Dès leur invention, les lasers sont devenus des outils indispensables dans tous les domaines. Ils interviennent, en effet, de la physique fondamentale jusqu’aux applications scientifiques, industrielles, médicales, militaires,…. Depuis, la puissance délivrée par les lasers n’a cessé d’augmenter. Ce n’est que vers le milieu des années 80 que la puissance des impulsions ultra brèves a pu être portée à des valeurs considérables par une nouvelle technique d’amplification élargissant du même coup le domaine d’application du laser à la physique relativiste. De plus, la conjugaison de l’ultra bref et des très hautes puissances a permis d’envisager la conception de nouveaux schémas dans le domaine de la fusion par confinement inertiel. Avec la production d’impulsions ultra-courtes et ultra-intenses, une nouvelle physique devient accessible avec des conditions extrêmes de champs électromagnétiques lumineux dépassant peut être même ce que l’on trouve en astrophysique. Des théories prédisent même des effets avec les noyaux tels que des réactions de fusion thermonucléaire, par exemple, le concept de l’ignition rapide pour la Fusion par Confinement Inertiel (FCI) [6]. Dans de tels champs électromagnétiques, les électrons acquièrent des vitesses relativistes et émettent des rayonnements cohérents, rayonnements X [7], ou incohérents de courte durée. Nous pouvons aussi envisager l’accélération de particules par onde de sillage [8], ainsi que la mise en évidence d’effets relativistes et quantiques, la génération de champs magnétiques importants. Les caractéristiques des impulsions varient d’une application à l’autre en terme d’énergie, de focalisation.
• Le concept de l’ignition rapide est un schéma, en configuration d’attaque directe, permettant d’obtenir la Fusion par Confinement Inertiel. Il se découpe en trois parties. La première consiste à comprimer le combustible uniformément en utilisant des impulsions délivrées par une chaîne de puissance traditionnelle (nanoseconde). La deuxième étape utilise une première impulsion ultra haute intensité pour creuser un canal dans la couronne de plasma entourant la zone comprimée. Enfin, une seconde impulsion est utilisée pour déposer des particules de forte énergie dans le cœur. La seconde impulsion est focalisée dans le canal. Elle doit s’approcher le plus possible des zones denses du mélange pour produire des électrons suprathermiques qui vont créer le point chaud. Ce point chaud permet l’allumage du combustible. Les caractéristiques des impulsions pour ce type d’application sont pour l’instant une énergie d’environ 30 kJ pour une puissance de l’ordre de 30 PW .
• Le rayonnement X cohérent, laser X, est un diagnostic indispensable du plasma, notamment de mesure de sa densité électronique. L’énergie délivrée par le laser doit être de l’ordre de 1 kJ pour une puissance de 1 PW pour pouvoir servir de diagnostic sur la LIL. Dans le cas des accélérateurs d’électrons la durée des impulsions X créées est supérieure à 10 ps et pour les plasmas à décharge, elle est supérieure à 1 ns. L’utilisation d’impulsions ultra-courtes et ultra-intenses permet d’obtenir des rayonnements X de durée qui peuvent être du même ordre de grandeur de celle des impulsions. La structure d’un laser X pompé par laser présente des spécificités vis-à-vis des autres systèmes lasers. Ainsi le milieu à gain est un plasma d’ions multichargés créé par l’interaction entre un laser et une cible solide. De plus la durée de vie de l’état excité est comparable au temps de parcours du rayonnement X dans le milieu à gain. Les impulsions lasers utilisées sont des ondes progressives et doivent alors être focalisées sur une ligne [9], pour que le pompage par dépôt d’énergie laser se fasse au fur et à mesure du passage de l’émission laser X.
• Une autre application de ce laser est la génération de rayonnement X incohérent pour faire de la radiographie X. Un laser ultra-intense et ultra court, tirant sur une cible solide, constitue un générateur de flashes X durs (par rayonnement de Brehmstrahlung). Ce générateur pourrait aboutir à un schéma original de machine de radiographie multi axes et multi impulsions. Les impulsions lasers nécessaires possèdent des durées de l’ordre de la picoseconde et des énergies de plusieurs kilojoules. L’efficacité de la génération des X croît rapidement avec des intensités de l’ordre de 10²¹ W/cm2.
• La propagation d’une impulsion ultra courte dans un plasma peut générer derrière elle, par effet de sillage, un champ électrique très intense qui peut être à la base d’un nouveau procédé d’accélérateurs de particules très compact. Ce champ électrique est de l’ordre du GV/m soit près de deux fois la limite technologique des accélérateurs de particules actuels (CERN).
Formalisme utilisé pour décrire une impulsion laser courte
Ce paragraphe est consacré à la mise en place du formalisme et des notations utilisées pour la description d’une impulsion courte. Nous abordons le rôle essentiel de la phase spectrale pour le contrôle de la forme temporelle de l’impulsion laser à spectre large. En effet, un contrôle de la phase spectrale permet d’améliorer le profil temporel.
Dans le cas général, le champ électrique de l’onde doit comporter l’ensemble des variables d’espace (x, y, z), et temporelle t. Nous limiterons notre étude à la propagation paraxiale c’est à dire proche d’un axe, z par exemple.
Dans le cas d’une phase spectrale constante ou linéaire, les amplitudes temporelles et spectrales du champ sont reliées par transformation de Fourier. Les largeurs spectrale ∆ωG et temporelle G δt vérifient l’égalité suivante :
∆ωG δt G = K ,
où K est un facteur lié à la forme et à la définition choisie pour les largeurs.
Cette égalité se transforme en inégalité dans le cas d’une phase spectrale d’ordre supérieur à deux. On retrouve dans cette propriété de la transformation de Fourier la relation d’incertitude d’Heisenberg. Elle précise qu’une impulsion courte possède un spectre large.
Une analogie avec le domaine spatial permet une illustration simple de l’influence de la phase spectrale sur l’évolution temporelle du champ électrique. Les variables choisies pour cette analogie sont la variable d’espace transverse x et la variable temporelle t. Dans le domaine spatial, il est aisé d’illustrer expérimentalement la transformation de Fourier en utilisant une lentille. Ainsi tout changement de la phase d’un faisceau à l’entrée d’une lentille se traduit par une modification de la tache dans le plan focal (c’est à dire de la transformation de Fourier). Une courbure de phase conduit à un défaut de mise au point, et les termes d’ordre supérieur aux aberrations géométriques.
Ainsi la phase définie en fonction des fréquences spatiales dans le domaine spatial régit la forme spatiale du faisceau. Dans le domaine temporel, la phase spectrale régit la forme temporelle de l’impulsion. Nous comprenons ici le rôle capital de pouvoir analyser et contrôler la phase spectrale des impulsions. Nous allons montrer ainsi que dès l’étape de l’amplification, la maîtrise de la phase présente un vif intérêt.
Amplification d’une impulsion courte
Les énergies délivrées par les oscillateurs sont très faibles, de l’ordre du nanojoule. Il est donc nécessaire de les amplifier pour atteindre une énergie située dans la gamme de quelques kilojoules. Une première partie sera consacrée à l’évolution de l’énergie dans un milieu amplificateur . Puis nous étudierons la durée des impulsions lumineuses dans une chaîne de puissance à verre . Cette étude débouchera sur la technique de l’amplification à dérive de fréquence CPA .
Extraction de l’énergie
Le principe de l’amplification est le suivant : de l’énergie est déposée (stockée) dans un milieu amplificateur et elle est extraite par l’impulsion lumineuse lors de l’interaction avec ce milieu. L’énergie stockée, dans les verres dopés au néodyme, est de l’ordre de trois cents joules par litre. L’obtention d’énergies très élevées se fera donc en utilisant de grands volumes amplificateurs. Par ailleurs, la plus grande partie de l’énergie stockée devra être extraite pour obtenir un bon rendement entre l’énergie déposée et extraite. Le régime d’amplification est alors le régime de saturation décrit dans le modèle de Frantz et Nodvik [1- 1]. Il est atteint pour des fluences supérieures à la fluence de saturation du matériau.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. LES MECANISMES PHYSIQUES GOUVERNANT LES IMPULSIONS ULTRA-INTENSES
I.1 FORMALISME UTILISE POUR DECRIRE UNE IMPULSION LASER COURTE
I.2 AMPLIFICATION D’UNE IMPULSION COURTE
I.3 PROPAGATION D’UNE IMPULSION COURTE ET INTENSE
II. CONTEXTE DE L’ETUDE : UN LASER KILOJOULE PETAWATT SUR LA LIL
II.1 PRESENTATION DE LA LIL
II.2 DIMENSIONNEMENT DU LASER PETAWATT SUR LA LIL
II.3 CORRECTIONS DES PHASES SPECTRALE ET TEMPORELLE
II.4 METHODES DE CORRECTION ACTIVE DE PHASE
III. SYSTEME DE MESURE ABSOLUE DE LA PHASE SPECTRALE : DIMENSIONNEMENT DE L’APPAREIL ET MISE EN ŒUVRE EXPERIMENTALE
III.1 METHODES
III.2 INTERFEROMETRIE A DECALAGE
III.3 MISE EN ŒUVRE EXPERIMENTALE DE LA MESURE
IV. ANALOGIE ENTRE L’OPTIQUE TRADITIONNELLE ET L’OPTIQUE « TEMPORELLE »
IV.1 PRESENTATION DE L’ANALOGIE
IV.2 ANALOGIE ENTRE LA DIFFRACTION DE FRESNEL ET LA DISPERSION QUADRATIQUE
IV.3 MODULATION DES PHASES SPATIALE ET TEMPORELLE
IV.4 CRITERES DE TOLERANCE SUR LES ABERRATIONS DU FRONT D’ONDE ET LES DISTORSIONS DE LA PHASE SPECTRALE
V. MODULATION DE LA PHASE SPECTRALE : JUSTIFICATION THEORIQUE ET DESCRIPTION DES SCHEMAS EXPERIMENTAUX POUR LA VALIDATION EXPERIMENTALE DU CONCEPT
V.1 LE MODULATEUR DE PHASE
V.2 SCHEMAS EXPERIMENTAUX POUR LA DEMONSTRATION EXPERIMENTALE DU CONCEPT
VI. MESURES EXPERIMENTALES DE LA PHASE ET DE LA MODULATION, ET CORRECTION
VI.1 MESURE ABSOLUE DE LA PHASE SPECTRALE
VI.2 VALIDATION EXPERIMENTALE DU MODULATEUR
VI.3 CORRECTION DE LA PHASE SPECTRALE
VII. CORRECTION DE LA PHASE NON LINEAIRE PAR MODULATION DE LA PHASE TEMPORELLE DANS LA TECHNIQUE CPA
VII.1 INFLUENCE DES EFFETS NON LINEAIRES DANS LES DOMAINES SPATIAL ET TEMPOREL
VII.2 CORRECTION DE LA PHASE NON LINEAIRE TEMPORELLE
CONCLUSION