Fondements epistemologiques et representations sociales des enseignants d’histoire du secondaire de l’enseignement de l’histoire

En didactique de l’histoire, les recherches promeuvent de nouveaux modes d’enseignement et d’apprentissage qui tiennent compte de l’évolution des recherches cognitives et des travaux historiens, mais également d’idéaux éducatifs contemporains privilégiant la pensée critique et autonome. Beaucoup d’auteurs insistent sur l’aspect dynamique de l’apprentissage de l’histoire et tous semblent laisser de côté, les pratiques plus transmissives du savoir au profit de situations favorisant la construction des connaissances par les élèves eux-mêmes. Ainsi, on retrouve régulièrement l’idée de reconstruction, de s’approprier au lieu de restituer (Dalongeville, 2000).

Par conséquent, la visée première des réformes dans l’enseignement de l’histoire serait le renouvellement des pratiques enseignantes (Paquay, 2007). Pourtant d’après Moisan (2010), de tel changement ne se déclare pas d’en haut, les convictions des maîtres sont lentes à se transformer. « Pourquoi mes anciens enseignants d’histoire n’avaient pas eu recours à une méthode historique et s’étaient plutôt contentés de faire mémoriser à leurs élèves les faits désincarnés du passé ? ». De tel questionnement constitue pour Moisan (2010), le point de départ de sa réflexion. Doutant du potentiel de la mémorisation comme moyen de nourrir le rapport au passé et au présent des individus, elle a décidé de faire une maîtrise sur ce qui reste de cet enseignement chez les élèves québécois en 2002.

Elle a investigué la mémoire historique des jeunes québécois francophones pour sa thèse « Mémoire historique de l’aventure québécoise chez les jeunes Québécois francophones : Coup de sonde et analyse ». Elle a constaté une grande uniformité dans le récit narratif et l’absence de toute forme de pensée critique et historique à l’égard de ce récit. Elle a soumis l’hypothèse qu’une partie de l’explication de ce phénomène se trouvait du côté des enseignants, de leurs pratiques et de leurs représentations de l’enseignement de l’histoire. Elle était convaincue que les fondements épistémologiques et les représentations sociales des maîtres à l’égard de leur discipline constituaient un élément de réponse qu’il valait la peine de creuser de manière à améliorer encore la formation des maîtres et de mieux comprendre la dynamique de la classe d’histoire. Elle en a fait son objet de recherche doctorale : « Fondements épistémologiques et représentations sociales d’enseignants d’histoire du secondaire à l’égard de l’histoire et la citoyenneté comme objets d’enseignement et d’apprentissage ».

SYNTHESE ET REFLEXION CRITIQUE SUR LA THESE MERE 

Présentation générale de la thèse mère

La thèse mère choisie a été présentée à la Faculté des sciences de l’éducation en vue de l’obtention du grade de Ph.D en didactique, en décembre 2010 par Sabrina Moisan à l’Université de Montréal. Elle avait comme Directeur de recherche : Jean-Pierre Charland et Codirecteur de recherche : Marc-André Ethier.

Il s’agit d’un travail de recherche qui s’intéresse aux fondements épistémologiques et à la vision que des enseignants d’histoire au secondaire entretiennent à l’égard de l’enseignement de l’histoire et de la formation citoyenne. La réflexion s’inscrit dans le contexte de la refonte des programmes d’enseignement de l’histoire au Québec, qui engage dorénavant les maîtres d’histoire à éduquer à la citoyenneté démocratique. Un projet éducationnel qui repose sur le postulat que l’apprentissage de l’histoire, de sa pensée et de sa méthode permet de former des individus capables de réflexion critique autonome et informée.

Les enseignants ont donc reçu le lourd mandat donné par l’État, de réaliser son projet d’éducation, d’instruction, de qualification et de socialisation des jeunes générations, afin qu’elles sachent s’intégrer à la société québécoise et assurer sa pérennité, sa prospérité et sa cohésion. Pourtant, ce dessein éducationnel, les enseignants ne l’appliquent pas tel quel, ils l’interprètent, le transforment, l’adaptent à leurs intérêts et à ceux de leurs élèves. Ainsi, les enseignants recomposent leur mandat (Lautier, 2001; Lenoir, 2003, Bouhon, 2009). C’est précisément cet aspect de la pratique enseignante qui fait l’objet de la présente recherche, notamment le mandat des enseignants qui doivent dorénavant former à la citoyenneté démocratique en classe d’histoire.

Cadre théorique et conceptuel 

Cadre théorique
Moisan (2010) rapporte d’abord différentes acceptions sur le concept de représentations sociales : celle de Moscovici (1968), de Rouquette (1994), de Jodelet (2003) et de Marquez (2005). Elle définit alors les représentations sociales comme étant un mode de connaissance du monde constitué de théories naïves, construites à la fois de sens commun et de savoirs scientifiques, qui servent à interpréter le monde, les objets et les sujets qui le constituent. Elles touchent à la fois la pensée et l’action, elles sont individuelles et partagées. Les représentations sociales sont à la fois un contenu et un processus d’acquisition et d’utilisation de connaissances ordinaires ou quotidiennes.

Elle expose ensuite le contenu des représentations qui se construit :

Dans un premier temps, selon le processus d’objectivation comportant trois mécanismes successifs: la construction sélective, la réduction imageante et la naturalisation (Jodelet, 1984). Un objet abstrait, comme l’histoire ou la citoyenneté, est transformé en un objet plus concret pour le sujet. Il se trouve chosifié, simplifié. Moisan (2010) souligne que si les enseignants ont complété le processus d’objectivation des objets de représentation que sont l’histoire et la citoyenneté, ils seront normalement en mesure de donner une définition spontanée de ces deux concepts lors d’une entrevue.

Dans un second temps, selon le processus d’ancrage de la représentation dans les schémas cognitifs sociaux préexistants. Il s’agit en fait, pour le sujet, d’associer le nouveau savoir à un savoir ancien. C’est donc une conception constructiviste du savoir qui est proposée par la théorie des représentations sociales.

Bien que plusieurs théories ont été développées sur les représentations sociales, c’est celle d’Abric (2003) qui est retenue par l’auteure pour son travail de recherche, appelée la théorie du noyau central. En 1984, Abric avance que tous les éléments constituant la représentation revêtent des valeurs différentes qui les positionnent soit dans le cœur de la représentation, soit dans sa marge. Des éléments assurant la préservation et la stabilité de la représentation, constitueraient le noyau central. Retrouvés chez tous les membres, ils se divisent en deux catégories : les éléments normatifs qui sont liés à l’histoire du groupe et à son idéologie, à ses valeurs et les éléments fonctionnels qui organisent le contenu, imposent une hiérarchie et donnent le sens à la représentation. Il ne faut donc pas négliger les éléments contextuels tels que l’histoire du groupe et l’appartenance culturelle, ethnique, des membres dont on observe les représentations. Par ailleurs, certains éléments constitutifs des représentations ne sont pas partagés par tous. La dimension individuelle de la représentation s’exprime par la présence d’items renvoyant à l’histoire de l’individu. ces informations idiosyncrasiques se situent dans une zone extérieure au noyau central nommée la zone périphérique de la représentation.

Selon la théorie développée par Doise, Clémence et Lorenzi-Cioldi (1994), il existe deux grands types de relations entre les représentations sociales : la relation d’emboîtement qui signifie que deux ou plusieurs représentations sociales contiennent les mêmes éléments dans leur noyau central et la relation de réciprocité est, quant à elle, caractérisée par une influence réciproque entre les deux représentations sociales.

Selon le modèle bidimensionnel proposé par Moliner (1995), la représentation possède deux dimensions : structurale et attitudinale. La structure est celle de la théorie d’Abric (1994), elle est considérée comme étant composée d’une zone centrale et d’une zone périphérique. La dimension attitudinale concerne plutôt l’évaluation que le sujet fait de l’objet de représentation.

Le contenu du cadre théorique a été choisi en fonction des objectifs de la recherche dans la mesure où il apporte des éclaircissements relatifs à la définition de la théorie des représentations sociales, à leurs fonctions et leurs processus de construction selon différents modèles que l’auteure utilise pour pouvoir décrire les représentations des enseignants. Le modèle théorique permet de hiérarchiser les éléments définissant la représentation et d’en dégager la dynamique organisationnelle. Nous sommes ainsi en mesure de comprendre la logique derrière les prises de position et les convictions sur lesquelles reposent les argumentations (Moison, 2010).

Cadre conceptuel

En s’appuyant sur l’état de la recherche en didactique de l’histoire, Moisan (2010) rapporte trois visions dominantes de l’enseignement de l’histoire dans sa thèse :

– La vision traditionnelle fondée sur la transmission d’un récit chronologique reprenant les faits marquants du passé collectif que les élèves doivent engranger dans leur mémoire (Lautier, 1997; Martineau, 1998; Tutiaux-Guillon, 2006),
– La vision disciplinaire fondée sur l’apprentissage de la méthodologie et la pensée historique permettant aux élèves de comprendre la nature des savoirs historiques, leur mode de construction et leur potentiel pour comprendre le monde passé et contemporain (Martineau et Laville, 1998),
– La vision postmoderne selon laquelle, le savoir historique n’est pas prédéterminé, il est bien un construit. L’approche de Dalongeville (2000) exploitant la résolution de problème pourrait être associée à ce courant dans la mesure où l’objectif poursuivi est de confronter, pour les déconstruire ou reconstruire, les représentations initiales fausses des élèves.

Devant la diversité des conceptions qui circulent dans l’espace québécois, elle souligne que la conception disciplinaire de l’enseignement de l’histoire invite les praticiens à modifier leurs façons de faire. Le centre de la démarche pédagogique doit se détourner de l’enseignant pour se diriger vers l’élève. L’approche socioconstructiviste est ainsi grandement valorisée, voire prescrite, dans les nouveaux programmes d’histoire québécois et qui domine chez les historiens et les didacticiens.

Nombreux sont les courants de pensée sur la citoyenneté mais l’auteure a choisi pour son enquête à l’instar de Lamoureux (1996) et Pagé (2001), de rassembler les différentes conceptions en deux grands mouvements de pensée politique qui véhiculent chacun, une compréhension différente de la citoyenneté selon le contexte québécois: le courant libéral et le courant républicain. Être citoyen exige la maîtrise de plusieurs compétences et connaissances. Audigier (1999) en identifie trois types : les compétences cognitives, les compétences éthiques et les compétences sociales.

Or, au Québec, les enseignants décident du sens de ces compétences notamment, mais pas seulement, en interprétant leurs programmes lorsque survient la nécessité d’identifier plus précisément les savoirs propres à la citoyenneté, contrairement à l’enseignement de l’histoire qui puise ses savoirs en transposant les productions historiennes dans la réalité de la classe, l’éducation à la citoyenneté doit inventer ses savoirs propres. Il faut également imaginer un contexte pédagogique propre à cette éducation. En fait, l’éducation à la citoyenneté ne s’est pas encore imposée comme discipline scolaire. Elle rencontre sur ce chemin, des difficultés (Audigier, 2006). À cet égard, les enseignants d’histoire du Québec profitent des indications de leur programme d’étude. Le contenu de ce programme est un contenu purement historique, avec une forte portée sociale, politique, économique permettant de mieux comprendre le monde .

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : SYNTHESE ET REFLEXION CRITIQUE SUR LA THESE MERE
1. Présentation générale de la thèse mère
2. Cadre théorique et conceptuel
2.1. Cadre théorique
2.2. Cadre conceptuel
3. Problématique
4. Méthodologie de la recherche
4.1. Approche et outils méthodologiques
4.2. Choix de l’échantillon
4.3. L’analyse des données
5. Présentation et discussion des résultats
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
DEUXIEME PARTIE : REPLICATION : Fondements épistémologiques et représentations sociales des enseignants d’histoire du secondaire de l’enseignement de l’histoire dans le contexte scolaire malgache
1. Justification du travail de réplication
2. Problématique répliquée
2.1. Les Paradigmes épistémologiques et modèles didactiques de l’histoire
2.2. Les enseignants d’histoire comme objet d’étude
2.3. Conceptions disciplinaires et pratiques enseignantes
2.4. Objet de recherche
3. Objectifs et méthodologie de recherche
3.1. Les objectifs de recherche
3.2. Outils méthodologiques
3.3. Choix de la population enseignante et la construction de l’échantillon
3.4. Traitement des données
3.5. Protocole d’enquête
4. Présentation et interprétation des données
4.1. Structure et contenu de la représentation sociale de l’histoire
4.2. Structure et contenu de la représentation sociale des enseignants d’histoire de l’enseignement de l’histoire
4.3. Liens entre représentations sociales de l’histoire et les variables sociodémographiques des participants
5. Discussions
5.1. Les représentations sociales des enseignants par rapport aux paradigmes épistémologiques
5.2. Les représentations des enseignants par rapport aux modèles didactiques : une vision linéaire et une logique encyclopédique de l’enseignement de l’histoire
5.3. L’existence d’un écart entre pratiques déclarées et pratiques effectives
5.4. Le phénomène de la polyphasie cognitive sur le rapport passé/ présent
6. Limites et perspectives
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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