Caractéristiques biologiques d’adaptation
Des caractéristiques particulières aux conditions climatiques et écologiques des forêts denses humides orientales de Madagascar ont été rencontrées dans la forêt littorale et la mangrove de l’interface mer-terre de l’île, à savoir :
– la sclérophyllie : aspect de feuille plus ou moins coriace recouverte de cire relativement épaisse comme chez Mimusops comersonii ;
– la sempervirence: feuillage de végétation restant vert, présent en permanence toute l’année.
– les contreforts ailés : développement d’un accotement latéral autour de pied d’arbres qui renforce la surface de sustentation et l’enracinement des individus ;
– les racines échasses : racines aériennes en forme d’arceau, issues du tronc qui renforcent l’enracinement de l’arbre sur des supports ou des substrats mous ou fragiles. Elles s’observent chez Rhizophora mucronata, Pandanus sp., Uapaca densifolia et Uapaca thouarsii.
– les pneumatophores : excroissances racinaires à géotropisme négatif qui sont utilisées par les plantes de mangroves ou « palétuviers » pour respirer. Par exemple comme chez Bruguiera gymnorhiza, Avicennia marina et Sonneratia alba.
– les racines genouillées : racines à apparence de genou plié qui renforcent l’enracinement sur des supports ou des substrats mous comme chez Bruguiera gymnorhiza.
– les racines rayonnantes : ce sont des racines qui divergent vers le haut et aident la plante à respirer comme chez Avicennia marina.
Quelques espèces végétales présentent des caractères primitifs comme :
– la monocaulie : absence de ramification rencontrée chez certaines espèces d’ARECACEAE (Dypsis pinnatifrons et Ravenea longisquama) et de CYATHEACEAE (Cyathea boivinii).
– la cauliflorie : les inflorescences ou les fleurs se trouvent au niveau du tronc et/ou des branches comme chez Ficus pyrifolia et certaines espèces qui appartiennent aux familles de MORACEAE, de BIGNONIACEAE et de CLUSIACEAE
– l’hydrophytisme : caractère spécifique d’espèces végétales qui présentent des dispositifs morphologiques et/ou anatomiques pour vivre en milieu à solshydromorphes, gorgés d’eau. Elles se développent sur des zones saturées d’eau comme chez certaines espèces de mangroves et les CYPERACEAE.
Marais boisés et arbustifs à Melaleuca quinquenervia
Cette formation (Annexe XI, photo 1) existe dans les 4 sites de relevés qui sont Ampanihy (R4), Ambohidena (R13), Anivorano (R17) et Lonkintsy (R23).
Richesse et composition floristiques : L’annexe VII. A présente la liste floristique de cette formation. Les caractéristiques floristiques sont rapportées sur la figure 15. Quinze (15) espèces regroupées dans 11 genres et 9 familles ont été inventoriées. Cette formation est dominée par quelques espèces appartenant à la famille des CYPERACEAE telles que Lepironia mucronata, Cyperus latifolius et Scleria acriulus. Quelques espèces ligneuses comme Melaleuca quinquenervia y sont éparpillés. Il faut noter que cette dernière espèce est l’une des espèces envahissantes dans l’île. Les nanophanérophytes dominent dans cette formation végétale avec 44% des espèces inventoriées ; les microphanérophytes et les chaméphytes sont de 25% chacun (Figure 15 a). Parmi les 15 espèces recensées, 4 sont endémiques (Crinum firmifolium, Cyperus latifolius, Cyperus sp. et Ravenala madagascariensis). Les autres espèces sont à distribution tropicale ou de la région malgache.
Aspects physionomiques : Cette formation est constituée par deux strates (Figure 16 b) :
– Strate basse (0 à 2 m) : elle est peu ouverte, avec un taux de recouvrement assez élevé, de l’ordre de 75%. La strate est constituée par des individus d’espèces herbacées tels que Crinum firmifolium, Lepironia mucronata et Scleria acriulus.
– Strate haute (2 à 6m) : elle est très ouverte, avec un faible taux de recouvrement (19,16%). Des espèces ligneuses (Thespesia populnea, Ravenala madagascariensis et Premna corymbosa). Les individus ligneux fournissent un biovolume faible (16,165m 3/ha) dans la formation (Annexe X).
Impacts des activités anthropiques
Sur la forêt littorale : Des activités liées au défrichement forestier, à la coupe des bois (bois de construction : bois ronds, madriers et planches) et à la collecte des plantes (plantes ornementales, artisanales et médicinales) sont de plus en plus importantes dans l’île à cause des besoins liés à une forte croissance démographique. Dans cette forêt, le palmier (Dypsis lutescens) et les bois durs de certaines espèces comme Dalbergia normandii et Intsia bijuga sont les plus exploités. Les communautés locales y pratiquent des cultures itinérantes sur brûlis ou tavy pour agrandir leurs terrains cultivables. Ces différentes activités anthropiques entrainent la dégradation de l’environnement et la perturbation des services écologiques. Toutes ces pratiques présentent des impacts négatifs sur la production agricole et intensifieront la pauvreté quand les ressources naturelles offertes par les écosystèmes seront épuisées. La présence des sentiers pédestres et des pistes (Annexe XI, photo 23) traversant les forêts constitue une menace sur l’équilibre écologique, car ils facilitent l’accès des braconniers, des chasseurs et des collecteurs illicites de la faune et de la flore (cas d’Ambohidena). Tout ceci peut perturber les habitats forestiers. L’invasion de deux espèces envahissantes comme Melaleuca quinquenervia (Niaouli) et Grevillea robusta (Grevilia) sur la bordure et à l’intérieur même de la forêt littorale est très marquée dans l’île. Et si ces deux espèces ne sont pas maîtrisées et gérées, cela peut constituer un risque de disparition de certaines espèces autochtones qui sont exigeantes et fragiles. Elles peuvent aussi modifier le paysage botanique de l’île de Sainte Marie. Le défrichement, la collecte de bois de chauffe et la fabrication de charbon sont les pressions qui pèsent sur ce type de formation. De plus, le passage des cyclones et le mouvement de sables apportés par la marée et la houle causent beaucoup de dégats sur les palétuviers de l’île (Annexe XI, photo 30).
Sur les marais : Lepironia mucronata (Penjy) et Cyperus aequalis (Beando) sont souvent les plus exploitées par la population locale en tant que matières premières pour la vannerie. L’exploitation continue de ces espèces peut entraîner la réduction progressive de leurs souches et peut causer la disparition définitive de leurs habitats naturels. Les marais sont aussi parfois exploités pour être transformés en rizière par les locaux.
Sur les prairies côtières : L’extension des villes liée à l’urbanisation par la construction des maisons, des hôtels et des terrains de culture ou de plantation de cocotiers est la principale menace qui pèse sur ce type de formation. Cette perte est très néfaste aux écosystèmes littoraux à sol sableux car la restauration y est très aléatoire.
Sur la plage : La plage est polluée par des coraux morts et des ordures rejetées par les bateaux ramenées par le courant vers la plage sur la partie Ouest (Annexe XII, photos 25 et 26). La déjection humaine intensifie cette pollution pour faute de latrines. De plus, la construction inappropriée des routes goudronnées près de la plage détruit la beauté de celle-ci (Annexe X, photo 27).
Discussion sur les stratégies paysannes face au changement global
Selon les villageois, les causes des divers changements qui se produisent sur les écosystèmes de l’interface dans l’île de Sainte Marie sont nombreuses. Elles peuvent être d’origine anthropique (tavy ou feu non contrôlé, défrichement et exploitation) ou naturelles (cyclone). Face aux différents changements observés dans l’île, des stratégies ont été adoptées par les habitants pour conserver les ressources naturelles. Ainsi, des techniques de gestion de ces dernières ont été organisées par la population locale. Pour cela, elle a créé des associations dont les activités sont liées à la sauvegarde et à la protection de celles-ci :
– L’Association pour la Santé et le Développement (ASD) œuvrant pour la protection des barrages récifaux. Leur activité consiste à sensibiliser la population de ne pas jeter leurs ordures dans la mer. L’association distribue ainsi, des bacs à ordures dans le village. Elle distribue aussi des filets et des cannes à pêche pour qu’elle puisse pêcher et vendre des poissons. Ainsi, les communautés locales n’ont plus besoin de prélever des coraux à vendre.
– La Maison de l’Agriculture et de l’Environnement de Sainte Marie (MAESM) œuvrant pour la restauration forestière et l’aménagement des paysages naturels. Cette association a comme activité de produire des plantules d’espèces à croissance rapide comme Melaleuca quinquenervia (Niaouli) et Grevillea robusta (Grevilia) pour un éventuel reboisement. Des sensibilisations auprès des villageois et de l’éducation environnementale pour inciter la population à faire du reboisement ont été réalisées par l’association.
– Le Vondron’Olona Ifotony (VOI) qui œuvre pour la protection des mangroves du SaintJoseph. L’association préserve celles-ci et applique le dina aux personnes qui perturbent (coupe de bois) l’habitat de cette formation. C’est pourquoi, la période de pêche a été limitée pendant la marée basse car les gens qui collectent les crabes dans leurs terriers peuvent écraser les plantules de palétuviers. Ainsi, l’association a décidé de n’ouvrir la pêche que pendant la marée haute. De plus, certaines personnes défrichent la mangrove pour la transformer en terrain d’habitation.
– La mise en place de dispositifs de protection des actions violentes des rivages et des marées comme des barrages artificiels sur les abords de la côte, plantation de cocotiers, des gazons ou des citronnelles est l’une des mesures de précaution individuelle. Cette mesure est prise par certains villageois pour protéger leur culture ou leur maison.
– L’application de culture mixte comme la pratique de cultures vivrières (manioc, maïs et patate douce) après la culture du riz constituent un moyen pour les périodes de soudure. Ces cultures peuvent êtres combinées avec la plantation des arbres fruitiers comme le bananier et le cocotier. Malgré la conscience de la communauté locale sur les changements globaux de leur environnement, ces différentes stratégies adoptées sont loin d’être suffisantes pour la conservation des ressources naturelles de l’interface de l’île.
RECOMMANDATIONS
Face aux innombrables pressions et menaces qui pèsent sur les ressources naturelles dans l’interface mer-terre de l’île de Sainte Marie, quelques recommandations sont à donner :
– Responsabiliser les communautés locales sur la protection des habitats menacés (cas d’Ambohidena où la végétation est la plus exploitée);
– Mettre en place des organisations techniques dans lesquels les activités visent à augmenter la production agricole ou à établir des travaux d’aménagement de marais en rizières;
– Mettre en œuvre un programme d’éducation environnementale pour montrer aux communautés locales, l’importance de ces ressources naturelles. Ce programme peut se faire de façon formelle (ensemble des moyens et techniques de l’éducation environnementale intégrés en milieu scolaire), non formelle (stratégie éducative destinée aux populations non scolarisées), et informelle (éducation qui s’effectue au sein de la société);
– Créer des aires protégées comprenant les habitats vulnérables et/ou menacés ;
– Interdire la coupe et limiter l’exploitation de bois forestiers ;
– Malgré la présence de trois (3) périmètres de reboisement à Ilampy (126,36 ha), à Betona (67,62 ha) et à Mandraka (125 ha) il faut mettre en place des pépinières et des reboisements au niveau de chaque Fokontany. Les principales essences forestières proposées pour le reboisement sont Grevillea robusta (Grevilia), Eucalyptus robusta (Kininina) et Melaleuca quinquenervia (Kininindranoo u Niaouli). Ces trois espèces sont intensément utilisées par les communautés locales pour la production de charbon de bois ;
– Appliquer les lois et législations en vigueur et le dina qui stipulent que pour couper un arbre il faudra en planter deux autres en échange ;
– Mobiliser les chefs Fokontany sur le contrôle et la validité de permis de coupe;
– Suspendre le permis de coupe pour ceux qui transgressent les lois en vigueur;
– Mettre en place une Gestion Intégrée de la Zone Côtière (GIZC) qui est un processus dynamique de gestion et d’utilisation durable des zones côtières en tenant compte simultanément la fragilité des écosystèmes et des paysages côtiers, la diversité des activités et des usages, leurs interactions, la vocation maritime de certaines zones côtières, ainsi que leurs impacts à la fois sur la partie marine et terrestre sont nécessaires pour la conservation des ressources naturelles et le développement rapide sur le plan touristique de l’île de Sainte Marie.
Ainsi la GIZC a pour objectif de :
Améliorer le développement social et le bien-être de la population;
Poursuivre le développement des activités économiques dans l’utilisation rationnelle des ressources naturelles de la zone côtière;
Arrêter la dégradation des écosystèmes naturels et
Prévenir les processus à impacts négatifs sur l’environnement.
La plupart des villageois ont des notions sur l’importance de la forêt dans leur vie, mais d’autres n’en ont pas. Certains ont leur façon d’agir pour la conserver et prennent des mesures sur le mode d’exploitation de cette dernière. C’est pourquoi, il est necessaire de :
– Essayer de faire répartir les exploitations de bois dans différents lots forestiers éparpillés pour ne pas épuiser les ressources d’un seul lieu;
– Interdire la chasse et la collecte des espèces animales dans la forêt;
– Réduire la pratique du charbonnage et,
– Diminuer ou stopper les feux de végétation forestière.
Il faut noter que la présence des lieux sacrés aux alentours et dans quelques endroits de la forêt a pu contribuer à la conservation indirecte de la forêt. Depuis longtemps, des légendes transformées en coutumes régissent sur les relations sociales entre individus dans le cadre de leur environnement. Le fomba (us et coutumes), le fady (tabou) et le dina (règles communautaires) définissent les manières de gérer les biens communs d’une société déterminée. Pour appliquer ces recommandations, nous suggerons un plan de gestion pour la conservation de ces ressources naturelles (Tableau 9). Ce plan comporte trois axes d’orientation : (i) réduire les pressions sur la forêt ; (ii) développer une économie écologiquement durable et (iii) procéder aux études pour la réhabilitation et restauration de la forêt. Ces axes ont leurs objectifs respectifs, leurs activités et leurs acteurs qui sont responsables de chaque activité et leurs indicateurs. Le premier axe a trois objectifs : identifier et gerer les espèces les plus exploitées, promouvoir la participation des communautés locales à la gestion des ressources forestiers et proposer des ressources alternatives. Les activités à entreprendre sont : inventorier les espèces de la forêt, mettre en œuvre un programme d’éducation environnementale en classe et faire un reboisement continuel des plantes à croissance rapide. Le deuxième axe comporte quatre objectifs : continuer les recherches fondamentales, gérer durablement les écosystèmes, conserver et valoriser durablement la biodiversité et les habitats représentatifs de la zone et améliorer le niveau de vie de la population locale. Les activités à entreprendre sont : de développer des recherches, de maintenir la biodiversité et la fonction écologique de l’écosystème local, de définir les aspects de la gestion et les règles d’accès aux ressources et de faire participer les communautés locales à la gestion des ressources naturelles. Le troisième axe a comme objectif de restaurer les zones dégradées vers un état quasinaturel. Les activités à entreprendre sont : programmer des recherches liées à la conservation
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : MILIEU D’ETUDE
I. MILIEU PHYSIQUE
I.1. Historique de l’île de Sainte Marie
I.2. Localisation géographique de l’île
I.3. Caractéristiques géographiques
I.3.1. Relief
I.3.2. Hydrographie
I.3.3. Géologie et pédologie
I.3.4. Climat
II. MILIEU BIOTIQUE
II.1. Flore et végétation
II.2. Faune
II.3. Homme et ses activités
II.3.1. Population
II.3.2. Activités humaines
DEUXIEME PARTIE : METHODES D’ETUDE
I. ETUDES PRELIMINAIRES
I.1. Recueils bibliographiques
I.2. Reconnaissance de terrain
I.3.Choix et localisation des sites de relevés
II. METHODES D’ETUDE DE LA VEGETATION
II.1. Technique de relevé
II.1.1. Etude qualitative de la végétation
II.1.2. Etude quantitative de la végétation
III. ANALYSES DES DONNEES
III.1. Analyse de la flore
III.2. Analyse structurale de la végétation
III.3. Analyse dendrométrique
III.4. Régénération naturelle
III.5. Catena de la végétation
IV. METHODE D’ETUDE DU SOL
V. METHODE D’ENQUETES ETHNOBOTANIQUES
TROISIEME PARTIE : RESULTATS ET INTERPRETATION
I. LOCALISATION DES SITES ET RELEVES
II.1. Richesse et composition floristiques globales
II.1.1. Richesse floristique
II.1.2. Spectre biologique
II.1.3. Affinités biogéographiques
II.2. Caractéristiques biologiques d’adaptation
III. ANALYSES DES DONNEES
III .1. Similitude des relevés
IV. DESCRIPTION DES TYPES DE FORMATIONS VEGETALES
IV.1. Forêt littorale
IV.1.1. Aspects floristiques
IV.1.2.Aspects physionomiques
IV.1.3. Taux de régénération
IV.2. Mangrove
IV.2.1. Richesse et composition floristiques
IV.2.2. Aspects physionomiques
IV.3. Marais
III.3.1. Marais boisés et arbustifs à Melaleuca quinquenervia
III.3.2. Marais herbeux à Typhonodorum lindleyanum
III.3.3. Marais herbeux à Dicranopteris linearis
III.3.4. Marais herbeux à CYPERACEAE avec quelques ligneux arbustifs
III.4. Prairies côtières
III.4.1. Prairie côtière à Erica spp., Strychnos spinosa et Agelaea pentagyna
III .4.2. Prairie côtière à Sporobolus virginicus
III.5. Végétation de plage
III. 6. Catena de végétation dans l’interface de l’île de Sainte Marie
IV. RESULTATS ETHNOBOTANIQUES
IV.1. Inventaire des plantes utiles
IV.2. Pressions et menaces
IV.2.1. Impacts des activités anthropiques
IV.2.2. Surexploitation des ressources naturelles
QUATRIEME PARTIE : DISCUSSIONS ET RECOMMANDATIONS
I. DISCUSSIONS
I.1. Sur la méthodologie
I.2. Sur les résultats
I.4. Services écosystémiques
II. RECOMMANDATIONS
CONCLUSION GENERALE
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES
PLANCHES PHOTOGRAPHIQUES
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