Transformation en ondelettes
Les chapîtres précédents, qui peuvent avoir leur propre intérêt tels quels, ont été pensés avec une finalité en tête : la transformation en ondelettes (continue). Ils présentent des outils ou des résultats dont on se servira ici. Précisons d’abord qu’on la considère comme une transformation temps– fréquence, c’est-à-dire qu’elle transforme des signaux temporels, et donc que l’intégration se fera sur une unique dimension pour obtenir une transformée à deux variables : l’échelle a positive et la translation b réelle. On exclut toute transformation dans le plan, etc. On évacue aussi la question du bruit dans le signal et on traitera uniquement des signaux « propres » ; la linéarité de la transformation n’empêche pas un travail ultérieur sur des signaux bruités – si le bruit est additif, évidemment. La question des effets de bord n’est pas non plus abordée ; s’il faut y faire attention, on se reportera par exemple à [Le et Argoul, 2004], en remarquant que la prise en compte est toutefois relativement inadaptée quand les intégrandes mises en jeu sont non bornées. Les considérations numériques (échantillonnage, méthodes de calcul et de recherche d’arêtes etc.) ne sont pas non plus traitées. Ensuite, on a choisi de la définir comme une série de filtres qui agiront par simple multiplication dans le domaine fréquentiel. Ceci a deux principales conséquences : 1) l’ondelette dilatée dans le domaine temporel sera normée par un facteur 1/a, là où il est parfois pris égal à 1/ √a ; 2) là où apparaît usuellement le conjugué complexe de l’ondelette dans le domaine temporel, on aura un retournement. L’intéret de cette définition est : 1) un maximum d’amplitude selon a correspond effectivement à un pic de réponse du filtre (en tout cas pour un signal harmonique) ; 2) une forme de simplicité (si conjugué il y a, il se retrouvera dans l’évaluation de la transformée, ce qui a peu d’intéret). Si le choix du facteur 1/a n’est pas inhabituel (c’est par exemple celui de Torrésani [1995]), celui du retournement l’est. On suppose que le rôle important du produit hermitien dans L2 y est pour beaucoup. Par ailleurs, on travaillera principalement avec des ondelettes progressives, donc complexes, même si certains des résultats présentés n’y sont pas spécifiques. Les signaux d’entrées étant habituellement réels, ne travailler qu’avec la composante progressive permet de définir des arêtes de manière plus évidente puisque l’amplitude de la transformée est découplé des variations de la phase du signal – du moins en un sens. Ces notions de phase et d’amplitude sont par ailleurs utiles pour le calcul de déformées modales. La notion d’arête à laquelle on fera appel n’est pas véritablement développée dans le texte, on en donnera simplement deux définitions courantes d’usage immédiat : 1) les maxima d’amplitude selon l’échelle ; 2) la coïncidence entre la fréquence instantanée (réelle) de la transformée et la fréquence pic du filtre. Il peut y en avoir d’autres, par exemple Torrésani [1995] semble plutôt recourir à la coïncidence entre la fréquence instantanée de la transformée et la fréquence de l’ondelette dans le domaine temporel (cette définition est cohérente avec l’évaluation de la transformée par la méthode de la phase stationaire, que nous n’utiliserons pas). On donnera une évaluation littérale puis approchée de la transformation en ondelettes de signaux asymptotiques par le biais de résultats établis précédemment. En se limitant aux ondelettes de Cauchy, on donnera quelques résultats sur les arêtes faiblement perturbées de ces signaux. On en tirera aussi des résultats sur la séparation de la somme de deux signaux asymptotiques, qu’on a testés numériquement (en se limitant au cas de signaux harmoniques).
Sur une maquette en béton armé
On inclut un article associé à une communication dans un congrès : Vacca et al. [2018]. On précise que c’est une application antérieure à tout ce qui précède. Dans l’article, on « montre » 1 que la variation d’énergie est approchée par la somme de deux contributions correspondant à la variation relative d’amplitude de déplacement et la variation relative de fréquence réelle. On a procédé différemment dans le chapitre 5, en définissant directement et différemment la grandeur énergie. La variation relative d’énergie est bien la somme de deux contributions, dont la première reste la variation relative d’amplitude de déplacement mais dont la seconde est la variation relative du module de la fréquence complexe, pas de sa partie réelle. Cette modification change faiblement la variation de l’énergie dans l’article qui suit . Résumé adapté On s’intéresse à la réponse expérimentale d’une maquette en béton armé supportant trois chocs mous successifs, et sur laquelle ont été disposés des capteurs de déplacement et des accéléromètres. Observations expérimentales Par l’extraction des arêtes associées au premier mode de la structure, on a mis en évidence quatre tendances :
— Une chute de fréquence irréversible après chaque impact.
— Une chute de fréquence réversible corrélée à l’amplitude modale, même faible : il y a une restauration de la rigidité au cours de l’amortissement de la réponse modale.
— La dissipation est plus basse à faible et forte amplitude qu’autour d’une amplitude intermédiaire.
— Le maximum de dissipation autour de cette amplitude intermédiaire augmente après chaque impact.
La chute de fréquence irréversible est connue sous le nom d’endommagement, mais les autres phénomènes sont plus rarement décrits, expliqués ou modélisés, en particulier dans le cas de réponses dynamiques transitoires. Orienté par la littérature disponible, ce comportement a pu être reproduit par un modèle rhéologique avec endommagement et friction, que l’on peut imaginer représenter la friction au niveau des fissures. Observations méthodologiques On a pu identifier convenablement un mode par sa fréquence, son amortissement et sa déformée modale. On a pu confirmer que l’on parlait bien du même mode au cours des tirs successifs par l’identification de la déformée modale. Le caractère « instantané » de l’identification permet de mettre en évidence des comportements non-stationnaires lents, c’est-à-dire faiblement variables à l’échelle d’une période, en particulier à travers la variation des paramètres modaux selon l’amplitude modale, procédure présentée par exemple dans [Staszewski, 2000]. On a vu l’intérêt de tenir compte de la contribution de la variation de fréquence dans la variation d’énergie, qui rend comparables les variations d’énergie issues de déplacements et d’accélérations.
Conclusion
On peut résumer les grandes lignes du travail avec quelques notions. Forme bilinéaire et Dirac complexe On a introduit le produit « de Fourier », essentiellement défini par hu|vi =Ru v, dont toutes les caractéristiques sont celles que l’on peut déduire de la transformation de Fourier. C’est un formalisme commode car les propriétés de la transformation de Fourier ont une forme algébrique et symétrique. La transformation en ondelettes prend une forme simple où les objets en jeu sont ceux qui apparaissent explicitement dans la transformée d’un signal harmonique. On a évacué la question de convergence de l’intégrale et on l’a remplacée par la question de l’analyticité d’une fonction sur un domaine déterminé. On en a extrait une notion d’extension « naturelle » dans le plan complexe d’une fonction définie sur les réels, ainsi qu’une définition du Dirac d’argument complexe, qui agit comme un prolongement analytique compatible avec la transformée de Fourier. Son support conique n’est réduit à un point que pour un argument réel. Distance relative et intégrale floue On a introduit une distance relative, indépendante de la nature physique des signaux. C’est à partir de cette distance qu’on a « flouté » l’espace des signaux, en considérant que deux signaux proches sont indistincts. On a pris cette indistinction au sérieux en considérant que deux signaux indistincts sont d’intégrales indistinctes. Signaux asymptotiques et spectre complexe Les signaux asymptotiques sont essentiellement définis à partir d’un unique paramètre portant sur la variation relative de fréquence par période. Ce paramètre permet d’affirmer qu’ils sont localement harmoniques, et possèdent une des caractéristiques intégrales des signaux harmoniques : ils sont (presque) d’intégrale nulle. On a défini une notion de spectre complexe, qui se trouve être la réunion des cônes verticaux centrés sur la fréquence instantanée du signal. Somme mélangée La somme de deux signaux peut être caractérisée par son paramètre asymptotique. En fixant un seuil (supposément petit), on distingue une somme asymptotique – le signal somme est lui-même asymptotique – d’une somme non asymptotique – le signal somme est « incohérent » et sujet à des interférences. Cette approche ne tranche pas clairement la nature du mélange, elle en donne plutôt une grandeur caractéristique et significative. Mélange séparé Un mélange peut être séparé par l’extraction d’arêtes selon des critères qui portent sur les distances relative de fréquences et d’amplitudes des signaux sources. Pour une ondelette mère de Cauchy, on a pu entièrement caractériser les situations (aucune, une ou deux arêtes, etc.) selon les paramètres ∆f/f et ∆A/A dans le cas de deux signaux harmoniques superposés. On imagine aisément que ce raisonnement est valable quelle que soit l’ondelette mère : les frontières entre les situations ne sont pas exactement les mêmes, mais ont globalement la même allure. À nouveau, cette approche ne tranche pas nettement les cas, il y a toujours des seuils à fixer. Fréquence identifiée L’enveloppe du signal à transformer décale le centre effectif de l’ondelette vers les instants de plus forte amplitude ; la fréquence identifiée est alors décalée d’autant. Énergie par l’arête On a défini l’énergie directement par les caractéristiques des arêtes d’un signal, en prenant pour modèle le cas linéaire. On a mis en évidence que la variation d’énergie dépend non seulement de la variation d’amplitude, mais aussi de la variation de fréquence. La forme bilinéaire, le Dirac complexe et ce qui en découle, sont des outils d’usage assez général. La construction axiomatique en rend les fondations relativement solides, ou du moins transparentes. La distance entre signaux est une notion simple, elle ne pose pas de problème particulier. L’indistinction de signaux proches est par contre plus délicate car elle introduit une non-transitivité, et l’étape la plus risquée est la transmission de cette indistinction à l’intégrale. Les seuls arguments allant en ce sens sont l’intuition du « suffisamment petit pour être négligeable » et l’irréfutabilité de cette hypothèse lorsque les signaux considérés ne sont pas absolument intégrables. Tout ce qu’on a dit des signaux asymptotiques a la solidité que l’on voudra bien attribuer aux deux premiers chapitres, qui en sont à l’origine. Il en est de même du chapitre sur les ondelettes, qui est surtout un travail d’approximations successives, assis sur les chapitres qui le précèdent. La proposition de définition « arbitraire » de l’énergie en copiant le modèle linéaire n’a d’autres vertus que d’être exacte dans le cas linéaire (au biais d’identification près) et simple. On peut travailler sur un modèle presque harmonique dont les paramètres varient lentement, mais il y a toujours une part d’arbitraire dans la définition de son énergie potentielle. Pour chaque composant, l’approche retenue suppose en particulier que l’énergie potentielle est nulle quand l’énergie cinétique est maximale, c’est-à-dire à un pic d’oscillation de la vitesse.
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Table des matières
Introduction
Notations, conventions
1 Forme bilinéaire
1.1 Axiomes
1.2 Propriétés
1.3 Fonctions analytiques
1.3.1 Prolongement analytique
1.3.2 Le développement en série
1.4 Lien avec l’intégrale
1.4.1 Transformation de Fourier
1.4.2 Intégrale
1.4.3 Retour à la forme bilinéaire
1.4.4 Notions usuelles
1.5 Transformée en ondelettes d’une exponentielle complexe
2 L’épaisseur du trait
2.1 Distances relatives
2.1.1 Distance logarithmique
2.1.2 Erreur relative
2.2 Du presque au même
2.3 Opérer sur un ensemble flou
2.3.1 L’intégrale et sa continuité
2.4 Flou de modulation et flou de convolution
3 Signaux asymptotiques
3.1 Définition
3.2 Propriété intégrale
3.3 Propriétés locales
3.3.1 Harmonicité locale ou le premier ordre
3.3.2 Flou temporel ou l’ordre zéro
3.3.3 La gaussienne ou le second ordre
3.3.4 Rayon de convergence
3.4 Support de la transformée de Fourier d’un signal asymptotique
3.5 Stabilité par multiplication
3.6 Somme mélangée
4 Transformation en ondelettes
4.1 Définition
4.2 Transformation en ondelettes et signaux asymptotiques
4.2.1 Approche sérielle exacte
4.2.2 Approche floue au second ordre
4.2.3 Approche floue au premier ordre
4.3 Ondelette mère progressive et signaux réels
4.4 Ondelettes de Cauchy
4.4.1 Ondelettes de Morse
4.4.2 Ondelettes de Cauchy
4.4.3 Approche au premier ordre
4.4.4 Approche au second ordre
4.4.5 Approche sérielle
4.4.6 Arête d’un signal asymptotique
4.4.6.1 Signal modulé en fréquence
4.4.6.2 Signal modulé en amortissement
4.4.6.3 Perturbation de l’amortissement évalué
4.4.7 Mélange séparé
5 Énergie d’un système oscillant inconnu
5.1 Attribution d’une énergie
5.2 Variation
6 Mise en pratique
6.1 Sur une maquette en béton armé
6.2 Sur un mur de briques
Conclusion
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