Les grandes avancées technologiques en matière de machines de calcul de plus en plus puissantes ainsi que le développement de méthodes théoriques dans le domaine de la physique des solides permettent l’investigation, l’explication et la prédiction des propriétés physiques de nouveaux dispositifs à base de semiconducteurs. Les méthodes théoriques existantes peuvent être séparées en deux groupes. D’une part les méthodes ab initio qui consistent à résoudre directement l’équation de Schrödinger. En réalité une partie de l’Hamiltonien est approximée et tenir compte des effets de corrélation est très coûteux en terme d’effort computationnel (actuellement la méthode est limité à quelques milliers d’atomes), ce qui rend impossible l’étude de nanostructures telles que les boîtes quantiques qui en contiennent quelques millions. D’autre part, il y a les méthodes empiriques parmi lesquelles on peut distinguer les méthodes non-atomistiques, la méthode k · p [1] et la méthode des pseudopotentiels empiriques [2]. La théorie k · p a été très largement utilisée dans le contexte de la physique des puits quantiques de semiconducteurs. Elle reste extrêmement populaire, en partie à cause de sa capacité explicative. Elle souffre cependant de deux insuffisances qui sont problématiques dans la limite des nanostructures : elle néglige le détail, et en particulier les symétries à l’échelle de la liaison chimique, d’une part, et sa validité quantitative est limitée à des vecteurs d’onde de l’ordre de un dixième de la zone de Brillouin. Et les méthodes atomistiques, telle que la méthode des liaisons fortes initialement proposée par Slater et Koster [3] et la méthode des pseudopotentiels atomistiques développée par Mader et Zunger [4].
Dans ce mémoire, nous nous concentrerons sur la méthode des liaisons fortes. Déclinée dans le cadre du modèle à base étendue sp3d5 s∗ , elle représente l’état de l’art de calcul des propriétés électroniques et optiques des matériaux semiconducteurs [5]. En effet, jusqu’à 10eV au dessus du niveau de Fermi, les résultats obtenus donnent la meilleure correspondance avec l’expérience en termes de niveaux d’énergie, de dispersion des bandes, de moments dipolaires, de splitting de spin et de potentiels de déformation. Cependant, cette méthode ne permet pas de décrire les fonctions d’onde mono-électroniques puisque la forme spatiale des fonctions de base n’est pas connue. Ces fonctions d’onde représentent un ingrédient essentiel dans le calcul des interactions d’échange qui joue un rôle important dans la détermination des propriétés optiques des nanostructures à base de semiconducteurs.
La méthode des liaisons fortes
Parmi les méthodes théoriques les plus utilisées dans la modélisation des matériaux à l’échelle nanométrique, on trouve la méthode des liaisons fortes, proposée en 1954 par Slater et Koster[3]. Plusieurs implémentations permettant des calculs numériques des propriétés électroniques et optiques en ont découlé. Nous présentons dans un premier temps cette méthode ainsi que son évolution au cours des années tout en comparant ses avantages et ses limites avec ceux des méthodes pseudopotentiels et ab initio. Le but de ce chapitre introductif étant principalement pédagogique, nous nous bornerons à l’approximation négligeant le couplage spin-orbite.
Formalisme
L’idée de base de la méthode des liaisons fortes découle de la méthode des orbitales moléculaires de Hückel (HMO) qui permet de décrire la formation d’orbitales moléculaires ainsi que leurs énergies[8, 9, 10, 11]. Afin de comprendre cette approche, considérons un modèle simple constitué de deux atomes identiques placés l’un à coté de l’autre sur l’axe Oz. Lorsque les deux atomes sont suffisament proches pour que leurs orbitales se recouvrent, ils forment une molécule diatomique. L’interaction entre les deux orbitales atomiques donne deux nouvelles orbitales moléculaires, l’une symétrique par rapport à la permutation des deux atomes, appelée orbitale liante, la deuxième antisymétrique, appelée orbitale anti-liante (Fig1.1). Lorsque les orbitales atomiques considérées sont de symétrie p, il existe deux manières de recouvrement : si elles se recouvrent selon leur axe, elles forment une liaison σ , si elles se recouvrent perpendiculairement à leur axe, elles forment une liaisons π (Fig1.2). La méthode de Hückel permet aussi de déterminer les énergies des orbitales moléculaires.
Hamiltonian en liaisons fortes
Afin d’exprimer l’Hamiltonien des liaisons fortes d’un cristal, nous allons d’abord définir quelques notations. La position d’un atome l situé dans la cellule primitive j sera décomposée en rjl = Rj + rl où Rj représente la position de la jème cellule primitive. Soit hl(r − rjl) l’Hamiltonien de l’atome isolé situé à rjl, l’équation de Schrödinger correspondant à ce système s’écrit :
hlφml(r − rjl) = Emlφml(r − rjl)
Où Eml et φml(r − rjl) sont le niveau d’énergie et la fonction d’onde de l’état atomique indexé par m. Il s’ensuit que l’Hamiltonien H du cristal est la somme des Hamiltoniens atomiques et d’un terme Hint décrivant l’interaction entre les différents atomes. Dans ce qui suit, nous considérons que le dernier terme est assez faible pour qu’il soit traité par une méthode perturbative.
Approximation à deux centres
En remplaçant l’Hamiltonien H de l’équation 1.9 par l’expression 1.4, nous obtenons que l’élément de matrice Hml,m’l’ est une combinaison linéaire de potentiels d’interaction hφi(r−ri)|hk(r−rk)|φj (r−rj )i où les indices i, j et k représentent des atomes du cristal. Nous allons distinguer trois types différents de potentiels d’interaction : le premier cas est celui où i ≠ k, k ≠ j et i ≠ j, ce sont les potentiels à trois centres puisques les deux orbitales atomiques φi et φj et l’hamiltonien atomique hk sont centrés sur trois atomes différents. Le deuxième type correspond à i = j ≠ k, les deux orbitales atomiques appartiennent au même atome alors que l’hamiltonien est centré sur un autre atome. Le troisième et dernier type de potentiel d’interaction correspond à i = k ≠ j ou i ≠ k = j, dans ce cas l’hamiltonien atomique et une des orbitales sont centrés sur un même atome alors que la deuxième orbitale est centrée sur un atome différent. Le deuxième et le troisième type de potentiels sont appelés potentiels à deux centres. Dans l’approximation à deux centres, on ne garde que le troisième type de terme (i.e. les termes où i = k ≠ j ou i ≠ k = j), et on néglige les autres termes. Cette approximation ne découle pas du fait que les termes négligés sont plus petits que les autres. Les termes à trois centres décroissent en fonction de la distance interatomique, plus rapidement que les termes à deux centres, mais à faible distance, ils ont le même ordre de grandeur. En considérant uniquement les termes à deux centres, nous avons un nombre suffisant de paramètres ajustables qui permet de tenir compte des symétries du cristal. D’autre part, les termes où i = j ≠ k n’agissent que sur les états atomiques, et ne font que modifier les énergies sur site Elm. Comme celles ci sont aussi considérées comme des paramètres ajustables, les termes d’interaction sont naturellement pris en compte par une « renormalisation » des énergies sur site.
Structure blende de zinc
Avant de présenter un calcul complet fait par la méthode des liaisons fortes, il convient tout d’abord de présenter la structure cristalline des matériaux que nous allons considérer dans la suite. Dans la suite de ce travail, nous allons présenter les résultats de calcul en liaisons fortes des propriétés électroniques et optiques de semiconducteurs de type III-V et II-VI. Tous ces semiconducteurs ont la structure de la blende de zinc (ZnS). Dans cette structure le motif est constitué de deux atomes : un atome de zinc Zn et un atome de Soufre S (Fig1.4). le réseau cristallin associé à cette structure est un réseau cubic à faces centrées (c.f.c).
La méthode des liaisons fortes représente une des méthodes théoriques les plus simple à mettre en œuvre : elle est très intuitive et n’est pas coûteuse d’un point de vue computationnel. Cependant, les bases minimales sp3 et sp3 s∗ sont insuffisantes pour décrire correctement les états de conduction. Les solutions proposées pendant les années 90 étaient ; soit garder une base minimale et tenir compte des interactions avec les seconds, voire même les troisièmes voisins. Ou ne tenir compte que des interactions entre premiers proches voisins et augmenter la taille de la base.
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Table des matières
Introduction
1 La méthode des liaisons fortes
1.1 Formalisme
1.1.1 Hamiltonian en liaisons fortes
1.1.2 Approximation à deux centres
1.1.3 Structure blende de zinc
1.2 Les différentes bases
1.2.1 Modèle sp3
1.2.2 Modèle sp3s*
1.3 Conclusion
2 Le modèle sp3d5 s∗ et sa paramétrisation
2.1 Description du modèle
2.2 Propriétés optiques
2.2.1 Champ électro-magnétique en liaisons fortes
2.2.2 Limite du cristal dilué et invariance de jauge
2.2.3 Fonction diélectrique
2.3 Conclusion
3 Les fonctions de base
3.1 Définition du problème
3.2 Choix des orbitales de Slater
3.3 Calcul du recouvrement entre orbitales de Slater
3.4 Calcul du moment dipolaire entre orbitales de Slater
3.5 Orbitales de Löwdin
3.6 Conclusion
4 Modélisation des fonctions de Bloch à partir de différents modèles théoriques
4.1 Méthode des Pseudo-potentiels empiriques
4.2 Méthode Ab initio
4.2.1 Théorie de la fonctionnelle de la densité
4.2.2 L’approximation de la densité locale (LDA)
4.2.3 L’approximation GW
4.3 Méthode des liaisons fortes
4.3.1 Optimisation : Algorithme génétique
4.3.2 Invariance de jauge
4.3.3 Moments dipolaires et fonctions d’onde
4.4 Conclusion
5 Effets excitoniques
5.1 Théorie générale de l’exciton
5.2 Interactions électron-trou en liaisons fortes
5.3 Calcul des éléments de matrice de Coulomb dans une base d’orbitales de Slater
5.4 Structure fine de l’exciton
5.4.1 Exciton Γ6 × Γ7
5.4.2 Exciton Γ6 × Γ8
5.5 Conclusion
Conclusion
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