Importance des contrรดles pour lโexpression des gรจnes
ย ย La production des protรฉines en quantitรฉ et de qualitรฉ nรฉcessaire pour la vie dโune cellule dรฉpend du bon dรฉroulement des รฉtapes indiquรฉes prรฉcรฉdemment. Des erreurs sont possibles ร chaque niveau. Cโest pourquoi, des systรจmes de contrรดle dรฉtectent ces erreurs, les corrigent ou les รฉliminent. La qualitรฉ des ARNs par exemple est trรจs contrรดlรฉe (Figure 1) afin dโรฉviter la traduction dโARN dit ยซ aberrant ยป. Par le terme aberrant, on considรจre ici les ARNs qui, รฉtant apparentรฉs ร des ARNm qui codent pour des protรฉines cellulaires, ne servent pas ร cette fonction. Des exemples dโARNs aberrants sont prรฉsentรฉs dans les paragraphes suivants. La transcription est la plus grande source dโerreur pour la synthรจse des ARNs aberrants avec quatre erreurs pour un million de bases transcrites (Gout et al., 2017) cโest-ร -dire cent fois plus que les erreurs de rรฉplication de lโADN (Lynch et al., 2016). Les erreurs peuvent รชtre des insertions ou des dรฉlรฉtions de base qui provoquent ensuite des changements du cadre de lecture pour la traduction et le codage de codon Stop prรฉcoce (PTC : Premature Termination Codon). Ces erreurs sont trรจs dรฉlรฉtรจres car elles peuvent aboutir ร la production de protรฉines tronquรฉes (Hall and Thein, 1994). Lโeffet de ces mutations dรฉpend du gรจne dans lequel elle a lieu et si cela aboutit ร la production dโune version dominant-nรฉgative de la protรฉine ou non. Dans le cytoplasme, tous les ARNs sont finalement dรฉgradรฉs par leurs deux extrรฉmitรฉs par des exonuclรฉases non spรฉcifiques. Dans la plupart des cas, les protรฉines tronquรฉes nโont pas dโeffet sur le phรฉnotype, mais elles peuvent aussi รชtre toxiques, en cas dโagrรฉgation par exemple (Leeuwen et al., 1998) ou si elles entraรฎnent une perte de fonction par effet de dose (Fan et al., 2001). Chez la levure Saccharomyces cerevisiae (S. cerevisiae), les erreurs de transcription sont associรฉes ร un stress protรฉotoxique ainsi quโร une augmentation du vieillissement (Vermulst et al., 2015). En plus des erreurs de fidรฉlitรฉ de la transcription, le dรฉveloppement du sรฉquenรงage des ARNs ร haut dรฉbit a permis dโidentifier des catรฉgories dโARN non traduits provenant de la forte activitรฉ de lโARN polymรฉrase II. Celle-ci sโassocie aux rรฉgions dโADN dรฉpourvues de nuclรฉosomes et peut initier des รฉvรฉnements de transcription sur le brin sens comme sur le brin anti-sens (Neil et al., 2009; Xu et al., 2009), en amont ou en aval des sites de dรฉmarrage de la transcription canonique (Zhang and Dietrich, 2005; Pelechano et al., 2013; Malabat et al., 2015). Cโest la transcription ยซ pervasive ยป (rรฉsumรฉ dans Jensen et al., 2013). Ces transcrits plus ou moins longs peuvent avoir une terminaison de la transcription anormale et, dans ce cas, sont reconnus par un complexe de surveillance des arrรชts prรฉcoces de transcription et dรฉgradรฉs. Ces transcrits sont appelรฉs les transcrits cryptiques non stables (CUT : Cryptic Unstable Transcripts), ils ne sont pas visibles dans des conditions sauvages car dรฉgradรฉs trop rapidement. Pour les observer, il faut inactiver le contrรดle nuclรฉaire (Wyers et al., 2005; Davis and Ares, 2006; Houalla et al., 2006). Parfois, les transcrits pervasifs รฉchappent ร ce contrรดle prรฉcoce et sont exportรฉs vers le cytoplasme. Dans dโautres cas, les transcrits ont une terminaison normale et sont de tout point de vue normaux par rapport aux systรจmes de contrรดle qualitรฉ nuclรฉaire. Une fois arrivรฉs dans le cytoplasme, ces divers types de transcrits aberrants entrent en traduction, ce qui dรฉclenche leur dรฉgradation rapide. Cette dรฉgradation commence par lโenlรจvement de la coiffe et est poursuivie par la dรฉgradation par Xrn1, une exonuclรฉase 5โ vers 3โ non spรฉcifique. Si on observe une stabilisation dโun transcrit dans des cellules qui nโont pas de Xrn1, on parle alors de XUT (Xrn1-dependent Unannotated Transcripts ; van Dijk et al., 2011). Certains transcrits pervasifs sont plus rรฉsistants ร la dรฉgradation et restent suffisamment stables dans le cytoplasme pour รชtre dรฉtectรฉs, on les appelle les SUTs (Stable Unannotated Transcripts ; Neil et al., 2009; Xu et al., 2009). Les XUTs et les SUTs sont des catรฉgories non-exclusives, de nombreux transcrits appartiennent aux deux classes. Les diffรฉrentes รฉtapes de maturation de lโARN peuvent aussi รชtre altรฉrรฉes. Lโajout de la coiffe est un mรฉcanisme en deux รฉtapes, dans un premier temps lโassociation dโune enzyme triphosphatase et dโune guanylyl transfรฉrase (Cet1/Ceg1 chez la levure S. cerevisiae) ajoute le guanosyl-triphosphate puis Abd1 (S. cerevisiae) transfert un groupement mรฉthyl formant la coiffe m7-GpppN (rรฉsumรฉ dans Ramanathan et al., 2016). En cas de dysfonctionnement, par exemple si la mรฉthylation nโa pas lieu, un mรฉcanisme de contrรดle nuclรฉaire permet dโenlever la coiffe de guanine en clivant lโARN rรฉtablissant ainsi une extrรฉmitรฉ 5โ-monophosphate, qui sera dรฉgradรฉe par une exonuclรฉase nuclรฉaire. Chez les mammifรจres la protรฉine DXO assure seule ce contrรดle (Jiao et al., 2013), chez la levure de boulanger, il existe deux systรจmes redondants, la voie Rai1/Rat1 (Jiao et al., 2010) et la voie Dxo (Chang et al., 2012). Si lโรฉpissage nโest pas correctement rรฉalisรฉ, des contrรดles qualitรฉs nuclรฉaires รฉvitent lโexport de ces ARNs vers le cytoplasme. La poly-adรฉnylation peut aussi รชtre perturbรฉe ou arriver prรฉmaturรฉment ร des sites cryptiques (Ozsolak et al., 2010). Un ARN non poly-adรฉnylรฉ nโest pas protรฉgรฉ et il est aussitรดt dรฉgradรฉ par lโexosome nuclรฉaire (Hilleren et al., 2001). Un ARN non exportรฉ voit sa queue poly(A) allongรฉe ce qui a pour consรฉquence le recrutement de lโexosome nuclรฉaire qui dรฉgrade les ARNs (Jensen et al., 2001). Par ailleurs les liens existant entre les diffรฉrentes รฉtapes sont aussi des contrรดles, ร lโimage du complexe de jonction des exons (EJC) chez la plupart des eucaryotes qui est dรฉposรฉ pendant lโรฉpissage sur les ARNs et participe ร lโexport efficace des ARNs dans le cytoplasme (Le Hir et al., 2001). Enfin la traduction comporte aussi son lot dโerreur, une erreur par millier de bases (Zaher and Green, 2009). Le problรจme peut provenir des ARNs de transfert (ARNt) si lโanticodon et lโacide-aminรฉ fixรฉ ne correspondent pas. Le ribosome seul peut aussi engendrer des erreurs et incorporer un acide-aminรฉ ร la place dโun codon Stop ou dรฉcaler le cadre de lecture (rรฉsumรฉ dans Dunkle and Dunham, 2015). Les ARNs portants des erreurs ou rรฉsultants du manque de prรฉcision de la transcription et des รฉtapes de maturations sont considรฉrรฉs comme aberrants et seront dรฉgradรฉs. La dรฉgradation de ces ARNs utilise les voies classiques de dรฉgradation des ARNs de la cellule dans le noyau et dans le cytoplasme.
La dรฉgradation cytoplasmique des ARNs
ย ย La dรฉgradation des ARNs dans le cytoplasme suit deux voies distinctes (Figure 2). Chez la levure S. cerevisiae, ces deux voies impliquent une premiรจre รฉtape commune de dรฉadรฉnylation (Decker and Parker, 1993; Muhlrad and Parker, 1992) par les complexes Pan2/Pan3 et Ccr4/Pop2/Not (Brown and Sachs, 1998; Tucker et al., 2001). Pour la voie majeure de dรฉgradation chez les eucaryotes, la dรฉ-adรฉnylation des ARNs est suivie de lโhydrolyse de la coiffe (dรฉcapping) en 5โ par lโhรฉtรฉrodimรจre Dcp1/Dcp2 et le grignotage de lโARN de lโextrรฉmitรฉ 5โ vers le 3โ par lโexonuclรฉase Xrn1 (Beelman et al., 1996; Couttet et al., 1997; van Dijk et al., 2002; Dunckley and Parker, 1999; Hsu and Stevens, 1993; Muhlrad et al., 1994, 1995; Steiger et al., 2003). Ce mรฉcanisme de dรฉgradation est secondรฉ par la voie de lโexosome cytoplasmique qui permet aprรจs dรฉ-adรฉnylation de dรฉgrader les ARNs de lโextrรฉmitรฉ 3โ vers le 5โ (Anderson and Parker, 1998) aidรฉe du complexe SKI (Ski2, 3, 8) et de la protรฉine Ski7. Ces deux voies existent chez tous les eucaryotes et leur importance varie en fonction des espรจces. La dรฉgradation des ARNs dans le cytoplasme est le dernier levier de rรฉgulation de lโexpression des gรจnes. Le temps de vie dโun ARN varie en fonction des espรจces dโARN, de trois minutes ร plus de cent minutes chez la levure S. cerevisiae (Wang et al., 2002).
1. Dรฉ-adรฉnylation : La dรฉ-adรฉnylation est le processus permettant la dรฉgradation de la queue poly(A) des ARNs. La queue poly(A) est ajoutรฉe co-transcriptionnellement dans le noyau par une ARN polymรฉrase particuliรจre. Sa taille est homogรจne au sein dโune espรจce mais peut varier entre les espรจces, environ 70 adรฉnines pour la levure S. cerevisiae et jusquโร 250 chez dโautres eucaryotes. Elles sont liรฉes ร des protรฉines de liaison des queues poly(A), les PABPs (Poly(A)-Binding Protein), Pab1 chez S. cerevisiae (Sachs et al., 1986) et PABPC1 chez les mรฉtazoaires (Grange et al., 1987). La queue poly(A) et les protรฉines qui interagissent sur cette partie ont un double rรดle dans le mรฉtabolisme des ARNs dans le cytoplasme, dโune part elles stabilisent les ARNs et activent lโinitiation de la traduction via la formation du complexe de prรฉ-initiation (Figure 4A), dโautre part, elles participent au recrutement des protรฉines initiant la dรฉ-adรฉnylation (Sachs and Davis, 1989) et donc la dรฉgradation des ARNs. Chez la levure S. cerevisiae, plusieurs complexes protรฉiques sont impliquรฉs dans lโhydrolyse de la queue poly(A), Pan2/Pan3 (Boeck et al., 1996; Brown et al., 1996) et Ccr4/Pop2/Not (Tucker et al., 2001). Pan2/Pan3 est recrutรฉ au niveau de la queue poly(A) via lโinteraction de Pan3 avec Pab1 (Siddiqui et al., 2007). Lโhydrolyse de la queue poly(A) est catalysรฉe par le domaine exonuclรฉase de Pan2 qui appartient ร la famille des RNAses D. Pan3 est la sous-unitรฉ rรฉgulatrice du complexe. Lโactivitรฉ de Pan2/Pan3 est promue par Pab1 (Boeck et al., 1996), et en condition normale le complexe permet la dรฉgradation de la premiรจre partie de la queue poly(A) non liรฉe aux protรฉines Pab1 (Figure 3B, Yi et al., 2018). Le complexe Ccr4/Pop2/Not est composรฉ de deux sous-unitรฉs catalytiques, Ccr4 et Pop2 (CAF1 chez les mammifรจres, Bianchin et al., 2005; Daugeron et al., 2001; Thore et al., 2003) qui interagissent (Basquin et al., 2012). Les deux protรฉines ont une activitรฉ de dรฉadรฉnylase similaire in vitro mais elles semblent ne pas avoir la mรชme spรฉcificitรฉ de substrats au moins chez la levure. En effet, Ccr4 est active pour la dรฉ-adรฉnylation des rรฉgions poly(A) riches en PABPs alors que Pop2 permet de dรฉ-adรฉnyler les rรฉgions pauvres en PABPs (Figure 3A, Webster et al., 2018). Leur action est complรฉmentaire, cependant, chez la levure S. cerevisiae la dรฉlรฉtion de CCR4 a plus dโimpact que celle de POP2 sur la croissance (Tucker et al., 2002) et indiquerait un rรดle moins important pour cette derniรจre. Le complexe Ccr4/Pop2/Not est recrutรฉ au niveau des ARNs par des interactions avec des protรฉines liant le 3โ-UTR, par exemple les protรฉines de la famille des Puf (Pumilio Family) chez la levure S. cerevisiae (Olivas and Parker, 2000). Chez les mammifรจres, le complexe Ccr4/Caf1/Not est aussi recrutรฉ au niveau dโARNs prรฉcis (Goldstrohm et al., 2006; Stowell et al., 2016; Wahle and Winkler, 2013) pour initier la dรฉ-adรฉnylation rapide dans divers processus biologiques, dont lโembryogenรจse, la rรฉponse immunitaire et la prolifรฉration cellulaire (Belloc et al., 2008; Carballo et al., 1998; Subtelny et al., 2014). Les protรฉines Not1-5, Caf130 et Caf40 sont des cofacteurs pour la dรฉ-adรฉnylation conservรฉes chez les eucaryotes. Not1 est une protรฉine plateforme (Bai et al., 1999), elle interagit avec Pop2 (Caf1) et dโautres sous-unitรฉs Not du complexe (Basquin et al., 2012; Petit et al., 2012). Les sous-unitรฉs Not2, Not3 et Not5 de levure activent lโhydrolyse de la coiffe et donc la dรฉgradation des ARNs via une interaction avec le facteur Pat1 (Alhusaini and Coller, 2016). Les autres sous-unitรฉs nโont pas de fonctions dรฉfinies. La dรฉlรฉtion isolรฉe de CCR4 ou de PAN2 entraรฎne un allongement des queues poly(A) (Boeck et al., 1996; Tucker et al., 2001), ce qui semble montrer une redondance fonctionnelle entre les deux complexes. Cependant, la dรฉ-adรฉnylation complรจte des ARNs ne peut รชtre assurรฉe que par la combinaison des deux enzymes. Des expรฉriences de pulse-chase pour lโinactivation des deux complexes montrent finalement un mรฉcanisme coopรฉratif, mineur chez la levure (Tucker et al., 2001) et la drosophile et plus important chez lโHomme. Le complexe Pan2/3agit le premier pour une premiรจre phase de dรฉ-adรฉnylation rapide de 90 nuclรฉotides ร environ 65 chez la levure (Brown and Sachs, 1998; Yi et al., 2018) puis Ccr4/Pop2/Not est recrutรฉ dans une deuxiรจme phase (Tucker et al., 2002; Yi et al., 2018). On observe ensuite une pause lorsque la queue poly(A) est rรฉduite ร 10-12 bases (Decker and Parker, 1993).
2. Dรฉgradation 5โ vers 3โ : Aprรจs la pause de dรฉ-adรฉnylation ร 10-12 adรฉnines, le complexe Pat1/Lsm1-7 est recrutรฉ ร la place de Pab1. Cet รฉchange est probablement un signal permettant lโactivation de lโhydrolyse de la coiffe (Chowdhury et al., 2007; Tharun and Parker, 2001) et lโinitiation de la dรฉgradation du bout 5โ vers lโextrรฉmitรฉ 3โ. Lโhydrolyse de la coiffe peut รชtre aussi indรฉpendante de la dรฉ-adรฉnylation prรฉalable. Par exemple le transcrit RPS28B est dรฉgradรฉ rapidement par activation du dรฉcapping dans une voie dรฉpendante de la protรฉine Rps28 et du cofacteur de dรฉcapping Edc3 (Badis et al., 2004; He et al., 2014). Le complexe dโhydrolyse de la coiffe est composรฉ de deux protรฉines principales, Dcp1 et Dcp2. Dcp2 est la sous-unitรฉ catalytique (van Dijk et al., 2002) permettant le clivage de la coiffe libรฉrant le m7-Gpp de lโextrรฉmitรฉ 5โ-monophosphate du transcrit (She et al., 2006, 2008). Dcp1 interagit avec Dcp2 et promeut son activitรฉ (Deshmukh et al., 2008; She et al., 2004, 2008). Les 300 premiers nuclรฉotides de Dcp2 sont suffisants pour initier lโhydrolyse de la coiffe (Dunckley and Parker, 1999), cโest la rรฉgion conservรฉe entre les espรจces. Dcp1 et Dcp2 forment une holoenzyme rรฉgulรฉe par de multiple cofacteurs : Dhh1, Edc3, Pat1, Lsm1-7, Scd6, Sbp1, Mrt1-3 (Hatfield et al., 1996 pour Mrt1-3; He and Jacobson, 2015), Edc4 (Chang et al., 2014), etc. Ces cofacteurs sont impliquรฉs dans les diffรฉrentes รฉtapes permettant lโhydrolyse de la coiffe, le raccourcissement de la queue poly(A) รฉvoquรฉ prรฉcรฉdemment, lโinhibition de la traduction et le dรฉcrochage des facteurs dโinitiation de la traduction protรฉgeant la coiffe. Dhh1, par exemple, est un activateur de lโhydrolyse de la coiffe (Coller et al., 2001), il a un rรดle dโinhibition prรฉcoce de lโinitiation de la traduction qui permettrait dโaffaiblir les interactions entre la coiffe et les facteurs dโinitiation la rendant plus accessible ร Dcp1/Dcp2. Scd6 et Sbp1, en liant eIf4g (Figure 4A) auraient aussi un effet dโinhibition de la traduction favorisant lโaccรจs ร la coiffe (Nissan et al., 2010). Pat1, comme expliquรฉ prรฉcรฉdemment permet le recrutement de Dcp1/Dcp2 et Xrn1 au niveau des ARNs (Charenton et al., 2017 pour Dcp2/Pat1; Fromont-Racine et al., 2000; Ho et al., 2002; Krogan et al., 2006 pour Pat1/Xrn1; Tarassov et al., 2008; Tong et al., 2004) oรน la queue poly(A) est raccourcie. Il contribue aussi ร lโinhibition de la traduction (Nissan et al., 2010) et il active Dcp2. Lsm1-7 promeut lโactivation de Dcp2 par Pat1 et permet de protรฉger lโextrรฉmitรฉ 3โ de lโARN pendant la dรฉgradation par Xrn1. Edc3 interagit avec Dcp2, permet de lever son auto-inhibition (Harigaya et al., 2010; He and Jacobson, 2015) et il est prรฉsent dans la forme active de lโholoenzyme (Charenton et al., 2016). Chez la levure S. cerevisiae, Dcp2 a une longue extension C-terminale non conservรฉe chez les autres eucaryotes et non requise pour lโhydrolyse de la coiffe. Cette rรฉgion possรจde des domaines supplรฉmentaires dโinteractions pour plusieurs cofacteurs comme Pat1, Edc3 ou Upf1 (voir partie III.5. ยซ Upf1, facteur majeur du NMD ยป de lโintroduction) qui pourraient avoir un rรดle dans le choix de certains substrats particuliers. Le domaine C-terminal pourrait aussi avoir un rรดle dans des fonctions accessoires de Dcp2, comme son lien possible avec la transcription (Grouลกl et al., 2009; Shalem et al., 2011) chez la levure. Plusieurs รฉquipes ont tentรฉ de figer le complexe Dcp1/Dcp2 dans une forme active (Charenton et al., 2016; Mugridge et al., 2016; Valkov et al., 2017; Wurm et al., 2017), cela a abouti ร un mรฉcanisme dโactivation de Dcp1/Dcp2 par les cofacteurs Edc1 et Edc3 via la levรฉe de lโautoinhibition et la stabilisation du complexe Dcp1/Dcp2 sur les ARNs (Mugridge et al., 2018). Une fois la coiffe dรฉgradรฉe, le complexe dโhydrolyse de la coiffe laisse la place ร lโexonuclรฉase Xrn1 (Stevens, 1978). Xrn1 est lโexonuclรฉase cytoplasmique majeure, elle est processive, directionnelle et requiert une extrรฉmitรฉ 5โ-monophosphate libre (Stevens, 1980). Chez les mammifรจres, la coordination de lโhydrolyse de la coiffe et de la dรฉgradation pourrait รชtre organisรฉe au niveau de Edc4 (alias Hedls), protรฉine plateforme permettant lโinteraction de Dcp1/Dcp2 et de Xrn1 (Chang et al., 2014). La dรฉgradation de lโARN par Xrn1 est cotraductionnelle (Hu et al., 2009; Pelechano et al., 2015), elle suit les ribosomes.
3. Dรฉgradation 3โ vers 5โ : La deuxiรจme voie de dรฉgradation des ARNs est la voie de lโexosome. Lโexosome cytoplasmique de levure est composรฉ de dix sous-unitรฉs dont Rrp44 (Dis3) qui possรจde une activitรฉ exonuclรฉolytique et endonuclรฉolytique (Bousquet-Antonelli et al., 2000; Lebreton et al., 2008; Schaeffer et al., 2009; Schneider et al., 2009), et neuf autres protรฉines formant un tunnel permettant lโadressage de lโARN au niveau du site catalytique de Dis3 (Bonneau et al., 2009). Lโactivitรฉ endonuclรฉolytique pourrait ne pas รชtre requise pour lโactivitรฉ cytoplasmique de Dis3, dโailleurs, lโรฉquivalent mammifรจre Dis3L, uniquement cytoplasmique, nโa pas conservรฉ cette capacitรฉ (rรฉsumรฉ dans Zinder and Lima, 2017). Pour la dรฉgradation des ARNs cytoplasmiques, lโexosome requiert lโaide du complexe SKI. Ce complexe est composรฉ de Ski2, Ski3 et Ski8 et interagit avec lโexosome via Ski7, une protรฉine faisant le pont entre les deux complexes. Les protรฉines du complexe SKI forment aussi un canal permettant de diriger lโARN ร dรฉgrader vers lโexosome (Halbach et al., 2013). La protรฉine Ski2 est probablement une hรฉlicase ARN et elle pourrait permettre de dรฉrouler les structures de lโARN pour faciliter ensuite la dรฉgradation. Le recrutement de lโexosome a lieu au niveau des extrรฉmitรฉs 3โ non protรฉgรฉes ainsi que sur certains ARNs via la liaison de protรฉines sur des motifs spรฉcifiques (Chen et al., 2001), cependant les mรฉcanismes sont encore peu clairs.
4. Rรฉgulation des voies de dรฉgradation des ARNs : Les caractรฉristiques permettant dโorienter un ARN vers la voie 5โ vers 3โ ou la voie de lโexosome ne sont pas connues. Il semble que certains ARNs soient plus sensibles ร lโune ou lโautre des voies. Lโimportance des deux voies est aussi diffรฉrente en fonction des espรจces. Ainsi la levure utilise principalement la voie de dรฉcapping dรฉpendant de la dรฉ-adรฉnylation tandis que chez les plantes cโest la voie de lโexosome qui semble majoritaire. Pourquoi existe tโil de tel diffรฉrences ? Quels sont les รฉlรฉments impliquรฉs dans la rรฉgulation de ces mรฉcanismes ? La disponibilitรฉ des facteurs peut รชtre une explication pour le choix diffรฉrentiel des voies selon les espรจces ou lorsque des modifications de lโenvironnement affectent leur abondance. Par exemple, chez la levure, la dรฉgradation des ARNs a lieu principalement par la voie 5โ vers 3โ sauf si celle-ci est perturbรฉe (par exemple mutation dโune enzyme du dรฉcapping), dans ce cas, lโexosome cytoplasmique prend le relais. La dรฉgradation est aussi rรฉgulรฉe en cis via des รฉlรฉments de lโARN directement (Cheng et al., 2017). Un exemple dรฉjร รฉvoquรฉ est le recrutement des facteurs de la dรฉ-adรฉnylation via une interaction avec des protรฉines liant les 3โ-UTR. Par exemple, une รฉtude rรฉcente montre lโeffet activateur de la protรฉine Mmi1 sur la dรฉgradation dโun ARN de Schizosaccharomyces pombe (S. pombe). Mmi1 interagit avec une รฉpingle dโARN situรฉe dans le 3โ-UTR et accรฉlรจre le recrutement du complexe Ccr4/Pop2/Not (Stowell et al., 2016, 2018). Dans dโautres cas de rรฉgulation, le court-circuitage de la dรฉadรฉnylation par le dรฉcapping permet de dรฉgrader rapidement des ARNs spรฉcifiques (Badis et al., 2004; He et al., 2014). Le taux de dรฉgradation des ARNs est aussi influencรฉ par lโefficacitรฉ de la traduction en lien avec lโoptimisation des codons le long de la sรฉquence codante (Presnyak et al., 2015). De plus en plus dโarticles dรฉcrivent des liens entre lโusage des codons, lโefficacitรฉ de la traduction et la dรฉgradation des ARNs (Bazzini et al., 2016; Mishima and Tomari, 2016; Presnyak et al., 2015; Radhakrishnan and Green, 2016). Par exemple, une รฉtude propose un mรฉcanisme diffรฉrentiel des deux dรฉ-adรฉnylases Ccr4 et Pop2 dans le cas dโune demi-vie courte ou longue pour les ARNs (Webster et al., 2018). Cette รฉtude montre que la dรฉ-adรฉnylation des ARNs optimisรฉs pour lโusage de leur codon, traduit efficacement et possรฉdant plus de PABPs sur leur queue poly(A) (Beilharz and Preiss, 2007) utilise prรฉfรฉrentiellement la dรฉ-adรฉnylase Ccr4 alors que les ARNs non-optimisรฉs sont dรฉ-adรฉnylรฉs par Pop2. La diffรฉrence est que Ccr4 doit enlever au fur et ร mesure les PABPs ce qui ralenti sa progression et donc ralenti la dรฉgradation alors que Pop2, recrutรฉ sur des queues poly(A) pauvres en PABPs, permet une dรฉ-adรฉnylation rapide suivie de la dรฉgradation des ARNs (Figure 3).
Facteurs associรฉs au NMD
ย ย La reconnaissance des PTCs entraรฎne le recrutement au niveau des ARNs de facteur du NMD qui conduisent ร lโinhibition de la traduction et ร la dรฉgradation des transcrits (Muhlrad and Parker, 1999b). Les premiers facteurs du NMD ont รฉtรฉ identifiรฉs chez la levure S. cerevisiae dans des cribles gรฉnรฉtiques cherchant des conditions dans lesquels des codons Stop pouvaient รชtre traversรฉs par les ribosomes ร une plus grande frรฉquence (Culbertson et al., 1980). Les mutations upf (up-frameshift) identifiรฉes ont รฉtรฉ caractรฉrisรฉes plus tard et les gรจnes correspondant ont รฉtรฉ nommรฉs UPF1, UPF2 et UPF3 (Cui et al., 1995; Leeds et al., 1991, 1992). Six autres facteurs critiques pour le NMD ont รฉtรฉ identifiรฉs chez le ver Caenorhabditis elegans (C. elegans) dans des cribles de suppression de mutations variรฉes (Hodgkin et al., 1989). Les mutations suppressives smg (suppressors with morphogenic effect on genitalia) entraรฎnaient par ailleurs des malformations des appareils gรฉnitaux dโoรน leur nom. Ces mutations ont ensuite รฉtรฉ caractรฉrisรฉes et les gรจnes correspondant ont รฉtรฉ nommรฉs SMG1 ร 7 (Cali et al., 1999; Hodgkin et al., 1989; Pulak and Anderson, 1993). UPF1, UPF2 et UPF3 sont les seuls facteurs conservรฉs chez tous les eucaryotes y compris certains groupes trรจs anciens ; ils sont les facteurs cลur du NMD (Behm-Ansmant et al., 2007b; Chen et al., 2008; Culbertson and Leeds, 2003; Kadlec et al., 2006). Parmi les gรจnes SMGs, SMG2-3-4 sont respectivement les homologues dโUPF1-2-3 (Aronoff et al., 2001; Page et al., 1999). Les autres SMGs nโont pas dโรฉquivalent รฉvident chez la levure S. cerevisiae. Seul SMG7 pourrait avoir un orthologue nommรฉ EBS1 (Luke et al., 2007). Chez les mammifรจres, les facteurs impliquรฉs dans le NMD ont รฉtรฉ retrouvรฉs par analyse in silico, par homologie de sรฉquence avec les facteurs UPFs et/ou SMGs. Tous les SMGs ont des orthologues chez les mammifรจres (Applequist et al., 1997; Chiu et al., 2003; Denning et al., 2001; Lykke-Andersen et al., 2000; Mendell et al., 2000; Perlick et al., 1996; Yamashita et al., 2001). En outre, beaucoup dโautres gรจnes ont รฉtรฉ identifiรฉs comme ayant un rรดle dans le NMD, SMG8, SMG9, PNRC2, MOV10, NMD4, DBP2, DHX34, RUVBL1/2, GNL2, etc. (Casadio et al., 2015; Cho et al., 2009; Gregersen et al., 2014; He and Jacobson, 1995; Hug and Cรกceres, 2014; Izumi et al., 2010; Longman et al., 2013; Yamashita et al., 2009). Les rรดles de certains de ces facteurs dans le NMD seront dรฉtaillรฉs dans les paragraphes suivants, pour les autres leurs fonctions dans le NMD sont encore trรจs peu claires.
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Table des matiรจres
Introduction
I. Importance des contrรดles pour lโexpression des gรจnes
II. La dรฉgradation cytoplasmique des ARNs
1. Dรฉ-adรฉnylation
2. Dรฉgradation 5โ vers 3โ
3. Dรฉgradation 3โ vers 5โ
4. Rรฉgulation des voies de dรฉgradation des ARNs
III. Dรฉgradation des ARNs aberrants
1. Mรฉcanisme de la traduction
2. Contrรดles dรฉpendant de la traduction
3. Activation du NMD au niveau de ses substrats
4. Facteurs associรฉs au NMD
5. Upf1, facteur majeur du NMD
6. Upf2, plateforme pour des interactions protรฉiques
7. Upf3
8. Le cycle de phosphorylation dโUpf1
9. Le recrutement de Smg5, Smg6 et Smg7 dรฉclenche la dรฉgradation des ARNs
10. Modรจle EJC-dรฉpendant du NMD : SURF-DECID
11. Modรจle EJC-indรฉpendant du NMD
IV. Fonctions physiologiques et patho-physiologiques du NMD et de ses facteurs
Objectifs de la thรจse
Dรฉveloppement technologique
Analyse des donnรฉes de spectromรฉtrie de masse
Rรฉsultats
I. Recrutement dโUpf1 au niveau des ARNs cibles
1. Upf1 interagit avec les 3โ-UTR de centaines dโARNs
2. Les mutations du domaine hรฉlicase dโUpf1 nโaffectent pas ses interactions avec les autres partenaires
II. Complexes protรฉiques impliquรฉs dans le NMD et leur dynamique
1. Stratรฉgie utilisรฉe et introduction aux rรฉsultats
2. Article de thรจse
Abstract
Introduction
Results
Quantitative mass spectrometry reveals the global composition of Upf1 associated complexes
Upf1-associated proteins are grouped in two mutually exclusive complexes
The Upf1 cysteine-histidine rich N-terminal domain is an interaction ยซ hub ยป in vivo
Nmd4 and Ebs1 are tightly associated with Upf1-HD-Cter
Potential Smg5-6-7 homologs can be essential for NMD efficiency under limiting conditions
Detector forms by binding of a Upf2/Upf3 heterodimer to Upf1 in vivo
Binding of Effector to NMD substrates depends on Upf2
Discussion
Affinity purification strategies for NMD
Detector formation is both similar and distinct from SURF/DECID
The importance of the C-terminal Upf1 domain in yeast and mammalian NMD
A molecular switch around Upf1 for the Detector to Effector transition
Conclusion
Materials and Methods
Yeast and bacterial strains
Plasmids construction for yeast experiments
Plasmids construction for in vitro interaction studies
TAP affinity purifications
Mass spectrometry, sample preparation, acquisition and data analysis
Reverse transcription and quantitative PCR
NMD efficiency calculation
Polysome fractionation
Acknowledgments
Author Contributions
Conflict of interest
References
Expanded view Figure
Appendix Material and Methods
Appendix Figures
Appendix Tables
Discussion gรฉnรฉrale et perspectives
I. Rรฉsumรฉ des rรฉsultats
II. Discussion et perspectives
1. Ubr1 est associรฉ spรฉcifiquement ร Upf2
2. Le complexe CK2, responsable de la phosphorylation de Upf2 ?
3. Hrr25 fait partie de lโeffecteur
4. Plusieurs hypothรจses existent pour le switch
4.1. รchange des deux complexes ou รฉchanges des facteurs autour de Upf1 ?
4.2. Dimรฉrisation de Upf1
4.3. Rรดle de la phosphorylation dโUpf2
4.4. Ebs1 comme intermรฉdiaire entre le Dรฉtecteur et lโEffecteur
4.5. Perspectives pour une meilleure comprรฉhension du switch
5. Quelle est la fonction de lโEffecteur non fixรฉ aux ARNs ?
6. Lsm1-7 et Pat1 sont prรฉsents sur les mรชmes ARNs que Upf1
7. La question rรฉcurrente du lien entre les p-bodies et le NMD
8. Nmd4, rรฉgulateur de lโassociation dโUpf1 ร lโARN
Conclusion
Rรฉfรฉrences
Annexes
Liste des abrรฉviations
Table des Figures
Table des tableaux
Rรฉsumรฉ
Abstract
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