Le sommet mondial sur le développement durable à New-York en 2015 a défini un programme de développement durable à l’horizon 2030. Ce programme comporte 17 objectifs de développement durable (ODD) et 169 cibles qui guideront les actions à mener dans des domaines d’une importance cruciale : l’humanité, la planète, la prospérité, la paix et les partenariats, et en particulier, la sécurité alimentaire.
« Eliminer la pauvreté et la faim, sous toutes leurs formes et dans toutes leurs dimensions, et faire en sorte que tous les êtres humains puissent réaliser leur potentiel dans des conditions de dignité et d’égalité et dans un environnement sain. » Fondement 2 des objectifs de développement durable, Sommet sur le développement durable, New-York, Septembre 2015 .
« Eliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir l’agriculture durable. » Objectif 2, Sommet sur le développement durable, New-York, Septembre 2015 .
De nombreuses menaces pèsent sur la sécurité alimentaire. Il s’agit, entre autres, d’une croissance démographique exponentielle, de la diminution de la superficie des terres arables, de la pauvreté des sols en nutriments, de l’érosion de la biodiversité et du changement climatique. Pour nourrir les 9,4 milliards d’individus attendus d’ici 2050 (Lal, 2000), le secteur de l’agriculture doit être au centre des politiques visant à éradiquer la faim dans le monde, et plus particulièrement dans les milieux ruraux.
Madagascar, l’un des pays les plus pauvres au monde, doit faire face à de nombreux problèmes: un taux de croissance économique faible (3% en 2015), un taux de pauvreté élevé, une forte insécurité alimentaire et une vulnérabilité aux perturbations, notamment les catastrophes naturelles. Sa situation économique est caractérisée par une pauvreté massive car 91% des ménages vivent avec moins de deux dollars PPA (Parité de Pouvoir d’Achat) par jour (PND, 2015) et plus d’un tiers de la population, notamment dans les milieux ruraux, vit dans une situation d’insécurité alimentaire et/ou nutritionnelle (PND, 2015). Dans le cadre de son Plan National de développement (PND) élaboré en 2015, Madagascar a ainsi défini des axes stratégiques à l’horizon 2019 visant à améliorer la productivité agricole et le système de production alimentaire.
Le riz est l’aliment de base à Madagascar, avec une consommation annuelle moyenne par habitant de 138 kg en milieu rural et 118 kg en milieu urbain (UPDR/FAO, 2001). Les basfonds des vallées et les plaines sont traditionnellement consacrés à la riziculture irriguée. Cependant la production rizicole reste faible. Les 1,2 millions d’hectares consacrés à la riziculture irriguée ne produisent en moyenne que 4 tonnes de paddy par hectare par an (PND, 2015). Depuis 1970, Madagascar est devenu un pays importateur du riz afin de subvenir aux besoins de la population, notamment dans les milieux urbains (Morris et al., 2011). De plus, face à une croissance démographique relativement rapide (taux de renouvellement) de 2,5% par an (PND, 2015), la demande en riz ne cesse d’augmenter et la superficie de terres cultivables disponibles par exploitation agricole ne suffit plus. Les parcelles cultivables, qui sont héritées et partagées de génération en génération, deviennent en effet de plus en plus exiguës (Andrianantoandro and Bélières, 2015). En 2007, le ministère de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche estimait la moyenne nationale de la surface totale cultivée par exploitation à 0,86 ha. C’est pourquoi depuis 15 ans, la riziculture pluviale sur les versants des collines ou « tanety » s’est développée (Raboin et al., 2013) sur les hautes terres malgaches. Ceci a notamment été possible grâce au développement et la diffusion de variétés de riz tolérantes à l’altitude, à la pyriculariose (maladie fongique du riz) et à l’humidité.
Sur les Hautes Terres de Madagascar, les sols des tanety sont généralement des sols ferrallitiques (Rabeharisoa, 2004). Ce sont des sols profonds caractérisés par une altération très poussée des minéraux primaires. Ils sont caractérisés par une forte teneur en fer et en aluminium échangeables (Randriamanantsoa et al., 2013; Sanchez et al., 1997). Cette forte teneur en sesquioxydes de fer et d’aluminium leur confère un statut acide voire très acide (Andriamananjara, 2011) et un pouvoir fixateur du phosphore (P) très élevé, limitant ainsi la croissance et la productivité des plantes (Rabeharisoa et al., 2012). En effet, les plantes prélèvent le P uniquement sous sa forme inorganique d’ions orthophosphates (HPO4 2- ou H2PO4 2-). Malgré une forte quantité de P total (300 à 1200 mg-P.kg-1), la teneur en P disponible n’excède pas 10 mg.kg-1 avec l’extraction Olsen (Rabeharisoa, 2004). Cette faible disponibilité du P va limiter l’activité des microorganismes capables de minéraliser la matière
organique du sol (contenant de l’azote), dont la teneur est par ailleurs particulièrement faible (entre 10 et 20 g.kg-1) (Randriamanantsoa et al., 2013; Rabeharisoa, 2004). La maîtrise de la fertilité minérale des sols est alors l’un des principaux enjeux de la réussite de la riziculture pluviale, puisque le P mais aussi l’azote (N) sont des macronutriments essentiels à la productivité de la plante (Holford, 1997; Vitousek et al., 2010). Toutefois, les exploitations agricoles, souvent de petite taille, n’ont pas les moyens financiers d’investir dans des intrants chimiques, voire organiques.
Le fonctionnement du sol et des écosystèmes est assuré par différents organismes du sol qui à travers leurs activités vont agir sur quatre principales fonctions écologiques (Kibblewhite et al., 2008): (i) la transformation du carbone (C) à travers la décomposition des matières organiques, (ii) le recyclage des nutriments, (iii) le renouvellement de la structure du sol, et (iv) le contrôle des bioagresseurs et des maladies. Ainsi, l’intensification des fonctions écologiques réalisées par les organismes du sol représente un moyen d’améliorer le fonctionnement et la durabilité de l’agrosystème ; elle représente une solution potentielle aux problèmes rencontrés par les agriculteurs dans la mise en œuvre de la riziculture pluviale.
Plusieurs fonctions basées sur les interactions biologiques dans la rhizosphère des plantes ont été identifiées comme potentiellement bénéfiques pour la disponibilité des nutriments dans les sols, participant ainsi considérablement à la nutrition et à la croissance des plantes. L’une de ces fonctions repose sur les relations trophiques entre les plantes, les bactéries et les microbivores dans la rhizosphère: la “boucle microbienne des sols” sensu Clarholm (1985a). La boucle microbienne repose sur la forte limitation énergétique des bactéries présentes dans le sol non rhizosphérique. Le carbone organique libéré par les racines via l’exsudation ou la rhizodéposition, constitue une source d’énergie importante pour les bactéries qui, temporairement libérées de cette carence énergétique, minéralisent la matière organique du sol et immobilisent les nutriments (N et P) dans leur biomasse. Les microbivores (protozoaires et nématodes) consomment les bactéries et libèrent par excrétion les nutriments stockés dans la biomasse microbienne (Clarholm, 2005; Kuikman et al., 1991). Aussi, la présence des microbivores augmente l’activité des décomposeurs, et par voie de conséquence, la minéralisation brute de la matière organique du sol. L’augmentation de la croissance des plantes, et notamment des racines, qui succède à la libération des nutriments va induire un apport accru de C rhizosphérique, alimentant ainsi la boucle microbienne (Bonkowski, 2004; Bonkowski and Brandt, 2002). Les interactions biologiques dans les sols (entre la plante, les bactéries et les microbivores) régulent ainsi la quantité de nutriments issus de la minéralisation des composés organiques du sol et potentiellement disponibles pour la plante.
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Table des matières
Introduction générale
I. Contexte et problématique
II. Etat de l’art
1. Les nématodes des sols
Ecologie des nématodes
Les groupes trophiques et stratégies de vie
Les nématodes bactérivores
2. Fonctions portées par les nématodes bactérivores
Effets sur les communautés microbiennes
Effets des nématodes bactérivores sur la disponibilité des nutriments
Mécanismes potentiels impliqués dans l’amélioration de la disponibilité des nutriments en présence des nématodes bactérivores
Effets des nématodes bactérivores sur les fonctions de la plante
Mécanismes potentiels impliqués dans l’amélioration des fonctions de la plante en présence de bactérivores (nématodes et protozoaires)
Déterminants des effets des interactions bactéries – nématodes bactérivores sur la disponibilité des nutriments et les fonctions de la plante
3. Approches méthodologiques pour appréhender les effets des bactérivores (protistes et nématodes) sur la disponibilité des nutriments et les fonctions de la plante
III. Objectifs et hypothèses
1. Premier sous-objectif
2. Second sous-objectif
3. Troisième sous-objectif
IV. Organisation du manuscrit
Conclusion générale
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