Fonctions et services écosystémiques

Fonctions et services écosystémiques

Le terme de « fonction » est ici utilisé dans le sens « d’utilité » ; il désigne les rôles que jouent les vers de terre dans l’agrosystème. Les services écosystémiques désignent les bénéfices que la société tire du fonctionnement des écosystèmes (Millenium Ecosystem Assessment, 2005) et plus précisément ici, les bénéfices tirés de la présence de lombriciens dans les écosystèmes cultivés. Dès la fin du XIXème siècle, Darwin (1881) évoquait l’importance des lombriciens dans la formation, la dynamique et la fertilité des sols.

La création de galeries

La création de galeries peut être une réponse des vers de terre à différentes contraintes telles que la teneur en nourriture et en eau, la température ou le degré d’oxygénation (Jégou et al., 2000). Les galeries des vers de terre augmentent la macroporosité du sol et, par conséquent, contribuent à son aération (Lavelle, 1997) et à l’infiltration de l’eau. Elles facilitent aussi la pénétration des racines (Photo 1.1.a) ainsi que les mouvement des invertébrés (Jégou et al., 2002). Une meilleure infiltration de l’eau peut minimiser le ruissellement, l’érosion et le transport d’éléments dissous dans l’eau de surface, ce qui réduit les risques de pollution des sols. Mais, à l’inverse, les galeries de vers de terre peuvent accélérer le transfert en profondeur des produits phytosanitaires vers les nappes phréatiques. Ce transfert rapide, qui s’opère par écoulement turbulent dans les galeries d’anéciques, ne laisse pas le temps aux microorganismes d’agir pour détoxifier ou dégrader un certain nombre de produits.

Par ailleurs, en creusant leurs galeries, les vers de terre mélangent les horizons du sol et enfouissent les résidus des cultures. Ce phénomène de bioturbation joue un rôle important dans la fragmentation et la minéralisation de la matière organique du sol. Cluzeau et al. (1987) ont montré que la diminution des activités lombriciennes dans le sol pouvait entraîner une forte perturbation du recyclage de la matière organique.

Un autre aspect de l’action positive des vers sur la composante physique du sol est celui de leur effet sur la stabilité structurale : en produisant des turricules (voir ci dessous), dont la stabilité structurale est plus élevée que celle des agrégats environnants, ils accroissent la résistance à la battance et à l’érosion.

Bioturbation et évolution de la matière organique 

L’alimentation et les rejets 

Aristote a dit des vers de terre qu’ils sont « les intestins de la Terre ». Les vers de terre sont omnivores (Edwards et Bohlen, 1996 ; Sims et Gerard, 1999) car, s’ils se nourrissent principalement des fragments de matériel végétal plus ou moins dégradés et incorporés dans le sol, ils ingèrent également des microorganismes vivants, des champignons, de la micro- et de la mésofaune vivante ou morte. On distingue deux régimes alimentaires chez les vers de terre : d’une part, les détritivores, qui se nourrissent de litière végétale et de racines mortes situés à la surface ou dans les horizons de surface, riches en matières organiques. Il s’agit principalement des anéciques et des épigés. D’autre part, les vers de terre géophages qui ingèrent de grandes quantités de sol au niveau des horizons plus profonds. Ce sont essentiellement des endogés. Perel (1977) distinguait ainsi les vers de terre qui « fabriquent » l’humus de ceux qui le consomment.

La production journalière de rejets varie fortement entre espèces. En régions tempérées, la quantité journalière de sol qui transite dans le tube digestif d’un ver varie entre 0.08 et 0.50 g de sol sec/g ver pour les anéciques et entre 0.07 et 0.80 g de sol sec/g ver pour les épigés. Les vers endogés tropicaux excrètent quant à eux entre 1 et 7 g/g/jour pour les adultes et jusqu’à 35 g/g/jour pour les juvéniles de Millsonia anomala (Lavelle et Spain, 2001).

Les activités alimentaires et de rejet des vers de terre affectent différemment la matière organique du sol en fonction de l’échelle de temps considérée puisqu’à court terme, l’activité des vers de terre favorise la minéralisation de la matière organique alors qu’à long terme, ils participent à la formation de l’humus et à la stabilité structurale. A court terme, les matières organiques (mortes ou vivantes) ingérées par les lombriciens sont dégradées et mélangées à la fraction minérale du sol durant le transit intestinal. Au cours de ce processus, dans lequel interviennent activement les microorganismes du tube digestif, les propriétés physiques et chimiques du sol sont modifiées. En excrétant les matières ingérées, les vers de terre modifient alors localement le sol. Les rejets sont enrichis en nutriments utilisables par les microorganismes et les plantes. La biomasse et l’activité microbienne sont ainsi localement favorisées (Tiunov et Scheu, 1999) car les rejets sont généralement plus riche en azote, en phosphore et en matières organiques humifiées que le sol environnant. Ainsi, Cluzeau et al. (1994) ont montré, dans le vignoble champenois, qu’une augmentation de la biomasse lombricienne entraînait une augmentation de la biomasse microbienne. Celle-ci favorise à son tour la minéralisation de la matière organique et la libération de nutriments. Le processus est donc amplifié, ce qui explique l’importance du rôle des vers de terre en tant que régulateurs des cycles biogéochimiques dans les sols cultivés (Tiunov et Scheu, 1999 ; Eriksen-Hamel et Whalen, 2007a).

La création de middens 

Certaines espèces de vers anéciques comme Lumbricus terrestris forment des amas au niveau de l’orifice de leur galerie, à la surface du sol. Ces structures, appelées middens (Hamilton et Sillman, 1989) sont constitués de débris organiques plus ou moins enfouis à l’entrée des galeries et mélangés avec des turricules déposés à la surface (Figure 1.2.). Les conditions de température et d’humidité régnant au sein de ces petits monticules entraînent un développement des activités microbiennes qui utilisent le substrat des composés facilement assimilables contenus dans les. déjections des lombriciens et les fragments organiques (Cluzeau et al., 2005). Ces fragments organiques, partiellement dégradés, sont ensuite consommés par le ver occupant la galerie et progressivement enfouis au sein du profil.

Interaction avec d’autres organismes 

Les vers de terre ont également d’autres rôles, moins étudiés mais tout aussi importants, dont on commence seulement à prendre conscience. Ils participent à la libération de substances (vitamines, protéines) qui stimulent la croissance des plantes (Edwards et Bohlen, 1996). L’origine de ces substances, produites indirectement par les microorganismes associés au tube digestif des vers de terre ou à leurs structures (turricules, galeries), n’est pas encore complètement connue et il semble que cet effet soit spécifique aux espèces de plantes et de vers de terre étudiées (Cluzeau et al., 2005). Par ailleurs, Scheu (2003) rapporte plusieurs études montrant un effet direct des populations de vers de terre sur la croissance, la composition des communautés de plantes ainsi que sur la susceptibilité des plantes aux herbivores. Cependant, il précise qu’il n’y a pas d’information suffisante pour renseigner les mécanismes impliqués. Les vers de terre peuvent également, en levant les dormances de certaines graines, permettre leur germination et contribuer à la dissémination des espèces végétales concernées. Par ailleurs, ils participent à la dispersion de propagules de mycorhizes et contribuent ainsi au bon fonctionnement de la rhizosphère. Hutchinson et Kamel (1956) ont montré que L. terrestris participait à la dispersion des spores de champignons du sol. De plus, une étude récente a montré qu’ils pouvaient affecter les populations de nématodes phytoparasites (Blouin et al., 2005) ; les auteurs font l’hypothèse que la présence de vers de terre Millsonia anomala stimule l’expression de trois gènes de réponse au stress qui induisent une tolérance de la plante aux nématodes. D’autres auteurs avancent l’idée d’un effet direct des vers sur les nématodes eux-mêmes, dont la viabilité serait affectée par le transit dans le tube digestif. On trouve également dans la littérature la description d’un effet indirect sur les nématodes passant par des modifications de la structure du sol, du régime hydrique et du recyclage des nutriments au sein de l’agrosystème, phénomènes qui défavoriserait les populations de nématodes et/ou rendrait la plante plus tolérante (Cluzeau et al., 2005). Enfin, les vers de terre servent de ressource alimentaire à bon nombre d’organismes carnivores et insectivores, de la taupe à la chouette en passant par les hérissons, les mouettes, les renards et certains coléoptères prédateurs (Sims et Gerard, 1999). Leur présence (ou leur absence) affecte ainsi la biodiversité à de nombreux niveaux trophiques, allant des microorganismes aux mammifères.

Toutefois, pour être complet dans ce tableau de la description des rôles des vers de terre au sein de l’agrosystème, il faut signaler que, dans certains cas, ils peuvent avoir un effet néfaste. C’est le cas, par exemple, des « espèces compactantes », qui influencent négativement la structure du sol en formant une croûte superficielle en surface (Blanchart et al., 1999). Il faut cependant souligner que cet effet, observé au Brésil, a été induit par un déséquilibre de la communauté lombricienne ayant entraîné l’explosion démographique d’une espèce dont les rejets se sont accumulés à la surface du sol, entraînant la fermeture de celle-ci. Un autre exemple est donné par la contribution des lombriciens à la dispersion les populations de pathogènes et de nématodes phytoparasites (Brown et al., 1999) qui peuvent endommager les racines. Enfin, quelques auteurs ont observé que les Lumbricidés de zone tempérée ingéraient parfois des racines vivantes. Cependant, aucun effet net sur la croissance n’a été relevée (Cluzeau et al., 2005) et Brown et al. (1999) ont montré que les racines ne représentaient qu’une infime partie des contenus intestinaux d’une trentaine d’espèces de vers.

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Table des matières

INTRODUCTION
Chapitre 1 – Introduction générale et problématique
1. Fonctions et services écosystémiques
1.1. La création de galeries
1.2. Bioturbation et évolution de la matière organique
1.2.1. L’alimentation et les rejets
1.2.2. La création de middens
1.3. Interaction avec d’autres organismes
2. Effet des pratiques agricoles sur la démographie des populations lombriciennes
2.1. Effets défavorables aux vers de terre
2.1.1. Diminution de la ressource en carbone
2.1.2. Travail du sol, pesticides et tassement
2.1.2.1. Le labour
2.1.2.2. L’utilisation de pesticides
2.1.2.3. Le tassement du sol
2.2. Effets favorables aux vers de terre
3. Biologie et dynamique des populations de lombriciens
3.1. Le cycle de vie
3.2. Les facteurs du milieu influençant le cycle de vie
3.2.1. La température et l’humidité du sol
3.2.2. La matière organique
3.2.3. Le pH et le type de sol
4. Démarche de la thèse
Chapitre 2 –Méthode de prélèvement des communautés lombriciennes
1. Introduction
2. Materials and methods
2.1. Sites and cropping systems
2.2. Experimental design and earthworm sampling methods
2.3. Chemicals
2.4. Statistical analysis
3. Results
3.1. Species and age class composition of the earthworm community
3.2. Comparison of expellant effect in the simple method
3.3. Comparison of expellant effect in the combined method
4. Discussion
Chapitre 3 – WORMDYN : Un modèle de dynamique de la population de Lumbricus terrestris en champ cultivé
1. Introduction
2. Materials and methods
2.1. The WORMDYN model
2.2. Parameter values
2.2.1. Boundaries of the environmental condition classes
2.2.2. Lefkovitch Matrix parameters
2.2.2.1. Survival (CC1) and hatching (CJ1) of cocoons
2.2.2.2. Juvenile survival (JJ1) and development to sub-adults (JS1)
2.2.2.3. Sub-adult survival (SS1) and development to adults (SA1)
2.2.2.4. Adult survival (AA1)
2.2.2.5. Fecundity (AC1)
2.3. Assessment of the model predictions
2.3.1. Data
2.3.2. Model predictions
2.4. Sensitivity analysis principle
3. Results and discussion
3.1. Model predictions
3.2. Sensitivity analysis
4. Conclusion
Chapitre 4 : Etude de l’impact de systèmes de culture sur les communautés lombriciennes ; analyse du comportement de WORMDYN
1. Structure de la communauté de vers de terre en systèmes conventionnel, biologique et sous couvert végétal vivant permanent. Évaluation pendant trois ans dans un essai de longue durée.
1.1. Introduction
1.2. Materials and methods
1.2.1. Site and cropping systems
1.2.2. Earthworm sampling method
1.2.3. Statistical analysis
1.3. Results and discussion
1.3.1. Earthworm species
1.3.2. Year sampling effect
1.3.3. Cropping system effect
1.3.3.1. Diversity
1.3.3.2. Density and biomass
1.4. Conclusion
CONCLUSION

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