Anatomie de la grande tubérosité
La GT est située sur la partie supéro latérale de l’humérus proximal. Il s’agit avec la petite tubérosité d’une de ses deux faces proéminentes. La GT est constituée d’une partie postérieure et d’une partie antérieure sur lesquelles on dénombre trois facettes d’insertions de muscles : la facette supérieure, la facette moyenne et la facette inférieure. Ces facettes sont présentées sur la figure 1.10. La GT est le siège d’insertion des muscles de la coiffe des rotateurs, mais elle est aussi le lieu de différentes structures nerveuses dont il est important d’avoir connaissance afin de ne pas empiéter sur ces dernières avec un quelconque matériel d’ostéosynthèse. Il s’agit principalement d’abord du tendon du biceps qui passe à l’intérieur de la gouttière bicipitale présentée précédemment sur la figure 1.9. On retrouve ensuite l’artère circonflexe postérieure branche de la troisième partie de l’artère axillaire qui remonte le long de l’humérus au niveau de la partie postérieure de la GT. Enfin, le nerf axillaire vient longer le col chirurgical de l’humérus proximal. Sa position peut varier selon l’axe de l’humérus (Drake et al, 2015).
La figure 1.11 représente les positions de ce nerf et de cette artère. Quant à la structure osseuse de la GT, elle varie de la tête humérale au col chirurgical. Les trabécules de l’intérieur de l’os sont orientées parallèlement à la structure corticale au niveau de la GT, mais les connections entre ces dernières sont perturbées selon que l’on se déplace le long de l’axe diaphysaire (Barvencik et al., 2010). Il est donc nécessaire de s’intéresser à la densité de la GT afin de savoir où favoriser l’insertion des vis de fixation. En effet, une vis insérée dans une zone plus dense apportera plus de stabilité que la même vis insérée dans une zone moins dense (Tingart et al., 2004). Cette dernière aura en effet plus de chances de subir un arrachement, résistant moins aux forces de traction (Tingart et al., 2006). La principale méthode utilisée pour la mesure de densité osseuse est la méthode DXA, Dual energy X-Ray Absorptionetry ou absorption biphotonique à rayons X en français. Elle consiste à envoyer deux faisceaux de rayons X à des niveaux d’énergie différents sur l’os étudié. La densité minérale osseuse est alors déterminée par le niveau d’absorption d’énergie de chaque faisceau. Cette méthode permet aussi de diagnostiquer et suivre l’évolution de patients atteints d’ostéoporose (Genant et al., 1996).
D’après Tingart et al. (2004), les vis de fixations offrent plus de stabilité si elles sont insérées dans des zones osseuses plus denses. Cela étant montré, ils se sont intéressés à la distribution de la densité minérale osseuse au niveau de la GT en découpant cette dernière en 6 parties, 3 proximales et 3 distales. La densité minérale osseuse globale s’est avérée supérieure dans la partie proximale de la GT, ainsi que sur ses extrémités antérieures et postérieures. De plus, la densité corticale s’est montrée supérieure à la densité trabéculaire. Cela avait déjà été montré un an auparavant, avec une première étude montrant elle aussi une densité minérale osseuse globale supérieure dans la partie proximale de la GT, et également dans sa partie postérieure (Tingart et al., 2003b). La densité corticale étant supérieure à la trabéculaire, Tingart et al. (2003a) ont alors montré que l’épaisseur corticale était corrélée avec densité minérale osseuse globale. Envisager n’insérer des vis de fixations que dans la partie corticale de l’os pourrait alors être justifié. Cependant, l’épaisseur de cette dernière est très faible au niveau de la GT en raison du développement de l’os trabéculaire dans la partie proximale (Bergot et Bocquet, 1976; Bocquet et Bergot, 1977).
Les deux structures osseuses sont donc à considérer. Plus récemment, la densité minérale osseuse de l’humérus proximal de la GT a fait l’objet d’une étude pour améliorer l’ancrage des fixations par suture des déchirures musculaires (Oh, Song et Lee, 2014) mais également pour tenter de prévoir une éventuelle déchirure par simple analyse de densité osseuse (Waldorff et al., 2011). En trouvant des densités osseuses supérieures dans la partie proximale de la GT, Waldorff et al. (2011) ont confirmé les résultats de Tingart et al. (2003b). Oh et Song et Lee (2014) ont effectué des relevés plus précis en divisant la GT en 4 parties. Ils ont confirmé les résultats précédents tout en montrant des densités supérieures dans les parties postérieures de la GT. Enfin, l’étude des propriétés mécaniques des os passe par la recherche d’informations sur la densité. Ainsi en prélevant des échantillons de la GT correspondant à des zones possibles d’insertion de vis, Brianza et al. (2012) ont pu mesurer la densité osseuse et faire des essais mécaniques. Densités et résistances se sont ici aussi avérées supérieures dans la région proximale. Dans la même idée, l’os trabéculaire prépondérant au niveau de la GT avait déjà fait l’objet d’une étude histométrique sur différents échantillons. Des essais de dureté ont montré plus de résistance sur les échantillons issus de la partie proximale (Hepp et al., 2003), traduisant ainsi une plus grande densité.
Fractures de la grande tubérosité
Les fractures de la GT représentent 19% des fractures de l’humérus proximal (115 cas sur 610 fractures de l’humérus proximal) (Kim, Shin et Kim, 2005). Contrairement aux fractures de l’humérus proximal prises dans leur globalité, Kim et al (2005) ont également montré que les personnes atteintes de fractures de la GT étaient le plus souvent des hommes entre 40 et 50 ans. Divers mécanismes de rupture sont connus. On retrouve les chutes directes sur l’épaule, mais aussi les mouvements de surabduction où la GT vient s’impacter sur l’acromion (Green et Izzi, 2003). Elles peuvent également résulter d’une traction extrême de la coiffe des rotateurs (Flatow et al., 1991), d’un coup direct sur l’épaule (Weaver, 1987) ou encore d’une chute sur la main, bras tendu avec le coude en pleine extension (Bahrs et al., 2006). Ces fractures sont par ailleurs souvent associées à des luxations de l’épaule (Muhm et al., 2016). Les fractures de la grande tubérosité apparaissent dans toutes les classifications citées précédemment, cependant les descriptions de celles-ci sont assez limitées et sont soumises à certaines critiques. La classification de Neer (2nd, 1987) notamment ne détaille pas assez la fracture de la GT.
Il en résulte un manque de fiabilité interobservateur et donc une mauvaise évaluation de la fracture lors du diagnostic (Brien et al., 1995). Le plus souvent, ces fractures sont simplement décrites comme l’arrachement osseux de la coiffe des rotateurs de l’humérus proximal. Or, Bahrs et al. (2006) ont observé différentes fractures avec déplacement inférieur du fragment fracturé. Ils ont également relevé que les classifications courantes ne s’intéressent souvent qu’à la morphologie globale du fragment et pas forcément à la manière dont celui-ci se fracture puis se déplace. Aussi, bien qu’ils aient montré que les mécanismes et les fractures pouvaient être divers, ils n’ont pas clairement défini de classification ou de type de fracture. Plus récemment, la classification des fractures de la GT de Mutch et al (Mutch, 2014) propose une nouvelle approche en considérant la forme et la taille du fragment, ainsi que la façon dont ce dernier est déplacé. Trois types de fractures sont alors mis en relief. La fracture de type avulsion met en jeu un petit fragment osseux avec un trait de fracture horizontal qui a tendanc à se déplacer dans la région proximale. La fracture de type depression implique un fragment de forme similaire, mais déplacé distalement. Enfin la fracture de type split, implique un fragment de taille conséquente avec un trait de fracture vertical. Les schémas des différents types de fractures définis par Mutch et al (2014) sont présentés sur la figure 1.13.
Traitement conservatif et chirurgical, critère de sélection
Il a été vu précédemment qu’il existait différents types de fractures de la GT. Ces fractures ne nécessitent pas toutes le même traitement, qui se divise en deux catégories principales : conservatif et chirurgical. Le facteur principal de décision entre les deux traitements correspond à la valeur du déplacement du fragment, qui peut avoir un impact relativement important sur la mobilité du bras, la force développée par ce dernier ou encore la douleur ressentie par la personne atteinte de cette fracture (Platzer et al., 2005). Cette étude montre également que sur 135 cas de fractures de la GT déplacée ou non, entre 0 et 5 mm, 116 patients (85%) ont montré des bons Fracture de type avulsion résultats après traitement conservatif avec une légère détérioration à partir de 3 mm de déplacement. Différents auteurs ont par ailleurs montré que pour des déplacements supérieurs à 5 mm, le traitement conservatif pouvait ne pas être suffisant (Green et Izzi, 2003; Gruson, Ruchelsman et Tejwani, 2008) et ce en raison de la coiffe des rotateurs qui exerce toujours une force sur le fragment (Gruson, Ruchelsman et Tejwani, 2008). Ainsi, le traitement chirurgical est aujourd’hui déclaré nécessaire pour tout déplacement de fragment supérieur ou égal à 5 mm, et 3 mm dans le cas de personnes très actives ou sportives (Park et al., 1996). L’étude de Platzer et al (Platzer et al., 2005) a montré que sur les 546 patients atteints de fracture de la GT, 96% sont des fractures pas ou faiblement déplacées.
Plus globalement, sur 730 cas de fractures de l’humérus proximal relevées sur 5 ans, seulement 21% ont été traitées chirurgicalement (Lind, Krøner et Jensen, 1989). Le traitement conservatif est donc majoritairement employé. Il consiste à traiter la fracture sans intervenir directement sur l’os fracturé. Il résulte en un recouvrement progressif des fonctions du bras, d’abord en ré effectuant petit à petit les gestes normaux pour ensuite augmenter l’intensité de ceux-ci. Ainsi 90% des 22 patients traités par un traitement conservatif de la fracture de la GT consistant en un regain de mobilisation (aidée puis active) suivi d’un recouvrement musculaire n’ont pas montré de complications (Jellad et al., 2012). Dans la même idée, 14 patients soignés avec un traitement conservatif similaire ont montré de très bons résultats, tant sur le plan clinique que radiologique (Mattyasovszky et al., 2011). Enfin, l’étude plus poussée de Platzer et al (Platzer et al., 2005) sur 135 cas évalués pendant en moyenne 3.7 ans a montré des résultats concluants pour 97% des patients. Les traitements conservatifs sont donc largement suffisants dans le cas de fracture de la GT peu déplacées. Toutefois, l’intervention chirurgicale devient nécessaire une fois le déplacement du fragment trop élevé.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 REVUE DE LITTTÉRATURE
1.1 Anatomie de l’épaule
1.1.1 Structure osseuse et articulations, mouvements du bras
1.1.2 Structure musculaire
1.1.3 Anatomie du bras
1.1.3.1 L’humérus
1.1.3.2 L’humérus proximal
1.1.4 Anatomie de la grande tubérosité
1.2 Fractures de l’humérus proximal et de la grande tubérosité
1.2.1 Mécanismes de fractures de l’humérus proximal
1.2.2 Classifications des fractures de l’humérus proximal
1.2.3 Fractures de la grande tubérosité
1.3 Traitements des fractures de la grande tubérosité
1.3.1 Traitement conservatif et chirurgical, critère de sélection
1.3.2 Dispositifs de traitement chirurgical
1.3.2.1 Fixation avec sutures
1.3.2.2 Fixation avec vis
1.3.2.3 Fixation avec plaque
1.3.3 Comparaison des moyens de fixation
1.4 Forces musculaires et efforts vis/plaque
1.4.1 Forces musculaires au niveau de la grande tubérosité
1.4.2 Forces à l’interface vis – plaque d’ostéosynthèse
CHAPITRE 2 PROBLÉMATIQUE ET OBJECTIFS
2.1 Problématique
2.2 Objectifs
CHAPITRE 3 CARACTÉRISATION DE LA FRACTURE DE TYPE SPLIT DE LA GRANDE TUBÉROSITÉ
3.1 Méthodologie employée pour l’étude
3.1.1 Collecte des dossiers nécessaires
3.1.2 Mesures des données effectuées
3.1.3 Traitements des données
3.2 Résultats des traitements de données
3.2.1 Présentation de la cohorte
3.2.2 Résultats de l’étude des distributions
3.2.3 Résultats de l’étude statistique descriptive des moyennes
3.2.4 Résultats des analyses statistiques
3.2.5 Résultats des reconstructions 3D
3.3 Résultats finaux caractérisant la fracture de type split de la GT
CHAPITRE 4 CONCEPTION DE LA PLAQUE D’OSTÉOSYNTHÈSE
4.1 Élaboration du cahier des charges
4.1.1 Description et exigences du produit
4.1.2 Analyse préliminaire des risques
4.1.3 Mise en place du diagramme pieuvre de la plaque
4.1.4 Rédaction du cahier des charges
4.1.5 Définition des critères de sélections
4.2 Recherche de solutions de designs
4.2.1 Mise en place de la conception
4.2.2 Démarches de conceptions employées
4.3 Présentation des solutions de designs obtenues
4.3.1 Concept n°1 : « plaque globale »
4.3.2 Concept n°2 : « plaque fleur »
4.3.3 Concept n°3 : « plaque étoile »
4.3.4 Concept n°4 : « plaque hexagonale »
4.3.5 Concept n°5 : « plaque épurée »
4.3.6 Concept n°6 : « plaque 5 trous »
4.3.7 Concept n°7 : « plaque multi plans »
4.4 Choix des solutions
4.4.1 Élimination des solutions redondantes
4.4.2 Comparaison des solutions, matrice de Pugh
4.5 Solution finale du concept préliminaire de plaque d’ostéosynthèse
CHAPITRE 5 ÉVALUATION DU DISPOSITIF PROPOSÉ
5.1 Évaluation du concept final de plaque d’ostéosynthèse de la grande tubérosité
5.2 Évaluation de la facilité de positionnement du concept final
5.3 Évaluation de la capacité d’adaptation
5.3.1 Mise en place de l’analyse par éléments finis
5.3.1.1 Mise en place et calculs des données nécessaires à l’étude
5.3.1.2 Préparation de l’analyse par éléments finis
5.3.2 Résultats de l’analyse par éléments finis
5.3.2.1 Mesures des déplacements nécessaires
5.3.2.2 Évaluation des déplacements réels
5.3.3 Conclusion de l’étude de la capacité d’adaptation
CHAPITRE 6 DISCUSSION
6.1 Caractérisation de la fracture de type split
6.2 Conception de la plaque d’ostéosynthèse
6.3 Évaluation du concept final proposé
6.3.1 Évaluation par rapport aux critères de conception
6.3.2 Évaluation par prototypage
6.3.3 Évaluation de la capacité d’adaptation
CONCLUSION
RECOMMANDATIONS
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