Fondement et enjeu d’une etude juridique sur L’APA

Le Protocole de Nagoya sur l’accès et le partage des avantages est un nouveau traité international adopté sous les auspices de la Convention sur la Diversité Biologique à Nagoya, au Japon le 29 octobre 2010. Il vient en apport de la Convention sur la Diversité Biologique (CDB) pour assurer la mise en œuvre de son troisième objectif qui est le partage juste et équitable des avantages (APA) découlant de l’utilisation des ressources génétiques (RG)en offrant une certitude juridique quant à l’utilisation de celles-ci. L’utilisation des RG se trouve actuellement au centre des débats sur la gestion de la biodiversité. Elle constitue le troisième objectif de la CDB adopté lors du Sommet de la terre à Rio de Janeiro en 1992 visant à réduire la perte de la diversité biologique mondial, les deux premiers étant les objectifs de conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique.

Le principe du droit souverain de l’Etat sur l’exploitation de ses propres ressources biologiques modifie en profondeur le rapport des pays sur l’utilisation de ces ressources. En effet, si l’accès libre aux RG sur l’alimentation et l’agriculture a été officiellement prôné depuis l’Engagement international sur les ressource phytogénétiques en 1983 selon lequel en vertu « du principe universellement accepté […] les ressources phytogénétiques sont le patrimoine commun de l’humanité et devraient donc être accessibles sans restriction » ; la CDB depuis 1992, institue le principe du droit souverain de l’Etat sur l’exploitation de ses propres ressources naturelles et renvoie la règlementation de celle-ci à la législation nationale. D’où le mécanisme APA.

L’APA vise donc à concilier les intérêts scientifiques et commerciaux, source de valorisation des RG, avec les objectifs d’équité et de justice sociale pour le bénéfice de ceux qui sont à l’origine des RG et des connaissances traditionnelles(CT) associés. Elle consiste à réguler les activités de prospection biologique ou bioprospection afin de prévenir l’appropriation illicite et l’utilisation abusive par les centres de recherches privées, des ressources biologiques et/ou génétiques, et des CT associées. Cette dernière, qualifiée de biopiraterie, a été souvent déplorée par les pays en développement et constitue le principal problème auquel la communauté international veut faire face. L’APA matérialise surtout le souhait des pays à Mégadivers regroupés dans le Groupe des Pays Mégadivers du Même Esprit(GPMME) comme la Chine, l’Inde, le Brésil etc. qui revendiquent la mise en place d’un régime international négocié sur l’Accès et partage des avantages sur l’utilisation de leurs ressources biologiques et des CT associées . D’où, après un long processus qui a duré plus de 15 ans, la 10ème Conférence des Parties à la CDB a adopté le Protocole de Nagoya sur l’Accès aux ressources génétiques et le partage des avantages issus de leurs utilisations à la Convention sur la diversité biologique le 29 octobre 2010 qui est entré en vigueur très récemment le 12 octobre 2014. L’adoption du Protocole de Nagoya a permis d’asseoir le cadre juridique international sur l’APA grâce à un cadre juridique transparent, d’un côté, pour les fournisseurs afin d’assurer le partage des avantages après que les ressources aient quitté le pays, et de l’autre côté, pour les utilisateurs, afin d’offrir des procédures claires d’accès aux RG.

Le contexte international qui a précédé l’adoption du Protocole de Nagoya est très significatif pour la compréhension du contexte dans lequel le processus APA a été abordé. Notamment, les évolutions sur le système international pour la protection des droits de propriétés concernant la brevetabilité du vivant qui s’est développé en Etats-Unis, puis en Europe, ainsi que l’Accord de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) sur les Aspects du Droit de Propriété Intellectuelle touchant au Commerce ou Accord sur les APDIC en 1994.

LE CONTEXTE APA AU NIVEAU INTERNATIONAL

Le Protocole de Nagoya sur l’Accès aux ressources biologiques et le partage des avantages découlant de leurs utilisations, adopté en 2010 et entré en vigueur en octobre 2014 est le nouveau traité international qui régit l’APA sur le plan international. Ce Protocole vise à garantir l’accès aux RG et le partage juste et équitable des avantages liés à l’usage de ces ressources, tout en favorisant un partage des avantages avec les pays dont ces ressources sont issues. L’adoption de ce Protocole représente une étape charnière pour tous les pays du monde car elle permet la mise en place d’un système international de la valorisation des ressources biologiques/génétiques. Pour bien cerner cette notion, il faut aller à son origine et analyser les bases des discussions dont il est issu. En ce sens, le contexte international qui a précédé l’adoption du de la CDB et à plus forte raison, le Protocole de Nagoya est très significative pour la compréhension du contexte dans lequel le processus APA a été abordé.

Fondement du processus APA

L’APA est un processus qui s’est construit essentiellement au niveau international et a nécessité l’investissement de beaucoup de temps et qui requiert la volonté de chaque acteurs et partie prenante.

Origine du processus APA

La convention sur la diversité biologique est la première convention internationale qui reconnait la valeur intrinsèque de la diversité biologique. Elle est le premier produit du concept de développement durable adopté par la CNUED lors du Sommet de la terre, au même niveau que la Convention-cadre des sur les changements climatiques, la Convention sur la lutte contre la désertification et la Déclaration sur la gestion, la conservation et le développement durable des forêts. Les objectifs de la CBD sont : la conservation de la diversité biologique; l’utilisation durable de la diversité biologique; le partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation des RG. Trois facteurs majeurs sont à l’origine des discussions sur la mise en place de l’APA. Il s’agit en premier lieu, des préoccupations sur la perte croissante de la biodiversité mondiale enregistré depuis les années 1970 dans la période de l’industrialisation et l’exploitation massive des ressources naturelles ; ensuite, le bouleversement économique engendré par renouvellement du statut économique des ressources biologiques et génétiques sur le plan international ; et enfin, la constante problématique de la recherche du développement modifiant la coopération Nord-Sud.

A. Menace de la perte croissante de la biodiversité et concept de développement durable 

La constatation de la perte croissante de la biodiversité a été une des préoccupations principales de la communauté internationale dans l’adoption de la CDB en 1992. En effet, les dénonciations des dégâts causés par l’exploitation abusive des ressources naturelles pendant la période de l’industrialisation des années 1960 et ses conséquences néfastes sur l’environnement ont commencé à émerger dans les discussions internationales depuis le début des années 70. Le concept de développement durable a donc surgit et a commencé petit à petit à s’imposer dans les politiques internationales. Plusieurs études ont alimenté ces débats, il s’agit notamment des résultats des rapports Meadows, publié en 1972 par le Club de Rome suivi par la Conférence de Stockholm la même année et Brundtland publiés par la Commission Mondiale pour l’environnement et le développement (CMED) en 1987, réaffirmé par le Sommet de la terre à Rio en 1992.

Le rapport Meadows, intitulé Halte à la croissance est un document d’alerte qui analyse les rapports entre les sociétés humaines et l’environnement dans le contexte d’une croissance démographique et économique donné. Il met en simulation cinq paramètres : population humaine, production alimentaire, industrialisation, utilisation des ressources naturelles non renouvelables et pollution. Le résultat de la simulation prédit une pénurie des ressources pour les années 1980 suivie de l’effondrement des systèmes économiques des pays développés à l’horizon 2025 si la croissance n’est pas fortement réduite et si les habitudes de consommation ne sont pas modifiées dans des délais brefs. Pour le Club de Rome, « la dynamique d’une population croissante d’individus qui consomment et polluent de plus en plus dans un monde fini mène nécessairement à une catastrophe environnementale ; quel que soit le scénario testé, la croissance exponentielle que l’on enregistre aboutit à un effondrement de la dynamique du système socio-économique mondial, du fait notamment de l’épuisement des ressources naturelles et ce, à un horizon temporel assez rapproché » . Par ce rapport, le Club de Rome dénonce les effets de l’industrialisation sans limite et appelle à une « croissance zéro » aussi bien sur le plan démographique que sur le plan économique. On y entrevoit déjà les germes du concept de développement durable.

B. Le renouvellement du statut économique des ressources biologiques et/ou génétiques sur le plan international

Le deuxième facteur qui a conduit à l’existence de l’APA concerne le renouvellement de la valorisation des RG elles-mêmes. Si les substances naturelles ont toujours constitué la base d’une activité industrielle et commerciale maintenue, le développement des biotechnologies a profondément renouvelé les perspectives de leur valorisation incluant dorénavant les activités de Recherche et développement .En effet, par le biais de ces techniques, on sait désormais que les RG et leurs composantes sont devenus des matières premières de plus en plus convoitées dans le monde et qui ont une valeur en soi. Le centre de droit international du développement durable (CIDD), Montréal compare les RG d’un pays à une grande bibliothèque contenant de nombreux livres où on ne sait jamais à quel moment on aura besoin de l’un d’entre eux pour trouver une solution à un problème. Cette nouvelle forme de valorisation des RG se manifeste par la multiplication des accords de bioprospections engagés par les acteurs divers (entreprises pharmaceutiques, instituts de recherches, universités, etc.) qui se multiplient dans les pays riches en biodiversité.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : FONDEMENT ET ENJEU D’UNE ETUDE JURIDIQUE SUR L’APA
Chapitre 1er: le contexte APA au niveau international
Section I : Fondement du processus APA
Section II : L’intérêt d’une étude juridique sur l’APA
Chapitre II : Enjeux économique des ressources génétiques
Section I : Le droit de propriété intellectuelle et la valorisation des ressources génétiques
Section II : La protection des connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques
Chapitre III : Cadre juridique internationale de l’Accès et Partage des Avantages
Section I : Les principales dispositions de la CDB
Section II : Le Protocole de Nagoya
DEUXIEME PARTIE : LA MISE EN ŒUVRE DE L’APA A MADAGASCAR
Chapitre 1er : La situation APA sur le plan national
Section I :Etat de lieux APA à Madagascar
Section II : Etat de la bioprospection à Madagascar
Chapitre II : Problématiques sur la mise en place du cadre juridique
Section I : Elaboration d’une législation spécifique APA
Section II : Mécanisme de surveillance et mécanisme international de recours en cas de non-conformité
Chapitre III : Vision post-2015
Section I : Les discussions internationales
Section II : La feuille de route APA 2015-2016
CONCLUSION

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