Le Laboratoire National des Champs Magnétiques Intenses (LNCMI) est composé de deux sites. Le site de Grenoble (LNCMI-G), spécialiste du domaine des champs magnétiques statiques et le site de Toulouse (LNCMI-T) qui produit des champs magnétiques pulsés non destructifs et semi-destructifs. Le temps de mesure disponible est alloué à la recherche propre du laboratoire mais aussi à des chercheurs externes. Les utilisateurs sont en demande de champs magnétiques toujours plus puissants et de durée la plus longue possible. Or, peu de laboratoires sont capables de satisfaire une telle demande. Afin d’y parvenir, le LNCMI a acquis un savoir dans les domaines de l’ingénierie et de la conception des aimants mais aussi dans le domaine de l’élaboration des matériaux qui les composent. Le LNCMI-T a ainsi été capable d’élaborer une bobine ayant permis en 2017 de générer un champ magnétique pulsé non destructif de 98,8 T et ainsi obtenir le record européen. Le champ magnétique produit par une bobine induit des forces de Lorentz qui peuvent conduire à la destruction de l’électroaimant si le conducteur n’a pas une tenue mécanique suffisante. De plus, pour obtenir la durée d’impulsion la plus longue possible, ces conducteurs doivent avoir une résistivité électrique la plus proche possible de celle du cuivre pur. Cependant, haute contrainte à la rupture et faible résistivité électrique sont le plus souvent antagonistes. Les matériaux servant à l’élaboration des fils conducteurs utilisés pour la mise en œuvre des bobines constituent donc un des verrous majeurs.
Contexte de l’étude
Des fils conducteurs renforcés pour générer des champs magnétiques intenses
Les champs magnétiques intenses sont utilisés dans divers domaines de l’ingénierie afin de manipuler la matière (déflection, lévitation, séparation, alignement…), en science des matériaux pour sonder la matière. L’application d’un champ magnétique peut modifier les propriétés électroniques ou magnétiques de certains composés (résonance magnétique nucléaire, résonance cyclotron, résonance paramagnétique des électrons, effet Hall) ou bien en physique fondamentale en créant de nouveaux états de la matière (état normal des supraconducteurs, supraconductivité induite par champ, nouveaux états magnétiques, points quantiques critiques).
Le European Magnetic Field Laboratory (EMFL), dont font partie le LNCMI, le HFML et le HLD, a été fondé en 2015. Il a comme but, d’unir, de coordonner et de renforcer les laboratoires européens de champ magnétique intenses existants au sein d’un seul organisme en tant qu’infrastructure de premier plan à travers le monde.
Les champs magnétiques générés par les différents laboratoires peuvent se diviser en quatre voies : Les champs magnétiques destructifs : Ce sont des champs magnétiques supérieurs à 1000 T générés par implosion au VNIIEF et au LANL ou par compression de flux électromagnétiques à l’ISSP. Les champs magnétiques semi-destructifs : Ces champs magnétiques sont générés par une monospire pouvant produire jusqu’à 300 T pendant une durée de quelques microsecondes. La mono-spire est détruite lors de chaque tir. En revanche l’échantillon et son support d’instrumentation demeurent intacts. Il est possible d’atteindre des champs magnétiques de : 209 T au LNCMI-T [1], 300 T au NHMFL [2], et 300 T à l’ISSP [3]. Les champs magnétiques non-destructifs continus (jusqu’à 45 T) : un aimant résistif, supraconducteur ou hybride (une partie résistive et une autre supraconductrice) est utilisé pour générer ces champs magnétiques. Ce type d’installation permet de produire des champs magnétiques de : 37 T au LNCMI-G [4], 38 T au HFML [5], 45 T au NHMFL [6], 31 T au HFLSM [7] et 42,9 T au HMFL [8]. Les champs magnétiques non-destructifs pulsés (60 à 100 T) : ces champs magnétiques sont obtenus grâce à un courant très intense pulsé (entre 10 millisecondes et 1 seconde pour éviter la surchauffe du conducteur due à l’effet Joule) injecté dans une bobine résistive. Ces infrastructures permettent de générer: 98,8 T au LNCMI-T [9] et 95 T HLD [10], 100,75 T au LANL [11], 90 T au WHMFC [12] et 85 T à ISSP .
Le LNCMI à Toulouse est spécialisé dans la production de champs magnétiques non-destructifs pulsés supérieurs à 60 T, obtenus grâce à des bobines de fils conducteurs renforcés. Pour permettre la mise en forme sans rupture lors du bobinage, les fils doivent être suffisamment ductiles à température ambiante. Lors de leur utilisation, les bobines sont placées dans des cryostats remplis d’azote liquide pour les refroidir. En effet, cette basse température (77 K) va avoir pour effet de limiter l’échauffement des fils conducteurs qui composent la bobine et ainsi il sera possible de préserver l’intégrité des isolants électriques à la surface des fils. De plus, les phonons étant des centres de collisions électroniques, leur diminution avec l’abaissement de la température, confère une plus faible résistivité électrique aux conducteurs. Pour finir, à faible température, le mouvement des dislocations étant ralenti, la contrainte à la rupture des fils augmente. Pour que la bobine soit non destructive, il faut que le fil conducteur qui la compose ne s’endommage pas pendant l’utilisation. Le champ magnétique induit la force de Lorentz qui génère des contraintes tangentielles proportionnelles au carré du champ magnétique. Elles sont de l’ordre de 1 GPa à 60 T et supérieure à 2,2 GPa à 100 T [14], [15]. L’intensité du champ qu’il est possible de générer par une bobine est directement liée à la résistance mécanique du matériau qui la compose. Le cuivre pur écroui présente une résistance à la rupture de 450 MPa. Les méthodes classiques de renforcement du cuivre permettent d’augmenter la contrainte à la rupture mais les propriétés électriques du conducteur renforcé sont dégradées.
Or, afin d’obtenir une durée d’impulsion la plus longue possible, il est nécessaire de garder une conductivité élevée, proche de celle du cuivre pur.
La bobine triple 100 T
Le LNCMI-T a conçu, élaboré et mis en service sa première bobine triple ayant permis de générer un champ magnétique de 98,8 T en 2017 [9] et ainsi obtenir le record européen, le record mondial de 100,75 T étant détenu depuis 2012 par le National High Magnetic Field Laboratory (NHMFL) de Los Alamos [11, 16]. Cette bobine triple est constituée de trois bobines concentriques .
Ce système multi-bobines est communément utilisé pour générer des champs magnétiques supérieurs à 70 T [9-13]. Ces systèmes utilisent le principe de superposition des champs magnétiques qui prévoit que le champ magnétique total de la bobine est égal à la somme des champs magnétiques des trois bobines qui la composent. Les trois bobines étant alimentées indépendamment avec trois bancs de condensateur (d’énergie 1, 6 et 14 MJ), elles génèrent leur propre champ magnétique. Ainsi, la bobine extérieure génère un champ de fond égal à 11 T, la bobine centrale un champ de 27 T et la bobine intérieure un champ de 60 T .
Ce système permet plus de flexibilité quant à l’élaboration de la bobine. La mise en œuvre de trois bobines gigognes à la place d’une bobine monolithique rend possible l’obtention d’un champ magnétique de 100 T avec des conducteurs renforcés qui permettraient seulement l’obtention d’un champ magnétique de 70 T s’ils étaient utilisés dans une bobine monolithique. De plus, les bobines étant indépendantes les unes des autres, en cas de défaillance de l’une d’elles, il est possible de réduire les couts de réparation.
Afin de maximiser le taux de remplissage de la bobine les conducteur sont mis en forme avec une section rectangulaire. Lors de la génération du champ magnétique, les conducteurs vont être soumis à des contraintes proches de leur contrainte à la rupture. Dans le but d’augmenter la tenue mécanique de la bobine, une fine couche de renfort composée de Zylon [17] imprégnée d’une résine époxy Stycast 1266 est intercalée entre chaque couche de conducteurs . Le Zylon est une fibre à haute résistance dont la contrainte à la rupture est supérieure à 5 GPa. Malgré l’ajout de ce renfort externe, les bobines sont considérées comme des “consommables” qui ne vont supporter que quelques centaines d’impulsions.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre I Etat de l’art
I.1 Contexte de l’étude
I.1-1 Des fils conducteurs renforcés pour générer des champs magnétiques intenses
I.1-2 La bobine triple 100 T
I.2 La nano-structuration
I.2-1 Généralités sur la nano-structuration
I.2-2 Nano-structuration du cuivre par tréfilage
I.3 État de l’art des fils argent-cuivre
I.3-1 L’argent et le cuivre purs
I.3-2 Diagramme de phase argent-cuivre
I.3-3 Les fils d’alliages Ag/Cu
I.4 État de l’art des fils composites
I.4-1 Les fils macro-composites cuivre-acier inoxydable (Cu-SS)
I.4-2 Les fils nano-composites
I.4-2-1 Les fils cuivre-niobium (Cu-Nb)
I.4-2-2 Les fils nano-composites nanotubes de carbone – cuivre (NTC-Cu)
I.5 Conclusion du chapitre I
Références
Chapitre II Fils composites Ag-Cu à faible teneur en Ag
II.1 Introduction
II.2 Elaboration des poudres composites Ag-Cu
II.2-1 Les microfils d’argent
II.2-2 La poudre de cuivre commerciale
II.2-3 Le mélange des poudres composites Ag-Cu
II.3 Réduction des oxydes de cuivre sous H2
II.3-1 Généralités sur la réduction des oxydes de cuivre sous H2
II.3-2 Réduction de la poudre composite Ag-Cu sous H2
II.4 Barreaux Ag-Cu préparés par SPS
II.4-1 Principe du procédé SPS
II.4-2 Préparation des barreaux par SPS
II.4-2-1 Etat de l’art du frittage SPS du cuivre
II.4-2-2 Cycle de frittage
II.4-2-3 Courbe de densification et densité
II.4-3 Microstructure et texture des barreaux
II.5 Elaboration des fils composites Ag-Cu par tréfilage
II.5-1 Principe du procédé d’élaboration de fils par tréfilage
II.5-2 Conditions de tréfilage
II.5-3 Microstructure et texture des fils
II.5-3-1 Densité relative
II.5-3-2 Microstructure et texture
II.5-4 Résistivité électrique des fils
II.5-5 Propriétés mécaniques des fils
II.5-5-1 Microdureté Vickers
II.5-5-2 Résistance en traction
II.6 Discussions
II.7 Conclusion du chapitre II
Références
Chapitre III Influence de la formation d’un alliage Ag/Cu sur les propriétés des fils composites Ag-Cu
III.1 Introduction
III.2 Elaboration des poudres composites Ag-Cu
III.3 Barreaux Ag-Cu préparés par SPS
III.3-1 Cycle de frittage
III.3-2 Courbe de densification et densité
III.3-3 Microstructure et microdureté Vickers des barreaux
III.4 Elaboration des fils Ag-Cu par tréfilage
III.4-1 Conditions de tréfilage
III.4-2 Microstructure et texture des fils
III.4-2-1 Densité relative des fils de diamètre 4 mm
III.4-2-2 Microstructure et texture des fils de diamètre 0,5 mm
III.4-2-3 Microstructure et texture des fils de diamètre 0,3 mm
III.4-3 Discussion sur la plasticité des fils
III.4-4 Propriétés mécaniques des fils
III.4-4-1 Microdureté Vickers
III.4-4-2 Résistance en traction
III.4-5 Résistivité électrique des fils
III.5 Discussions
III.6 Conclusion du chapitre III
Références
Conclusion générale