Dans un monde en perpétuelle évolution, la question de l’énergie devient de plus en plus récurrente par son impact économique, environnemental et social. Les tendances actuelles de l’offre et de la consommation d’énergie ne sont plus viables. On peut ainsi définir une triple contrainte sur l’utilisation énergétique actuelle. Tout d’abord, la première contrainte est la raréfaction des ressources fossiles. Le pétrole, le charbon et le gaz naturel sont les sources d’énergie primaires les plus consommées dans le monde avec une augmentation globale de 2,3 % de 2013 à 2014. L’utilisation globale de pétrole a évolué de 1,4 % de 2012 à 2013. Sa part dans la consommation d’énergie primaire mondiale est alors de 32,9 %. En 2013, l’emploi de charbon a augmenté de 3 %, bien inférieur à sa moyenne sur les 10 dernières années de 3,9 %. La part de charbon dans la consommation mondiale en énergie primaire a atteint 30 %. L’utilisation de gaz naturel a progressé de 1,4 %, mais cela reste bien en dessous de sa croissance historique qui est de 2,6 %. Le gaz naturel comptabilise une part de consommation égale à 23,7 % de l’énergie primaire [1]. Un déphasage est visible entre l’offre et la demande dans les énergies. Au rythme actuel de la consommation d’énergie, les réserves identifiées de pétrole permettront de subvenir à nos besoins pendant une période de l’ordre de 40 ans, 60 ans pour le gaz naturel et 230 ans pour le charbon. Les ressources en matières premières utilisées dans l’énergétique comme l’uranium (nucléaire), lithium (batterie) … ne sont pas non plus disponibles à l’infini sur terre [2]. Ensuite, la deuxième contrainte énergétique est le changement climatique qui commence à être visible et perceptible par tout un chacun. Sans modifications de nos habitudes et de nos modes de production d’énergie, les gaz à effets de serre (GES) conduiraient à une dégradation considérable de notre climat avec une moyenne de 6°C de réchauffement climatique d’ici 2050 [3]. Un effort doit pour cela être réalisé en développant et en utilisant des technologies durables et ayant de faibles émissions de carbone. Enfin, la dernière contrainte est la sûreté nucléaire qui est actuellement au cœur de tous les débats. L’accident de Fukushima a remis au goût du jour les préoccupations concernant l’utilisation du nucléaire pour produire de l’électricité. Offrant une électricité avec peu d’émission de GES et un prix attractif, l’énergie nucléaire est mise en avant par la classe politique française. Cependant, une partie souvent minimisée est le recyclage des matières valorisables et le conditionnement de manière sûre et stable des déchets dit ultimes. L’uranium (95 %) et le plutonium (1 %) sont annoncés comme recyclables, mais ils sont à ce jour systématiquement stockés en vue d’un recyclage futur.
Pour relever les différents défis énergétiques, il est important d’élaborer et de faciliter le développement de nouvelles technologies utilisant des ressources dites renouvelables, ayant un impact faible sur l’environnement et économiquement viable.
Le solaire à concentration (CSP) est une de ces technologies, qui connaît une forte croissance depuis quelques années. Cependant, par rapport aux ressources énergétiques fossiles combustibles, l’énergie solaire présente les caractéristiques inhérentes à la nature même de la ressource : intermittence de la disponibilité, fluctuation et faiblesse de la densité de flux énergétique [5]. L’utilisation domestique ou industrielle de l’énergie nécessite une densité élevée et sa demande énergétique peut être en opposition de phase avec la période de disponibilité des énergies renouvelables de manière générale. En d’autres termes, l’énergie solaire ne couvre pas toujours les besoins. Ce constat met en évidence la nécessité d’être capable de développer des moyens de stockage de l’énergie performant afin de fiabiliser et généraliser l’utilisation des énergies renouvelables [6].
Conscient de cet enjeu, le travail de thèse présenté dans ce manuscrit a permis de lancer un projet de collaboration entre deux acteurs industriels du monde du solaire à concentration, Aqylon et EDF R&D avec un laboratoire de recherche, le CNRS PROMES basé à Perpignan et à Odeillo. Aqylon est spécialisé dans la conception, la construction et la maintenance de bloc de turbomachine dédié aux sources de chaleur renouvelables et aux sources de chaleur fatales. Le cycle organique de Rankine (ORC) développé par leur soin permet la transformation en électricité de sources à moyenne température, c’est-à-dire de 130°C à 300°C. Il propose des ORC de faible puissance allant de 100 à 1200 kWe. La filiale d’Aqylon nommée Azolis basée au Maroc s’occupe principalement du développement d’un champ solaire linéaire Fresnel. Azolis est accompagné par des laboratoires locaux pour l’optimisation de cette technologie. Leurs objectifs communs sont de simplifier la structure, minimiser les coûts et de permettre une construction aisée dans les pays en voie de développement. Un champ solaire linéaire Fresnel fonctionnera seul prochainement au Maroc avec un fluide de transfert (HTF) allant de 160°C à 210°C. L’objectif du programme de recherche poursuivi au cours de cette thèse est de développer un système de stockage d’énergie thermique optimisé avec un HTF et un matériau de stockage d’énergie thermique (TESM) adéquats pour une intégration dans une centrale solaire à concentration ayant des particularités bien définies. Plusieurs technologies de stockage sont disponibles pour une application liée aux centrales CSP. La technologie la plus mature est le stockage d’énergie par chaleur sensible avec deux cuves de sel fondu. Il permet d’assurer une séparation physique idéale entre le fluide chaud et le fluide froid. Le premier stockage, utilisant le procédé avec deux cuves, a été mis au point dans la centrale pilote française de Thémis dans les années 1980. Cependant, lors de l’utilisation de ce procédé de stockage, une cuve sur deux n’est pas totalement pleine. Pour rendre plus compétitif financièrement le stockage d’énergie, le système sélectionné sera composé d’une seule cuve et mettra en œuvre une séparation thermique pour isoler la zone chaude de la zone froide. Pour accentuer ce critère économique, des matériaux naturels ou issus de déchets, peu coûteux et disponibles en grande quantité, y sont insérés. Les fluides de transfert sont généralement sélectionnés en fonction de la gamme de température de la centrale solaire, ici entre 160°C à 210°C. Habituellement, les fluides utilisés sont des huiles synthétiques ou des sels fondus. Mais ces deux HTF ont un impact environnemental non négligeable et sont relativement coûteux. Pour réduire cet aspect environnemental et financier, un HTF innovant a été identifié pour permettre d’alimenter en source chaude le bloc de puissance (ORC). Ce fluide innovant pour une utilisation dans ce type de centrale CSP est une huile végétale qui semble présenter bien des avantages qui restent à valider, qui est disponible en grande quantité, avec un faible impact environnemental et très abordable financièrement comparée aux huiles solaires classiques.
Une brève explication du fonctionnement des centrales solaire à concentration est réalisée. Elle est complétée par des indications sur l’ordre de grandeurs de leurs performances globales et leurs limitations. Cette partie peut être complétée par les nombreux états de l’art [7-9] et thèses [10-11] disponibles dans la littérature.
L’énergie solaire étant peu dense, il est donc nécessaire de la concentrer pour augmenter la densité de flux de photons sur une surface donnée afin d’atteindre des niveaux de températures assurant une production d’électricité à des rendements intéressants.
Actuellement, quatre types de centrales solaires thermodynamiques à concentration sont utilisés pour la production d’électricité. Chacun de ces procédés se distingue par sa géométrie, sa température d’utilisation, donc sa performance optique et thermique et ses coûts.
Les centrales solaires de type cylindro-parabolique sont actuellement considérées comme la filière la plus mature et la plus pérenne des centrales CSP [12]. Depuis la première crise pétrolière dans les années 1970, le cylindro-parabolique a suscité un fort intérêt dans les milieux industriels et scientifiques [13]. Ce type de centrale est composé d’alignements parallèles de longs miroirs réflecteurs hémicylindriques, qui tournent autour d’un axe horizontal [Figure 3]. Le miroir réflecteur a une largeur d’ouverture d’environ 6 m et une longueur totale entre 100 et 150 m [14]. Le rayonnement solaire est concentré sur un absorbeur tubulaire, situé sur l’axe focal, dans lequel circule un HTF. Le facteur de concentration pour un récepteur cylindro-parabolique varie entre 70 et 80.
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Table des matières
Introduction générale
Partie A : Fluide, solide et système de stockage thermique pour les centrales solaires à concentration
A.1 Introduction
A.2 Centrales solaires thermodynamiques à concentration
A.2.1 Les centrales cylindro-paraboliques
A.2.2 Les centrales linéaires Fresnel
A.2.3 Les centrales à tour
A.2.4 Les centrales à concentrateur parabolique
A.2.5 Comparaisons des différentes centrales solaires à concentration
A.2.6 Limitations des procédés solaires
A.3 Fluides de transferts innovants – les huiles végétales
A.3.1 Définition d’une huile végétale
A.3.2 Composition des lipides
A.3.2.1 Les Triglycérides
A.3.2.2 Les acides gras
A.3.2.3 Les constituants mineurs
A.3.3 Nomenclature des acides gras
A.3.4 Exemple de compositions d’huiles végétales
A.3.5 Économie des huiles végétales
A.3.6 Domaines d’applications
A.4 Système de stockage d’énergie thermique
A.4.1 Intérêt du stockage d’énergie thermique
A.4.2 Méthodes de stockage de l’énergie thermique
A.4.3 Catégories de stockage d’énergie thermique appliquée au CSP
A.4.4 Stockage thermocline sur lit de roche (DMT)
A.4.4.1 Introduction
A.4.4.2 Principe de fonctionnement
A.4.4.3 Approche économique
A.4.4.4 Retour d’expérience sur le stockage thermocline
A.4.4.5 Modélisation d’un stockage thermocline sur lit de roche
A.4.4.6 Constats préalables
A.5 Matériaux de stockage
A.5.1 Roches naturelles
A.5.1.1 Les roches ignées
A.5.1.2 Les roches métamorphiques
A.5.1.3 Les roches sédimentaires
A.5.1.4 Propriétés des roches naturelles
A.5.1.5 Sélection des matériaux naturels
A.5.2 Matériaux issus de coproduits ou de déchets
A.5.2.1 Procédé sidérurgique
A.5.2.2 Laitier de sidérurgie
A.5.2.3 Laitier de cubilot
A.6 Objectifs de l’étude
Partie B : Composants du système de stockage d’énergie, en la qualité du fluide de transfert et des matériaux de stockage
B.1 Introduction
B.2 Fluide de transfert
B.2.1 Les huiles végétales, un fluide de transfert innovant ?
B.2.2 Identification des candidats
B.2.3 Propriétés thermiques et thermophysiques des huiles végétales
B.2.3.1 Conductivité thermique
B.2.3.2 Chaleur spécifique
B.2.3.3 Viscosité dynamique
B.2.3.4 Masse volumique
B.2.3.5 Corrélations des propriétés des huiles végétales
B.2.3.5.1 Conductivité thermique
B.2.3.5.2 Chaleur spécifique
B.2.3.5.3 Viscosité dynamique
B.2.3.5.4 Masse volumique
B.2.3.6 Comparaisons des différentes huiles végétales
B.3 Élaboration d’une vitrocéramique à partir d’un coproduit de la sidérurgie
B.3.1 Étude du matériau brut
B.3.2 Élaboration d’une vitrocéramique
B.3.2.1 Description d’une vitrocéramique
B.3.2.2 Méthode d’élaboration d’une vitrocéramique
B.3.3 Élaboration à échelle semi-industrielle
B.3.3.1 Intérêt des modules de stockage à géométrie contrôlée
B.3.3.2 La Fonte Ardennaise et les équipements utilisés
B.3.3.3 Expérimentations préalables
B.3.3.4 Élaboration de vitrocéramique à géométrie contrôlée
B.3.3.4.1 Elaboration d’une vitrocéramique par la voie nucléation – croissance
B.3.3.4.2 Elaboration d’une vitrocéramique par la voie pétrurgique
B.3.3.4.3 Comparaison des vitrocéramiques élaborées
B.3.3.4.4 Modules de stockage élaborés
Conclusion générale
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