Fin de vie en France : Aspects culturel, sociétal et épidémiologique
Epidémiologie de la fin de vie en France
Alors qu’il était majoritaire dans les années 1950, le domicile est progressivement devenu un endroit de décès minoritaire. En 2013, seuls 38% des décès annuels concernaient le domicile, qu’il s’agisse du domicile personnel ou d’un hébergement dans un établissement social ou médico-social. (1) En 2009, l’IGAS, publie dans son rapport gouvernemental que sur l’ensemble de la population, plus d’un français sur deux meurt à l’hôpital (57.9%) et ce quel que soit son âge (2). Ces chiffres semblent être stables depuis une trentaine d’années. Pourtant, l’ONFV publiait en 2013 un rapport selon lequel 80% des français souhaitaient passer leurs derniers instants chez eux (3). On note que 30% des patients seulement sont hospitalisés 30 jours avant leur décès. Or, la veille, c’est le cas de plus de 60% des patients. Cela signifie que dans leurs derniers jours de vie, 30% de ces patients (soit 160000 personnes selon le rapport de l’IGAS publié en 2016 (1) ) vont devoir quitter leur domicile pour être transférés à l’hôpital. Ces mouvements ne sont pas toujours compatibles avec l’offre capacitaire en lits spécialisés. Ainsi, certaines de ces personnes vont mourir dans des conditions inconfortables, ou ressentir l’urgence et l’angoisse avant d’accéder à un service de médecine classique. Voire même pour une partie d’entre eux, décéder dans un couloir aux urgences. Cependant, il faut bien différencier que le lieu de la fin de vie n’est pas forcément synonyme du lieu de décès. Comme le souligne le rapport de l’IGAS de 2016 (1), le domicile n’est pas obligatoirement un lieu adapté à toutes les fins de vie. Lorsqu’elle est longue ou difficile, la fin de vie peut être vécue comme un véritable traumatisme et modifier profondément la relation au domicile. Toujours d’après le même rapport (1), il faut garder à l’esprit que le domicile est un lieu d’inégalités susceptible de renvoyer à chacun ses propres faiblesses. D’autant plus quand on sait que les ressources financières et la capacité à mobiliser un réseau d’aidants sont des déterminants essentiels à la bonne qualité du maintien au domicile. De plus en plus, les fins de vie sont lentes et progressives. Les symptômes aigus qui marquent leur évolution, ainsi que l’imminence d’une mort pressentie par le patient et ses proches, entraînent un appel au service d’aide médicale urgente (SAMU), le recours au service d’accueil des urgences (SAU) ou une demande d’hospitalisation. Le décès à l’hôpital n’est pas forcément un échec, il est parfois même un choix .
Différents points de vue sur la mort en son évolution en France
Evolution socio-culturelle de la mort
Selon l’historien Michel Vovelle, « nous sommes passés de la mort solidaire à la mort solitaire » (4). Autrefois, en France, la mort avait un cadre, un temps d’organisation dans lequel le deuil prenait place, autour de rites funéraires bien établis : le patient mourait chez lui entouré de ses proches, puis une veillée était organisée, suivi du convoi jusqu’à l’église où avait lieu une cérémonie, puis enfin le cimetière. Tout le monde savait trouver sa place autour du mourant. Depuis une cinquantaine d’années, ces rituels accompagnant la mort ont disparu, et ainsi les repères qu’avait la société face à celle-ci. Il devient même de nos jours préférable dans notre société de faire preuve de discrétion concernant la mort : cacher ses émotions et sentiments en société pour faire preuve de « pudeur », revenir rapidement au travail après un décès, ne plus porter le deuil en noir les jours suivant la perte d’un proche, … D’après François Michaud-Nérard, auteur et Directeur Général des Services funéraires de Paris, nous assistons de nos jours à la phase ultime de cette disparition sociale, avec l’incinération et la disparition du corps (5). Celle-ci n’était quasiment pas pratiquée en France il y a 20 ans, et elle représente aujourd’hui 20% des pratiques funéraires (contre 40% en Allemagne et 70% en Grande-Bretagne). Ainsi, nous assistons progressivement à une disparition de la mort et du mort de notre société. Nous passons d’une mort collective à une mort individuelle .
Impact de l’épidémiologie sur notre vision de la mort
Ces phénomènes peuvent être en premier lieu expliqués par l’évolution démographique qu’a subi notre pays ces dernières années. Par exemple l’augmentation de l’espérance de vie qui a quasiment doublé au cours du XXème siècle (7) : en 1900, elle était de 45 ans, hommes et femmes confondues, alors qu’en 2017, elle était de 79.5 ans pour les hommes et 85.4 ans pour les femmes (8). De même, la diminution de l’incidence de la mortalité infantile : en 2016, 2900 enfants de moins de 1 an sont décédés, soit 3,7 décès pour 1000 naissances. Ce taux a très fortement baissé au cours du XXème siècle pour se stabiliser depuis 2005 (9). Il y a également une modification des causes de la mort elle-même, qui modifie nos perceptions de celle-ci : il y a plusieurs décennies, il n’était pas rare de voir une personne être emportée par une infection, quel que soit son âge. Désormais, mourir d’une infection reste une cause de décès rare, et cela concerne majoritairement les personnes vulnérables âgées ou immunodéprimées (10). Nous mourons de nos jours essentiellement de vieillesse, ce qui augmente la fréquence des pathologies neuro-dégénératives associées à la mort, très rarement présentes il y a un siècle. En parallèle les décès brutaux, d’origine traumatique ou cardiovasculaire par exemple, sont de plus en plus inacceptables aux yeux de notre société, tout comme la mort d’un enfant. Ces incidents violents semblent être insensés et sont inacceptables à notre époque, où la médecine paraît à la pointe de la technologie et bouleverse toutes nos croyances et espérances. Pour finir, nos modifications de perception de la mort semblent également corrélées à la perte de nos repères religieux. Premièrement car la prévalence de la population croyante pratiquante diminue en France : elle était à 18% en 1980 pour s’établir à 12% depuis le début des années 2000, avec notamment une baisse plus prédominante chez les jeunes (11). Mais également car la France est le pays d’Europe ayant la plus grande diversité culturelle.De ce fait, cet important mixage culturel nous ouvre à plusieurs conceptions de la mort, etnous donne un nouveau regard sur cette étape de la vie .
Les différents acteurs de la fin de vie
Les réseaux d’aide
Sur les 38% de patients décédant au domicile, 28% meurent à leur propre domicile et les 10% restant décèdent dans un établissement de soins type établissement d’hébergementpour personnes âgées dépendantes (EHPAD) (2). Chaque année, 65 000 patients sont pris en charge et coordonnés au domicile,grâce à l’appui et l’expertise de structures dédiées et réseaux : l’hospitalisation au domicile (HAD),leséquipes mobiles de soins palliatifs (EMSP), les services de soinsinfirmiers au domicile(SSIAD), certains réseaux propres à une pathologiechronique comme par exemple le réseaupour les insuffisants cardiaques de suivi clinique au domicile (SCAD) en Basse-Normandie.
L’HAD
L’HAD est un réseau de soins qui permet de coordonner la prise en charge médicale despatients au domicile. L’accord du médecin traitant pour débuter une HAD est nécessaire carc’est lui qui reste détenteur de la responsabilité médicale du patient au cours de l’hospitalisation. Sans l’HAD, les personnes qu’elle accueille seraient maintenues enétablissement hospitalier ; elle permet donc de raccourcir une hospitalisation enétablissement, voire parfois de l’éviter complètement. En 2014, l’HAD a pris en charge106 000 personnes, pour un coût total de 944Md’euros facturés à l’assurance maladie. Oncompte cette même année près de14500 personnes qui sont décédées en HAD (12) contre6656 personnes en 2007 .
Le SSIAD
Les SSIAD contribuent au maintien au domicile en assurant des soins infirmiers directement chez les patients. Ils. Les interventions du SSIAD sont prises en charge par l’assurance maladie et se font sur prescription médicale (13). Le SSIAD intervient pour les personnes deplus de 60 ans malades ou en perte d’autonomie, mais également chez les personnes demoins de 60 ans handicapées ou ayant une maladie chronique. Depuis le 1er juin 2018, unpatient qui bénéficiait déjà du SSIADau domicile, et dont l’état de santé nécessite une HAD peut bénéficier de cette prise en charge et continuer à être soigné par une partie desprofessionnelsdu SSIAD qu’il connait déjà .
Les réseaux de soins palliatifs et les EMSP
Les réseaux de soins palliatifs au domicile sont des équipes pluriprofessionnelles, composées le plus souvent de médecins, infirmiers, psychologues, infirmiers coordinateurs, assistants sociaux et bénévoles. Ils permettent de mobiliser, coordonner et conseiller l’ensemble des acteurs sanitaires et sociaux sur un territoire donné. L’objectif est de permettre aux patients et à leurs proches de bénéficier de soins palliatifs de qualité quel que soit leur lieu de prise en charge (15). Par exemple, la région caennaise bénéficie des services de l’équipe mobile territoriale de soins palliatifs « Ressources ». Les EMSP sont des équipes pluriprofessionnelles comportant les mêmes acteurs de soins, mais intervenant à l’hôpital. Elles agissent parfois au domicile dans les secteurs géographiques où il n’existe pas de réseaux (16). La région caennaise compte par exemple l’EMSP Maurice Abiven, ou encore l’EMSP du CHU.
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Table des matières
Introduction
I /- Fin de vie en France : Aspects culturel, sociétal et épidémiologique
A /- Epidémiologie de la fin de vie en France
B/- Différents points de vue sur la mort en son évolution en France
1. Evolution socio-culturelle de la mort
2. Impact de l’épidémiologie sur notre vision de la mort
II /- Les différents acteurs de la fin de vie
A)- Les réseaux d’aide
1. L’HAD
2. Le SSIAD
3. Les réseaux de soins palliatifs et les EMSP
B)- Les aidants
C)- Le médecin traitant
III /- L’accueil des patients en fin de vie à l’hôpital
A)- L’accueil des patients en fin de vie aux urgences
1. Epidémiologie aux urgences
2. Urgences et éthique
B)- Les unités de soins palliatifs
Matériels et Méthodes
I /- Objectif principal
II /- Type d’étude
III /- Sélection de la population
A)- Critères d’inclusion
B)- Critères d’exclusion
IV /- Recueil de données et analyses statistiques
Résultats
I/- Données générales
A)- Caractéristiques des patients
B)- Données sur leur mode de vie
1. Lieu de résidence
2. Estimation de l’autonomie
3. Intervention d’un réseau d’aide
C)- Données sur les pathologies conduisant aux urgences
1. Registre des pathologies
2. Délai depuis le dernier passage aux urgences
D)- Condition de transfert aux urgences
1. Informations concernant le moment de venue au SAU
Le jour de la semaine
L’heure de la journée
2. Choix du vecteur selon le prescripteur
E)- Prise en charge aux urgences
1. Recueil d’informations sur le patient par l’urgentiste
Contact des proches
Contact du médecin traitant
Contact d’un médecin spécialiste référent
2. Demande d’avis spécialisé
3. Demande d’avis à une EMSP
4. Thérapeutiques
Sédation
Antalgiques
F)- Données éthiques
1. LATA
2. Recueil de directives anticipées
3. Personne de confiance
4. Facteurs influençant la présence de directives anticipées ou personne de confiance
5. Analyse de la présence de DA ou personne de confiance selon le lieu de vie
G)- Décès
1. Présence d’un proche
2. Lieu de décès
3. Durée de séjour
II /- Comparaison statistique à une thèse réalisée au CHU de Caen en 2017
A)- Concernant les LATA
B)- Concernant les directives anticipées ou personne de confiance
Discussion
I /- Validité de l’étude
A)- Cohérence interne
B)- Validité externe
II /- Analyse des données
A)- Rappel et interprétation des résultats et comparaison à la littérature
1. Caractéristiques des patients
2. Données sur leur mode de vie
3. Données sur leur pathologie les conduisant aux urgences
4. Conditions de transfert aux urgences
5. Prise en charge aux urgences
6. Données Ethiques
7. Décès
B)- Recueil de la littérature sur des axes d’amélioration
1. Le maintien au domicile
2. La prise en charge à l’hôpital
Conclusion
Bibliographie