ร lโun des brins dโune molรฉcule dโADN double brin de former une matrice pour la synthรจse dโun nouveau brin complรฉmentaire, sous lโaction de lโADN polymรฉrase.
– Type dโADN :
Le gรฉnome humain est composรฉ de 3 milliards de paires de bases rรฉparties dans 3 types de sรฉquences dโADN : ADN non rรฉpรฉtitif (45%), dโADN rรฉpรฉtitif dispersรฉ (45%) et dโADN satellite (10%). Les 2 derniรจres catรฉgories reprรฉsentent des sรฉquences rรฉpรฉtรฉes dโADN : sรฉquences rรฉpรฉtรฉes courtes (รฉlรฉments SINE) et longues (รฉlรฉments LINE) dans lโADN rรฉpรฉtitif dispersรฉ et sรฉquences rรฉpรฉtรฉes en tandem : les minisatellites et microsatellites. Moins de 5% de lโADN humain code effectivement pour des protรฉines.
โย ARN :
– Structure :
Comme lโADN, lโARN est composรฉ de sucres (oses), de groupements phosphate et de bases azotรฉes. Il diffรจre de lโADN sous 3 aspects : le sucre est un ribose au lieu dโรชtre un dรฉsoxyribose, lโuracile remplace la thymine dans les 4 bases et lโARN est le plus souvent en simple brin. [52]
โย Synthรจse des protรฉines :
Alors que lโADN est rรฉpliquรฉ dans le noyau de la cellule, la synthรจse des protรฉines se dรฉroule dans le cytoplasme. Les informations contenues dans lโADN doivent รชtre transportรฉes vers le cytoplasme, puis utilisรฉes pour dรฉterminer la composition des protรฉines. Ce processus comprend 2 รฉtapes : la transcription et la traduction.
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
I. HISTORIQUE
II. BASES MOLECULAIRES DE LโHEREDITE
II.1. Chromosomes humains
II.2. Gรจnes
II.3. Cycle cellulaire
III. IMMUNOGENETIQUE
III.1. Immunitรฉ innรฉe
III.2. Immunitรฉ adaptative
IV. GENETIQUES DES SPONDYLARTHRITES
IV.1. Maladies monofactorielles ou mendรฉliennes
IV.2. Maladies par aberrations chromosomiques
IV.3. Maladies mitochondriales
IV.4. Maladies multifactorielles ou maladies complexes ou communes
Caractรฉristiques gรฉnรฉrales
V. EPIGENETIQUE
V.1. Facteurs environnementaux
V.2. Modifications รฉpigรฉnรฉtiques
VI. ANATOMIE PATHOLOGIE
VI.1. Enthรจses
VI.2. Territoire enthรจsique ou enthรจsiopathique
VII. PHYSIOPATHOLOGIE
VIII. DIAGOSTIQUE POSITIF DES SpA
VIII.1. Epidรฉmiologie
VIII.1.1. Frรฉquence
VIII.1.2. Sexe
VIII.1.3. Age
VIII.2. Diagnostique positif des SpA
VIII.2.1. Circonstances de dรฉcouverte
VIII.2.2. Diagnostique clinique
VIII.2.3. Diagnostique รฉtiologique
VIII.3. Phรฉnotypes des spondyloarthrites
VIII.3.1. Spondylarthrite ankylosante SPA : chef de file
VIII.3.2. Rhumatisme psoriasique
VIII.3.3. SAPHO
VIII.3.4. Arthrites rรฉactionnelles
VIII.3.5. Entรฉrocolopathies inflammatoires chroniques
VIII.3.6. Spondyloarthrites indiffรฉrenciรฉes
VIII.3.7. Spondyloarthrites juvรฉniles idiopathiques
IX. DIAGNOSTIQUES DIFFERENTIELS
IX.1. Devant une arthrite sacro-iliaque ร prรฉdominance unilatรฉrale
IX.2. Devant une atteinte rachidienne
IX.3. Devant une arthrite pรฉriphรฉrique isolรฉe
X. DIAGNOSTIQUE DE RETENTISSEMENT
XI. PRONOSTIC
XII. TRAITEMENT
XII.1. Buts
XII.2. Moyens
XII.2.1. Moyens non pharmacologiques
XII.2.2. Moyens pharmacologiques par voie gรฉnรฉrale
XII.2.2.1. Traitement symptomatique
XII.2.2.2. Traitements de fond conventionnels
XII.2.2.3. Traitements de fond innovants : les biothรฉrapies
XII.2.3. Moyens pharmacologiques par voie locale
XII.2.4. Moyens physiques
XII.2.5. Moyens chirurgicaux
XII.3. Indications
DEUXIEME PARTIE
PATIENTS ET METHODES
I. CADRE DโETUDE
II. METHOLOGIE DE LโETUDE
II.2. RECUEIL DES DONNEES
III. SAISIE ET ANALYSE DES DONNEES
IV. RESULTATS
IV.1. Caractรฉristiques des cas-index
IV.1.1. Donnรฉes รฉpidรฉmiologies
IV.1.2. Donnรฉes cliniques
IV.1.3. Donnรฉes paracliniques
IV.1.4. Formes cliniques des SpA
IV.1.5. Pathologies associรฉes et comorbiditรฉs
IV.1.6. Activitรฉs et retentissements
IV.1.7. Donnรฉes thรฉrapeutiques
IV.2. Description des familles
IV.2.1. Donnรฉes รฉpidรฉmiologiques
IV.2.2. Donnรฉes diagnostiques
IV.2.3. Donnรฉes paracliniques
IV.2.4. Formes cliniques
IV.2.5. Activitรฉ et retentissement
IV.2.6. Pathologies associรฉes et comorbiditรฉs
IV.2.7. Donnรฉes thรฉrapeutiques
V. DISCUSSION
V.1. Aspect รฉpidรฉmiologique
V.2. Aspect diagnostique
V.3. Evolution et pronostic
V.4 Traitement
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES