FONCTIONNEMENT HYDRODYNAMIQUE DE LA NAPPE ALLUVIALE D’AVIGNON

Le Rhône

    Le Rhône borde la ville d’Avignon à l’ouest. La Compagnie Nationale du Rhône qui a assuré l’aménagement de la vallée du Rhône a réalisé dans la région avignonnaise deux barragesusines (Sauveterre et Avignon, 1973). Le cours principal du Rhône a été dragué et recalibré, et le bras de Villeneuve court-circuité par un canal de dérivation entre le barrage de Sauveterre et Villeneuve-lès-Avignon. Pour éviter une remontée trop importante de la nappe suite à l’élévation de cote du niveau du Rhône par effet des barrages, la Compagnie National du Rhône a réalisé un réseau de contrecanaux de drainage en bordure du Rhône et sur la partie aval de la Durance près de la confluence avec le Rhône. Désormais, ils sont les intermédiaires entre la nappe et le Rhône, alors que la relation était directe avant les travaux.

Réseau de canaux agricoles

   Le système d’irrigation gravitaire utilise les différences de cotes altimétriques pour déplacer l’eau d’un point à un autre point situé plus en aval. Pour acheminer cette eau aux parcelles, le réseau dispose :
– D’une prise dont le rôle est de prélever et de quantifier la ressource nécessaire à l’irrigation.
– D’un canal maître dont le tracé dépend essentiellement de la topographie et qui détermine par son altitude le périmètre irrigable. Constitué dans sa partie amont d’une tête morte qui transporte l’eau de la prise jusqu’au périmètre irrigable, le canal maître dessert soit directement les parcelles soit des filioles.
– Des filioles ou canaux secondaires qui sont raccordés au canal primaire grâce à des vannes qui permettent de réguler leur débit. Ces filioles quadrillent la zone et assurent la desserte en eau de la quasi-totalité des parcelles. La plaine d’Avignon possède trois canaux d’irrigation principaux situés en rive droite de la Durance (Figure 7) :
– Le Canal Crillon
– Le Canal de l’Hôpital-Durançole
– Le Canal Puy
Ces canaux permettent d’alimenter en eau les terrains agricoles de manière gravitaire, il s’agit d’inonder la parcelle avec une lame d’eau de quelques centimètres à partir d’un seul point d’alimentation. La prise d’eau de ces trois canaux s’effectue au niveau du barrage EDF de Bonpas. Contrairement à une prise au fil de l’eau, la mise en place d’un barrage permet de garder le niveau de l’eau stable face aux variations hydrographique, ainsi les débits entrants sont bien connus et contrôlés. Deux partiteurs permettent ensuite de répartir l’eau dans trois canaux :
– Le partiteur en aval de Bonpas permet de séparer les eaux du canal Crillon et du canal de l’Amené.
– Le partiteur de Chatebrun divise les eaux du canal de l’Amené pour former les canaux de Puy et de l’Hôpital-Durançole. Ces partiteurs sont équipés de modules à masques qui permettent de réguler les débits entrants dans chaque canal. Seule l’entrée du canal Crillon est équipée d’un système de martelières. L’utilisation de modules à masques permet a priori de connaître de manière plus précise la quantité d’eau par rapport à un système de martelières. Il s’agit d’un fonctionnement au « tout ou rien » et non pas lié à un nombre de tours de manivelle.

Pliocène marin (Plaisancien)

   Les dépôts du Pliocène marin existent dans la vallée du Rhône jusqu’à Vienne ; ils affleurent dans la région de l’étang de Pujaut et existent certainement au voisinage de l’axe de la vallée sous les alluvions. La cote maximale atteinte par les dépôts est de 180 m environ, puis la mer s’est retirée. De cette régression dateraient les sables et argiles à Potamides affleurant localement dans la colline de Sorgues (Astien).

Quaternaire

Hautes terrasses Elles correspondent aux dépôts de cailloutis recouvrant le sommet des collines miocènes de Châteauneuf-du-Pape, Sorgues et Châteauneuf-de-Gadagne (cotes 95-120 m).
Basses terrasses Les basses terrasses situées sur la rive gauche forment l’essentiel de la région concernée. On rencontre deux niveaux difficiles à distinguer, l’un vers 7-8 m au-dessus du Rhône actuel, l’autre à une cote un peu plus élevée. La Durance n’a pas contribué à leur édification puisqu’elle empruntait à cette époque le Seuil de Lamanon ; elle ne rejoindra le Rhône à Rognonas, au sud d’Avignon, qu’après la régression pré Flandrienne atteignant la cote -25 à hauteur des rivages actuels et la cote 0 à Rognonas.
Alluvions récentes Après la transgression flandrienne, la mer se stabilise à la cote 0 et le Rhône dépose des alluvions récentes, grossières à la base, puis plus fines (graviers et sables plus ou moins argileux puis argiles sableuses) et de nouveau grossières.

Irrigation et recharge des nappes

   Depuis fort longtemps, la pente exceptionnelle de la Durance dans la basse Vallée a été utilisée par les irrigants. Il suffisait en effet de placer une prise en rivière, de préférence au voisinage d’un point singulier (resserrement de la vallée, pont), et de faire courir un canal moins pentu que la rivière en contre-haut de la plaine alluviale pour pouvoir irriguer celle-ci. Ce principe est à l’origine du développement d’un chevelu dense de canaux agricoles qui exportent l’eau de la Durance à partir du canal usinier d’EDF. Les réseaux d’irrigation permettent de dériver les eaux de la Durance et de desservir la plupart des exploitations agricoles, palliant particulièrement le fort déficit pluviométrique estival. L’impact le plus fort, et pourtant le moins visible pour des populations ayant toujours connu ces canaux d’irrigation gravitaire, concerne le développement d’un paysage, d’une végétation, d’une faune et d’une flore exceptionnels. L’irrigation gravitaire permit en effet au fil des siècles le développement d’un paysage arboré sur des sols naturellement secs, ainsi que le développement d’écosystèmes où siège aujourd’hui une grande biodiversité, dont la faune et la flore qui l’incarnent sont souvent spécifiques aux canaux d’irrigation. D’un point de vue environnemental, le réseau crée des écosystèmes indispensables pour la biodiversité régionale, de plus la présence de végétation peu combustible est favorable à la protection contre l’incendie. La technique d’irrigation utilisée est l’irrigation gravitaire par submersion. Il s’agit d’inonder la parcelle avec une lame d’eau de quelques centimètres à partir d’un seul point d’alimentation. L’eau apportée sur la parcelle est destinée à reconstituer la réserve utile afin de subvenir aux besoins en eau des plantes. Durant cette phase de mise en eau, le mode d’irrigation gravitaire génère structurellement des pertes par percolation dans la nappe car le sol à l’amont de la parcelle reçoit beaucoup d’eau et atteint la capacité de rétention maximum avant que l’eau ne soit arrivée en bout de champs. Il y a donc infiltration de l’eau en excès à travers le sol avant que la plante ne puisse l’absorber. La quantité d’eau percolée dépend de la nature du sol, de la pente et de la longueur de la parcelle. L’irrigation augmente généralement la recharge des aquifères (Cao et al., 2002 ; McMahon et al., 2003 ; Qin et al., 2011 ; Roark et al., 1998). Dans un contexte alluvial aux Etats Unis Scanlon et al. (2005) ont trouvé que la recharge varie de 130 à 640 mm/an sous les cultures irriguées et de 9 à 32 mm/an sous les cultures non-irriguées. Des études antérieures en basse Provence montrent qu’une part non négligeable de l’eau des nappes alluviales serait de l’eau issue de l’irrigation. Une étude a été réalisée sur la basse Durance, intitulée « Impact de l’irrigation sur un aquifère alluvial » par Lacroix (1991). D’après cette étude environ un tiers du débit annuel d’eau utilisée en irrigation gravitaire réalimente les nappes alluviales.

Urbanisation et cycle de l’eau

   Il a été estimé que l’impact global de l’intervention humaine sur le cycle de l’eau (par le changement d’occupation du sol, l’urbanisation et l’industrialisation) est susceptible de dépasser celle du changement récent ou prévu du climat (Vörösmarty et al., 2004). Plusieurs études ont été menées en particulier pour déterminer l’impact de l’urbanisation sur l’environnement et le cycle de l’eau. L’urbanisation s’accompagne d’une augmentation des surfaces imperméables. Cette imperméabilisation des surfaces joue un rôle majeur sur l’environnement et le bilan d’eau (Arnold et Gibbons, 1996 ; Shuster et al., 2005 ; Dams et al., 2013). À cause de l’urbanisation, le sol est souvent compacté et couvert par des surfaces imperméables comme des bâtiments, des routes, des trottoirs ce qui implique une augmentation du ruissellement, les eaux de ruissellement étant évacuées par des réseaux de drainage ou d’assainissement (Schueler T, 2000 ; Lerner, 2002 ; British Geological Survey, 2003 ; Takizawa, 2008). En Virginie aux États-Unis, Jennings et Taylor, (2002) ont montré qu’une augmentation de la surface imperméable de 3% en 1949 à 33% en 1994 a conduit à une augmentation significative du débit de ruissellement, qui s’est traduit par un changement de vitesse et de débit de l’eau de surface. L’urbanisation affecte donc significativement le cycle naturel de l’eau, autant du point de vue quantitatif que qualitatif (Vázquez-Suñé et al., 2005). Boggs et Sun (2011) ont d’ailleurs proposé d’augmenter la capacité d’infiltration des surfaces urbanisées (création de forêts « urbaines ») pour anticiper et atténuer les éventuelles pressions sur l’environnement pouvant résulter de l’urbanisation. À White Clay Creek Wild près de Newark, Delaware aux États-Unis, Kauffman et al. (2009) ont montré par des mesures de terrain qu’il existe une bonne corrélation entre l’augmentation de la couverture imperméable et la diminution de flux de l’eau souterraine. L’impact de l’élimination des zones perméables et l’extension des zones imperméables sur les processus de recharge a été mis en évidence (Gee et Hillel, 1988 ; Harvey et Sibray, 2001). Dans le bassin versant de Kleine Nete en Belgique, une augmentation de la surface imperméable de 25.4% à 29.2% entre 1986 et 2003 a provoqué une diminution de la recharge dans la zone urbaine de 1.6% (Dams et al., 2013). Dans la plaine alluviale de Dogo au Japon, la recharge nette de la nappe provient essentiellement de l’eau d’irrigation (cultures de riz). La recharge est positive pendant la période d’irrigation (8-30 mm/jour) alors qu’elle est presque nulle ou négative pendant les périodes de non-irrigation (He et al., 2009). Les auteurs soulignent donc les changements notables à attendre sur la quantité d’eau apportée à la nappe dans un contexte d’urbanisation qui tend à faire diminuer les surfaces irriguées. Outre une imperméabilisation des surfaces, l’urbanisation s’accompagne aussi d’une augmentation des pompages dans la nappe, conséquence de la croissance de population (Hayashi et al., 2009 ; Onodera et al., 2009 ; Morris et al., 2003 ; Takizawa, 2008). Dans un contexte de développement urbain, il est donc nécessaire d’identifier les zones et les processus de recharge pour assurer un développement urbain durable soucieux d’une bonne gestion de la ressource en eau (Kumar et al., 2011).

Limites du réservoir

   Une prospection géophysique par méthode électrique a été effectuée dans le passé (Cavalloni et al., 1965), suivant un profil transversal (Figure 15) dans la plaine d’Avignon (latitude de Réal-Panier). L’interprétation des données des sondages électriques a permis de définir nettement le substratum des alluvions (Figure 16), le contraste de résistivité entre les deux formations étant assez grand (15-50 ohms.m pour la première, 100-300 ohms.m pour la seconde). Ce substratum (marnes miocènes) se trouve à très faible profondeur à proximité immédiate du Rhône (5 m). Il s’approfondit très rapidement vers l’est pour se maintenir au voisinage de la côte absolue +8 m hormis au niveau du Réal-Panier où il descend à la côte -3 m. Il existe d’autres zones d’approfondissement à l’est à proximité de Morières avant la brusque remontée sur le versant ouest des reliefs de Saint Saturnin. L’épaisseur du substratum miocène est très importante (plusieurs centaines de mètres). L’épaisseur de la zone noyée est assez grande, une quinzaine de mètres en moyenne, mais peut aller jusqu’à 22 m au niveau du Réal-Panier. Cette épaisseur diminue beaucoup à proximité du Rhône du fait du relèvement du substratum. La résistivité des alluvions est faible, entre 80 et 300 ohms.m (moyenne 150), car elles sont en grande partie gorgées d’eau ce qui fait baisser la résistivité. La partie superficielle n’est pas uniforme et comprend tantôt des limons argileux, tantôt des sables. Le niveau hydrostatique est très proche de la base de cette couche. D’après (Mallessard, 1983), la couverture limoneuse diminue en s’éloignant du Rhône vers l’Est, avant qu’elle ne disparaisse totalement avec la remontée de la plaine vers sa bordure, alors qu’elle augmente vers le triangle de la Courtine (la confluence entre le Rhône et la Durance) où elle atteint 3 à 5 m. Des reconnaissances par forage (Durozoy et al., 1964) ont été exécutées par la CNR (Compagnie Nationale du Rhône) sur la vallée du Rhône et par EDF (Électricité de France) sur la vallée de la Durance. Elles ont abouti à une évaluation de l’épaisseur des alluvions en cohérence avec celles estimées à l’étude des sondages électriques (Figure 17). Sur les profils de sondage a été reporté le niveau piézométrique de la nappe des alluvions ; les indications lithologiques sont celles figurant sur les coupes établies par les entreprises de sondages.

Régime de la nappe

   Plusieurs régimes piézométriques opposés s’observent sur quelques points de mesure répartis sur la zone d’étude et suivis entre 2010 et 2011 . Le niveau piézométrique montre qu’en zone irriguée (31, 33, 36, 37), le niveau maximal de la nappe s’observe en été (juin, juillet, août) et le niveau minimal en hiver (décembre, janvier, février). La période des hautes eaux coïncide avec la période de pointe des irrigations, tandis que l’étiage de la nappe coïncide avec la période de chômage des canaux. Ce comportement singulier met en évidence le caractère artificiel de la réalimentation de la nappe sur le périmètre irrigué, que l’on peut attribuer sans conteste aux pertes de l’irrigation gravitaire. Par contraste, les points situés en amont de la zone alimentée sur les coteaux de l’est (42 et 43) montrent des variations corrélées avec les précipitations. L’influence des irrigations gravitaires sur la nappe n’apparaît donc pas au niveau de ce périmètre avec de hautes eaux en hiver et au printemps, et un étiage d’été, conséquence de la sécheresse. Plus les piézomètres sont proches de la Durance et moins leurs variations sont régulières et amples (7, 8, 9, 10).

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Table des matières

INTRODUCTION
1. CADRE DE L’ÉTUDE
1.1. Situation géographique
1.2. Climatologie
1.2.1. Les températures
1.2.2. Les vents
1.2.3. Les précipitations
1.2.4. Diagramme ombrothermique
1.2.5. Évapotranspiration potentielle
1.3. Réseau hydrographique
1.3.1. La Durance
1.3.2. Le Rhône
1.3.3. Réseau de canaux agricoles
1.4. Contexte géologique
1.4.1. Crétacé inférieur
1.4.2. Miocène
1.4.3. Pliocène marin (Plaisancien)
1.4.4. Quaternaire
1.5. L’irrigation gravitaire et l’urbanisation
1.5.1. Irrigation et recharge des nappes
1.5.2. Urbanisation et cycle de l’eau
1.5.3. Conclusion
1.6. Objectifs
2. MÉTHODOLOGIE
2.1. Méthode
2.2. Données acquises
2.2.1. Descriptif des points de mesures
2.2.2. Mesures en laboratoire
2.3. Données acquises auprès d’organismes extérieurs
2.3.1. Mesures piézométriques
2.3.2. Données climatiques
2.3.3. Suivi hydrodynamique de la Durance
2.3.4. Mesures hydrométriques
3. HYDRODYNAMIQUE ET PIÉZOMÉTRIE
3.1. Le réservoir aquifère
3.1.1. Nature du réservoir
3.1.2. Limites du réservoir
3.1.3. Caractéristiques hydrodynamiques
3.2. Régime de la nappe
3.2.1. Changement de long terme du niveau piézométrique
3.2.2. Sources d’alimentation de la nappe
4. HYDROCHIMIE
4.1. Intérêt de l’approche hydrochimique
4.1.1. Généralités
4.1.2. Informations apportées par les espèces majeures
4.2. Caractérisation de la nappe alluviale de la plaine d’Avignon à partir des éléments chimiques et isotopiques
4.2.1. Distribution géographique de la chimie de l’eau
4.2.2. Faciès chimique des eaux
4.2.3. Analyses en Composantes Principales
4.2.4. Relation inter-éléments
4.2.5. Indices de Saturation (IS)
4.3. Les isotopes stables (δ18O et δ2H)
4.3.1. Généralités
4.3.2. Signal pluie
4.3.3. Les eaux de surface
4.3.4. La nappe
4.3.5. Modélisation du transfert du signal δ18O
4.4. Le Tritium 3H
5. FONCTIONNEMENT DE LA NAPPE ALLUVIALE D’AVIGNON
6. MODÉLISATION DE DIVERS SCÉNARIOS
6.1. La modélisation numérique
6.1.1. Maillage du modèle et les conditions aux limites
6.1.2. La recharge
6.1.3. Les pompages
6.2. Calage 
6.2.1. Le régime permanent
6.2.2. Le régime transitoire
6.3. Analyses de sensibilité
6.4. Simulations de scénarios
7. CONCLUSION GÉNÉRALE ET PERSPECTIVES

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