Indissociables du développement et du progrès humain, les demandes en énergie ont été en continuelle augmentation au cours des siècles. Ce constat est d’autant plus véridique dans un monde en constante évolution, qui se veut de plus en plus globalisé, et où les questions liées à l’énergie – que ce soit ses sources ou ses moyens de production – n’ont jamais été aussi prépondérantes. Face à la prise de conscience des enjeux environnementaux et écologiques, tel le changement climatique, associés à l’utilisation massive des ressources fossiles comme le charbon, le gaz et le pétrole et à leur pérennité plus qu’incertaine, les énergies décarbonées et renouvelables s’imposent comme alternative non polluante et durable. Les politiques volontaristes entreprises depuis la ratification du protocole de Ky¯oto en 1997, et plus récemment en 2015 avec la tenue de la COP21 à Paris, commencent à faire émerger de véritables actions concrètes avec le développement et l’implantation des énergies renouvelables à travers le monde.
Qu’elles soient éoliennes, marines ou solaires, les énergies renouvelables utilisent des ressources considérées comme inépuisables. Par exemple, le Soleil délivre à lui seul à la Terre une énergie de 1, 5.10¹⁸ kW h/an, soit environ 6000 fois la consommation mondiale annuelle en énergie. Cette source d’énergie, abondante, sûre et inépuisable, apparaît comme idéale à exploiter par le biais de deux principes de conversion : thermique et photovoltaïque. L’énergie solaire photovoltaïque se distingue de l’énergie solaire thermique par le fait qu’elle produit directement de l’électricité, ne nécessitant ni cycle vapeur, ni turbines ; ce qui en fait un moyen de production de premier choix.
Le développement de l’énergie photovoltaïque est fulgurant depuis ces dix dernières années avec une très forte progression de la capacité installée. Elle était de 3,7 GW en 2004 et est passée à 227 GW à la fin de l’année 2015 [1, 2], connaissant une installation record de 50 GW pour cette seule année ! La croissance du marché est essentiellement portée par la Chine où près de 15 GW ont été installés mais également par le Japon, les États-Unis et l’Europe. Mais les pays émergents contribuent également à l’essor global du photovoltaïque dans le monde. En France, la capacité totale disponible est estimée à 6,2 GW. Dans sa stratégie de production d’électricité décarbonée, Électricité de France (EDF), avec sa filiale EDF Énergies Nouvelles, participe au développement de la filière et à l’installation d’un parc photovoltaïque d’une capacité globale de près de 1 GW à travers le monde [3].
Etude Bibliographique
En 1839 et à la lecture, devant l’Académie des Sciences de Paris, de son Mémoire sur les effets électriques produits sous l’influence des rayons solaires [11], Edmond Becquerel jetait les fondements de l’effet photovoltaïque tel qu’il est défini aujourd’hui, à savoir la conversion du rayonnement solaire en énergie électrique. Il fallut quelques décennies pour que cet effet soit réellement compris au travers des travaux sur l’effet photoélectrique, interprété par A. Einstein grâce à l’introduction des
quanta de lumière : les photons. Il reçut pour cela le prix Nobel de Physique de 1921 [12]. Ce n’est que dans les années 1950 que les premières cellules photovoltaïques à base de silicium voient le jour dans les laboratoires des industries Bell [13]. Bien que relativement peu performantes à leurs débuts, leur utilité en tant que système embarqué pour les applications spatiales a vite contribué à l’essor de la technologie dans les décennies qui suivirent. En parallèle au développement de la filière silicium, d’autres technologies ont commencé à émerger afin de répondre à certains besoins industriels comme la baisse des coûts et la recherche de meilleures performances. En effet, le silicium est un semi-conducteur qui présente une bande interdite indirecte et n’absorbe pas aussi efficacement la lumière que les matériaux à bande interdite directe comme peuvent l’être les composés binaires de type III−V comme GaAs ou InP ou de type II−V I comme CdT e, ou leurs composés ternaires. Pour comparaison, là où une centaine de microns est nécessaire à un wafer de silicium pour absorber la lumière, seuls un ou deux microns de GaAs suffisent. Ce concept marque l’émergence des cellules solaires dites en couches minces. Dans les années 1970, des matériaux ternaires de type I−III−V I, dérivés de la structure chalcopyrite, ont vu le jour. Le CuInSe2 ou CIS et ses dérivés comme le Cu(In, Ga)(Se, S)2 ou CIGS appartiennent à cette catégorie et comptent parmi les matériaux absorbeurs les plus prometteurs du fait de la possibilité d’ajuster leurs propriétés optoélectroniques selon leur composition.
Fonctionnement d’une cellule photovoltaïque
La grande diversité de matériaux absorbeurs apparus au cours des années n’en reste pas moins régie par les mêmes principes de fonctionnement, au regard de la cellule solaire. Dans le cas des technologies en couches minces, une jonction p-n s’établit entre deux semi-conducteurs pour que la lumière incidente soit convertie en électricité. Ces derniers se caractérisent par leur largeur de bande interdite, aussi appelée « gap », qui correspond à la différence d’énergie entre la bande de valence (EBV ) et la bande de conduction (EBC). Le niveau de Fermi qui désigne le niveau moyen d’énergie occupé par les électrons (probabilité d’occupation de 0,5) se situe dans cette bande interdite, sa position est conditionnée par la concentration des porteurs majoritaires (trous et électrons) dans le semi-conducteur. Deux types de semi-conducteurs peuvent ainsi être distingués. Les semi-conducteurs de type p, dont les défauts de type accepteur conduisent à un excès de trous dans la bande de valence. Les trous constituent alors les porteurs majoritaires et le niveau de Fermi se trouve proche de la bande de valence. À l’inverse, les semi-conducteurs de type n présentent des défauts de type donneur, soit un excès d’électrons dans la bande de conduction. Ici, le niveau de Fermi se situera alors près de la bande de conduction. L’association de deux semi-conducteurs, l’un de type p et l’autre de type n, conduit à la formation d’une jonction p-n.
La jonction p-n
Cette jonction, clé essentielle au bon fonctionnement du dispositif photovoltaïque, est composée d’un semi-conducteur de type p et d’un semi-conducteur de type n. Lorsque les deux semi-conducteurs sont constitués du même matériau mais diffèrent par le type de dopage, comme c’est le cas pour le silicium cristallin, on parle d’homojonction. Dans le cas contraire où les matériaux semi-conducteurs sont différents, comme pour les couches minces, on parle d’hétérojonction [14]. La mise en contact des deux éléments de la jonction entraîne une modification de la structure de bande. Les niveaux de Fermi s’équilibrent du fait de la migration des porteurs majoritaires de chaque semi-conducteur de part et d’autre de la jonction par diffusion de charge, ce qui entraîne une courbure des bandes du diagramme comme montré sur la Figure 1.1b. Les électrons diffusent de la région n vers la p, conduisant à la formation d’une charge fixe positive du côté n constituée de donneurs ionisés. Un phénomène identique est observé dans la région p avec l’apparition d’une charge négative due aux accepteurs ionisés du fait de la diffusion des trous vers le côté n. Dans cette région déplétée en porteurs de charge, appelée zone de charge d’espace (ZCE), les semi-conducteurs sont électriquement chargés, mais de signes opposés. Il s’établit alors une différence de potentiel à l’interface (Ve), créant ainsi un champ électrique non nul, orienté de n vers p. À l’équilibre, les niveaux de Fermi des deux semi-conducteurs sont égaux mais il est possible de les désaligner en polarisant la jonction. La polarisation en direct de la jonction abaisse la barrière de potentiel entre les deux semi-conducteurs, facilitant la diffusion des électrons du côté n vers p. Au contraire, la polarisation en inverse augmente cette barrière, bloquant le passage des électrons. Ce comportement est celui d’une diode qui est passante ou bloquante selon le sens du courant.
La confection de la cellule solaire à base de CIGS débute communément par le dépôt d’un contact arrière métallique, généralement en molybdène. Ce matériau, choisi pour son point de fusion élevé et sa faible diffusion dans les films semi conducteurs, est déposé par pulvérisation cathodique sur un substrat avec une épaisseur variant entre 500 nm et 1 µm. Le substrat est classiquement du verre sodocalcique, car il a été montré que le sodium contenu dans le verre pouvait diffuser à travers le molybdène et contribuer à améliorer les performances photovoltaïques de l’absorbeur CIGS [19, 20]. Le verre représente néanmoins une part non négligeable du coût d’une cellule solaire [21] et peut être remplacé par des matériaux moins onéreux, plus légers et souples comme un feuillard métallique tel que l’acier inoxydable [22] ou polymère comme le polyimide [23], offrant ainsi de nouvelles possibilités aux technologies solaires en couches minces.
S’en suit la synthèse de la couche de Cu(In, Ga)(Se, S)2, un semi-conducteur I− III−V I2 de type p appelé absorbeur et qui a pour fonction d’absorber les photons du rayonnement solaire afin de générer les paires électrons-trous. Ce matériau présente la particularité d’avoir une énergie de bande interdite modulable en fonction de la proportion de gallium qu’il contient. Elle varie ainsi de 1,0 eV pour du CuInSe2 à 1,7 eV pour du CuGaSe2, ce qui influe sur les propriétés optoélectroniques de la cellule solaire [18]. L’appellation de technologie en couches minces est justifiée du fait qu’une épaisseur d’environ 2 µm est suffisante pour absorber la majeure partie des photons dont l’énergie est supérieure à l’énergie de bande interdite de l’absorbeur [24], là où une épaisseur environ cent fois supérieure est nécessaire pour un wafer de silicium. Il existe différentes voies de synthèse pour la réalisation de l’absorbeur. La plus performante et répandue est une technique sous vide basée sur le principe de la co-évaporation [25, 26]. Toutefois, des techniques alternatives ont émergé comme la pulvérisation cathodique [27, 28] ou le dépôt électrochimique combiné à un traitement thermique [29, 30, 31].
Une fine couche de sulfure de cadmium CdS, d’une cinquantaine de nanomètres, est ensuite déposée sur l’absorbeur. Communément appelée couche tampon, elle est principalement réalisée via un dépôt en bain chimique (CBD : Chemical Bath Deposition) [32]. Cette couche est un semi-conducteur de type n qui permet d’assurer la jonction p-n avec l’absorbeur tout en servant d’interface avec la couche fenêtre. Le CdS est la couche tampon la plus répandue et qui, pendant un temps, a permis d’obtenir les meilleures performances. Cependant, le matériau possède quelques limites telles que sa toxicité et son gap d’environ 2,4 eV conduisant à des pertes dues à l’absorption des photons de haute énergie. Ces inconvénients ont encouragé la recherche et le développement de matériaux alternatifs comme le sulfure d’indium In2S3 ou le sulfure de zinc ZnS pour le remplacer [33]. Une couche à base de ZnS apparaît comme le successeur le plus prometteur au CdS déposé par CBD du fait de son grand gap, pouvant être ajusté entre 3,3 et 3,8 eV selon la proportion d’oxygène dans le matériau. Son utilisation a d’ores et déjà permis d’atteindre de hautes performances proches des records de la technologie CIGS [34, 35]. La CBD est la technique de synthèse la plus utilisée pour réaliser la couche tampon mais d’autres voies sont explorées comme le dépôt chimique en phase vapeur par flux alternés [36] (ALD : Atomic Layer Deposition), la pulvérisation cathodique, le dépôt chimique en phase vapeur (Chemical Vapor Deposition : CVD) [33] ou encore le dépôt électrochimique [37].
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Table des matières
Introduction générale
Liste des symboles
1. Étude Bibliographique
1.1. Introduction
1.2. Fonctionnement d’une cellule photovoltaïque
1.2.1. La jonction p-n
1.2.2. Jonction idéale et jonction réelle
1.2.3. Caractéristiques électriques d’une cellule photovoltaïque
1.3. Les cellules solaires à base de CIGS
1.4. La couche fenêtre à base d’oxyde de zinc
1.4.1. Propriétés de l’oxyde de zinc
1.4.1.1. Propriétés structurales
1.4.1.2. Propriétés optiques
1.4.1.3. Dopage et propriétés électriques
1.4.2. Méthodes de synthèse de l’oxyde de zinc
1.4.2.1. Principales techniques en phase vapeur
1.4.2.2. Principales techniques en solution
1.5. Étude bibliographique de la synthèse électrochimique de l’oxyde de zinc
1.5.1. Synthèse électrochimique d’oxydes métalliques
1.5.1.1. Oxydation d’électrodes métalliques
1.5.1.2. Précipitation par variation du pH à l’électrode : cas du ZnO
1.5.2. Milieux électrolytiques considérés
1.5.2.1. Précurseur à base d’ions nitrates
1.5.2.2. Précurseur à base d’oxygène moléculaire
1.5.2.3. Précurseur à base de peroxyde d’hydrogène
1.6. Conclusion et problématique
2. Techniques expérimentales et méthodes d’analyses
2.1. Introduction
2.2. Élaboration de la couche mince d’oxyde de zinc
2.2.1. Description du dispositif expérimental
2.2.2. Composition des solutions
2.3. Élaboration des contacts métalliques
2.3.1. Photolithographie
2.3.2. Évaporation de métaux
2.3.3. Électrodépôt
2.3.3.1. Description du dispositif expérimental
2.3.3.2. Composition des solutions
2.4. Caractérisation optique
2.4.1. Spectroscopie Ultra-Violet / visible / proche infrarouge
2.4.2. Spectroscopie Infrarouge à transformée de Fourier
2.4.2.1. Dispositif expérimental
2.4.2.2. Modèle de Drude
2.5. Conclusion
3. Synthèse électrochimique de l’oxyde de zinc
3.1. Introduction
3.2. Étude voltampérométrique sur substrat métallique
3.3. Étude de l’électrodépôt d’oxyde de zinc en milieu chlorure
3.3.1. Dépôt électrochimique
3.3.2. Morphologie et composition
3.3.3. Propriétés structurales
3.3.3.1. Influence de la température de recuit
3.3.3.2. Influence de la concentration en ions chlorures
3.3.4. Propriétés optoélectroniques
3.3.4.1. Influence de la température de recuit
3.3.4.2. Influence de la concentration en ions chlorures
3.3.5. Discussion
3.4. Étude du dopage par le chlore en milieu perchlorate
3.4.1. Dépôt électrochimique
3.4.2. Analyse morphologique et composition
3.4.3. Analyse structurale
3.4.4. Analyse optique
3.4.5. Discussion
3.5. Étude de la présence d’un agent précurseur de bore en milieu perchlorate
3.5.1. Influence de la concentration en acide borique dans la solution électrolytique sur les propriétés du film d’oxyde de zinc
3.5.1.1. Dépôt électrochimique
3.5.1.2. Analyse morphologique et composition
3.5.1.3. Propriétés structurales
3.5.1.4. Propriétés optiques et électriques
3.5.1.5. Photoluminescence
3.5.2. Réalisation de cellules solaires
3.5.3. Discussion
3.6. Conclusion
Conclusion