Formation des siliciures par diffusion réactive et genèse des contraintes
La formation des siliciures de métaux de transition par diffusion réactive entre un film mince de métal et un substrat de silicium a fait l’objet de très nombreuses recherches. Nous rappellerons ici les principaux concepts nécessaires à la compréhension de la croissance des siliciures ainsi que les modèles qui ont été développés pour décrire la genèse des contraintes mécaniques lors de la croissance. Nous nous concentrerons plus particulièrement sur les systèmes Pd-Si et Ni-Si étudiés dans ce travail de thèse. La revue bibliographique sur ces systèmes s’attachera à mettre en évidence les particularités rencontrées lorsque le film métallique de départ est très mince (épaisseur typiquement inférieure à 10 nm).
Croissance des siliciures par diffusion réactive
Un système formé par un film métallique et un substrat forme un système hors équilibre. Afin de trouver un équilibre, le système va évoluer en diminuant son énergie libre pour former des phases stables. La réaction se décompose en différentes étapes :
– la germination d’une phase,
– la croissance latérale des germes,
– la croissance normale de la phase par diffusion réactive.
La germination
La création de germes d’une nouvelle phase résulte de la diminution de l’énergie libre de Gibbs ΔG du système. Cette énergie est déterminée par :
– l’énergie libre par unité de volume ΔGv associée à la formation d’un volume de la phase considérée,
– la création d’une nouvelle interface, définie par l’énergie d’interface γ,
– une énergie de déformation ΔGs , due à une variation de volume lors de la formation de la phase.
La croissance cristalline
Après formation du germe, la phase croît latéralement le long de la surface jusqu’à formation d’une couche uniforme, puis normalement à la surface. La croissance de la phase est contrôlée par la diffusion des atomes de métal ou de silicium à travers la phase, puis par la réaction chimique entre les réactifs à l’interface conduisant à la formation de la nouvelle phase.
Mécanismes de diffusion
La diffusion des atomes est un phénomène de transport de matière sous l’effet d’un gradient potentiel chimique qui se réduit souvent à un gradient de concentration. Le déplacement vers un autre site n’est possible que si le site voisin est vacant, on parle de mécanisme lacunaire. En règle générale, si l’atome est de petite taille, il migre alors dans le réseau via les sites interstitiels, on parle de mécanisme interstitiel.
Formation séquentielle des phases
Contrairement aux couples de diffusion massifs dans lesquels l’ensemble des phases du diagramme d’équilibre est présent, lors de la réaction de films minces métalliques avec un substrat de silicium les phases apparaissent le plus souvent séquentiellement [d’Heurle_1986]. La formation séquentielle est expliquée par une compétition entre les vitesses de réaction aux interfaces et la diffusion du métal dans les phases en croissance [Gas_1993]. Supposons deux phases en croissance, la première phase a une épaisseur telle que sa croissance est limitée par la diffusion (JI).
Réaction d’un film mince de palladium avec un substrat de silicium : étude bibliographique
Pour des films minces de Pd et des températures de recuit inférieures à 700 °C, seule la phase Pd2Si se forme. En effet, pour des épaisseurs inférieures à 100 nm, de nombreux travaux montrent la formation d’une phase unique [Okada_1980]. Le siliciure Pd2Si a une structure hexagonale, de type Fe2P et de groupe d’espace P 62m. Il se forme à l’interface Pd-Si grâce à un mécanisme d’interdiffusion des deux espèces. Certaines études montrent la diffusion des deux espèces (Pd et Si) [Zingu_1984, Chu_1975] mais la majorité d’entre elles rapporte néanmoins une plus grande mobilité des atomes de Pd [Zingu_1984, Buckey_1972] via les sites lacunaires [Wittmer_1983] dans la maille de Pd2Si. Durant le dépôt de Pd à température ambiante, une mince couche de mélange [Tromp_1983] se forme avec une composition correspondant à celle du Pd2Si, quelle que soit la méthode de dépôt : évaporation [Wittmer_1983, Chen_1994], ou pulvérisation [Cheung_1981, Robinson_1991].
La vitesse de formation du siliciure est plus lente sur Si(111) que sur Si(001) [Tu_1982]. Sur un substrat Si(111), la couche mince formée durant le dépôt est régulière et plane [Tromp_1983]. De plus, Pd2Si est épitaxié sur Si(111) avec un désaccord paramétrique de 1,8% [Okada_1980]. Les plans (111) du Si sont parallèles au plan basal du Pd2Si et les directions [110]Si sont parallèles aux directions Pd2Si.
Sur Si(001), les films épais de Pd2Si (>100 nm) sont polycristallins et présentent une texture de fibre [Buckley_1972], avec l’axe c normal à la surface [Cheung_1981] .
Réaction de films ultra-minces de nickel (Ni) avec un substrat de silicium : étude bibliographique
Le système Ni-Si a été abondamment étudié [Tu_1975, Chang_1983, d’Heurle_1984, Gibson_1989, Bennett_1999, Lavoie_2006, Nemouchi_2006, Mangelinck_2008]. Le diagramme de phase du système Ni-Si (cf. Figure 1.6) est plus complexe que le système précédent et présente plusieurs phases stables à moins de 800 °C, majoritairement riches en nickel : Ni3Si, Ni31Si12, Ni2Si, Ni3Si2 , NiSi et NiSi2 et la phase θ-Ni2Si. Lors de la réaction entre un film mince de nickel (d’épaisseur comprise entre 20 nm et 200 nm) et le substrat de silicium, différentes études ont mis en évidence la formation séquentielle de certaines phases durant des recuits isothermes [Ottaviani_1981, Tinani_2001] : Ni2Si, NiSi et NiSi2 . Ni2Si est la première phase à se former en consommant la couche de Ni [Van Loenen_1985], puis les phases NiSi et NiSi2 se forment successivement. Le Ni est l’espèce la plus mobile pour ce système [Finstad_1981, d’Heurle_1984]. La formation des phases Ni2Si et NiSi est contrôlée par la diffusion du Ni alors que celle de la phase NiSi2 est contrôlée par la germination [d’Heurle_1984].
La présence des phases transitoires a été révélée dans de récentes études [Lavoie_2003, Rivero_2004]. Ces phases ont été initialement identifiées comme étant Ni31Si12 et Ni3Si2 . Ni31Si12 est la première phase à se former, observable par diffraction de rayons X (DRX) lors de recuit à faible température (160 °C). Ni3Si2 se forme durant une faible gamme de température simultanément avec la phase Ni2Si lorsque le film de Ni est entièrement consommé [Gergaud_2004]. L’identification de phases complexes et texturées dans des films très minces est particulièrement difficile. D’autres études [Bennett_1995] ont identifié la présence d’une autre phase, la phase θ-Ni1-xSix . La phase θ-Ni1-xSix est une phase hexagonale métastable à température ambiante et sa composition varie de 37% à 43% en Si [Van Bockstael_2009]. Pour des films minces (<50nm) [Gibson_1989, Bennett_1995, De Keyser_2008], la phase θ-Ni1-xSix croît en épitaxie sur Si(111) et Si(001) au détriment de la phase Ni2Si et se décompose pour former à nouveau Ni2Si puis NiSi. De plus, la présence de la phase θ-Ni1-xSix mène à la formation de NiSi2 de type A (les mailles cristallines de la couche mince et du substrat sont orientées de manière parfaitement cohérente [Bennett_1995].
Pour des films ultra-minces (<10 nm), il existe une épaisseur limite en dessous de laquelle la résistivité de l’échantillon évolue différemment en fonction de la température de recuit [De Keyser_2010, Zhang_2010, Luo_2010]. Pour des films d’épaisseur supérieure à 6 nm, la résistivité augmente à partir de 600 °C, ce qui correspond à l’agglomération du siliciure NiSi. Pour des films dont l’épaisseur est inférieure à 6 nm, la résistivité de l’échantillon est faible à partir de 400 °C et reste stable au-delà de 800 °C. Cette stabilité est attribuée à la présence d’un composé épitaxié avec le substrat. Tung et al. ont identifié la phase comme étant celle de NiSi2 [Tung_1983] alors que Zhang et al. et Luo et al. présentent des images HR-TEM de films ultraminces de Ni (<5 nm) recuit à 500 °C et identifient une structure cristallographique cubique de la phase formée mais de composition différente de celle de NiSi2 : NiSi2-y avec y<1 [Luo_2010, Zhang_2010]. De Keyser et al. ont utilisé l’imagerie en diffraction d’électrons rétrodiffusés (EBSD) sur des films d’épaisseur de 3,7 nm de Ni recuits à 600 °C. La simulation de ces clichés avec des structures cubiques et hexagonales permet de déterminer que le meilleur accord entre simulations et mesures expérimentales est obtenue avec la phase hexagonale θ-Ni1-xSix [De Keyser_2010].
Gergaud et al. (2004) et Cacho et al. (2006) ont présenté l’évolution de la contrainte mais aussi la séquence de phases lors du recuit d’un échantillon de Ni (13 nm)/Si(001). Les phases, détectées par DRX, Ni2Si, Ni3Si2 et NiSi se forment successivement. La contrainte subit de nombreuses variations au cours du traitement thermique. Lors de la croissance d’une phase, la contrainte est compressive puis relaxe. Ainsi, la contrainte observée résulte de la compétition entre la contrainte compressive en raison de la formation d’une phase et de la relaxation de la phase déjà formée. L’évolution de la contrainte peut être décrite qualitativement par le modèle de Zhang et d’Heurle.
|
Table des matières
Introduction
Chapitre 1 : Formation des siliciures par diffusion réactive et genèse des contraintes
1. Croissance des siliciures par diffusion réactive
2. Développement des contraintes lors de la formation d’un siliciure par diffusion réactive
3. Réaction d’un film mince de palladium avec un substrat de silicium : étude bibliographique
4. Réaction de films ultra-minces de nickel(Ni) avec un substrat de silicium : étude bibliographique
Bibliographie
Chapitre 2 : Méthodes expérimentales
1. Préparation des échantillons
2. Mesure des contraintes par la mesure de courbure du substrat
3. Diffraction de Rayons X (DRX)
4. Dispositifs expérimentaux de DRX
5. Microscopie Electronique en Transmission
Bibliographie
Chapitre 3: Pd /Si(111) : un système modèle
1. Les échantillons Pd/Si(111)
2. Etude couplée par diffraction des rayons X et mesure de courbure de la réaction Pd/Si(111)
3. Texture et morphologie du siliciure formé
4. Discussion
Bibliographie
Chapitre 4 : Pd/Si(001) : croissance, texture et contraintes
1. Présentation des échantillons après dépôt
2. Evolution des contraintes lors de la réaction Pd-Si(001)
3. Evolution de la texture
4. Discussion
Bibliographie
Chapitre 5 : Ni/Si(001), siliciuration de films ultra-minces
1. Influence de l’épaisseur de Ni
2. Etude de l’échantillon Ni(3 nm)Si(001) par sonde atomique tomographique
3. Etude de l’échantillon Ni(3 nm)Si(001) par microscopie
4. Etude de la texture de l’échantillon Ni(3 nm)Si(001)
5. Discussion
6. Conclusion
Bibliographie
Conclusion
Annexe