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Les plasmas à l’équilibre thermodynamique
L’équilibre thermodynamique complet (ETC)
Dans un plasma à l’ETC il n’y a pas de gradients de densité et de température, on peut donc définir une même densité et une même température pour toutes les populations présentes.
En effet, les collisions entre les électrons vont être suffisamment nombreuses pour que ces derniers s’équilibrent entre eux et qu’on puisse définir une température électronique commune Te. Il en va de même pour les ions, avec une température Ti. Enfin, les ions et les électrons vont se thermaliser entre eux et on aura Te = Ti = T.
De plus, l’ETC est aussi un équilibre radiatif, le rayonnement émis sera complètement réabsorbé. L’ETC est l’état vers lequel tout système isolé tend spontanément pour un temps suffisamment long, supérieur au temps caractéristique des processus collisionnels et radiatifs. Un système macroscopique non-isolé atteint aussi l’ETC s’il est lui même plongé dans un système plus grand à l’ETC.
D’un point de vue cinétique, le plasma est dans un état stationnaire où, à chaque instant, le nombre de chaque processus élémentaire est compensé par celui de son processus inverse : c’est le principe du « bilan détaillé » ou de « micro-réversibilité ». C’est une propriété très importante de l’équilibre thermodynamique qui assure que les propriétés sont identiques au cours du temps.
L’équilibre thermodynamique local (ETL)
Dans un plasma à l’équilibre thermodynamique local, des gradients de température et de densités sont présents et le champ de rayonnement ne suit pas la loi de Planck. C’est la principale différence avec l’ETC. L’hypothèse de l’ETL est valide tant que le nombre de transitions atomiques par collision est très supérieur au nombre de transitions radiatives.
En effet, à densité électronique suffisamment élevée, les collisions sont capables d’assurer une distribution de Maxwell-Boltzmann suivant les valeurs locales de température et de densité. On peut alors considérer que localement, les ions et les électrons atteignent une même température. Dans cette hypothèse, les lois de Maxwell, Boltzmann et Saha sont vérifiées en un point donné du plasma, et la loi de microréversibilité reste valable pour les processus collisionnels uniquement. Enfin, dans ce cas la propagation du rayonnement au travers du plasma est décrite par une équation de transfert dont nous parlerons dans la section suivante (« Interaction laser-matière »). Il s’agit donc de plasmas assez denses et de dimensions inférieures à l’épaisseur optique qui définit le degré de transparence du plasma.
En pratique, cet état d’équilibre est particulièrement intéressant car il peut être décrit par seulement trois lois (équations de Maxwell, Boltzmann et Saha) et il est possible de créer en laboratoire des plasmas très proches de l’ETL. Le plasma sera d’autant plus proche de l’ETL que la densité sera forte et/ou l’intensité du champ radiatif forte.
À faible densité (et hautes températures), on peut aussi définir un état d’équilibre local appelé « équilibre coronal » où l’on considère qu’un niveau est uniquement peuplé par les collisions et dépeuplé par les transitions radiatives. Ainsi, pour un niveau donné, le taux de peuplement (processus par collisions électroniques) est égal au taux de dépeuplement (processus d’émission spontanée). Cet équilibre se retrouve surtout dans les plasmas de fusion magnétique.
Les plasmas hors équilibre thermodynamique local (HETL)
La plupart des plasmas créés par laser n’atteignent pas réellement un état d’équilibre, même local, ce qui rend l’évolution de ce type de plasmas très complexe à traiter. Ainsi les distributions de vitesse et les équations statistiques décrivant les populations vues précédemment ne sont plus valables. On ne peut plus faire d’étude macroscopique du système et considérer les paramètres invariants au cours du temps grâce à la réversibilité des processus atomiques. Dans le cas de plasmas hors équilibre, il faut prendre en compte, individuellement, tous les processus atomiques (collisionnels et radiatifs) qui contribuent au peuplement et au dépeuplement des différents niveaux des ions et définir leurs degrés d’influence dans l’évolution du plasma. C’est le principe des modèles « collisionnels-radiatifs » qui décrivent les plasma HETL et doivent résoudre un système d’équations différentielles couplées pour prédire l’évolution à chaque instant de la population d’un niveau i. Ce système d’équations sera d’autant plus complexe et long à résoudre que les ions considérés auront un Z élevé et qu’il y aura de nombreux niveaux atomiques à prendre en compte.
Un plasma se trouve donc hors équilibre thermodynamique si l’une de ces conditions est satisfaite :
— lorsque le plasma évolue trop rapidement de sorte qu’il n’ait pas le temps d’atteindre un état stationnaire (c’est-à-dire un état où les paramètres sont fixes au cours du temps). Dans ce cas on parle de régime transitoire ;
— lorsque le bilan détaillé des processus collisionnels est brisé, ce qui peut être causé par la présence de champs électriques ou magnétiques importants, la présence de particules rapides, de taux de processus radiatifs élevés, etc.
Notons qu’il ne faut pas confondre l’état stationnaire ( t = 0) et l’état d’équilibre thermodynamique local. En effet un état stationnaire fait référence à la dépendance du temps au sein du plasma mais n’implique pas nécessairement que ce dernier puisse être décrit par les lois statistiques. Ainsi on peut atteindre un état stationnaire dans un plasma HETL.
Le principe de l’étude d’un plasma transitoire HETL est basé sur des équations qui doivent prendre en compte à la fois l’influence des paramètres dépendants du temps dans le plasma et le transport des particules. Pour ces types de plasmas il n’existe pas de lois prédéfinies, il faut développer des modèles avec des approximations aux cas par cas pour arriver à décrire les populations électroniques et ioniques du plasma.
Interaction laser-matière
Les plasmas créés par laser
L’interaction d’un laser avec un solide ou un gaz permet de créer des conditions extrêmes de matière qui peuvent être utilisées à différentes fins. Lors des expériences présentées dans ce manuscrit, nous avons utilisé l’interaction laser-matière sous différentes conditions pour :
— la création d’un rayonnement quasi-planckien, par irradiation d’une cavité, servant à chauffer de la matière à proximité de manière homogène.
— la création d’une source de rayonnement X par irradiation d’une cible plane.
— la création de plasmas par irradiation de cibles multi-couches, c’est-à-dire constituées de plusieurs strates de matériaux différents.
Ce type d’interaction entre un laser et de la matière solide peut être décrit en décomposant le plasma en plusieurs zones aux propriétés hydrodynamiques et radiatives distinctes comme l’illustre la fig. 2.1.
L’énergie est essentiellement cédée aux électrons, qui peuvent alors la transporter vers les zones plus denses par conduction électronique. Cependant dans cette région des particules rapides, telles que des électrons suprathermiques, peuvent dans certains cas être générées et préchauffer les zones plus denses avant qu’un processus de conduction électronique ne se produise. Dans la couronne, quand la densité est suffisante, ce sont l’excitation et l’ionisation collisionnelles qui dominent ainsi que l’émission radiative (désexcitation) et la recombinaison radiative. On parle pour cette région d’équilibre coronal.
Zone 2 : la zone de conversion
Ici la température reste élevée mais la densité est supérieure à celle de la couronne. C’est principalement dans cette zone que les électrons qui ont absorbé le rayonnement laser vont déposer leur énergie par excitation ou ionisation collisionnelle en couches internes.
C’est par ce mécanisme que l’énergie laser est convertie en rayonnement X et ainsi cette zone se refroidit par la perte du rayonnement qui est émis de manière isotrope. On peut alors détecter cette émission sortante du plasma, peu absorbée par la couronne, en face avant avec des détecteurs tandis que ce qui est émis vers les zones plus denses du plasma va chauffer ces dernières. On peut aussi noter que cette région de conversion est souvent éloignée de l’équilibre thermodynamique local en raison de la densité trop faible pour assurer un nombre de collisions électroniques suffisant.
Zone 3 : la zone d’émission
Dans cette zone, la densité est plus forte que dans la zone de conversion et la température plus faible. Elle est chauffée par l’émission du rayonnement X, issu de la zone de conversion, qui y est en grande partie absorbé. Cette région va ensuite réémettre cette énergie absorbée sous forme de radiation thermique quasi-planckienne et isotrope. Une partie de cette radiation traverse la zone de conversion et la couronne sans être trop absorbée pour ressortir en face avant de la cible et constituer le fond thermique que l’on observe sur les spectres. En revanche, le rayonnement thermique émis qui se propage vers l’intérieur de la cible est de nouveau absorbé et réémis dans les couches plus denses. L’enchaînement et la multiplication de ces processus entraînent alors la création d’une onde de conduction radiative se propageant en profondeur dans la cible. La forte densité de cette zone implique que les collisions électroniques dominent et, d’autre part, le rayonnement diffusé dans le plasma étant proche de celui d’un corps noir nous pouvons considérer que cette zone est dans un état proche de l’équilibre thermodynamique local. Cela étant, cette zone n’existe que pour les éléments de Z élevé pour lesquels le coefficient d’absorption est suffisamment important. Pour les éléments de Z faible, la zone de conversion et la zone d’émission sont confondues en une zone unique de conduction où le transport de l’énergie se fait principalement par conduction électronique. Ainsi pour les matériaux de Z faible, la conversion X est nettement plus réduite.
Zone 4 : la zone de choc
Le plasma, en se détendant vers l’extérieur, entraîne par réaction une compression des zones plus denses et crée une onde de choc. La densité dans cette zone de choc peut alors excéder la densité du solide tandis que la température diminue jusqu’à être de l’ordre de l’électron-volt.
Zone 5 : Le solide
Enfin, après la zone de choc, on retrouve la cible solide non perturbée par le laser.
Le transfert radiatif et l’opacité
Le transfert radiatif au sein d’un plasma est régi par les pertes et les gains radiatifs induits par les différents éléments capables d’absorber ou d’émettre du rayonnement. En effet l’interaction du laser avec un plasma implique de nombreuses interactions entre les photons et la matière, telles que les phénomènes d’absorption, d’émission et de diffusion.
Notons que contrairement aux deux autres, le processus de diffusion est élastique, c’està-dire qu’il implique un changement de direction de propagation, mais sans transfert d’énergie.
Les opacités moyennes de Planck et de Rosseland
Afin de décrire le transfert du rayonnement dans le plasma, deux moyennes spectrales, exprimées à l’aide de l’opacité sont utilisées :
– la moyenne de Planck décrit les variations du flux radiatif et ne prend en compte que les processus d’émission. Elle intervient dans les milieux optiquement minces ;
– la moyenne de Rosseland décrit la propagation du rayonnement dans les milieux où les processus de diffusion interviennent. Elle est associée aux plasmas optiquement épais.
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Table des matières
Introduction
Généralités
Histoire de la physique des plasmas
Histoire de la physique du transfert radiatif
Motivations détaillées
Objectifs et plan de la thèse
I Fondements physiques des plasmas chauds et denses créés par laser
1 Les atomes dans un plasma
1.1 Quelques notions sur les plasmas
1.2 Les plasmas à l’équilibre thermodynamique
1.2.1 L’équilibre thermodynamique complet (ETC)
1.2.2 L’équilibre thermodynamique local (ETL)
1.2.3 Les plasmas hors équilibre thermodynamique local (HETL)
2 Interaction laser-matière
2.1 Les plasmas créés par laser
2.1.1 Le transfert radiatif et l’opacité
2.1.2 Les opacités moyennes de Planck et de Rosseland
3 Processus atomiques dans les plasmas chauds
3.1 Les processus collisionnels
3.1.1 Excitation et désexcitation collisionnelles
3.1.2 Ionisation et recombinaison collisionnelles
3.1.3 Autoionisation et capture diélectronique
3.2 Les processus radiatifs
3.2.1 Photoionisation et recombinaison radiative
3.2.2 Émission spontanée et absorption
3.3 Les propriétés radiatives des plasmas chauds
3.3.1 Les processus « libre-libre »
3.3.2 Les processus « lié-libre »
3.3.3 Les processus d’élargissement de raies
II Spectroscopie d’absorption X et XUV dans des plasmas à l’équilibre thermodynamique local
4 Introduction aux expériences d’absorption
4.1 Contexte et objectif général des mesures
4.2 L’installation laser LULI2000
5 Absorption X du Cu, du Ni et de l’Al et validation d’un nouveau type de chauffage indirect
5.1 Montage expérimental
5.1.1 Les cibles
5.1.2 Les détecteurs : les « Image Plates » (IP)
5.1.3 Les diagnostics
5.2 Discussion sur le montage expérimental
5.2.1 Les paramètres expérimentaux
5.2.2 Les deux types de cibles
5.3 Résultats
5.3.1 Les calculs hydrodynamiques
5.3.2 Le traitement des données et les spectres de transmission
5.3.3 Les calculs théoriques du code SCO-RCG
5.3.4 Les calculs théoriques du code OPAMCDF
5.3.5 Analyse des résultats
5.4 Conclusion de cette expérience
6 Absorption X et XUV du Cu et du Ni
6.1 Montage expérimental
6.1.1 Les diagnostics
6.1.2 Les cibles
6.2 Résultats préliminaires
6.2.1 Les calculs hydrodynamiques du code FCI2
6.2.2 Les résultats de spectroscopie X et les calculs du code SCO-RCG
6.2.3 Les résultats de spectroscopie XUV et les calculs du code SCO-RCG
6.3 Conclusion de cette expérience
6.4 Conclusion générale des deux expériences d’absorption
III Spectroscopie d’émission X et XUV dans des plasmas hors équilibre thermodynamique local
7 Émission XUV de plasmas de C et d’Al
7.1 L’installation laser ELFIE
7.2 Le montage expérimental
7.2.1 Les diagnostics
7.2.2 Les cibles
7.3 Les résultats expérimentaux
7.3.1 Les résultats hydrodynamiques
7.3.2 Les résultats spectroscopiques
7.3.3 Première comparaison avec les calculs du code SCO-RCG
7.3.4 Conclusion de cette expérience
8 Émission X d’ions creux au sein d’un plasma de Cu créé par laser
8.1 Introduction à la théorie des ions creux
8.2 Les études expérimentales de plasmas de Cu
8.2.1 L’installation laser PALS (Prague Asterix Laser System)
8.2.2 Montages expérimentaux et résultats
8.2.3 Traitement des données et résultats
8.3 Conclusion de ces expériences
IV Bilan et perspectives
Liste des contributions scientifiques
A Calculs « View Factor » 158
B La correction dE/dX 161
C Le code hybride de physique atomique SCO-RCG
D Le code de physique atomique OPAMCDF
E Le code 1D MULTI
F Le code 2D FCI2
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