Films d’hydrogels stimulables

Stratégie de synthèse 

La synthèse de films de polymère peut être réalisée par polymérisation radicalaire directe sur un substrat fonctionnalisé. Cependant la voie de synthèse radicalaire est très sensible à l’oxygène et donc au contrôle de l’atmosphère lors de la réaction. De plus, nous travaillons avec des films fins qui présentent un rapport surface sur épaisseur très élevé, ce qui augmente fortement la sensibilité à ce phénomène. La méthode CLAG (CrossLinking And Grafting) développée au laboratoire consiste en la réticulation et le greffage simultanés de chaînes de polymères préalablement synthétisées. La réaction choisie pour la méthode CLAG est la chimie click thiol-ène . Cette réaction peut être activée par voie thermique ou par irradiation UV (à 254 nm sans besoin de photoamorceurs). La synthèse CLAG permet donc de travailler dans des conditions moins contraignantes que celles nécessaires pour la synthèse de films d’hydrogel à partir de monomères [50].

La méthode CLAG repose donc sur la réticulation et le greffage simultanés du polymère sur le substrat. Les chaînes de polymères sont fonctionnalisées avec des fonctions « ène » et le réticulant utilisé est le dithiolerythritol. Le réticulant est introduit largement en excès (quinze équivalents) pour assurer une conversion totale des fonctions « ène » disponibles dans le polymère. Les substrats doivent donc être préalablement fonctionnalisés avec des thiols afin de pouvoir également réaliser des liaisons covalentes grâce à la chimie click thiolène. C’est cette double étape de réticulation/greffage simultanée qui est à la base de la synthèse CLAG.

Synthèse des polymères fonctionnalisés

Dans cette partie nous présentons la synthèse puis la fonctionnalisation du copolymère de poly(NIPAM-co-AA) utilisé pour la synthèse des films d’hydrogel stimulables. Les polymères synthétisés sont ensuite purifiés et caractérisés en spectroscopie RMN.

Synthèse du copolymère poly(NIPAM-co-AA) 

Dans le chapitre précédent, nous avons décrit différentes familles de polymères aux comportements stimulables. Nous nous intéressons maintenant en particulier aux polymères à LCST. Dans notre étude nous nous sommes principalement concentrés sur l’utilisation du pNIPAM comme hydrogel stimulable qui est largement décrit dans la littérature [30][51][52]. La synthèse contrôlée des chaînes linéaires de pNIPAM fonctionnalisées partiellement par des fonctions « ène » a été l’objet du travail de thèse de de Mengxing Li [53] au laboratoire SIMM. Pour cela on procède à la copolymérisation statistique des monomères NIPAM avec de l’acide acrylique par voie radicalaire conventionnelle. La réaction de polymérisation est initiée par le couple oxydo-réducteur persulfate d’ammonium/métabisulfite de sodium qui permet d’ajuster facilement la longueur des chaînes avec la concentration du couple oxydo réducteur. Le pH est ajusté à 5 avant l’introduction de l’agent de couplage afin d’avoir une conversion maximale [54]. Une fois la réaction achevée la solution est dialysée pendant 5 jours dans l’eau pure dans des ballons de pores de tailles 6000-8000 daltons. Après cette purification le polymère est récupéré par lyophilisation.

La masse molaire moyenne en masse Mw et la dispersité ? = Mw/Mn des copolymères obtenus sont caractérisées par chromatographie GPC (Gel Permeation Chromatography). On obtient une masse molaire de 427 kg.mol-1 avec une dispersité de 2,1. Les mesures sont réalisées avec des colonnes OHpak SB-806M HQ avec comme éluant une solution aqueuse de NaNO3 à 0,2 mol.L-1 à un débit de 0,7 mL.min-1. Les expériences sont réalisées à 28°C, c’est-à-dire à une température inférieure à la LCST du pNIPAM pour éviter la séparation de phase. Une analyse RMN 1 H (Bruker 400 MHz) est réalisée pour vérifier la pureté du polymère obtenu à la fin des étapes de purification.

Fonctionnalisation du copolymère

On réalise ensuite la fonctionnalisation du polymère par des groupements alcènes. Lors de cette étape, on modifie les fonctions acides carboxyliques de l’acide acrylique par réaction avec l’allylamine. On utilise les agents de couplage 1-(3 diméthyl- aminopropyl)-3-ethylcarbodiimide hydrochloride (EDC) /N-hydroxysuflo succinimide (NHS). La réaction est réalisée dans une solution de polymère concentrée à environ 3-5% massique et à pH 4,5 afin de maximiser l’efficacité des agents de couplage.

Fonctionnalisation des surfaces 

Pour préparer le greffage du polymère sur les substrats solides, ceux-ci doivent être fonctionnalisés avec une monocouche de thiols pour être compatible avec la chimie click thiol-ène. Le contrôle de l’état de surface des substrats est essentiel pour assurer la réussite du greffage. Nous avons travaillé sur les substrats suivants : des wafers de silicum, des lames de verre et du PDMS. Les wafers de silicium sont des surfaces choisies pour être les surfaces modèles du fait de leur très faible rugosité et de leurs propriétés optiques. En effet, la forte réflexion des wafers de silicium, et la connaissance précise de son indice optique vont permettre des caractérisations fines en utilisant l’ellipsométrie. De plus, la très bonne planéité de ce substrat permet des mesures précises d’épaisseurs par AFM sur film d’hydrogel sec dans l’air et sur film d’hydrogel gonflé dans l’eau par la méthode de la marche. Les surfaces de verre, quant à elles, permettent la réalisation d’échantillons transparents et donc d’étudier par la suite les propriétés optiques de transmission et d’absorption des couches déposées. Enfin, le PDMS permet de travailler sur substrat souple et donc de développer des dispositifs pouvant être sollicités mécaniquement. Les protocoles de nettoyage et de fonctionnalisation varient en fonction de leur chimie.

Wafer de silicium 

Les wafers de silicium (Neyco) ont une couche d’oxyde native de 2 nanomètres (ce que nous avons vérifié par ellipsométrie). Pour fonctionnaliser la surface, on active tout d’abord celle-ci par UV-ozone pendant 15 minutes. Cette étape permet d’activer les groupements silanols à la surface du substrat. Les wafers sont ensuite immergés dans un bain de 3-mercaptopropyltrimethoxysilane à 3% volumique dans le toluène anhydre dans un réacteur sous atmosphère de diazote. Après 3 heures d’immersion, les wafers sont lavés dans du toluène sous ultra-sons puis séchés sous flux d’azote. A l’issue de la réaction, on vérifie par ellipsométrie l’épaisseur de la couche auto assemblée de thiols qui est d’environ deux nanomètres. Les échantillons sont ensuite conservés dans des boîtes de Pétri à l’abri de la poussière jusqu’à utilisation.

Substrat en verre 

Nous avons choisi d’utiliser des lames de microscope comme substrat de verre. Les lames de verre sont en général plus polluées que les wafers de silicium : il faut donc procéder à un nettoyage plus intense. Pour les nettoyer et les activer en une seule étape on utilise la méthode du piranha. Cette technique consiste à immerger les lames dans un mélange 70/30 en volume d’acide sulfurique concentré (>95%) et d’eau oxygénée. Le mélange est ensuite chauffé à 200°C jusqu’à évaporation complète de l’eau oxygénée (fin de l’ébullition, environ trente minutes). On rince alors les lames de verre dans deux bains d’eau successifs puis on les sèche sous flux d’azote. Cette dernière étape est très importante car toute trace d’eau lors de la fonctionnalisation entraîne la présence de défauts d’état de surface qui empêche leur utilisation. Les lames activées sont ensuite mises dans le réacteur de silanisation et la même procédure que décrite pour les wafers de silicium est appliquée. Une fois la silanisation terminée, les lames de verre sont coupées à l’aide d’une pointe diamant et stockées à l’abri de la poussière.

Substrat de PDMS 

Pour la réalisation des plaques de PDMS on suit le protocole suivant : on mélange une base et un réticulant en proportion 10/1 en masse (Sylgard 184). Le mélange est ensuite agité jusqu’à homogénéisation, puis la solution obtenue est centrifugée à 4000 tours par minutes pendant deux fois 5 minutes pour enlever les bulles. Une fois la solution dégazée, on coule le polymère dans le moule à la géométrie voulue et on place le tout à l’étuve à 70°C pendant une nuit.

La fonctionnalisation des surfaces de PDMS commence par une activation au plasma. Les échantillons sont plongés dans un plasma d’air pendant 40 secondes. Pour la fonctionnalisation, un mauvais solvant du PDMS est nécessaire pour ne pas avoir un gonflement total du PDMS lors de cette étape. On ne peut donc plus utiliser le toluène comme solvant de silanisation. L’éthanol est choisi pour cette étape en conservant les mêmes proportions de 3% volumique en 3 mercaptopropyltrimethoxysilane. Après 3 heures de réaction, les échantillons sont rincés dans l’éthanol pur et séchés sous flux d’azote.

Synthèse des films

Dépôt par spin-coating 

Le film de polymère est déposé par spin-coating . On dépose à la pipette quelques gouttes de solution sur le substrat. Une fois le solvant évaporé, on récupère le substrat recouvert d’une couche homogène de polymère. Cette technique nous permet d’obtenir des épaisseurs de film allant de quelques nanomètres à plusieurs microns de façon très reproductible. Ce choix du spin-coating et non du dip-coating est motivé par la gamme d’épaisseur visée mais également par souci d’économie de la quantité de polymère utilisée lors des dépôts. En effet, le dip-coating nécessite plusieurs millilitres de solution tandis que pour le spin-coating quelques microlitres suffisent. Au laboratoire, des études ont été réalisées dans précédents travaux de thèse sur le contrôle de l’épaisseur de films d’hydrogel déposés par spin-coating [51][52].

Dans nos travaux, les paramètres de spin-coating ont été fixés à 3000 tours par minutes pendant 30 secondes. Le solvant pour préparer la solution de pNIPAM est un mélange 50/50 méthanol/butanol ce qui permet d’avoir un bon équilibre entre volatilité et mouillage total du substrat lors du dépôt. Afin d’avoir une solubilisation complète des chaînes dans le solvant on réalise la solution au moins 12 heures avant le dépôt. Puis le réticulant est ajouté 30 minutes avant le dépôt pour s’assurer de sa bonne solubilisation. Des courbes d’étalonnage en masse molaire et en concentration ont été réalisées dans des travaux antérieurs. L’épaisseur obtenue résulte d’un équilibre entre la viscosité et les forces centrifuges appliquées à l’échantillon. Il a alors été démontré que l’épaisseur obtenue est proportionnelle η1/2 Cp avec η la viscosité de la solution. La viscosité η est elle-même directement reliée à la masse molaire du polymère Mp et la concentration en polymère Cp par la relation ?∝?pM∝p avec α paramètre de Mark-Houwink [51] valant 0,8 dans le cas d’un bon solvant.

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Table des matières

Introduction
Chapitre I Contexte et objectifs de la thèse
A. Cristaux photoniques
1. Définition
2. Propriétés physiques remarquables
B. Cristaux photoniques stimulables
1. Inspiration naturelle
2. Stratégie de synthèse
3. Cristaux photoniques stimulables synthétiques
C. Films fins d’hydrogel stimulables
1. Hydrogels stimulables
2. Films minces d’hydrogel
D. Objectifs de la thèse
Chapitre II Films d’hydrogels stimulables
A. Stratégie de synthèse
B. Synthèse des polymères fonctionnalisés
1. Synthèse du copolymère poly(NIPAM-co-AA)
2. Fonctionnalisation du copolymère
C. Fonctionnalisation des surfaces
1. Wafer de silicium
2. Substrat en verre
3. Substrat de PDMS
D. Synthèse des films
1. Dépôt par spin-coating
2. Différentes voies de réticulation
E. Caractérisation des films d’hydrogels
1. Gonflement des films d’hydrogel
2. Indice optique du film d’hydrogel
3. Instabilités de gonflement
F. Conclusion
Chapitre III Miroir de Bragg polymère-métal
A. Démonstrateur optique
1. Méthode de dépôt
2. La bicouche pNIPAM/Au
B. Caractérisation fine du système modèle
1. Contrôle de l’épaisseur
2. Topographie de la couche
3. Gonflement de la bicouche
4. Propriétés optiques
C. Cristaux photoniques 1D : Miroirs de Bragg
1. Architecture multicouches
2. Gonflement de l’hydrogel dans la multicouche
3. Propriétés optiques
D. Comparaison avec la théorie
1. Définition du modèle
2. Facteur de réflexion
3. Discussion expériences-simulation
E. Conclusion
Chapitre IV Miroir de Bragg polymère-oxyde
A. Synthèse du gel de TiO2
1. Synthèse sol-gel
2. Épaisseur des couches d’oxyde
B. Bicouches polymère : TiO2
1. Compatibilité des couches
2. Gonflement de la bicouche
3. Propriétés optiques
C. Multicouches polymère : TiO2
1. Architecture multicouches
2. Propriétés optiques stimulables
D. Conclusion
Chapitre V Cristaux photoniques stimulables 2D
A. Stratégie adoptée
1. Contrôle de la réticulation
2. Démonstrateur macroscopique
B. Structuration microscopique
1. Méthode de réticulation
2. Réalisation des masques par photolithographie
3. Conception des échantillons microstructurés
4. Étude de la résolution spatiale de la méthode indirecte
5. Gonflement des films d’hydrogel: effets de bord
C. Dispositifs diffractant modulables
1. Microstructures thermo-activables
2. Contrôle spatial du gonflement
D. Conclusion
Conclusion

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