Formation d’alliages hors équilibre par déformation plastique

De nombreux procédés industriels exploitent des méthodes de déformation plastique telles que le laminage, le tréfilage, l’extrusion, l’emboutissage, le pliage ou encore l’usinage. Ces déformations entraînent souvent de fortes modifications de la microstructure du matériau avec une augmentation de la densité de défauts comme les dislocations. Certaines techniques de déformation comme le tréfilage provoquent aussi une importante diminution de la taille de grains. Il en résulte des changements de propriétés mécaniques après la mise en forme. Si la ductilité du matériau diminue lors de l’écrouissage, la limite élastique quant à elle augmente. Ces matériaux peuvent donc être mis à profit pour leurs grandes résistances mécaniques. C’est le cas des aciers tréfilés utilisés comme renforts métalliques dans les pneumatiques. La grande quantité de défauts (dislocations, joints de grains…) et les contraintes internes générées par ces techniques d’élaboration peuvent donner lieu à des transformations de phase. Le cas de la dissolution de la cémentite dans les aciers tréfilés en est un bon exemple. Une déformation trop grande provoque une dissolution totale des carbures et dégrade la ductilité des fils. Pour maîtriser et améliorer les propriétés mécaniques de tels matériaux, la compréhension des mécanismes physiques responsables de ces transformations de phase est indispensable.

De techniques de déformation ont été développées afin de produire des matériaux nanostructurés à l’état massif. Les taux de déformation atteints sont bien plus grands que ceux des procédés de mise en forme « classiques ». La première approche fut celle du broyage et compactage de poudres. Cependant, les conditions de déformation lors du broyage sont mal connues, ce qui rend difficile l’étude des mécanismes de la nanostructuration. Plus récemment des techniques dites de « déformation plastique intense », telles que la torsion sous pression intense et l’extrusion coudée, ont permis de produire des matériaux nanostructurés directement à l’état massif. Du fait de leurs conditions expérimentales bien maîtrisées, ces procédés sont idéaux pour tester l’influence des paramètres de déformation sur la nanostructuration. De plus, des transformations de phase comme l’amorphisation ou le mélange forcé d’éléments immiscibles peuvent être rapidement obtenus. Les techniques de « déformation plastique intense » ouvrent donc la voie à l’étude nombreux systèmes forcés.

Formation d’alliages hors équilibre par déformation plastique

L’effet d’une déformation plastique sur les limites de solubilité dans les alliages métalliques est aujourd’hui encore mal connu. Pour étudier ce phénomène, de nombreuses études dans lesquelles des couples d’éléments immiscibles subissent une forte déformation ont été menées ces vingt dernières années. Les premières expériences ont le plus souvent été réalisées par broyage de poudres, mettant ainsi en évidence la capacité de cette technique à produire des alliages hors équilibre. La grande quantité de résultats obtenue avec cette technique à aboutie à la création de modèles pour expliquer la forte augmentation de solubilité observée entre éléments immiscibles à l’équilibre thermodynamique. Bien que les bases théoriques de ces modèles soit différentes, ceux-ci nécessitent de connaître la contrainte et la déformation appliquées. Mais l’un des désavantages du broyage de poudres est que la contrainte appliquée au matériau broyé n’est pas connue et que la déformation est hétérogène. Seul le transfert moyen d’énergie au matériau lors des chocs dus au broyage peut être évalué par modélisation. Cette technique de déformation plastique n’est donc pas adaptée à l’étude des mécanismes physiques fondamentaux d’interdiffusion forcée entre éléments immiscibles. Ce n’est que récemment que des études avec des techniques de déformation dont les paramètres sont mieux contrôlés ont été mises en œuvre. Ces techniques dite de «déformation plastique intense» (severe plastic deformation ou SPD) ont permis notamment d’obtenir des solutions solides hors équilibre pour des matériaux à l’état massif tout en permettant de contrôler parfaitement les paramètres de la déformation.

Les systèmes immiscibles

Il existe de nombreux couples de métaux qui peuvent être classés parmi les systèmes immiscibles (Cu-Fe, Cu-Ta, Ag-Ni, etc.). La thermodynamique de ces systèmes se caractérise par une enthaplie de mélange ΔHm fortement positive (le plus souvent supérieure à 10 kJ.mol⁻¹ [1]). Pour les systèmes comme Ag-Fe, Ag-Ni, Cu-W ou Ti-Mg cette enthalpie de mélange ΔHm est très fortement positive [2]. L’énergie du système reste donc positive même à hautes températures car le terme entropique ΔSm ne peut compenser ΔHm. Pour les systèmes comme Fe Cu, Fe-Mg ou Ag-Cu, le terme ΔHm est toujours positif mais son amplitude n’est pas suffisante pour que l’énergie de mélange du système reste positive à haute température. Ces systèmes sont donc immiscibles à basse température (le plus souvent à l’état solide) et miscibles à haute température (le plus souvent à l’état liquide) [2].

Les alliages hors équilibre obtenus par broyage de poudres

Cette technique de synthèse de poudres nanostructurées a fait l’objet de nombreuses études depuis les années 60 [6]. Une gamme assez large de solutions solides a pu être obtenue par la méthode du broyage des poudres, notamment pour les systèmes Ag-Cu [7-10], Ag-Ni [11], Cu-Yd [12], Co-Cu [13], Cu-Cr [14,15], Cu-V [16] ou encore Fe-Cu [17,18], et des modèles expliquant les mécanismes de mise en solution ont été établis à partir de ces expériences .

Le broyage de poudres à hautes énergies

Le broyage de poudres à hautes énergies a été inventé dans les années 60 par Benjamin [19]. Celui-ci cherchait à produire un superalliage à base nickel en y introduisant une dispersion d’oxydes. Ce mélange devait servir à combiner la haute résistance mécanique de l’oxyde à hautes températures et la haute résistance aux températures intermédiaires des précipites du super alliage de nickel. Il a été montré que des matériaux hors équilibre comme des alliages amorphes [20] ou des mélanges entre éléments immiscibles (références citées précédemment) pouvaient être produits et que la forte déformation engendrée lors du broyage des poudres permet la nanostructuration de celles-ci [21]. Le principe du broyage de poudres à hautes énergies est assez simple. Le matériau à déformer se trouve sous la forme de poudres. Il est placé dans une jarre, avec des billes d’un matériau dur (généralement des billes d’acier). En agitant la jarre, les billes sont mises en mouvement ce qui provoque des collisions entre les billes et entre la paroi de la jarre et les billes. La poudre se trouvant entre ces éléments peut alors soit être fracturée en grains de poudres plus petits ou simplement déformées plastiquement. Il existe aussi un phénomène de soudure entre grains de poudres lors des collisions conduisant à la formation d’agrégats.

Différents types de broyeurs existent, se différenciant par le type de montage, mais le plus utilisé est le broyeur planétaire. Le mouvement des billes est imposé par une mise en rotation de la jarre contenant la poudre et les billes. Cette jarre repose sur un plateau rotatif dont le sens de rotation est opposé à celui de la jarre.

De nombreux paramètres peuvent influencer l’efficacité du broyage comme les matériaux utilisés pour les jarres et les billes, la vitesse de rotation des jarres et du plateau, le type d’atmosphère utilisée ou encore la taille des grains de poudres initiaux. Mais les deux paramètres les plus importants sont le temps et la température de broyage [6]. Le temps de broyage détermine le taux de déformation des poudres (bien que celui ci ne soit pas connu avec exactitude). Les évolutions de microstructure sont donc souvent rattachées à ce paramètre. Il est évident que pour obtenir la microstructure souhaité le temps de broyage va dépendre de l’efficacité du broyeur et donc des paramètres physiques de celui-ci. La température de broyage influence la taille de grains finale [22] puisque des études ont montrées que la taille de gains augmentait avec la température. Nous verrons par la suite que cette taille de grains est très importante dans le processus de mise en solution d’éléments immiscibles. De plus lorsque la température augmente la quantité d’éléments mis en solution lors du broyage d’éléments immiscibles est moins grande qu’à température ambiante [10, 23, 24]. Pour un mélange de poudres Cu-Ag, une solution solide Cu-37%Ag a été obtenue à température ambiante alors qu’à 200 °C seulement 8 % Ag a pu être mis en solution dans le cuivre [24].

La contrainte ainsi que la déformation appliquée au matériau lors du broyage ne sont pas connues. En effet il est impossible de connaître la contrainte due aux différents types de chocs qui se produisent dans la broyeur, ni la quantité de chocs que subit un grain de poudre. Seule une évaluation de l’énergie mis en œuvre lors du broyage peut être donnée ainsi que le transfert d’énergie vers le matériau lors des chocs du broyage. Ces modèles tiennent compte des différents paramètres du broyeur cités précédemment [25, 26].

Le système Cu-Fe, un système modèle

De très nombreuses études ont été menées sur le système Cu-Fe en broyage de poudres [17, 18, 28-39] ce qui en fait un système dit modèle dans le domaine de l’étude des mélanges forcés entre éléments immiscibles. Afin de mettre en évidence la mise en solution des ces deux éléments, des techniques d’analyses globales on été employées. La diffraction des rayons X, la spectroscopie Mössbauer ou le XANES (X-ray Absorption Near Edge Structure) permettent de donner une évaluation globale de la quantité de solution solide présente dans le matériau après déformation et ainsi évaluer l’évolution de cette transformation. Mais les informations importantes sur l’homogénéité de la microstructure et de la solution solide ne peuvent être obtenues que par des techniques d’analyses microscopiques comme la microscopie électronique à transmission ou l’analyse EDX en microscopie électronique.

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre I : Contexte de l’étude
Introduction
I. Formation d’alliages hors équilibre par déformation plastique
1. Les systèmes immiscibles
2. Les alliages hors équilibre obtenus par broyage de poudres
a) Le broyage de poudres hautes énergies
b) Le système Cu-Fe, un système modèle
(i) Analyses globales
(ii) Caractérisation à l’échelle microscopique
(iii)Domaines de coexistence des phases CC et CFC
c) Les modèles de la formation de solutions solides hors équilibre
3. Les limites du broyage de poudres pour la compréhension des mécanismes physiques à l’origine de l’interdiffusion forcée
4. Transformations de phases et formation d’alliages dans des matériaux hyperdéformés
II. La déformation plastique intense (ou SPD : severe plastic deformation)
1. Les principales techniques de déformation plastique intense
a) Extrusion coudée à aire égale (ou ECAP : Equal Channel Angular Pressing)
b) Laminage accumulé (ou ARB : Accumulated Roll Bonding)
c) Torsion sous pression intense (ou HPT : High Pressure Torsion)
2. Evolution de la microstructure de matériaux monophasés au cours d’une déformation plastique intense par HPT
a) Evolution de la taille de grains
b) Etat de saturation de la microstructure
c) Paramètres influençant l’état de saturation
d) Homogénéité de la déformation en HPT
3. La déformation plastique intense et les matériaux biphasés
a) Formation de composites à matrices métalliques
b) Formation de solutions solides hors équilibre
III. Les composites métal/métal obtenus par co-déformation
1. Les composites à matrice de cuivre
a) Nanocomposites « in-situ »
b) Nanocomposites continus
2. Propriétés physiques des DMMC
3. Texture cristallographique des DMMC
a) Les textures développées en tréfilage
b) Effet de la texture sur la microstructure
4. Stabilité thermique des DMMC
5. DMMC à matrices autres que le cuivre
Conclusions
Chapitre II : Techniques expérimentales
Introduction
Partie A: Elaboration du nanocomposite Cu-Fe par tréfilage et ré-empilements successifs
Introduction
I. Fabrication d’un nanocomposite multi-filamentaires Cu-Fe
1. Déformation par tréfilage
2. Procédé de fabrication d’un nanocomposite multi-filamentaires
a) Etapes de tréfilage
b) Paramètres de la déformation
3. Microstructure du composite au cours du procédé de fabrication
a) Etape 1
b) Etape 2
c) Etape 3
d) Etape 4
e) Etape 5
4. Caractérisation microstructurale du nanocomposite Cu-Fe
a) Morphologie des grains
b) Texture des grains en tréfilage
c) Tubes de cuivre
II. Déformation du nanocomposite Cu-Fe par HPT : les paramètres de déformation utilisés
Partie B: Techniques d’analyses et de caractérisation
Introduction
I. Techniques d’analyses globales
1. Les différentes techniques
2. La spectroscopie Mössbauer
a) Principe de la spectroscopie Mössbauer
b) Les interactions hyperfines
c) Dispositif expérimental
(i) Source d’émission des photons Mössbauer
(ii) Montage utilisé
d) Données exploitées en spectroscopie Mössbauer
(i) Signal de la ferrite
(ii) Signal du fer en solution solide
(iii) Signal de l’austénite
II. Techniques d’analyses microscopiques
1. Les différentes techniques
2. La sonde atomique tomographique
a) Principe de la technique
b) Dispositif expérimental
c) Mise en place des impulsions
d) Spectres de masse
e) Reconstruction 3D et résolution spatiale
f) Evaporation préférentielle
g) Mesures de concentrations
h) Effet de grandissements locaux
i) Profils de concentrations
Conclusions
Chapitre III : Résultats expérimentaux et discussion
Introduction
I. Mise en évidence de la formation d’une solution solide Cu-Fe
1. Etude en diffraction des rayons X
a) Intensité du signal de la phase Fe-
b) Décalage des pics du cuivre
2. Apparition d’une phase hors-équilibre (spectroscopie Mössbauer)
a) Spectres Mössbauer multi-composantes
b) Evolution des spectres Mössbauer avec la déformation
c) Quantification de l’intensité Mössbauer du signal paramagnétique
3. Effet du gradient de déformation
a) Propriétés mécaniques et rayon de déformation
b) Effet de la température de déformation sur la microdureté
c) Microdureté et taux de déformation
d) Localisation de la solution solide Cu-Fe
II. Caractérisation de l’évolution microstructurale du composite déformé par HPT
1. Microstructure dans les premiers tours de HPT
a) Organisation des filaments de fer
b) Morphologie des grains
2. Perte du caractère filamentaire
a) Structure à grains équiaxes
b) Résidus de la structure filamentaire après un grand nombre de tours
c) Analyses EDX des zones nanogranulaires de cuivre
(14 et 25 tours de HPT)
3. Effet de la température de déformation sur la microstructure
4. Evolution de la taille des éléments caractéristiques de la microstructure avec la déformation
a) Filaments de ferrite
b) Canaux de cuivre
III. Analyse à l’échelle atomique de l’interdiffusion de Cu et Fe
1. Premiers stades de la déformation et structure lamellaire
a) Influence de la taille des filaments sur les gradients de diffusion
b) Effet de la déformation sur les gradients de diffusion
c) Comparaison des données obtenues par analyse en mode laser et en mode électrique
(i) Raisons et modalités de la comparaison
(ii) Evaporation préférentielle et mesures de concentrations
(iii) Effet du grandissement local sur l’épaisseur des filaments
(iv) Effet du grandissement local sur les gradients de concentrations
2. Déstabilisation de la structure lamellaire Cu-Fe et interdiffusion
3. Une solution solide Cu-Fe à caractère homogène
4. Influence de la température de déformation
IV. Mécanisme de formation de la solution solide hors-équilibre Cu-Fe
1. Résumé des évolutions microstructurales du nanocomposite Cu-Fe en HPT
2. Une transformation de Fe- en Fe3. Formation de la structure nanogranulaires équiaxe
4. Taille de grains et force motrice de la dissolution de Fe-
5. Mécanisme physique de la formation de solutions solides sous déformation intense
a) Transport des atomes de solutés par les dislocations
b) Cisaillement répété des interfaces Fe- /Cu-cfc ou «mechanical roughening»
c) Diffusion accélérée lors de la déformation plastique intense
6. Influence des lacunes en excès produites par la déformation sur la diffusion dans le matériau
a) Modélisation de la production et d’annihilation de lacunes en excès
b) Modification du modèle de création de lacunes
(i) Modification du taux de production de lacunes P
(ii) Calcul de la concentration de lacunes
c) Paramétrage du modèle de production et d’annihilation de lacunes en excès
7. Résultats issus du modèle de production et d’annihilation de lacunes
a) Evolution des concentrations de lacunes
b) Diffusion et concentrations de lacunes
c) Influence de la vitesse de déformation sur la diffusion
d) Influence de la température de déformation sur la diffusion
Conclusions
Conclusions générales
Références bibliographiques
Annexes

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