Soutenance mémoire
Le modèle américain : un champ d’étude de la démocratie
Auparavant, Jean Jacques Rousseau a eu l’idée selon laquelle pour réaliser une société civile, la volonté générale doit primer sur les intérêts particuliers, car selon lui « Chacun de nous met en commun toute sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale ; et nous recevons encore chaque membre comme parti indivisible du tout. » Ainsi, chacun doit sacrifier ses libertés particulières pour se consacrer à la liberté collective, c’est seulement ce pacte social qui permet aux hommes de biens vivre en commun ainsi qu’en parfaite harmonie.
Cette idée a eu une influence majeure dans la pensée politique de Tocqueville car selon lui, pour que la démocratie puisse fonctionner correctement, il faudra que les hommes aient dans leurs esprits l’art de s’associer et que chacun abandonne ses intérêts privés pour se consacrer à la volonté générale. Une telle volonté prône pour un esprit de solidarité, d’agir en commun, car chaque homme pris individuellement reste un être faible, ainsi l’union des citoyens constitue leur force face à n’importe quelle situation, qu’elle soit sociale ou politique. Cette idée d’association civile a largement influencé la théorie politique de Tocqueville, notamment sur les solutions qu’il a apportées pour combattre les excès liés à la démocratie moderne.
Cependant l’auteur De la démocratie en Amérique a fait une rupture avec la pensée rousseauiste à propos de l’accessibilité ou de la non accessibilité à une démocratie idéale. En effet, avant Tocqueville, Rousseau avait réfuté la thèse selon laquelle les hommes pourraient parvenir à réaliser une démocratie idéale car les hommes n’ont pas la possibilité d’établir une justice équitable et de créer des lois parfaites. C’est dans cette mouvance qu’il relate ces termes suivants : « Toute justice vient de Dieu, lui seul en est la source ; mais si savions la recevoir de si haut, nous n’aurions besoin ni de gouvernement ni de lois. » Par-là, il veut dire que la justice n’est pas l’apanage des hommes, mais elle est plutôt l’apanage de Dieu et que si nous parvenons à recevoir cette justice à caractère divine, nous n’aurions pas besoin d’instaurer des institutions politiques ou un quelconque type gouvernement en vue de mettre en place une société juste et équitable. Et un peu plus loin, Rousseau ajoute ceci : « Il faudrait des Dieux pour donner des lois aux hommes. » C’est ainsi que l’idéal démocratique ne convient pas aux hommes et reste inaccessible pour l’humanité. Par contre, aux yeux de Rousseau : « S’il y avait un peuple de dieux, il se gouvernerait démocratiquement. Un gouvernement si parfait ne convient pas à des hommes. » Néanmoins, on verra qu’à travers le voyage qu’il a effectué en Amérique, Tocqueville montrera qu’une démocratie politique idéale est possible et convient belle et bien aux hommes. Cette conviction qu’il a eu est dû à quelques circonstances exceptionnelles qu’a eues à bénéficier les américains et qui ont largement servies à considérer la démocratie américaine dans un angle qui relève de l’idéal.
Avant tout, on ne peut manquer de souligner que l’emplacement du continent nordaméricain reste une condition non négligeable dans l’optique de réaliser un cadre de vie merveilleux. Car, les Américains vivent dans un contexte géographique qui leur est favorable parce qu’ils n’ont pas de voisins, ce qui peut expliquer l’absence de grands conflits entre États, parce que partager des frontières avec plusieurs nations peut provoquer des problèmes de circulations inter frontalières. Prenons le cas de l’expansion récente de la maladie d’Ébola qui avait frappé certaines nations africaines comme la Guinée Conakry, en 2015, face à ce contexte, on a assisté à une fuite massive d’individus issus de la Guinée Conakry vers les pays voisins comme le Sénégal afin de pouvoir espérer échapper à ce virus qui avait causé beaucoup de morts dans leur pays d’origine. Et pour se prémunir de l’entrée de ce virus d’Ébola au Sénégal, les autorités politiques avaient décidé de fermer la frontière qui les lie avec la Guinée Conakry. Cela traduit aux yeux des Guinéens un manque de solidarité entre ces deux nations, ce qui peut provoquer des tensions diplomatiques entre ces deux pays frontalier. Il serait peu probable que ce genre de problème se rencontre chez les Américains à cause de leur position géographique favorable.
Cet emplacement idéal de l’Amérique encourage Tocqueville à émettre la conception selon laquelle : « Les américains ont eu pour eux le hasard de la naissance. » Ainsi, pour mieux faire comprendre l’importance de la situation géographique des sociétés
démocratiques, il va comparer l’homme et la nation et plus particulièrement ce qui les construit. Car, selon lui, c’est pendant le début de ses années qu’un homme bâtit son existence par l’intermédiaire de ce qu’il voit et de surcroît ce qu’il entend. Il admet que ce phénomène est pareil chez les nations, c’est dans ce sens qu’il indique ceci : « L’homme est pour ainsi dire tout entier dans les langes de son berceau. » Le hasard de la naissance a beaucoup contribué à faire de l’Amérique une terre de démocratie par excellence. En effet, la démocratie se faisait sentir chez les premiers émigrés du territoire américain, puis, l’emplacement de leur continent fait qu’ils n’ont pas à craindre des crises socio-économiques voire même politique, ceci rend paisible l’organisation du corps social et politique en Amérique. Ainsi, parmi les conditions qui font de l’Amérique une terre de démocratie par excellence, Tocqueville souligne ces termes qui suivent : « La situation particulière et accidentelle dans laquelle la Providence a placé les Américains forme la première. » Autrement dit, leur contexte géographique notamment l’emplacement idéal du continent américain a énormément contribué à la réussite de la réalisation de leur démocratie qui a atteint un certain niveau perfection.
Pour comprendre ce qui fait la force de la démocratie qui règne en Amérique, il faudra aussi revisiter le contexte historique qui a largement contribué à l’établissement d’une véritable démocratie dans ce pays. Historiquement, en Amérique, la démocratie est le résultat d’une implantation voire même d’un clonage. Extrait sur le support historique de l’Europe, le fondement politique qui l’administre a été écarté par la suite transporté sur un terroir étranger, dénué de tous résidus culturels. Parce que comme l’a bien précisé l’auteur De la démocratie en Amérique
« Les Emigrants qui vinrent se fixer en Amérique au commencement du XVIIe siècle dégagèrent en quelque façon le principe de la démocratie de tous ceux contre lesquels il luttait dans le sein des vieilles sociétés de l’Europe, et ils le transplantèrent seul sur les rivages du nouveau monde. Là, il a pu grandir en liberté, et, marchant avec les mœurs, se développer paisiblement dans les lois. »
En effet, l’ensemble des colonies anglaises possédaient entre elles, à leurs débuts une remarquable atmosphère de famille. Partant à la base de chacune de ces colonies, nous pouvons constater qu’elles étaient toutes destinées à offrir le déploiement de la liberté, une telle liberté n’est pas de nature aristocratique, elle est plutôt une liberté à caractère démocratique dont l’histoire de l’univers n’en exposer pas encore un prototype achevé.
La démocratie comme état sociopolitique
Alexis de Tocqueville définit la démocratie comme un état sociopolitique, c’est-à-dire, qu’il n’exclut pas le volet social étant donné qu’il lui accorde une place centrale dans sa démarche politique. Ainsi, avant d’évoquer l’état politique démocratique ainsi que les relations qu’ils entretiennent avec son état social, nous allons d’abord aborder la tendance égalitaire de l’état social démocratique et en même temps, dresser un portrait de l’homme démocratique. Parce qu’au-delà du volet politique, l’auteur De la démocratie en Amérique oriente ses analyses vers le volet social de ce système politique, ce qui constitue une différence par rapport à la pensée politique de Montesquieu, qui s’est beaucoup appesanti sur l’organisation des institutions politiques démocratique.
En effet, ce qu’il faut comprendre, c’est que contrairement à l’état social aristocratique où régnait le pouvoir de la noblesse, l’état social démocratique est marqué par l’abolition des influences entre les hommes. Car désormais, tous les hommes se sentent libres et égaux dans toutes les entreprises qui les lient et dès maintenant, tout ce qui a trait à une sorte d’inégalité est à bannir. C’est ce qui pousse Philippe Riviale à soutenir cette idée suivante : « C’est là supposer que l’égalisation ira jusqu’à son point ultime, c’est-à-dire l’abolition de toute différenciation sociale. » Sous cet angle, le processus égalitaire va pénétrer dans tous les coins de la vie sociale, de ce fait il serait même intolérable d’accepter une différence minime entre les hommes. Ce qui fait que la révolution démocratique a bouleversé les rois, qui, soulignons-le, avait trouvé un issu en renversant le pouvoir aristocratique, étant donné qu’elle va également bien ajuster tout l’ensemble social, ainsi on doit s’attendre à ce qu’elle brise toute sorte de suprématie, ou, pour emprunter les propos de Claude Lefort, qu’elle agisse « contre tous les modes de son incarnation dans des personnes ou dans des classes » .
À partir de cet instant, il faut souligner que chez Tocqueville, au niveau social on constate une égalisation des conditions, une uniformisation des modes de vie et une forte mobilité sociale qui fait que les hommes n’occupent plus une position sociale fixe, c’est ainsi qu’il déclare ceci : « Lorsque les conditions sont presque égales, les hommes changent sans cesse de place. » Cette égalité des conditions se traduit dans la manière que les hommes se perçoivent, ce qui fait qu’elle n’est pas une égalité réelle, économique par exemple, mais, c’est plutôt une égalité imaginaire dans les rapports sociaux.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I :FONDEMENTS ET SPECIFICITES DE LA DEMOCRATIE CHEZ ALEXIS DE TOCQUEVILLE
1.Le modèle américain : un champ d’étude de la démocratie
2.La démocratie comme état sociopolitique
3.L’exigence d’une nouvelle science politique
CHAPITRE II :LA QUESTION DE L’ETAT D’ESPRIT DEMOCRATIQUE
1.La prééminence de l’égalité sur la liberté
2.La montée de l’individualisme et le despotisme démocratique
3.L’usage des libertés civiles et politiques
CHAPITRE III :LA DEMOCRATIE CHEZ TOCQUEVILLE FACE AUX DEFIS ACTUELS
1. La problématique de la justice sociale
2. L’incompétence de la majorité
3. La remise en question de l’idéal démocratique
CONCLUSION
TABLE DES MATIERES
