Formation des espèces radicalaires de l’azote (ERA)
Malgré leur classification distincte, les espèces réactives de l’azote dérivent des ERO (à l’exception du NO synthétisé par les oxydes nitriques synthases (NOS)). Le monoxyde d’azote (•NO) est une molécule produite physiologiquement lors de l’oxydation enzymatique de l’arginine en citrulline par les NOS constitutives et induites (réaction 4) (Ghafourifar P. et al., 2005).
Arginine → Hydroxyarginine → •NO + Citrulline (4)
Le monoxyde d’azote (•NO) est un radical abondamment produit au sein des cellules endothéliales, vasculaires et neuronales ainsi que dans les macrophages et les neutrophiles, dont l’augmentation est impliquée dans de nombreux processus de régulation comme la neurotransmission, la régulation de la pression sanguine, les mécanismes de défense, la relaxation des cellules musculaires lisses ou encore la régulation de l’immunité (Bergendi L. et al., 1999). Sa demi-vie n’excède pas quelques secondes dans un environnement aqueux, mais il peut rester stable lorsque la concentration d’oxygène du milieu diminue (Chiueh C.C., 1999). Le monoxyde d’azote (•NO) a été à juste titre, décrit comme une molécule extraordinaire du fait de ses multiples effets bénéfiques et de sa très grande capacité à diffuser rapidement dans les membranes et les cytoplasmes. La production de sous-produits à caractère toxique pose toutefois un problème. Lors de la réponse immunitaire, les phagocytes sont capables de produire du monoxyde d’azote (•NO) grâce à l’activité de la NOS inductible (iNOS). En même temps, l’anion superoxyde (O2•¯) est produit par les NADPH oxydase (NOx). En réagissant ensemble, ces deux radicaux peuvent former un anion peroxynitrite (ONOO¯) réactif et toxique (réaction 5).
•NO+ O2•¯ → ONOO (5)
Le peroxynitrite est un puissant agent oxydant susceptible d’endommager l’ADN et d’oxyder les lipides (Carr A.C. et al., 2000). En milieu acide, il est également capable de se décomposer pour former un radical hydroxyle (˙OH) (réaction 6).
ONOO- + H+ → ONOOH → NO2¯ + •OH (6)
Les espèces réactives de l’oxygène (ERO) et les espèces réactives de l’azote (ERA) sont susceptibles de s’attaquer à une grande variété de composés allant des acides nucléiques aux lipides (Miloudi K., 2011).
Dommages liés aux radicaux libres
Peroxydation lipidique
Les lipides, encore appelés corps gras, sont des esters d’acides aliphatiques insolubles dans l’eau et solubles dans les solvants organiques. Selon leur insaturation, il existe les acides gras saturés (AGS), qui ne comportent pas de double liaison, les acides gras mono-insaturés (AGMI), qui comportent une double liaison, et les acides gras poly-insaturés (AGPI), qui comportent deux ou plus de deux doubles liaisons.
Les acides gras polyinsaturés (AGPI) caractérisés par deux ou plusieurs doubles liaisons (– CH = CH – CH2 – CH = CH–), sont très abondants dans la nature. La position d’un ou plusieurs groupements méthylène entre deux doubles liaisons, les rend particulièrement sensibles à l’oxydation par les métaux et les radicaux libres oxygénés (Spiteller G., 2003). Cette oxydation, appelée « peroxydation lipidique », est à l’origine de la formation de très nombreux produits primaires (hydroperoxydes) ou secondaires (aldéhydes) dont les activités biologiques sont multiples.
L’autoxydation des acides gras polyinsaturés et monoinsaturés est un processus radicalaire de réaction en chaîne qui se décompose en trois étapes : l’initiation, la propagation et la terminaison. Lors de l’initiation, un proton méthylénique est arraché de l’AGPI par un radical libre. Celui-ci devient alors à son tour radicalaire (R•), et est stabilisé par réarrangement électronique. Le radical (R•) se combine à l’oxygène dissous pour former un radical peroxyle (ROO•), durant la phase de propagation. Celui-ci réagit ensuite avec un autre acide gras (RH), en lui arrachant un proton méthylénique, ce qui donne un hydroperoxyde et un nouveau radical (R•) est formé. Ce radical alkyle néoformé va permettre à la réaction de se propager. Pour un alkyle formé, une centaine d’hydroperoxydes peuvent théoriquement être générée avant que la réaction ne s’arrête (Sevanian A. et al., 1985.). En pratique, cette séquence peut être perturbée et interrompue par des pièges antioxydants endogènes tels que les ubiquinones ou les tocophérols. Un hydroperoxyde est une structure moléculaire instable qui se décompose (en présence de métaux de transition) en radicaux alcoxyles (RO•), peroxyle (ROO• ), ou encore en 4-hydroxy-alkénals (Sevanian A. et al., 1985.). La peroxydation s’arrête lorsque le radical (R•) s’associe à un autre radical peroxyle (ROO• ) ou un radical alkyle (R•). La phase de terminaison se conclut donc par la formation d’une molécule non radicalaire stable.
Oxydation des protéines
Les protéines sont elles aussi sensibles à l’action du radical hydroxyle (˙OH). Celui-ci peut, en effet, réagir avec différents acides aminés des chaines de protéines. Les plus sensibles à son action sont les acides aminés aromatiques comme le tryptophane, la tyrosine, ou celui ayant un noyau imidazole comme l’histidine, sur lesquels le radical hydroxyle (•OH) s’additionne et provoque un changement de conformation de la molécule de protéine (Franzini E. et al., 1993 ; Sellak H. et al., 1992). Sur les acides aminés contenant un atome de soufre tels que la cystéine et la méthionine, l’oxydation par le radical hydroxyle (•OH) conduit à la formation de ponts disulfures et donc à l’agrégation de plusieurs molécules de protéines. Le radical hydroxyle (•OH) est aussi capable de couper des liaisons peptidiques et de former ainsi des fragments protéiques. Toutes ces modifications aboutissent, comme pour les lipides, à une désorganisation membranaire à l’origine du dysfonctionnement ou de la lyse cellulaire. Le radical hydroxyle (•OH) attaque ces mêmes structures protéiques ou lipidiques dans le milieu extra ou intracellulaire entrainant la formation et le dépôt de complexes d’immunoglobulines ou de lipoprotéines oxydées, à l’origine de l’activation des polynucléaires (PN). Le radical hydroxyle (•OH), mais aussi l’anion superoxyde, s’attaquent aux protéines des tissus de soutien comme le tissu conjonctif constitué de collagène (Pasquier C., 1995). Bien que physiologique, la production de radicaux libres peut être accidentelle et potentiellement délétère, comme par exemple la fuite d’électrons de la chaîne respiratoire mitochondriale, ou ceux résultant de l’auto-oxydation des catécholamines. Cette production radicalaire est dommageable si elle est prolongée ou incontrôlée, dépassant ainsi les capacités de neutralisation de l’organisme. D’autres productions sont anormales, pathologiques, toujours dommageables, et sans objectif physiologique, comme par exemple celles résultant de la fumée de cigarettes, des polluants, de l’ozone ou survenant lors d’ischémie–reperfusion tissulaire.
Dommages oxydatifs de l’ADN
Les dommages oxydatifs de l’ADN résultent de réactions avec les bases puriques et pyrimidiques, du désoxyribose ou du phosphodiester (Marnett L.J., 2003) L’acide désoxyribonucléique (ADN), constituant l’essentiel du génome, est aussi très sensible à l’attaque du radical hydroxyle (•OH) : celui-ci oxyde les constituants de l’ADN conduisant ainsi à la mutagenèse, la carcinogenèse et la mort cellulaire. L’action de ce radical a été mise en évidence dans les milieux biologiques, par la mesure du produit d’oxydation de la guanine, la 8- hydroxyguanosine dont l’existence est spécifique d’une attaque par le radical hydroxyle (•OH) (Pasquier C., 1995). Le monoxyde d’azote peut former de l’acide peroxynitreux (ONOOH), du nitrosoperoxycarbonate (ONO2CO2¯) ou du trioxyde d’azote (N2O3). Ces espèces réactives sont capables de réagir directement avec l’ADN en formant des dérivés nucléosidiques nitrés, le plus abondant d’entre eux étant le 8-nitro-désoxyguanosine (8-nitro-dG). Ce produit est instable et sa liaison glycosidique est hydrolysée pour former un site abasique (Therond P., 2006). En principe, une augmentation de la production de ERO est problématique car l’oxydation des protéines, de l’ADN et des lipides peut provoquer une lésion tissulaire directe ou évoquer une variété de réponses cellulaires par la génération d’espèces réactives secondaires (Halliwell B., et al. 1990).
|
Table des matières
INTRODUCTION
Chapitre I : Stress oxydant
I. Définition
II. Radicaux libres
II.1. Définition
II.2. Formation des radicaux libres
II.2.1. Formation des ERO
II.2.2. Formation des espèces radicalaires de l’azote
III. Dommages liés aux radicaux libres
III.1. Peroxydation lipidique
III.2. Oxydation des protéines
III.3. Dommages oxydatifs de l’ADN
IV. Antioxydants
V. Pathologies associées au stress oxydant
V.1. Syndrome inflammatoire chronique
V.1.1. Asthme
V.1.2. Mucoviscidose
V.1.3. Polyarthrite rhumatoïde
V.2. Pathologies cardiovasculaires
V.2.1. Athérosclérose
V.2.2. Ischémie myocardique
V.3. Stress oxydant et diabète sucré
V.4. Stress oxydant et cancer
V.5. Pathologies neurodégénératives
V.5.1. Maladie d’Alzheimer
V.5.2. Maladie de Parkinson
VI. Marqueurs du stress oxydant
VI.1. Marqueurs directs du stress oxydant : les ERO
VI.2. Marqueurs indirects du stress oxydant
VI.2.1. Marqueurs de l’oxydation des lipides
VI.2.2. Marqueurs de l’oxydation des protéines
VI.2.3. Marqueurs de l’oxydation de l’ADN
VI.2.4. Les antioxydants
Chapitre II : Cuivre, propriétés et intérêts thérapeutiques
I. Propriétés physico-chimiques
II. Sources et apport
III. Etapes du métabolisme du cuivre
III.1. Ingestion
III.2. Absorption
III.3. Étape hépatique
III.4. Etape post hépatique
IV. Transporteurs du cuivre
IV.1. ATP7A et ATP7B
IV.2. Céruloplasmine
V. Cuivre et système de défense antioxydant
V.1. Superoxydes dismutases
V.2. Cytochrome-c oxydase
V.3. Catalase
V.4. Glutathion
V.5. Glutathion peroxydase dépendante du sélénium
VI. Cuivre et pathologies
VI.1. Empoisonnement au cuivre
VI.1.1. Intoxication aiguë
VI.1.2. Intoxication chronique
VI.1.2.1. Maladie de Wilson
VI.1.2.1.1. Physiopathologie
VI.1.2.1.2. Manifestations cliniques
VI.1.3. Carence en cuivre : la maladie de Menkes
VII. Intérêts thérapeutiques du cuivre dans le cancer et d’autres maladies
Chapitre III Acide Ascorbique, propriétés et intérêts thérapeutiques
I. Structure
II. Propriétés physico-chimiques
III. Synthèse
III.1. Synthèse chimique
III.2. Biosynthèse chez les animaux
III.3. Biosynthèse chez les végétaux
IV. Sources et apport
V. Métabolisme de l’acide ascorbique
VI. Quelques activités biologiques de l’acide ascorbique
VI.1. Activité antioxydante
VI.2. Acide ascorbique et métabolisme du fer
VI.3. Acide ascorbique et troubles cognitifs
VI.4. Acide ascorbique, système immunitaire et anti-inflammatoire
VI.5. Acide ascorbique et cancer
VI.6. Acide ascorbique et cataracte
VI.7. Acide ascorbique et prévention de la goutte
VIII. Toxicité de l’acide ascorbique
Chapitre IV : Possibilités de complexation du cuivre et de l’acide ascorbique
I. Propriétés des réactifs et solvants
I.1. Réactifs
I.1.1. Cuivre
I.1.2. Acide ascorbique
I.2. Solvant
II. Quelques structures des complexes susceptibles de se former
III. Techniques de caractérisation
III.1. Spectrophotométrie UV-Visible
III.2. Spectrophotométrie infrarouge
III.3. Diffraction des rayons X
III.4. Point de fusion
CONCLUSION