Formation du portrait de la marque autour de l’économie des start-ups 

Lors d’un déménagement, plusieurs choses organisationnelles doivent être étudiées– le choix d’un quartier et d’un appartement, les modalités de paiement et le forfait mobile… Mais aussi la manière de se déplacer. La première personne que j’ai rencontrée en sortant du terminal de Roissy, c’était un chauffeur Uber, souriant, bienveillant et serviable, en proposant une prestation à un coût raisonnable. C’est à partir de ce moment, en septembre 2015, que j’ai eu ma première connaissance d’une start-up californienne, devenant entre temps témoin de la naissance du néologisme « Uberisation » et son fleurissement dans le débat public français .

Formation du portrait de la marque Uber autour de l’économie des startups

De l’économie traditionnelle à l’Uberisation : Besoin d’une société plus horizontale et plus solidaire

L’essor de l’économie collaborative est un des phénomènes marquants de ces dernières années dont l’apparition est déterminée par l’imperfection d’un modèle sociétal existant. Ainsi, Christophe Sempels et Jonas Hoffmann supposent que :

« Nous arrivons, en effet, au bout d’un modèle de société, au bout d’un modèle de développement, charge à nous d’inventer la nouvelle voie à suivre […] Il nous faut à peu prés tout réinventer : un nouveau modèle énergétique, de nouveaux modes de mobilité, de production et de consommation, un rapport revisité aux ressources naturelles et à la biodiversité un nouveau contrat social générationnel et intergénérationnel, une nouvelle forme de solidarité internationale ».

Autrement dit, nous avons besoin d’une société plus horizontale et solidaire qui pourrait construire une nouvelle forme de libération de l’être humain en lançant son nouveau slogan « the belief in the commons » .

Les chiffres parlent d’eux mêmes, trois Français sur quatre ont déjà acheté aujourd’hui un bien sur une plateforme de vente entre particuliers en 2014. Toutefois cette croyance mettant en valeur l’amélioration du produit par sa mise en commun représente encore un objet d’étude émergeant dans les sciences sociales. Or, le concept de l’économie collaborative a été défini par plusieurs apports socioéconomiques tels que des universitaires américains Marcus Felson et Joe L. Spaeth, des essayistes à succès Jérémy Rifkin, Rachel Botsman, des médias OuiShare en France (Antonin Léonard Anne-Sophie Novel et Stéphane Riot), ou encore par certains entrepreneurs et dirigeants de start-up. Ce faisant, il apparaît que l’objet de multiples tentatives de définition reste aujourd’hui polysémique et flou . A en croire Denis Jacquet , il est même urgent de faire la différence entre les définitions multiples de l’esprit collaboratif comme économie de partage, économie, gig économie, uberisation, disruption, plateformatisation …

Au-delà des jeux sémantiques des différentes interprétations d’un nouveau modèle horizontal, il nous semble important de nous concentrer dans le cadre de notre recherche dans le premier temps sur les deux termes « économie collaborative» et « uberisation ». Notre choix est déterminé avant tout par l’intérêt sociolinguistique porté sur l’étymologie des termes « collaborer » et « uberisation » qui offrent les clés de lecture du concept émergeant en question dont les racines sont à la frontière de plusieurs champs théoriques.

L’étymologie au service d’un imaginaire de collaboration : travail commun, participation et coopération

Si chaque mot raconte une histoire, souvent romanesque et pittoresque, toujours révélatrice , il est intéressant de remettre en perspective l’évolution du mot « collaborer » dans la langue française comme l’unité linguistique significative du syntagme « l’économie collaborative ». Emprunté du bas latin « collaborare », le verbe intransitif « collaborer » tient son sens aujourd’hui des expressions « travailler avec quelqu’un » et « travailler en collaboration » . Historiquement, l’usage du terme est issu de la correspondance de Balzac. C’est en 1830 qu’on le rencontre pour la première fois dans la langue française où il sert à désigner : « travailler avec une ou plusieurs personnes » :

« Mon Dieu, monsieur, je ne puis résister au plaisir de vous dire que votre journal est admirablement bien rédigé, fait et conçu; que rien ne donne l’envie de collaborer avec vous autant que quelques-uns des articles que j’ai lus.. »

Au XX siècle, le mot est appliqué à la coopération des habitants avec l’ennemi pendant de l’occupation allemande en France. En l’occurrence, nous pouvons observer son utilisation dans le Journal de Julien Hartridge Green :

« Les journées les plus sombres, les voici. La France trahie et trahie par des Français… On en voit qui souhaiteraient une victoire totale de l’Allemagne, qui sont prêts à pousser à la roue, qui collaborent, comme on dit ».

Puis, le terme en question est utilisé par Georges Courteline dans son roman Messieurs-lesRonds-de-cuir pour designer « la contribution à un résultat et la participation à l’élaboration d’une œuvre » qui se traduit aujourd’hui par la définition du dictionnaire Trésor de la Langue Française « Collaborer à quelque chose » :

« C’était ce soir-là, aux Folies, la centième du Roi Mignon, opérette bouffe, en trois actes, à laquelle il avait collaboré anonymement ».

D’un point de vu sémantique, intransitif et monovalent, le verbe « collaborer » projette une action n’impliquant qu’un seul actant doué de volition (absence de compléments au niveau syntaxique). Etymologiquement, l’histoire du mot « collaborer», depuis la racine latine la plus élémentaire jusqu’à l’acception la plus complexe dans la littérature française, renvoie à l’action déclenchée par un acteur et assigne des valeurs casuelles aux actants, articulant autour de l’imaginaire, des termes de travail commun, de coopération et de participation.

Conséquemment, les résultats de l’analyse effectuée s’inscrivent dans la logique de nos réflexions sur le contexte et les causes de la naissance d’Uberisation en nous permettant d’aller plus loin dans notre étude.

De la langue de publicité à la langue quotidienne : uberisation au sein du laboratoire linguistique fautif 

Certains linguistes pensent la publicité comme étant « une sorte de laboratoire néologique pour le français contemporain»  . Partant de l’idée que l’apport de la langue de la publicité à la langue quotidienne relève la créativité , nous aurons donc pu faire émerger l’idée révélatrice sur la provenance du terme « uberisation » de la langue de publicité. Toutefois ce n’est pas le cas. Nous essayons de toucher du doigt les étapes de notre raisonnement.

Avant tout, nous observons la création par la langue du néologisme morphologique « uberisation » par l’ajout d’un suffixe à la base lexicale « –tion- » au mot « ubériser » . Il est légitime donc de parler de la fiction créative de la langue qui se traduit par l’entrée du verbe « ubériser » dans le dictionnaire Petit Rober en mai 2016 sous la définition : « déstabiliser et transformer avec un modèle économique innovant tirant parti des nouvelles technologies » . Toutefois le mot « Uberisation  » n’a pas encore été immortalisé par les dictionnaires français, mais par le langage quotidien. Ce faisant, il apparaît que l’usage courant du terme « uberisation » dans le langage quotidien est déterminé par la dimension créative de la langue français en générale, et non publicitaire comme nous l’ avons pu pensé au début. Cela se manifeste par l’absence de prise de parole ou le silence publicitaire de la marque Uber autour du terme « uberisation ».

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Table des matières

Introduction
I- Formation du portrait de la marque autour de l’économie des start-ups 
1. De l’économie traditionnelle à l’uberisation : besoin d’une société plus horizontale et plus solidaire
1.1. L’étymologie au service d’un imaginaire de collaboration : travail commun, participation et coopération
1.2. De la langue de publicité à la langue quotidienne : uberisation au sein du laboratoire linguistique fautif
1.3. L’action digitale mise au contexte socioéconomique et culturel
1.4. Start-up au croisement des trois révolutions
2. Entre ADN de la marque Uber et l’imaginaire de l’économie collaborative
2.1. Uber : Objet communicationnel
2.2. Uber sous le prisme de sa nouvelle identité
2.2.1. Inversion et symétrie « des invariants plastiques » d’un nouveau et d’un ancien logo Uber sur la base de l’ouvrage de Jean-Marie Floch, « Identités visuelles »
2.2.2. Rôle et valeur de la nouvelle identité Uber dans la culture de la marque
2.3. Homme page mise en récit mythologique
II- Travailler pour Uber dans un contexte numérique
1. Travail et consommateur mis au travail
1.1. Définition en perpétuelle tension sémantique: entre aliénation et réalisation
1.2. De taylorisation à l’uberisation du travail : le nouveau visage de la croissance
1.3. Consommateur comme un réservoir de main-d’œuvre disponible, gratuite, motivée, fidèle
2. Coproduire pour travailler dans un contexte numérique
Uber dans l’approche communicationnelle du marketing
2.1. Utilisateur au cœur des échanges imaginaires
Contexte : Une campagne visuelle, multicanale et participative
2 .1.1. La quête de l’expérientiel dans l’univers humaniste
Reconstruction de l’ethos discursif dans l’impératif publicitaire
Connotation : Reconstitution de l’univers de la marque
2.1.2. Proposer une expérience digitale
2.2. Motiver à travailler le consommateur à travers ses dispositifs numériques dépublicitaires
2.2.1. Uber comme marque-média
2.2.2. Espace conversationnelle : entre l’humanisation de la prise de parole et la pédagogie de la marque formant à travailler2
III – Analyse du contexte : à la recherche de la vérité
1. Au delà de la coproduction collaborative
1.1. Mise à plat des motivations extrinsèques
1.2. Technologie au cœur de la formation du travail : standardisation, l’automatisation et personnalisation
2. Creative Business Idea dans le contexte uberisé
Conclusion
Recommandation
Bibliographie
Annexes

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