FLUCTUATIONS CLIMATIQUES HIVERNALES ET VARIATIONS JOURNALIERES

CONTRAINTES HIVERNALES RENCONTRÉES PAR LES OISEAUX RÉSIDENTS (NONMIGRA TEURS)

  Les espèces d’oiseaux de petite taille résidant à l’année dans le nord de l’Amérique doivent faire face à un environnement caractérisé par une amplitude de variation climatique importante (OIson & Grubb, 2007). En effet, au début de l’hiver sous de hautes latitudes, la durée du jour diminue et les températures chutent (Cooper & Swanson, 1994; Smith, 1997; Wilson, 2001 ; OIson & Grubb, 2007). Parce que ces oiseaux ne se nourrissent pas pendant la nuit, la diminution de la durée du jour implique une réduction du temps disponible pour accumuler les réserves endogènes indispensables au jeûne nocturne (Blem, 1976) qui, lui,se trouve allongé. La chute des températures représente pour ces Olseaux un défi énergétique additionnel en termes de thermorégulation (Cooper & Swanson, 1994; Cooper & Sonsthagen, 2007) parce qu’ elle amplifie les pertes de chaleur déjà importantes en raison de leur petite taille (Calder 1984; OIson & Grubb, 2007). Par exemple, en Alaska, la mésange à tête noire (Poecile atricapillus) doit maintenir sa température corporelle (environ 40°C) dans un environnement où la température peut atteindre -SO°C en hiver, générant ainsi un gradient de 90°C entre l’intérieur et l’extérieur du corps de cet animal d’à peine 12g (Sharbaugh, 2001 ; Oison & Grubb, 2007). Dans les régions nordiques, la neige et la glace persistent plusieurs mois consécutifs et ajoutent à la contrainte énergétique hi vernale en réduisant l’ accessibilité à la nourriture (Turcotte & Desrochers, 2008) ce qui entraine des dépenses énergétiques plus importantes pour maintenir l’ apport en nutriments. Pour certaines espèces qui se nourrissent principalement au sol, les dépenses additionnelles associées à l’ effort d’ alimentation ne sont parfois pas contrebalancées par l’ appOli alimentaire. C’ est le cas de la mésange bicolore (Baeolophus bicolor) pour laquelle la pïésence de neige et de glace peüt limiteï l’accès à la ressource et affecter la survie (Doherty & Grubb, 2002).

ÉVALUER LA CONDITION PHYSIOLOGIQUE DES OISEAUX

   Pour évaluer l’effet des contraintes environnementales sur les Oiseaux, on utilise généralement des indices de condition basés sur des critères morphologiques et physiologiques. Cependant, cette notion de condition reste assez floue car elle peut comprendre différents aspects de la physiologie des animaux. Par exemple, la quantité relative de lymphocytes dans le sang est utilisée comme un indice de condition immunologique (Maxwell, 1993) alors que la vitesse de repousse des plumes est considérée comme reflétant l’ état nutritionnel d’ un individu (Doucet, 2004). L’hématocrite (pourcentage relatif d’hématocytes circulant dans le sang par rapport au volume total de sang) refléterait la capacité de transport de l’oxygène (Hatch & Smith, 2010; Cuervo et al. , 2006) et la corticostérone, qui est une hormone de réponse au stress (Lucas et al. , 2006), ou encore les ROS (reactive oxygen species en anglais), qui sont des indicateurs du stress oxydatif (Costantini, 2008; Cohen et al., 2007), démontreraient l’effet physiologique de contraintes environnementales.

CONDITION NUTRITIONNELLE

  La condition nutritionnelle peut être définie comme une mesure de la disponibilité des ressources endogènes pour supporter les besoins nutritionnels et énergétiques (GosIer, 1996; Schulte-Hostedde et al. , 2001; Peig & Green, 2009; Krebs & Singleton, 1993). Les oiseaux stockent leur énergie principalement sous forme de lipides représentés en majorité par les triglycérides (Blem, 1976; Spengler et al., 1995; Schulte-Hostedde et al., 2001 ; Koolman & Roehm, 2005). Chez les espèces résidentes de petite taille, en hiver, la production nocturne de chaleur consomme la majeure partie des réserves énergétiques accumulées pendant le jour (Blem, 1976). Ce phénomène entrai ne une variation cyclique journalière de la masse corporelle marquée par un gain durant le jour et une perte pendant la nuit (Lehikoinen, 1987; Lilliendahl, 2002). On observe également une variation saisonnière de la masse moyelme chez ces oiseaux, due à une augmentation des demandes énergétiques imposée par le climat hivernal qui est compensé par des masses au soir et au matin plus élevées (Lehikoinen, 1987). Parce que la condition nutritionnelle individuelle a des conséquences sur la reproduction et la survie (Newton, 1993; Anteau & Afton, 2004 ; Norris, 2005; Norris & Marra, 2007; Harrison et al. 2011), cet indicateur est considéré comme un déterminant important du fitness des animaux et est, conséquemment, une mesure d’un grand intérêt pour les écologistes (Strong & Sherry, 2000; Green, 2001; Peig & Green, 2009; Neto & GosIer, 2009). La condition nutritionnelle est donc un concept pertinent pour comprendre les stratégies de gestion de l’énergie chez les passereaux résidents qui passent l’hiver dans les régions nordiques. Cependant, parce que la quantité de lipides stockés varie au cours de la journée et de la saison (Blem, 1976; Lehikoinen, 1987),la condition nutritionnelle individuelle, par définition, varie également dans le temps et peut être affectée par de nombreux facteurs tels que la disponibilité en nourriture (Karpouzos et al., 2005), le régime alimentaire (Seaman et al., 2005; Cerasale &Guglielmo, 2006), la qualité de l’habitat (Owen et al., 2005; Seaman et al., 2006), le stress dû à des événement tels que la reproduction (Neto & GosIer, 2009) ou encore le taux de prédation (Cresswell, 2003). La condition nutritionnelle nous informe donc sur les variations fines de l’ état physiologique des individus. Cependant, si beaucoup d’indices ont été conçus dans le but de quantifier Jes réserves énergétiques des oiseaux, peu d’ entre eux font l’ unanimité (Johnson et al. , 1985; Green, 2001 ; Schamber et al., 2009). Parmi les techniques de quantification des réserves, on trouve des méthodes destructives consistant à mesurer la quantité réelle de lipides par dissection (Johnson et al., 1985; Schulte-Hostedde et al. , 2001) et des méthodes non destructives basées sur J’estimation de la quantité de lipides à l’aide d’indices variés. Ces dernières ont l’avantage de ne pas tuer J’ animal (Kaiser, 1993 ; Williams et al. , 1999; Salewski et al., 2009) et peuvent s’avérer intéressante dans le cadre d’ études visant à mesurer les variations individuelles de condition car elles permettent la recapture.

INDICES MORPHOMÉTRIQUES DE CONDITION NUTRITIONNELLE

   Parmi les méthodes non destructives, on trouve les indices morphométriques de condition nutritionnelle, fondés sur la mesure de caractéristiques physiques des individus. La masse des oiseaux variant surtout avec les réserves lipidiques (Chaplin, 1974), la majorité des méthodes non destructives utilisent comme indice de condition la masse corporelle corrigée par une mesure linéaire de la taille du corps, telle que la longueur du tarse ou de l’ aile (Spengler et al., 1995; Green, 2001). Parce que la taille structurelle ne varie pas, les changements individuels de condition nutritionnelle basés sur cet indice renseignent en principe sur les variations de taille des réserves lipidiques. Cependant, cette approche peut être influencée par plusieurs biais liés à la prise de mesures (usure des plumes, différences entre observateurs, Yezerinac & Handford 1992) et suppose que la partie non lipidique de la masse (taille des muscles, des organes internes) ne change pas. Or, chez certaines espèces, incluant les oiseaux résidents (Zheng et al. 2008; Maldonado et al. 2009), des variations saisonnières de masse maigre ont été observées (Scott et al. 1996; Bairlein, 2002), ce qui pourrait biaiser cette approche pour les études à long terme. Une autre méthode non destructive consiste à catégoriser visuellement la taille des réserves lipidiques visibles par transparence sur la face ventrale des oiseaux, sous forme d’un indice de gras (Helms & Drury, 1960; Kaiser, 1993; Turcotte & Desrochers, 2008; Salewski et al. , 2009). Bien que cette approche soit basée exclusivement sur l’ estimation de la taille des réserves, elle reste néanmoins affectée par un certain niveau de subjectivité et n’offre que peu de précision (Krementz & Pendleton, 1990). L’ intérêt des indices morphométriques de condition nutritionnelle réside dans le fait qu’ils sont simples à utiliser et qu’ ils sont peu onéreux à mettre en œuvre. Cependant, ils ne nous renseignent que sur la condition de l’ animal au moment de la capture et n’offrent aucun renseignement sur l’état dynamique de cette condition, ce qui peut poser problème dans certains cas. Par exemple, la condition peut être estimée identique chez deux individus au moment de la capture, nous menant à penser qu’ils sont dans un même état nutritionnel. Pourtant, les courbes de gain de masse de ces deux oiseaux peuvent en réalité présenter des pentes totalement différentes, d’engraissement et donc de voire inverses, dénotant une différence de taux performance physiologique, ce que les indices morphométriques tels que le ratio masse/taille ou encore l’indice de gras ne permettent pasde détecter (Williams et al. , 1999). Pour connaître la variation temporelle de la condition nutritionnelle d’ un individu, cette technique nécessite plusieurs mesures et donc plusieurs recaptures qui ne sont pas toujours aisées à obtenir en milieu naturel. Certaines techniques ont cependant été développées pour résoudre ce problème. Par exemple, un perchoir relié à une balance électronique permet de peser plusieurs fois dans la même journée un oiseau en liberté, sans nécessiter de multiples captures (V ézina et al., 2001). Cependant, cette technique nécessite une mesure structurale des oiseaux pour calculer le ratio masse/taille et n’ est donc applicable qu’ aux individus capturés au moins une fois. De plus, cette méthode peut être difficile à mettre en œuvre, spécialement durant l’hiver, car elle nécessite l’utilisation d’appareils électroniques qui ne réagissent pas bien au froid.

INDICES PHYSIOLOGIQUES DE CONDITION

  Plus récemment, des indices physiologiques basés sur l’évaluation de l’état nutritionnel à l’ aide de marqueurs sanguins ont fait leur apparition. Il existe plusieurs indicateurs plasmiques (métabolites) mesurables dans le sang comme l’acide urique, le glucose, les acides gras libres, les triglycérides ou encore le ~-hydroxybutyrate qui renseignent sur différents aspects des fonctions physiologiques qui sous-tendent la condition nutritionnelle d’ un animal. Plusieurs études utilisent des indicateurs impliqués dans le métabolisme lipidique pour mesurer la condition nutritionnelle individuelle des oiseaux  (Williams et al., 1999; Guglielmo et al. , 2002; Owen et al., 2005; McGuire et al., 2009). Ces indices plasmiques, bien qu ‘ils soient plus onéreux à mettre en œuvre que les indices morphométriques et qu ‘ils demandent un délai d’analyse, ont l’avantage de nous renseigner sur le taux de changement de masse (vitesse de gain ou perte de réserves) et ainsi de nous informer sur les fluctuations des réserves énergétiques individuelles dans le temps pour des oiseaux capturés une seule fois (Jenni-Eiermann & Jeruïi, 1994; Williams et al., 1999; Guglielmo et al., 2002; Owen et al., 2005; Seaman et al., 2006). Cette technique a été validée à plusieurs reprises chez différentes espèces de limicoles et de passereaux migrateurs (Jenni-Eiermann & Jenni, 1994; Seaman et al., 2005; Seaman et al., 2006; Zajac et al., 2006; Williams et al. , 2007; Dietz et al., 2009). Cette approche représente donc un avantage considérable sur les indices morphométriques puisqu’elle donne de l’information sur la dynamique et la direction du changement de condition nutritionnelle au cours du temps (Williams et al., 1999).

ÉTAT DES CONNAISSANCES CHEZ LES OISEAUX

  Les indices physiologiques de condition nutritionnelle tels que les métabolites sanguins ont été beaucoup étudiés chez les oiseaux migrateurs (Jenni-Eiermann & Jelmi, 1994; Seaman et al., 2005 ; Seaman et al., 2006; Zajac et al. , 2006; Williams et al. , 2007; Dietz et al., 2009). Les métabolites tels que TRIG et BUTY nous permettent, entre autres, de comprendre l’ effet des contraintes associées à la migration de certaines espèces en étudiant l’évolution de leur condition nutritionnelle lors des haltes migratoires (Seaman et aL, 2005 ; Smith & McWilliams, 2010). De manière générale, le niveau de TRIG augmente dans le temps au fur et à mesure que l’ oiseau s’alimente, mais le patron ne semble pas être le même pour toutes les espèces. En effet, la paruline à tête noire (Sylvia atricapilla), le rouge-gorge (Erithacus rubecula) et la paruline des jardins (Sylvia robin) voient leur niveau de TRIG augmenter rapidement le matin (Jenni & Jenni-Eiermann, 1996) et se stabiliser plus tard dans la journée alors que le gobe-mouche noir (Ficedula hypoleuca) présente une augmentation linéaire du niveau de TRIG durant toute la journée (Jenni-Eiermann & Jenni, 1997). Il en est de même pour le patron de BUTY dont le niveau décline rapidement quandl’oiseau commence à s’ alimenter le matin. C’est le cas du rouge gorge et de la paruline des jardins (Jenni & Jenni-Eiermann, 1996) alors que chez le bécasseau d’Alaska , le niveau de BUTY décline linéairement tout au long de la journée (Guglielmo et al. 2002). Ces différents résultats attestent du grand potentiel de la méthode mais soulignent le fait que les nécessaire de connaître les patrons de variation de TRIG et BUTY pour l’espèce et les conditions qui nous intéressent avant d’aller de l’avant dans la validation de la relation entre la perte ou le gain de masse et ces marqueurs sanguins. Puisque les oiseaux résidents, en conditions hivernales, doivent accumuler des lipides sur une base journalière comme les migrateurs (bien que pour des raisons différentes), il est très probable que la méthode d’ évaluation du taux de gain ou de perte de masse par la mesure de TRIG et de BUTY soit applicable à ces espèces, ce qui donnerait aux scientifiques un outil pour l’étude de la performance physiologique d’ individus capturés une seule fois. Ces oiseaux accomplissent l’ensemble de leur cycle biologique dans une aire géographique restreinte et doivent faire face aux variations climatiques saisonnières (Oison & Grubb, 2007). Contrairement aux migrateurs, leur défi hivernal n’ est pas d’ accumuler assez d’énergie pour parcourir de longues distances, mais bien de survivre aux contraintesénergétiques imposées par leur environnement. Cependant, si le climat influence la physiologie et le comportement de certaines espèces de passereaux, comme la mésange charbonnière (Parus major) qui modifie sa stratégie d’engraissement par période de grands froids (Krams et al., 2010), à ce jour, l’effet du climat sur les variations de métabolites plasmiques est encore peu connu (Swanson & Thomas 2007; Williams, 1999 ).

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Table des matières

REMERCIEMENTS
RESUME
ABSTRACT
TABLE DES MATIERES
LISTE DES ABREVIATIONS, DES SIGLES ET DES ACRONYMES
INTRODUCTION GENERALE
Hypothèse et objectif 1
Hypothèse et objectif 2
CHAPITRE 1 VARIATION JOURNALIERE DES MARQUEURS DE CONDITION NUTRITIONNELLE ET EFFET DES FLUCTUATIONS CLIMATIQUES A COURT TERME CHEZ LA MESANGE A TETE NOIRE (POECILE ATRICAPILLUS)
1.1 RÉSUMÉ EN FRANÇAIS DU PREMIER ARTICLE
1.2 DAILY VARIATION IN MARKERS OF NUTRITIONAL CONDITION AND EFFECTS OF SHORT-TERM CLIMATE FLUCTUATIONS IN WINTERING BLACK-CAPPED CHICKADEE (POECILE ATRICAPILLUS)
CHAPITRE 2 CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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