Les hydrates de gaz ont été mis en évidence dans l’industrie pétrolière pour la première fois par Hammerschmidt [Hammerschmidt, 1934] qui montra que le fréquent bouchage des pipelines de gaz naturel aux Etats-Unis n’était pas causé par la formation de glace, mais plutôt par la formation d’hydrates de gaz. Les hydrates de gaz hydrocarbonés (d’ici l’hydrate de méthane) sont également appelés familièrement « glace qui brûle » ou « glace de méthane ». Ce composé glacé étant inflammable : il se compose en effet de « cages» formées de molécules d’eau (clathrate) dans lesquelles sont piégées des molécules de méthane (Figure 1b-). De même que le charbon, le pétrole ou le gaz naturel, le méthane est issu de la décomposition de matières organiques. Les hydrates de méthane se forment à basse température et forte pression, c’est-à-dire principalement au fond de la mer. On retrouve ce gaz d’épuration notamment dans les talus continentaux à une profondeur de plusieurs centaines de mètres. En atteignant la surface de l’eau, les hydrates de méthane se décomposent très rapidement, ce qui permet au méthane de pénétrer dans l’atmosphère sous forme de gaz. Si l’on met le feu à cette glace, elle s’embrase immédiatement (Figure 1a-).
Les hydrates de gaz
Définition et structure
Les hydrates de gaz sont un type de composé d’insertion dans lesquels les molécules d’eau, liées par des liaisons hydrogène, créent un réseau de cavités suffisamment grandes pour piéger des molécules de gaz. Sous certaines conditions de pression et température, ces molécules de gaz piégées par des interactions de type van der Waals, sont capables de stabiliser thermodynamiquement la structure, qui autrement serait détruite par les forces attractives entre les molécules d’eau. Les hydrates se forment selon trois structures, la structure cubique I (sI), la structure cubique II (sII) et la structure hexagonale H (sH) [Sloan, 1990].
• Structure sI
Elle se compose de deux types de cavités : une unité comporte 2 petites cavités et 6 grandes cavités. Les petites cavités, notées 512, ont 12 faces pentagonales, d’où leur nom dodécaèdre pentagonal. Les grandes cavités sont des tétradécaèdres formées par 12 faces pentagonales et 2 faces hexagonales notées comme 5126 2 . La maille de type sI est une structure cubique de 12 Å d’arête qui contient 46 molécules d’eau.
• Structure sII
La structure sII se compose de 16 petites cavités 512 et 8 grandes cavités 5126 4 (12 faces pentagonales et 4 faces hexagonales). La maille de type sII est une structure cubique de 17,3 Å d’arête qui contient 136 molécules d’eau.
• Structure sH
C’est une structure rare à l’état naturel. Elle comporte trois types de cavités. Trois petites cavités 512, deux cavités intermédiaires 43 5 6 6 3 (trois faces carrées, six faces pentagonales et 3 faces hexagonales) et une grande cavité 5126 8 (douze faces pentagonales et huit faces hexagonales). La maille de type sH est une structure hexagonale de paramètres de maille a = 12,26 Å et c = 10,17 Å comportant 34 molécules d’eau.
Thermodynamique de l’équilibre de formation des hydrates
Les conditions d’équilibre thermodynamique de formation des hydrates sont définies comme les conditions pour lesquelles une quantité infinitésimale de la phase hydrate se trouve en équilibre avec les autres phases présentes dans le système : eau (à l’état liquide ou solide) et hydrocarbures (à l’état liquide ou vapeur). Les domaines thermodynamiques d’équilibre sont délimités par des courbes d’équilibre triphasique liquide-hydrate-vapeur (LHV) ou glace-hydratevapeur (IHV) dont la détermination est essentielle pour prévenir les risques associés aux hydrates et pour tester les inhibiteurs susceptibles d’empêcher la formation des hydrates de gaz dans la production pétrolière. Les méthodes expérimentales de mesure des conditions de formation des hydrates de gaz sont la visualisation et les mesures de PVT (Pression-Volume-Température).
Prévention de la formation d’hydrate
Après avoir identifié la zone de formation des hydrates, la solution conventionnelle consiste à empêcher que les fluides dans le pipeline l’atteignent. Plusieurs solutions sont possibles : la première méthode consiste à isoler ou à réchauffer la conduite pétrolière pour empêcher que la température des fluides baisse et atteigne la zone de formation des hydrates. Cependant, cette solution n’est pas toujours économiquement viable et à l’avenir elle s’avère inefficace puisque la distance entre les puits et les plateformes a tendance à augmenter. La deuxième solution consiste en l’ajout d’un additif thermodynamique (ex : méthanol, MonoEthyleneGlycol) afin de déplacer les conditions de formation des hydrates en dehors des conditions de la production. Les inconvénients de l’ajout d’un additif sont la quantité d’additif qui souvent est très importante (jusqu’à 50 % en masse par rapport à l’eau) et le coût élevé des processus de séparation en sortie de puits (l’additif doit être récupéré). D’autre part il y a aussi l’impact environnemental de l’additif sur l’écosystème du fond de mer qui est encore mal connu et qui peut poser un problème en cas de rejet dans Depuis quelques années, une autre solution a été envisagée par l’industrie pétrolière. L’utilisation d’inhibiteurs efficaces à faible dose (LDHI : Low-Dosage Hydrate Inhibitor) qui se distinguent en deux types : les inhibiteurs cinétiques (KHI : Kinetic Hydrate Inhibitors) et les dispersants (AA : Anti-Agglomerant). Les inhibiteurs cinétiques augmentent le temps d’induction de la cristallisation des hydrates de gaz pour permettre à l’émulsion de traverser la zone d’équilibre thermodynamique des hydrates sans que ceux-ci se forment. Les additifs anti-agglomérants limitent l’agglomération entre les particules d’hydrate, et par conséquent l’augmentation de viscosité due à l’agglomération. L’additif AA ne peut pas être utilisé quand la fraction d’eau dans l’huile est supérieure à 50% en masse. Cette limitation est due à la rhéologique de la suspension d’hydrate à haute fraction solide (Harun et al., 2008).
Rémédiation de la formation d’hydrate
Dans les dernières années, une nouvelle tendance a été observée et appelée rémédiation. Elle consiste dans le couplage de toutes les techniques : isolation des conduites, injection d’additif lors des phases critiques (démarrage, arrêt), réchauffement de la conduite par la circulation d’eau chaude lors des bouchages accidentels.
Malgré l’augmentation de la recherche sur le transport d’hydrates dans les conduites pétrolières, il existe une vaste gamme de variables encore inconnues et c’est pourquoi plusieurs questions restent sans réponses :
1. Quel est l’effet de la quantité d’additif (AA) sur la taille des gouttelettes obtenues et sur la stabilité des émulsions ?
2. Quelles sont les limites de teneur en eau pour lesquelles le transport d’hydrates reste possible ? Ces limites peuvent-elles être élargies si les additifs AA y sont ajoutés ?
3. Quel est l’effet de la quantité d’additif (AA) sur la taille des agglomérats obtenus ?
4. Quels sont les effets des régimes d’écoulement sur les propriétés des suspensions d’hydrate ?
5. Est ce qu’il y a une relation entre la taille moyenne des particules primaires et la viscosité de la suspension ?
La formation et le transport des hydrates dans le cas de la production pétrolière sont de plus en plus étudiés. Le nombre d’articles dédiés aux aspects cinétiques dans les conférences internationales sur les hydrates de gaz a significativement augmenté depuis une dizaine d’années. Ce chapitre présente une synthèse bibliographique sur les travaux effectués dans le domaine. Pour une meilleure compréhension du sujet, une brève introduction à la rhéologie est d’abord présentée, exposant les modèles physiques décrivant le comportement rhéologique d’un fluide avec ou sans présence d’une phase dispersée.
Le principe de fonctionnement de la sonde FBRM (Focused Beam Reflectance Measurement) de chez LASENTEC est ensuite décrit ainsi que des exemples d’application de la FBRM à la mesure de la taille des particules dans le domaine de la cristallisation. La définition de « Distribution en longueur de corde » (CLD) et de « Distribution en taille de particule » (PSD) sont ensuite données.
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1 : Généralités
1. Introduction
2. Les hydrates de gaz
2.1. Définition et structure
2.2. Thermodynamique de l’équilibre de formation des hydrates
3. Contexte industriel
4. L’objectif de la thèse
5. L’organisation du rapport
Chapitre 2 : Synthèse Bibliographique
1. Rhéologie des suspensions
1.1. Généralités
1.2. Différents comportements rhéologiques
1.2.1. Fluides newtoniens
1.2.2. Fluides non newtoniens indépendants du temps
1.2.3. Fluides non newtoniens dépendants du temps
1.3. Viscosité des suspensions homogènes
1.4. Mesures de la viscosité avec des rhéomètres capillaires en régime permanent
2. La formation et l’agglomération des particules d’hydrate en écoulement
2.1. Dispositifs expérimentaux existants
2.2. Comportement rhéologique d’une suspension d’hydrates de gaz
3. La sonde FBRM de LASENTEC
3.1. Principe de fonctionnement de la sonde FBRM
3.2. Mesure de la longueur de corde
3.2.1. Longueurs de cordes d’une particule
3.2.2. Effet du masque et de l’ombre
3.2.3. Effet de la réflexion de la particule sur la mesure de la CLD
3.3.4. Traitement des données
3.3.5. Modes Fine/Coarse
3.4. Application de la sonde FBRM dans le domaine de la cristallisation
3.4.1. Complément des études des particules en suspension
3.4.2 Compréhension du fonctionnement de la sonde FBRM
4. Relation entre la « Distribution en longueurs de cordes » (CLD) et la « Distribution en tailles de particules » (PSD)
4.1. Revue bibliographique
4.2. Problématique – Densités de probabilité en granulométrie
4.3. Transformation PSD-CLD
4.3.1. Modèle PSD-CLD pour les suspensions de sphères
4.3.2. Les modèles de distributions granulométriques
4.3.3. Distribution en longueurs de cordes
4.4. Modèle CLD-PSD
5. Construction d’agrégats aléatoires à partir d’une population de sphères
5.1. Agrégats aléatoires construits à partir d’une population de sphères monodisperses
5.1.1. Grandeurs géométriques caractéristiques d’un agrégat
5.1.2. Principe de construction des agrégats
5.2. Agrégats aléatoires construits à partir d’une population de sphères polydisperses
Chapitre 3 : Dispositif et protocole experimental
1. Fluides étudiés
1.1. Dodécane
1.2. Kerdane
1.3. Gaz
1.4. Additif : IPE 202
1.5. Eau
2. Dispositifs expérimentaux
2.1. Boucle « Archimède » de l’ENSM-SE
2.1.1. Boucle de circulation
2.1.2. Le riser et la conduite descendante
2.1.3. Le séparateur
2.1.4. Système de compression
2.1.5. Installation de la sonde
2.1.6. Instrumentation
2.2. Boucle Lyre de l’IFP-Lyon
2.2.1 Boucle de circulation
2.2.2 Séparateur gaz/liquide
2.2.3 Réserves de gaz
2.2.4 Instrumentation
3. Protocoles expérimentaux
3.1. Boucle « Archimède » de l’ENSM-SE
3.1.1. Formation de l’émulsion
3.1.2. Cristallisation d’hydrates de méthane en écoulement
3.1.3. Dissociation
3.2. Boucle Lyre de L’IFP-Lyon
3.2.1. Formation de l’émulsion
3.2.2. Cristallisation d’hydrates de gaz en écoulement
3.2.3. Caractérisation rhéologique de la suspension d’hydrate
3.2.4. Dissociation
4. Méthode d’exploitation des données expérimentales
4.1. Estimation de la quantité d’eau transformée en hydrate
4.2. Calcul de la viscosité apparente du système
Chapitre 4 : Résultats expérimentaux
1. Résultats des tests réalisés dans la boucle Archimède
1.1. Caractérisation de la phase continue
1.2. Influence de la teneur en additif sur la cristallisation des hydrates de méthane
1.2.1. Caractérisation granulométrique de l’émulsion
1.2.2. Résultats des tests avec une émulsion avec 2% d’additif et une variation de la fraction volumique en eau
1.2.3. Résultats des tests avec une émulsion avec 1% d’additif et variation de la fraction volumique en eau
1.2.4. Résultats des tests avec une émulsion avec 0,5% d’additif et variation de la fraction volumique en eau
1.3. Conclusions sur la boucle Archimède
2. Résultats des tests réalisés dans la boucle Lyre
2.1. Mesure de la perte de charge au cours du temps
2.2. Evolution de la masse volumique de la suspension au cours du temps
2.3. Caractérisation rhéologique de la suspension d’hydrates en fin de cristallisation
2.4. Influence du débit d’écoulement dans la formation d’hydrate de méthane
2.4.1. Influence du débit d’écoulement sur la cristallisation d’une émulsion avec 10% vol. d’eau et 0.5% d’additif
2.4.2. Influence du débit d’écoulement sur la cristallisation d’une émulsion avec 20% vol. d’eau et 0,5% d’additif
2.4.3. Influence du débit d’écoulement dans la cristallisation d’une émulsion avec 30% vol. d’eau et 0,5% d’additif.
2.5. Conclusion sur la boucle Lyre
Conclusion
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