Consommation tous usages confondus
La consommation de gaz en France (hors production d’électricité) était en constante augmentation jusqu’au début des années 2000, passant de 8.4 Mtep en 1973 (MEEM, 2016a) à 33.9 Mtep en 2005 (MTES, 2018a). Les volumes de gaz importés ont ensuite progressivement diminué. Cela s’explique notamment par un ralentissement de l’activité industrielle lié au contexte économique, ainsi qu’au développement des mesures de maîtrise de la consommation d’énergie (GRTgaz, 2017b). Corrigée des variations climatiques, la consommation de gaz en 2014 (production d’électricité incluse) était la plus faible depuis 2000 (421 TWh). En 2015 et 2016, elle a cependant de nouveau augmenté pour atteindre 495 TWh en 2016, ceci en raison de la hausse de la production d’électricité, ce qui représentait 21% de la demande finale d’énergie en France (MTES, 2018). L’électricité représente aujourd’hui environ 25% de la consommation d’énergie finale, alors que sa participation était de 10% en 1973 (Figure 1). Le recours croissant au chauffage électrique et l’augmentation des taux d’équipement des ménages (CGDD, 2011) ont notamment fait augmenter le volume annuel consommé qui est passé 150 TWh au début des années 1970 à 474 TWh en 2017 (RTE, 2018). Corrigé des variations climatiques, ce volume est cependant en stagnation depuis 2011 (RTE, 2017a). Cela est dû à la conjoncture économique qui a notamment une influence sur la demande dans les secteurs de l’industrie, et également à une modification structurelle de l’activité économique qui a fait l’objet d’une tertiarisation progressive. Par ailleurs, le développement des audits d’efficacité énergétique dans l’industrie, l’amélioration de l’efficacité énergétique des usages du résidentiel/tertiaire et l’amélioration de l’isolation du parc de bâtiments ont contribué à faire diminuer les volumes consommés (RTE, 2017a). La consommation de pétrole est passée de 84 à 61 Mtep entre 1973 et 2015 (Figure 2). Cela est dû aux chocs pétroliers des années 1970 et au développement du parc nucléaire dans les années 1980. Dans les secteurs résidentiel et tertiaire, des dispositifs d’aides ainsi que des hausses de prix ont accéléré le remplacement des chaudières au fioul domestique par des systèmes plus performants ou utilisant d’autres vecteurs énergétiques, faisant ainsi passer la consommation de 32 Mtep à 10 Mtep (Figure 2) (MEEM, 2016a). En revanche, la forte croissance du parc automobile (de 14 millions de véhicules en 1970 (Barre, 1997) à 38 millions en 2015 (SDES, 2018)) a considérablement augmenté l’usage du pétrole dans le secteur des transports : de 25 Mtep (1973) à 45 Mtep (2015) (Figure 2). La consommation d’énergie issue des filières biomasse, déchets, solaire thermique, géothermie et pompes à chaleur est en hausse continue depuis le milieu des années 2000. Les secteurs résidentiel et tertiaire sont les premiers consommateurs de ces énergies (69% en 2015 (MEEM, 2016a)). Le nombre de logements équipés de chauffage au bois est passé de 5.7 millions en 2006 à 7 millions en 2013 (MEEM, 2016a). Enfin, la biomasse est aussi présente dans le secteur des transports par l’intermédiaire d’une incorporation de bioéthanol/biodiesel aux carburants. Le déploiement des biocarburants pourrait constituer un élément non négligeable de la sollicitation des ressources biomasse, car la Loi de Transition Energétique sur la Croissance Verte (LTECV) mentionne que les énergies renouvelables doivent représenter 15% de la consommation finale de carburant en 2030 (MEDDE, 2015b) .
Focus sur les dynamiques intra-journalières et les rampes
Comprendre les dynamiques de consommations intra-journalières nécessite d’adopter une échelle d’analyse qui se situe au niveau des usages qui ont chacun des profils spécifiques. Il s’agit de courbes qui reflètent la consommation de l’ensemble des ménages français, donc beaucoup plus lissées que les courbes quiseraient observées pour un ménage individuel. Les différences saisonnières (hiver/été) et journalières (semaine/week-end) sont illustrées par quatre profils :
La courbe du chauffage qui génère un talon de consommation en hiver
L’Eau Chaude Sanitaire (ECS). Le profil est le reflet de l’asservissement des ballons d’eau chaude fonctionnant la nuit.
L’éclairage, avec des pics de consommation type à 8h et 20h.
Les autres usages de l’électricité dont les pics de consommation sont situés aux heures des repas.
La gestion des variations horaires d’appels de puissance (que nous nommons « rampes ») est un enjeu important pour assurer l’équilibre offre-demande, en particulier pour le système électrique. Au sein du système électrique, nous observons des rampes caractéristiques sur les intervalles 6h-7h et 17h-19h. La rampe 18h-19h a la plus forte dispersion avec des intensités qui passent de 1 GWh/h en été à plus de 8 GWh/h en hiver. Dans le cas des intervalles 23h-24h, 3h-4h, 13h-14h et 15h-16h, les rampes sont négatives toute l’année. Au sein du système gaz, les rampes sont plus importantes, particulièrement sur la tranche horaire 5h-6h avec des intensités pouvant atteindre 20 GWh/h en hiver. Cependant, la gestion des rampes est plus aisée que pour le système électrique car le réseau de gaz permet de disposer d’une importante flexibilité. L’intensité des rampes du système électrique pourrait augmenter à l’avenir avec la pénétration du renouvelable variable et le pilotage de la demande. Des consommations résiduelles négatives ont d’ores et déjà été observées au Danemark : plus de 100h en 2014 avec une production allant jusqu’à 119% de la demande (Buttler et al., 2016). L’analyse de l’impact de la pénétration du renouvelable sur l’intensité de la consommation résiduelle a été réalisé dans (Huber et al., 2014) et (Buttler et al., 2016) pour les 27 pays de l’Union Européenne, avec une analyse des bénéfices liés aux interconnexions. Des études sont également réalisées à des échelles nationales, par exemple :
en Californie (Shaker et al., 2016) (CAISO, 2013), dont l’objectif est d’assurer 50% de la production d’électricité d’origine renouvelable en 2030 (CPUC, 2017).
en Allemagne, dont l’objectif est de porter la part des énergies renouvelables à 80% de la production d’électricité en 2050 (Schill, 2014). L’analyse des rampes issue de la pénétration des énergies renouvelables variables est discutée dans (Schill, 2014), avec des scénarios à l’horizon 2030 et 2050.
en France, une évaluation journalière et hebdomadaire de la consommation résiduelle a été réalisée à l’horizon 2030 dans le Bilan Prévisionnel réalisé par RTE en 2015 (RTE, 2015). En particulier, les impacts différentiés du photovoltaïque (modification journalière de la consommation résiduelle) et de l’éolien (suppression de la périodicité hebdomadaire) ont été explicités.
Caractéristiques du système gaz
Le gaz est apparu en France à la fin du 19ème siècle avec la construction d’usines aux abords des villes permettant de produire du « gaz manufacturé » à partir de la houille. C’est seulement dans la seconde moitié du 20ème siècle que de grandes infrastructures nationales de transport de gaz et d’importations de « gaz naturel » ont été mises en place. La construction du réseau de transport démarra en 1958 et son développement fut important dans les années 60 (Beltran, 1992). On assista simultanément à la mise en place de terminaux méthaniers afin d’être en mesure de recevoir du Gaz Naturel Liquéfié (GNL), ainsi qu’à la construction de stockages souterrains de grande capacité. Jusqu’en 2005, les activités de production/fourniture, de transport et de distribution de gaz étaient assurées par Gaz de France. La loi du 9 août 2004 a établi la séparation de ces activités avec l’entrée de la fourniture dans le secteur concurrentiel, tandis que le transport et la distribution conservent le statut d’activité régulée. Ainsi, la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) propose tous les quatre ans un tarif des prestations de transport et le soumet pour approbation au gouvernement. Ce tarif est calculé pour couvrir les dépenses d’exploitation et rémunérer les investissements. Les conditions d’accès aux infrastructures gazières sont fixées par des directives et des règlements européens, puis transposés dans les droits nationaux. L’entreprise GRTgaz a été créée le 1er janvier 2005. ENGIE et la Société d’Infrastructures Gazières sont les actionnaires de l’entreprise, respectivement à la hauteur de 75% et de 25%. GRTgaz possède deux filiales :
– GRTgaz Deutschland qui opère le gazoduc MEGAL reliant la République tchèque, l’Allemagne, l’Autriche et la France
– Elengy qui exploite trois terminaux méthaniers en France
Il existe aujourd’hui deux opérateurs de réseau de transport : GRTgaz (32 320 km de réseau) et Téréga dans le sud-ouest de la France (5 100 km de réseau). Aujourd’hui, le réseau de GRTgaz est interconnecté avec les réseaux allemands, belges et suisses tandis que Teréga est connecté à l’Espagne.
Contrainte de sortie du nucléaire en 2050
L’optimisation du système énergétique dans le scénario « FLEXOPT_traj.F4 » est notamment réalisée avec une mobilisation des moyens de production nucléaire jusqu’en fin d’horizon. Cette variante introduit une contrainte imposant une capacité nulle en 2050. A l’instar des résultats obtenus dans le chapitre 3, la sortie du nucléaire est seulement réalisée en fin d’horizon (Figure 136). Pour compenser la perte des centrales, les énergies marines, les importations d’électricité et les centrales biomasse sont notamment sollicitées. Une modification notable est observée au sein du système gaz : le méthane de synthèse disparaît car le système électrique n’est plus en mesure de fournir de l’énergie pour alimenter les électrolyseurs (Figure 137). Par ailleurs, la consommation de gaz augmente de 119 TWh. Les conséquences de la sortie du nucléaire sur les mix gaz et électrique entraînent des modifications au niveau des systèmes de demande : la mobilisation soudaine du bois-énergie pour la production d’électricité en 2050 ne permet plus aux secteurs résidentiel et tertiaire de faire appel à cette ressource (Figure 138). Pour pallier la disparition des systèmes de chauffage au bois et la disponibilité plus faible du système électrique, la demande d’énergie finale dans les secteurs résidentiel et tertiaire diminue de 30% entre 2045 et 2050 (Figure 139). Cela est le reflet d’une diminution de la demande d’énergie utile de 28% dans le secteur résidentiel en fin de période (diminution des besoins de chaleur de 54 TWh en 5 ans) (Figure 140). Nous rappelons en effet qu’il n’y a pas de contraintes de rythme sur le mécanisme d’isolation dans le cadre de ces premières simulations. Ce scénario illustre les interactions complexes entre les systèmes d’offre et de demande ainsi que la compétition sur l’usage des ressources permettant de décarboner le système énergétique. Dans ce scénario, la sortie du nucléaire génère un « effet falaise » avec une modification soudaine de l’allocation de la ressource bois-énergie des secteurs résidentiel/tertiaire vers le système électrique. Dans le cas d’une sortie progressive du nucléaire, il est probable que ce phénomène soit davantage lissé.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
1 ELEMENTS DE CONTEXTE
2 ORGANISATION DU DOCUMENT
CHAPITRE 1 : DE NOUVELLES INTERACTIONS ENTRE LES SYSTEMES GAZ ET ELECTRIQUE
1 ENJEUX DE LONG TERME POUR LES SYSTEMES GAZ ET ELECTRIQUE FRANÇAIS
1.1 LA CONSOMMATION D’ENERGIE FRANÇAISE
1.2 GAZ ET ELECTRICITE : DEUX ENERGIES DE RESEAU DISPOSANT D’IMPORTANTES INFRASTRUCTURES
1.3 GAZ ET ELECTRICITE AU CŒUR DES PREOCCUPATIONS POUR LES TRANSITIONS ENERGETIQUES
2 DESCRIPTION DES FILIERES GAZ RENOUVELABLES ET CCS
2.1 LE BIOMETHANE ISSU DE LA METHANISATION
2.2 LE BIOMETHANE ISSU DE LA GAZEIFICATION
2.3 INJECTION D’HYDROGENE ET DE METHANE DE SYNTHESE DANS LES RESEAUX PAR DU POWER-TO-GAS
2.4 FILIERE CAPTURE, TRANSPORT ET STOCKAGE/UTILISATION DU CO2
3 CONCLUSIONS
CHAPITRE 2 : CONSTRUCTION D’UN MODELE BOTTOM-UP DES SYSTEMES GAZ ET ELECTRIQUE FRANÇAIS
1 INTRODUCTION
2 TIMES : UN GENERATEUR DE MODELES BOTTOM-UP
2.1 LE SYSTEME ENERGETIQUE DE REFERENCE
2.2 FORMULATION MATHEMATIQUE
3 DESCRIPTION DU MODELE « TIMES-FR-GAZEL »
3.1 CARACTERISTIQUES ET TOPOLOGIE GENERALE DU MODELE
3.2 CHOIX DE MODELISATION POUR LE SYSTEME GAZ
3.3 CHOIX DE MODELISATION POUR LE SYSTEME ELECTRIQUE
3.4 MODELISATION DE LA DEMANDE
4 CONCLUSIONS
CHAPITRE 3 : ETUDE PROSPECTIVE DU POSITIONNEMENT DES NOUVELLES FILIERES GAZIERES ET ELECTRIQUES
1 INTRODUCTION
2 POSITIONNEMENT DES NOUVELLES FILIERES GAZIERES ET ELECTRIQUES SUR LA BASE DE SCENARIOS DE DEMANDE FINALE
2.1 OBJECTIF « FACTEUR 4 » ET ENJEU DES HYPOTHESES SUR LE RYTHME DE DEPLOIEMENT DES FILIERES DE DECARBONATION
2.2 ETABLISSEMENT D’UNE CONFIGURATION PIVOT ET DEFINITION DES SCENARIOS
2.3 POSITIONNEMENT DES TECHNOLOGIES DANS LE CAS DE LA CONFIGURATION « PIVOT »
2.4 IMPACT DE LA DISPONIBILITE/ACCEPTABILITE DES FILIERES DE DECARBONATION
2.5 IMPACT DE LA STRATEGIE DE DECARBONATION
3 GESTION DES EQUILIBRES OFFRE-DEMANDE
3.1 EQUILIBRES OFFRE-DEMANDE AU PAS HORAIRE
3.2 GESTION DE LA PRODUCTION DE BIOMETHANE : ENJEU CENTRALISE/DECENTRALISE
4 ANALYSE ECONOMIQUE DES SCENARIOS DEFINIS
4.1 ANALYSE DES COUTS PAR SYSTEME ET PAR FILIERE
4.2 INFLUENCE DES SCENARIOS SUR LE COUT MARGINAL DE LA CONTRAINTE CO2
4.3 INFLUENCE DE LA PRISE EN COMPTE DE L’ELASTICITE DE LA DEMANDE
5 CONCLUSIONS
CHAPITRE 4 : CONSTRUCTION D’UN MODELE DU SYSTEME ENERGETIQUE FRANÇAIS PILOTE PAR DES DEMANDES DE SERVICES INTRA-JOURNALIERES
1 INTRODUCTION
2 CHOIX DE MODELISATION POUR LA FOURNITURE D’ENERGIE AUX SECTEURS DE DEMANDE
2.1 PRODUCTION ET TRANSPORT DE L’HYDROGENE-ENERGIE
2.2 ACHEMINEMENT POUR LES AUTRES VECTEURS
3 CHOIX DE MODELISATION : SYSTEMES DE DEMANDE ET SERVICES ENERGETIQUES
3.1 SECTEURS RESIDENTIEL ET TERTIAIRE
3.2 SECTEUR DES TRANSPORTS
4 PREMIERES SIMULATIONS
4.1 HYPOTHESES DE DEMANDE
4.2 POSITIONNEMENTS DES VECTEURS ENERGETIQUES DANS LE CAS D’UNE CONTRAINTE « FACTEUR 4 »
4.3 INTRODUCTION DE DEUX VARIANTES
4.4 INTEGRATION DE POSSIBILITES DE SUBSTITUTIONS TECHNOLOGIQUES DANS L’INDUSTRIE
5 CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
CONCLUSION GENERALE ET PERSPECTIVES
ANNEXES
ANNEXES DU CHAPITRE 1
ANNEXES DU CHAPITRE 2
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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