En janvier 2006, une épizootie d’influenza aviaire, provoquée par un influenzavirus hautement pathogène de sous-type H5N1, s’est déclarée au Nigeria et s’est étendue, en l’espace de quelques mois, à plusieurs pays africains. Le premier cas de transmission de cet influenzavirus à l’Homme a été identifié en Mai 2006 en Egypte. Cette épizootie a immédiatement suscité de vives inquiétudes (VALLET, 2006). Malgré, ou en raison, de l’hyper médiatisation de cette épizootie et de la menace pandémique qui lui est rattachée, il reste toujours difficile de s’en faire une idée précise et réaliste.
« L’Afrique qui fait face à cette maladie épizootique n’est pas restée les brascroisés » a signalé le Président de la République malienne lors de la 4ème Conférence internationale sur la grippe aviaire à Bamako en décembre 2006. Ainsi à Dakar, en février, puis à Abuja en juin 2007, les ministres et experts africains avec le concours des partenaires au développement, ont évalué l’ampleur de la menace et proposé des réponses appropriées contre l’épizootie. Quel bilan peut –on faire de la maladie sur le continent africain ?
Contexte macro économique de l’Afrique
Présentation de l’Afrique
L’Afrique est le second continent au monde par sa population et le second (ou le 3e selon que l’on considère l’Amérique comme un ou deux continents) par sa superficie, après l’Asie. D’une superficie de 30 221 532 km² en incluant les îles, l’Afrique couvre 6 % de la surface terrestre et 20,3 % de la surface des terres émergées. Avec une population de 900 000 000 habitants en 2005, les Africains représentent 14% de la population mondiale. Le continent est bordé par la Mer Méditerranée au nord, le Canal de Suez et la Mer Rouge au nord-est, l’Océan Indien au sud-est et l’Océan Atlantique à l’ouest. L’Afrique comprend 46 pays en incluant Madagascar, et 53 en incluant tous les archipels (WIKIPEDIA, 2006a).
L’Afrique est considérée comme étant le lieu d’origine de l’être humain. L’Afrique chevauche l’équateur et englobe de nombreux climats ; c’est le seul continent à s’étendre des régions tempérées du nord aux zones tempérées du sud. A cause du manque de précipitations régulières et d’irrigation, tout comme de glaciers ou de systèmes montagneux aquifères, il n’existe pas de moyen de régulation naturel du climat à l’exception des côtes. (WIKIPEDIA, 2006a) .
Économie
Après une longue période de recul économique durant les années quatre-vingt et la première moitié des années quatre-vingt dix, le continent africain a commencé à enregistrer des progrès économiques significatifs dans la seconde moitié de la décennie. La production réelle a progressé de 4 % par an en moyenne entre 1996 et 1998, contre un rythme inférieur à 2 % durant la première moitié de la décennie. Bien que la croissance économique ait fléchi à 3,2 % en 1998, en grande partie en raison d’un environnement extérieur défavorable engendré par la crise économique asiatique, elle reste supérieure à celle du début de la décennie. Ainsi depuis 1996, le continent africain connaît dans son ensemble des taux de croissance par habitant positifs.
Filière avicole en Afrique
Dans presque tous les pays en développement, l’élevage de volaille, réalisé par des familles pauvres, rurales comme urbaines, participe au renforcement d’une agriculture familiale vitale pour les emplois et la sécurité alimentaire. Selon les statistiques de la FAO en 2003, l’Afrique héberge près de 8% de la population mondiale de volaille et participe pour 4% à la production d’oeufs et pour 6% à la production de viande aviaire. L’Afrique subsaharienne représente à peine 1,5% de la production mondiale de poulet (FAO, 2003). De même, sa part du marché est très faible dans les échanges mondiaux : Seule l’Afrique du Sud développe l’exportation de volaille entière ou découpée, essentiellement à destination des pays voisins (la Tanzanie notamment). En revanche, l’Afrique centrale et de l’Ouest importe de plus en plus de volaille en provenance de l’UE, essentiellement sous forme de découpes congelées. Parmi les productions en zone intertropicale, l’aviculture tient souvent une place de choix dans le plan de développement de nombreux pays. Ainsi, du point de vue économique, l’aviculture permet de diversifier le revenu des populations, d’économiser une partie des devises dépensées pour l’importation de produits alimentaires de haute valeur nutritive et de valoriser enfin les sous-produits agro industriels en les transformant en produits nobles tels que la viande et les œufs (DOUMBIA, 2002). En Afrique comme dans de nombreux pays en développement, on distingue couramment deux types d’aviculture : L’aviculture traditionnelle constitué de poulaillers traditionnels et l’aviculture moderne. Ces deux modes d’élevage présentent des forces comme des faiblesses.
Aviculture traditionnelle
Contexte
L’aviculture traditionnelle est un type d’élevage pratiqué essentiellement en milieu rural, sous un mode extensif où chaque famille paysanne possède un effectif faible de poules (KOE, 2001). Au Nigeria, l’aviculture familiale représente approximativement 94% de l’élevage avicole total et compte pour 4% environ de la valeur totale estimée des ressources animales du pays (TADELLE, et al. 2000). Elle représente 83% de l’ensemble des volailles nationales estimé à 82 millions de sujets. En Éthiopie, la volaille rurale concourt à 99% de la production nationale totale de viande, de poulet et d’œufs (TADELLE, et al. 2000).
La volaille est le plus faible investissement à la portée d’un ménage rural. Même dans ce cas, le fermier confronté à la pauvreté, a besoin de crédit pour obtenir le premier investissement qui lui permettra de s’élever de sa modeste condition. Au Bangladesh, les femmes représentent 20 à 30% de tous les chefs de ménage (SALEQUE, 1999); elles sont le plus souvent désavantagées en terme d’options pour la génération de revenus. En Afrique sub-saharienne, 85% des ménages élèvent des volailles, dont la propriété dépend des femmes à 70 % (GUEYE, 1998 et BRANCKAERT, 1999). Générer un revenu est le premier objectif d’un élevage avicole familial. Les œufs peuvent procurer un revenu régulier, quoique modeste alors que la vente d’oiseaux vivants procure une source de liquidités plus flexible adaptée aux besoins. En République Dominicaine, par exemple, l’aviculture familiale contribue pour 23 % au revenu de la production animale (RAUEN et al. 1990).
L’importance de la volaille pour les ménages ruraux est illustrée dans l’exemple ci-dessous provenant de Tanzanie (tableau I). En supposant qu’une poule locale ponde 30 œufs par an, dont 50 pour cent sont consommés et les autres éclosent à 80 pour cent, chaque femelle produira 12 poussins annuellement. Avec un taux de survie de 50 pour cent et un sex-ratio de 50/50, la production totale d’une poule au bout de 5 ans sera de 120 kg de viande et de 195 (6,8kg) œufs.
Importance socio-économique
Le poulailler traditionnel est généralement géré par les femmes (TALAKI, 2000). Elles le développent le plus souvent en complément de l’activité agricole ou d’élevage familial. Les volailles constituent une source protéique supplémentaire dans la composition du repas quotidien. Elles interviennent aussi dans certaines pratiques culturelles telles que la dot ou les cérémonies funèbres. Par ailleurs, le poulailler traditionnel, véritable “caisse d’épargne sur pattes” ou “carte de crédit à plumes” procure souvent un revenu d’appoint non négligeable en cas de maladies ou pour assurer les frais de scolarité des enfants. Son coût de production est très faible: outre un complément alimentaire ponctuel, les volailles croissent en liberté, picorant ce qu’elles trouvent. Les races locales produites sont très appréciées du consommateur, par ailleurs très proche de l’éleveur : ce dernier suspend ses “poulets village” ou “poulets bicyclette” à son vélo pour se rendre au marché et les y vendre lui-même. A ces atouts, s’opposent une série d’insuffisances : de gestion d’abord, les dépenses et les revenus n’étant pas maîtrisés de manière optimale ; de commercialisation ensuite, avec un circuit peu développé et incapable, tel quel, de répondre à la demande urbaine croissante; de soutien public enfin, puisque ce mode d’élevage ne bénéficie pratiquement d’aucune aide de l’État.
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Table des matières
INTRODUCTION
Première partie : Filière avicole en Afrique et généralités sur l’Influenza aviaire Hautement Pathogène
CHAPITRE I : FILIERE AVICOLE EN AFRIQUE
I. Contexte macro économique de l’Afrique
I.1. Présentation de l’Afrique
I.2. Économie
II. Filière avicole en Afrique
II.1. Aviculture traditionnelle
II.1.1. Contexte
II.1.2. Importance socio-économique
II.1.3. Aspect sanitaire
II.2. Aviculture moderne
II.2.1. Contexte
II.2.2. Zones d’élevage
II.2.3. Production
II.2.3.1. Race et souches exploitées
II.2.3.2. Type de spéculations
II.2.3.3. Production de volaille et d’œufs de consommation
II.2.4. Importation des viandes et abats
II.2.5. Consommation de volaille et d’œufs en Afrique
III. Organisation générale et Acteurs de la filière avicole
III.1. Acteurs de la filière
III.2. Importation
IV. Atouts et contraintes de la filière avicole
IV.1. Atouts
IV.1.1. Filière traditionnelle
IV.1.2. Filière moderne
IV.2. Contraintes
IV.2.1. Filière traditionnelle
IV.2.1.1. Contraintes zootechniques
IV.2.1.2. Contraintes Pathologiques
IV.2.2. Filière moderne
IV.2.2.1. Contraintes financières et techniques
IV.2.2.2. Contraintes institutionnelles
IV.2.2.3. Contraintes Zootechniques
IV.2.2.4. Contraintes sanitaires et pathologiques
Chapitre II : GENERALITES SUR L’INFLUENZA AVIAIRE HAUTEMENT PATHOGENE
I Définition – Importance
I.1 Définition
I.2 Importance
I.1.1 Sur le plan médical
I.1.2 Sur le plan économique
I.1.3 Sur le plan hygiénique : Risque pandémique
II Étiologie
II.1 Morphologie et structure de l’influenzavirus
II.2 Classement phylogénétique
II.3 Caractères physico-chimiques, culturaux et biologiques de l’influenzavirus
II.4 Propriétés biologiques
II.4.1 Pouvoir pathogène
II.4.2 Variabilité génétique des influenzavirus
II.4.2.1 Mutations ponctuelles
II.4.2.2 Réassortiments génétiques
II.4.3 Support moléculaire de la virulence
III Eléments d’épidémiologie
III.1 Espèces affectées
III.2 Réservoir
III.3 Transmission dans l’Avifaune
III.4 Transmission d’influenzavirus d’origine aviaire à l’homme
IV Symptômes et lésions
IV.1 Symptômes
IV.2 Lésions
V Diagnostic
V.1 Diagnostic sur le terrain
V.2 Diagnostic de laboratoire
V.2.1 Méthodes virologiques directes
V.2.2 Méthodes virologiques indirectes ou sérologiques
VI Prophylaxie et mesures de polices sanitaires
Deuxième partie : Bilan de l’Influenza Aviaire Hautement Pathogène en Afrique en 2006 et 2007
Chapitre I – Cadre d’étude et approche méthodologique
I Cadre d’Étude
I.1 Milieu d’étude
I.2 Repères géographiques des pays africains affectés par le virus H5N1
I.2.1 Bénin
I.2.2 Burkina Faso
I.2.3 Cameroun
I.2.4 Côte-d’Ivoire
I.2.5 Djibouti
I.2.6 Égypte
I.2.7 Ghana
I.2.8 Niger
I.2.9 Nigeria
I.2.10 Soudan
I.2.11 Togo
II Méthodologie
II.1 Période d’étude
II.2 Approche méthodologique
II.3 Origine des données
II.3.1 OIE
II.3.1.1 Présentation
II.3.1.2 Collecte et diffusion d’informations sanitaires
II.3.1.3 Rapport d’urgence
II.3.1.4 Rapport de suivi
II.3.2 FAO
II.3.2.1 Missions générales
II.3.2.2 L’unité spéciale « influenza aviaire »
II.3.2.3 Suivi de l’épizootie
II.3.2.4 Complémentarité des deux agences de santé animale
II.3.3 OMS
II.3.3.1 Réseau de surveillance de la grippe
II.4 Utilisation des données
II.5 Estimation du nombre de cas humains
II.6 Saisie et traitement des données
Chapitre II – Résultats
I.1. Répartition et caractéristiques de l’influenza aviaire en Afrique
I.1.1. Répartition géographique des foyers
I.1.2. Caractéristiques générales de l’IAHP en Afrique
I.1.2.1. Chez les animaux
I.1.2.2. Chez l’Homme
I.2. Bilan par pays
I.2.1. Bilan chez les volailles domestiques
I.2.1.1. Cas du Nigeria
I.2.1.2. Cas de l’Égypte
I.2.1.3. Cas du Niger
I.2.1.4. Cas du Cameroun
I.2.1.5. Cas du Burkina Faso
I.2.1.6. Cas du soudan
I.2.1.7. Cas de la Côte d’Ivoire
I.2.1.8. Cas de Djibouti
I.2.1.9. Cas du Ghana
I.2.1.10. Cas du Togo
I.2.1.11. Cas du Bénin
I.3. Origine et mode de propagation du H5N1 en Afrique
I.4. Conséquences socio-économiques de la maladie en Afrique
I.4.1. Budget de la FAO
I.4.2. Pertes économiques : Exemple de la Côte d’Ivoire
I.4.3. Psychose « Grippe aviaire » : Exemple du Cameroun
I.5. Information, Sensibilisation et formation
I.6. Actions contre l’influenza aviaire hautement pathogène
I.6.1. Action internationale
I.6.2. Action au niveau africain
I.6.3. Cas des actions menées par l’EISMV de Dakar
Chapitre III – Discussion et recommandations
I. Discussion
I.1. Cadre d’étude et méthodologie
I.2. Répartition et caractéristiques de l’influenza aviaire en Afrique
I.2.1. Origine et mode de propagation de l’IAHP
I.2.2. Délais entre confirmation de laboratoire, début présumé de la maladie et rapport à l’OIE
I.2.3. Nombre de foyers chez la volaille
I.2.4. Cas du bénin
I.2.5. Espèces Affectées
I.3. Cas humains
I.4. Conséquences socio-économiques en Afrique
I.5. Information, Sensibilisation et formation
II. Recommandations
II.1. Aux éleveurs
II.2. Aux États
II.3. Aux organisations internationales de santé publique et bailleurs de fonds
III. Perspectives de recherches
Conclusion
Bibliographie