Fondements et principes de la perspective actionnelle

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Fondements et principes de la perspective actionnelle

Dans le chapitre qui lui est dédiée, le CECRL caractérise la perspective actionnelle de la manière suivante4 : « La perspective privilégiée ici est, très généralement aussi, de type actionnel en ce qu’elle considère avant tout l’usager et l’apprenant d’une langue comme des acteurs sociaux ayant à accomplir des tâches (qui ne sont pas seulement langagières) dans des circonstances et un environnement donné, à l’intérieur d’une domaine d’action particulier. Si les actes de parole se réalisent dans des actions langagières, celles-ci s’inscrivent elles-mêmes à l’intérieur d’actions en contexte social qui seules leur donnent leur pleine signification ».
Trois points principaux sont à extraire de ce texte :
– l’apprentissage d’une langue et son usage sont à distinguer spécifiquement.
– les tâches visant à assimiler l’emploi d’une LVE ne sont pas uniquement de nature langagièr.
– les actes de paroles n’ont de sens que dans le cadre élargi des interactions sociales.
Afin de saisir la pleine mesure de cette énonciation, une brève mise en perspective historique est à nouveau nécessaire. Durant les années 1980-1990, l’approche quasi unique de l’apprentissage des LVE était l’approche dite « communicative ». Celle-ci considérait cet apprentissage comme un élément uniquement langagier ; son ressort principal était ainsi de placer les élèves dans des situations de communication classiques afin de les faire échanger entre eux, cet échange verbal étant considéré comme le moteur et donc le sens même de leur apprentissage. La perspective actionnelle, apparue au début des années 2000, représente ainsi un changement de paradigme, dans la mesure où elle se propose d’inclure les élèves dans un cadre plus large, le cadre « social », et ainsi d’augmenter le nombre de leviers d’apprentissage possibles. A ce sujet, le CECRL précise5 : « Il y a « tâche » dans la mesure où l’action est le fait d’un (ou de plusieurs) sujet(s) qui y mobilise(nt) stratégiquement les compétences dont il(s) dispose(nt) en vue de parvenir à un résultat déterminé. La perspective actionnelle prend donc aussi en compte les ressources cognitives, affectives, volitives et l’ensemble des capacités que possède et met en oeuvre l’acteur social ». Christian Puren a pu lui aussi énoncer trois principes6 concernant cette perspective actionnelle et qui se recoupent avec ceux énoncés précédemment :
– la communication ne suffit pas pour l’action sociale et peut même la gêner.
– c’est l’action sociale qui détermine la communication.
– c’est l’action commune, et non la simple communication, qui est la condition d’une véritable compréhension de l’autre.
Pour illustrer ces propos, il donne un exemple concret : « L’agir de référence de l’approche communicative était un « agir sur l’autre » par la langue. Dans une prise de contact initiale, il s’agit par exemple de se présenter, demander, informer etc., c’est-à-dire de réaliser des actes de parole accompagnés des notions indispensables (en l’occurrence l’identité, le lieu, la date etc.). Or l’agir de référence annoncé dans ce texte du CECRL est l’action sociale, c’est-à-dire un « agir avec l’autre » (par la langue ou autrement) dans lequel les actes de parole ne sont qu’un moyen. Ainsi, « passer une soirée chez de nouveaux amis » va certes impliquer de se présenter, mais cet acte de parole n’est qu’un moyen au service d’un des objectifs sociaux de la soirée, qui est de faire connaissance ».
Autrement dit, la perspective actionnelle diffère de l’approche communicative en ce sens qu’elle fait agir les apprenants non plus l’un sur l’autre (« Je parle et j’influence ta parole par la mienne ») mais l’un avec l’autre (« En parlant et interagissant ensemble, nous oeuvrons à la réalisation de nos objectifs mutuels »). L’acte de parole ne représente plus la finalité de l’acte langagier ; elle est dorénavant réduite à un rouage effectif de cet acte, certes toujours essentiel, mais qui n’est plus isolé et doit composer avec d’autres facteurs dans un cadre social. Citons toujours Christian Puren pour conclure à propos de la perspective actionnelle : « Dans l’approche communicative on formait un communicateur en créant des situations langagières pour le faire parler avec des interlocuteurs et le faire agir sur ces mêmes interlocuteurs […] Dans la perspective actionnelle, on se propose de former un acteur social […] ce qui impliquera nécessairement de le faire agir avec les autres pendant le temps de son apprentissage en lui proposant des occasions de « co-actions » dans le sens d’actions communes à finalité collective. C’est cette dimension d’enjeu social authentique qui différencie la co-action de la simulation, technique de base utilisée dans l’approche communicative pour créer artificiellement en classe des situations de simples interactions langagières entre apprenants ».

Mise en place de la perspective actionnelle en classe

L’application des principes de cette perspective actionnelle a été effectuée lors d’une séquence d’anglais réalisée en période 4 et qui avait pour thématique « Le quartier proche » (voir annexe 1 pour les programmations). Les objectifs d’apprentissage étaient d’acquérir le vocabulaire de lieux typiques du quartier (school, bakery, supermarket, park…) et également de réussir à s’y déplacer (ce qui induisait la maîtrise du vocabulaire de l’orientation : to go ahead / back / left / right). C’est dans cette seconde partie que la perspective actionnelle est entrée en jeu. En effet, l’objectif d’apprentissage était d’amener les élèves à pouvoir se déplacer par eux-mêmes et à indiquer la direction de tel ou tel endroit à un autre interlocuteur. Les impliquer dans la réalisation de cette tâche, c’était développer leur autonomie et leur faire percevoir le sens de l’emploi de ce vocabulaire, voir implicitement ce qui se trouvait derrière.
Le premier levier utilisé a été la volonté de matérialiser le plus réellement possible ce quartier. Afin que les élèves se sentent directement impliqués, le modèle choisi a été celui du quartier Saint-Bernard dans lequel se situait l’école. Ainsi les flashcards utilisées pour l’acquisition du vocabulaire représentaient des photos de lieux de ce quartier (pour metro station, il y avait par exemple la photographie de la station de métro Charonne située boulevard Voltaire). De même, le plan qui devait servir de support d’orientation aux élèves (et que l’enseignant dessinait au tableau) était celui du quartier Saint-Bernard en légèrement simplifié. La seule pose de ce cadre dès la première séance a déjà permis à l’ensemble des élèves de la classe de se sentir concernés car ceux-ci avaient rapidement et facilement identifié les éléments dont il était question (cette implication a été particulièrement marquante chez quelques élèves éprouvant certaines difficultés scolaires qui manifestaient une sensibilité particulière au fait de se situer dans un cadre familier).
Le second levier a consisté à employer la perspective actionnelle dès la moitié de la séquence. A ce niveau, il était demandé aux élèves de s’orienter efficacement dans le quartier et de se déplacer d’un point à un autre. La situation était matérialisée de la manière suivante : au tableau était schématisé le plan du quartier Saint-Bernard avec ses différentes rues. A certains endroits de ce plan étaient disposés les endroits typiques dont les élèves avaient appris en anglais la désignation dans les séances précédentes. Enfin, toujours au tableau, une flèche était située dans une des rues (voir annexe 2). En parallèle, un élève était désigné et placé à un certain endroit de la classe. L’espace de la classe devenait alors l’espace du quartier (par une heureuse coïncidence, la disposition des élèves en îlots correspondait presque exactement au schéma du quartier affiché au tableau : les îlots formaient donc des blocs de maison et les travées représentaient les rues). Tout d’abord l’enseignant indiquait un lieu à l’élève (il y en avait 6 possibles : l’école, la boulangerie, le parc, le supermarché, la station de métro et le restaurant). Celui-ci devait demander à l’ensemble de la classe la direction à suivre par la phrase d’introduction suivante I go to [the place]. Where is [the place] ? comme il aurait pu le demander à un passant dans la rue. Les élèves devaient ensuite utiliser le plan affiché au tableau pour le guider jusqu’à son but. A chaque fois qu’une indication était donnée (par exemple : You go ahead), l’enseignant déplaçait la flèche au tableau dans la direction donnée tandis qu’en parallèle l’élève se déplaçait dans la classe en suivant cette même direction. Il y avait donc la possibilité immédiate de se rendre compte si les indications données étaient justes (la flèche au tableau qui se rapproche de la flashcard représentant le lieu à atteindre) ou erronées (la flèche s’en éloigne) et surtout d’élaborer une stratégie, l’une des composantes essentielles de la perspective actionnelle. A sa page 15, le CECRL en donne d’ailleurs la définition suivante : « Est considéré comme stratégie tout agencement organisé, finalisé et réglé d’opérations choisies par un individu pour accomplir une tâche qu’il se donne ou qui se présente à lui ».
Un autre aspect important de cette mise en situation était de prendre en considération toutes les informations données, qu’elles soient justes ou erronées. En effet, la prise en compte des erreurs d’orientation permettait ainsi aux élèves de proposer ensuite des remédiations qu’ils jugeaient adéquates, ce qui leur faisait développer de nouvelles stratégies. Dans plusieurs cas l’élève n’était qu’à une information correcte de parvenir à sa destination mais, suite à une information erronée, il s’est retrouvé éloigné de ce but et dans une situation différente de celle où il se trouvait initialement. Il fallait donc alors abandonner la première stratégie et en trouver une autre, composée d’instructions différentes. En devant ainsi faire preuve d’adaptabilité face à des circonstances imprévues, les élèves s’impliquaient en effet davantage dans le sens de cette activité (on passe de « quelles sont les instructions correctes pour arriver à telle destination ? » à « l’élève s’est égaré, comment le faire toujours parvenir à cette destination mais en modifiant les instructions que j’ai données initialement ? »). Il faut en effet que la tâche à effectuer puisse reproduire les contraintes qui peuvent se présenter au cours de sa réalisation et qui se matérialisent notamment en un décalage entre les intentions de l’acteur et les réussites de l’action. A ce sujet Claire Bourguignon indique ceci7 : « La stratégie ne s’apprend pas, elle se construit, elle se développe en confrontant l’apprenant à des tâches qui l’obligent à effectuer des choix à travers des contraintes imposées, comme cela se passe dans toute action sociale. C’est aussi pourquoi il est question d’apprenants-usagers de la langue et plus seulement d’apprenants ».
Enfin, cette activité a été l’occasion pour les élèves de développer leur autonomie, consolidant ainsi le sens qu’ils pouvaient y trouver. Si dans un premier temps c’était uniquement l’enseignant qui annonçait l’endroit où l’élève devait se rendre, ce sont ensuite les élèves eux-mêmes qui devaient choisir leur lieu de destination et interroger leurs camarades à ce sujet. Ainsi la question d’entrée (I go to [the place]. Where is [the place] ?) devenait une véritable interaction porteuse de sens. L’élève était alors intégré en totalité dans l’activité et se trouvait dans une situation la plus réelle possible. L’enseignant pouvait alors s’effacer complètement et laisser les élèves interagir entre eux, les plaçant en situation d’énonciateurs autonomes (nous reviendrons plus précisément sur ce point important dans la deuxième partie de ce mémoire).

Placer l’anglais en synergie avec d’autres enseignements

Un extrait d’un ouvrage de Marie-Christine Deyrich paru en 2007 peut servir d’introduction pour illustrer ce point8 : « Des évolutions sont observables dans le contexte de l’école primaire, où il semble que la recherche d’objectifs communs soit désormais amorcée. On devrait ainsi progressivement assister à une mise en synergie des pratiques. Cependant, la volonté institutionnelle et la polyvalence des enseignants ne peuvent suffire à transformer des orientations générales […] en pratiques effectives dans les classes. En d’autres termes, il manque une étape essentielle pour qu’un processus de rapprochement se mette en place : des exemples concrets. Il est, en effet, difficile d’adopter une démarche transversale sans avoir une idée des façons possibles d’articuler les deux domaines disciplinaires ».
Ainsi se posait il y a dix ans la question des apprentissages en LVE sous un autre aspect, celui de l’interdisciplinarité avec d’autres enseignements. Il semblait nécessaire de mener des projets concrets afin notamment que l’anglais ne soit pas un enseignement « à part » mais à l’inverse puisse nourrir et puiser des ressources dans d’autres domaines scolaires et s’inscrire dans une synergie globale des apprentissages.
Introduits en 2016 dans la réforme du collège, les EPI (Enseignements pratiques interdisciplinaires) illustrent l’importance qu’a acquise cette volonté d’interdisciplinarité des enseignements au cours de ces dernières années. L’importance particulière que revêt cet aspect pour l’enseignement des LVE est d’ailleurs précisée dans le paragraphe d’introduction du chapitre qui leur est dédié9 : « Ils multiplient les situations d’apprentissage permettant d’améliorer la maîtrise de certaines compétences, notamment pour la pratique des langues vivantes et des outils numériques ». Deux autres extraits mentionnent également l’importance de la réalisation de projets concrets, inclus dans un cadre social, faisant fortement écho à des thématiques essentielles de la pédagogie actionnelle dont nous avons précédemment parlé :
– « Les EPI ne s’opposent pas aux enseignements communs, ils en sont au contraire le complément qui permet de mettre en jeu les savoirs étudiés en privilégiant la démarche de projet pour aboutir à des réalisations concrètes ».
– « L’interdisciplinarité […] c’est être capable de faire converger les savoirs disciplinaires pour mieux appréhender leur utilité et la façon dont on peut les convoquer pour comprendre des situations de la vie quotidienne ou comprendre les enjeux sociétaux ».
Comme il est écrit en conclusion de ce passage, inclure l’enseignement de l’anglais dans cette interdisciplinarité, « c’est une manière de permettre aux élèves de mieux comprendre le sens des apprentissages scolaires ».
Cette interdisciplinarité possible de l’anglais nous apparaît ainsi comme une autre piste à explorer afin de répondre à la problématique de ce mémoire. A ce sujet, nous pouvons nous intéresser à nouveau à la séquence évoquée dans la partie sur la perspective actionnelle et qui s’intitulait « Le quartier proche ». Il s’agissait donc d’un cas d’interdisciplinarité mêlant anglais et Questionner le monde (plus exactement : se repérer dans l’espace). Nous allons ainsi voir globalement en quoi ces deux domaines ont pu fonctionner en synergie dans le cadre de ce projet (pour information, les séances d’anglais ont commencé un peu avant celles plus axées sur Questionner le monde, où le français était l’unique langue d’enseignement de ces séances).

Un premier bilan

Presque la totalité des pistes d’action qui viennent d’être exposées furent suivies de la façon la plus fidèle possible. Parfois il a fallu surmonter un certain manque de conviction personnelle, mais en tâchant de garder toujours un certain espoir, sorte de boussole (je songe notamment au rappel des règles inlassable, renouvelé chaque jour – je reviendrai sur certains de ces doutes).
La mise en place de ces moyens s’est étalée sur au moins deux périodes (entre janvier et avril 2016, grosso modo). D’une façon générale, nous ne pouvons que nous étonner et réjouir de la transformation que le groupe a vécu, bien que de façon très progressive, et de la transformation parallèle que moi-même j’ai pu expérimenter. Mais ce qui est aussi étonnant c’est de constater qu’il n’existe guère de progression linéaire, nous reculons en permanence pour mieux avancer, ce qui semble obéir à la même logique (s’il y en une) que les processus d’apprentissage. D’ailleurs, ce métier modifie de façon notable le rapport que nous pouvons entretenir avec le temps, et nous pousse à regarder plus loin, à ouvrir le regard.
Beaucoup de choses restent à faire et une seule et dernière période de dix semaines avant de clore cette première année d’immersion dans l’enseignement. Mais la modification la plus importante réside dans l’évidence du changement lui-même : toute transformation est possible.

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Table des matières

PARTIE 1 : Donner du sens aux apprentissages en agissant sur l’environnement didactique
1) Les LVE à l’école primaire : un enseignement de plus en plus prioritaire
2) L’introduction de la perspective actionnelle
2.1) Fondements et principes de la perspective actionnelle
2.2) Mise en place de la perspective actionnelle en classe
3) Favoriser l’émergence d’un environnement interdisciplinaire
3.1) Placer l’anglais en synergie avec d’autres enseignements
3.2) Développer l’autonomie culturelle via l’interculturalité
PARTIE 2 : Donner du sens aux apprentissages en agissant sur les modalités de travail
1) La variation des supports d’enseignement
1.1) Combiner supports visuels et supports audio
1.2) Recourir à l’agir physique
1.3) Accorder une importance au hors-cadre
2) La variation des interactions entre enseignants et élèves
2.1) Constituer un schéma didactique porteur de sens
2.2) Mettre les élèves en situation d’énonciation
2.3) Développer les échanges d’élève à élève
3) Le développement de compétences transversales via le jeu
CONCLUSION

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