Fondamentaux de la combustion normale
Le fonctionnement d’un moteur à combustion interne à quatre temps suit la séquence générale de l’admission, compression, détente, et de l’échappement. La trace de pression à la Figure 1.1 montre ces étapes ainsi qu’une durée typique de la combustion. Lors d’une combustion normale, l’allumage intentionnel du mélange cause l’initiation d’un front de flamme qui consommera graduellement la grande majorité de la charge admise à des vitesses de flamme de l’ordre de 1 m/s (Heywood, 1988). La méthode de formation du mélange ainsi que l’inflammation du mélange varie par type de moteur, mais ils engendrent tous un dégagement de chaleur afin de produire un travail mécanique.
Fondamentaux de la combustion anormale
La combustion anormale, sous forme d’allumage par point chaud ou de cliquetis, a le désavantage de nuire à la performance d’un moteur, de pouvoir l’endommager en plus de produire un bruit désagréable (Baumgarten, 2006; Hsu, 2002). En premier temps, il est nécessaire de différencier le cliquetis et l’allumage par point chaud : le cliquetis est de l’auto-allumage local du mélange imbrulé dû aux hautes pressions et températures avant l’arrivée du front de flamme, et l’allumage par point chaud est une déflagration originaire d’une surface ou de particules ayant une température suffisamment élevée pour initier la combustion (Heywood, 1988).
L’allumage par point chaud peut survenir soit avant ou après l’allumage voulu du mélange causant un dégagement de chaleur non optimal. Dans certain cas, il peut même initier le phénomène de cliquetis (Heywood, 1988). Le point chaud surgit souvent d’une accumulation de particules chaudes (encrassement) sur la paroi du cylindre qui allume le mélange dès que la richesse locale atteint les limites d’inflammabilité, donc indépendamment de l’avance à l’allumage. Lorsque l’allumage par point chaud se fait avant l’allumage prévu du mélange, le dégagement de chaleur prématuré entraîne une augmentation de la pression et de la température causant le cliquetis, une diminution du couple et une diminution de l’efficacité thermique par une hausse de transfert de chaleur à la structure (Abu-Qudais, 1996; Boubal et Oksman, 1998; Borg, 2006; Pan et al., 1998).
Le cliquetis se produit lorsqu’il y a un ou plusieurs noyaux d’autoinflammation dans le mélange imbrûlé en amont du front de flamme qui causent la propagation d’un front de pression dans la chambre à combustion (Heywood, 1988). Les ondes reflétées dans la chambre transmettent ensuite l’énergie au bloc moteur pour produire le son audible que l’on appelle knock. Lors de ce phénomène, le dégagement de chaleur se produit quasi-instantanément et peut aboutir en un front de flamme local ayant une vitesse pouvant approcher 2 000 m/s (Samimy et Rizzoni, 1996). L’onde de choc se reflète dans la chambre et produit de grandes oscillations à haute fréquence (au-delà de 5 kHz) de la trace de pression (Draper, 2012; Hudson et al., 2001; Borg, 2006). Il faut noter que la position du capteur de pression et l’origine de l’autoallumage auront un effet prononcé sur les fluctuations dans la pression enregistrée (Boubal, 2000). C’est donc une mesure indirecte de l’énergie dégagée par le phénomène, qui ne peut pas être mesurée par une analyse de pression locale (Borg, 2006; Boubal, 2000). C’est aussi pourquoi le seuil de cliquetis doit être établi empiriquement pour chaque moteur à la suite d’une étude approfondie (Hsu, 2002; Galloni, 2012; Brecq et al., 2003; Zhu et al., 2005).
Considérations physiques
Le cliquetis est caractérisé par l’autoallumage de certaines régions du mélange imbrulé dans les endroits où la température et la pression atteignent les limites d’inflammabilité locale (Borg, 2006). Les ondes de choc produites réverbèrent dans la chambre de combustion et causent une résonance dans un des modes naturels de la structure. La signature fréquentielle perçue est donc constante pour un moteur donné et indépendante de la vitesse du vilebrequin (Hsu, 2002; Galloni, 2012). Les ondes, initialement supersoniques et à amplitude constante, se reflètent et établissent des ondes stationnaires dans la chambre avant de s’atténuer jusqu’à la vitesse sonore locale du mélange tout en diminuant d’amplitude (Heywood, 1988). Le signal de pression mesuré est donc dépendant de l’emplacement des capteurs par rapport à l’apparition du phénomène (Böhme et Konig, 1994). Les nouveaux fronts de flammes se répandent ensuite et consomment rapidement le mélange imbrulé avant que le front de flamme principale puisse l’exploiter (Heywood, 1988; Baumgarten, 2006).
Chimiquement, le cliquetis est causé par un auto-allumage des gaz imbrûlés qui provoque une explosion thermique dans le mélange (Baumgarten, 2006). Une explosion, dans ce contexte, est une réaction chimique qui libère une plus grande quantité d’énergie que son environnement immédiat peut absorber (Heywood, 1988; Galloni, 2012). Donc la température locale augmente, accélérant exponentiellement les vitesses des réactions et cause une explosion qui créé des ondes de choc (Baumgarten, 2006). La Figure 1.3, tirée de l’étude de Kawahara et Tomita (2009), capte un événement de cliquetis dans la chambre de combustion. La séquence d’images montre le passage de l’onde de pression avant qu’elle atteigne la position du capteur de pression. La trace de pression montre ensuite l’effet de l’onde stationnaire résultante sur la pression locale au capteur.
Lors de l’oxydation d’un carburant, la première étape, l’initiation, prend place lorsque les conditions d’autoallumage sont atteintes. Lors de cette étape des radicaux sont produits à partir des molécules stables du mélange imbrulé. Ensuite, lors de la propagation les radicaux réagissent avec les molécules réactives du mélange pour entraîner la formation de plusieurs radicaux. Normalement lee mécanismee de terminaison parviennent à contrôler la propagation, permettant une combustion normale. Toutefois, sous très hautes températures une propagation exponentielle des réactions est possible due à une concentration très élevée de radicaux menant à une explosion du mélange et la libération quasi-instantanée de son énergie chimique (Heywood, 1988).
La description précédente caractérise principalement le phénomène de cliquetis en moteur à allumage commandé. Pour les carburants lourds, tel que le diésel, l’inflammation se fait en deux étapes. L’auto-allumage créé une flamme froide (cool flame), d’environ 600 à 800◦C, causant une légère hausse de température du mélange (Baumgarten, 2006; Pan et al., 1998). Pour une combustion normale, ces deux phases du phénomène se manifestent par un dégagement de chaleur caractérisé par deux bosses consécutives dans son historique (Borg, 2006). Dans les diésels à charge homogène ou stratifiée (HCCI/SCCI ), s’il y une seconde auto inflammation dans les gas imbrûlés qui cause du cliquetis, la deuxième bosse prend une plus grande ampleur et sa position s’avance vers le PMH (Hou et al., 2010; Shi et al., 2013). Le cliquetis est donc causé par les réactions à basse température qui augmentent la durée du délai d’allumage, entraînant une explosion lors des réactions à haute température où les conditions locales sont propices. Pan et al. (1998) constatent qu’une condition propice au cliquetis apparait lorsque le délai d’auto-inflammation est inférieur au temps de passage de la flamme.
Paramètres influant sur le cliquetis
Naturellement, l’autoallumage est possible que lorsque l’état thermodynamique des gaz imbrulés le permet. C’est donc les facteurs qui entraînent une hausse de pression et de température qui influencent l’intensité du cliquetis. Les principaux paramètres de contrôle sont les suivants (Revier, 2006; Zhen et al., 2012; Baumgarten, 2006; Heywood, 1988) :
• Pression à l’admission : une augmentation de la pression d’admission résulte à une augmentation du mélange admis, qui ce traduit par une augmentation des pressions et températures durant la compression ;
• Température à l’admission : son augmentation réduit la masse admise, nuisant à l’autoallumage, mais entraîne aussi de hautes températures des gaz à l’intérieur du cylindre, favorisant l’autoallumage ;
• Rapport air-carburant : un mélange près de stœchiométrie favorise l’autoallumage ;
• Avance à l’allumage (moteur allumage commandé) : l’allumage plus tôt dans le cycle cause des hausses de pression qui peuvent entraîner l’autoallumage du mélange ;
• Rapport volumétrique : plus les gaz sont comprimés, plus les pressions et températures augmentent, favorisant le cliquetis ;
• Vitesse de rotation : une basse vitesse donne plus de temps pour chauffer les gaz imbrûlés, augmentant les chances de cliquetis ;
• Pénétration de la charge (moteur diésel) : la structure de l’écoulement influence la répartition de la charge, donc d’une richesse locale propice à l’autoallumage ;
• Géométrie de la chambre de combustion : contrôle la propagation du front de flamme, donc le dégagement de chaleur. Généralement, les protrusions/coins favorisent l’encrassement et l’apparition de points chauds et donc du cliquetis ;
• Composition du carburant : les longues chaînes linéaires d’hydrocarbures facilitent l’autoinflammation. Les ramifications de la chaîne principale réduisent la tendance au cliquetis ;
• Composition du mélange : a une influence sur la chaleur spécifique du mélange, ce qui influence sa température.
L’impact du cliquetis sur la performance du moteur dépend de son intensité, sa fréquence et de sa durée (Galloni, 2012). Le cliquetis est capable d’endommager le moteur par quelques mécanismes : les grandes pulsations de pression peut briser les joints d’étanchéités du piston, les fluctuations des hautes températures peut causer une fatigue thermique de la tête du piston ou des parois, ou bien une hausse de la température des métaux peut simplement faire saisir le moteur (Valtadoros et al., 1991; Fitton et Nates, 1992).
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 REVUE DE LA LITTÉRATURE
1.1 Fondamentaux de la combustion normale
1.2 Fondamentaux de la combustion anormale
1.2.1 Considérations physiques
1.2.2 Paramètres influant sur le cliquetis
1.3 Méthodes de détection
1.3.1 Méthode acoustique et auditive
1.3.2 Vibrations mécaniques
1.3.3 Capteur de pression
1.3.3.1 Domaine temporel
1.3.3.2 Domaine fréquentiel
1.3.3.3 Distributions bilinéaire temps-fréquence
1.3.4 Probes optiques et détecteurs d’ions
1.4 Méthodes de contrôle
1.5 Problématique de recherche
CHAPITRE 2 CARACTÉRISATION DANS LE DOMAINE TEMPS-FRÉQUENTIEL
2.1 Méthode
2.1.1 Montage expérimental
2.1.2 Traitement du signal
2.1.3 Densité spectrale énergétique : méthode de Welch
2.1.4 Pseudo distribution Wigner-Ville réaloué
2.2 Résultats et Analyse
2.2.1 Discussion des signaux bruts : domaine temporel
2.2.2 Analyses temps-fréquence de la pression
2.2.3 Analyses temps-fréquence des vibrations
2.2.4 Incertitude expérimentale
2.3 Conclusion du chapitre
CHAPITRE 3 DÉTECTION PAR SIGNAL DE PRESSION
3.1 Méthode
3.1.1 Méthode de référence : énergie réallouée, Er
3.1.2 Méthodes candidates : par trace de pression filtré
3.1.3 Détection du début du cliquetis
3.1.4 Comparaison statistique des indices
3.2 Résultats et Analyse
3.2.1 Comparaison des distributions de probabilité
3.2.2 Évaluation des indices par pression
3.2.3 Identification de la position d’initiation
3.2.4 Incertitude expérimentale
3.3 Conclusion du chapitre
CHAPITRE 4 DÉTECTEUR PAR VIBRATIONS
4.1 Méthode
4.1.1 Identification des fréquences : 5 conditions cliquetées
4.1.2 Détection de cliquetis par vibrations
4.1.2.1 Indépendance des fréquences d’ordre moteur
4.2 Résultats et Analyse
4.2.1 Identification des fréquences : vibrations mécaniques
4.2.2 Corrélation des vibrations au cliquetis sur la plage d’opération
4.2.2.1 Suppression des ordres moteurs du le signal de vibrations
4.2.2.2 Définition de l’indice de cliquetis par vibrations
4.2.3 Incertitude expérimentale
4.3 Conclusion du chapitre
CONCLUSION
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