Filamentation laser femtoseconde : état de l’art et perspective

En 2010, l’invention du laser a fêté ses 50 ans, célébrant un demi-siècle de recherche fondamentale dans les domaines de la physique, de la chimie et de la biologie, ainsi que d’applications industrielles dans des secteurs technologiques de pointe mais aussi dans notre vie quotidienne. L’évolution des lasers impulsionels tend principalement vers un but : obtenir des impulsions de plus en plus courtes et de plus en plus énergétiques. Avec l’augmentation de la puissance crête des lasers, une nouvelle branche de l’optique a pris son essor : l’optique fortement non linéaire. Cette nouvelle branche de la physique n’a pas arrêté de se développer depuis les années 60 pour devenir une discipline majeure. Dans les années 90, les impulsions laser ont atteint en durée l’échelle de la centaine de femtosecondes pour des énergies de plusieurs joules. La puissance est telle qu’en plus de réagir de manière non linéaire avec le champ électromagnétique laser, la matière se dissocie pour créer un gaz d’électrons et d’ions appelé plasma. En 1995, en utilisant sa chaîne laser amplificatrice à dérive de fréquence nouvellement inventée, l’équipe de G. Mourou a découvert de manière fortuite (par le biais de l’endommagement d’un miroir à 10 m) un nouveau mode de propagation non linéaire autoguidé qui sera par la suite baptisé « filamentation laser femtoseconde ». Ce qui était perçu à l’époque comme un phénomène parasite dans la conception des chaînes lasers de puissance est devenu le sujet d’une recherche active tant du point de vue de la physique fondamentale que dans la perspective d’applications

Concepts de base de la filamentation laser

Principaux effets en jeu

La filamentation laser femtoseconde est un mode de propagation hautement non linéaire, avec une dynamique complexe aussi bien dans le domaine temporel que dans le domaine spatial et un fort couplage spatiotemporel. Nous présentons ici les phénomènes de bases intervenant dans ce processus.

Diffraction
Une impulsion laser se propageant dans un milieu transparent subit deux effets qui ne dépendent pas de l’intensité du laser : la diffraction et la dispersion de vitesse de groupe. La diffraction est un effet linéaire intervenant même dans le vide, qui est intimement lié à la nature ondulatoire de la lumière. De manière classique, la diffraction découle du principe d’HuygensFresnel stipulant que tout point de l’espace interagissant avec une onde électromagnétique devient à son tour un point source émettant une onde sphérique. L’analogue quantique appliqué au photon est le principe d’incertitude d’Heisenberg. Ainsi, à cause de la diffraction un faisceau laser se propageant dans le vide diverge spatialement au cours de la propagation.

Il est important de noter que l’effet de la diffraction dépend de la longueur d’onde. Plus la longueur d’onde est grande et plus l’onde diverge rapidement. Dans le cas d’une impulsion ultra brève (possédant donc un spectre étendu), la diffraction induit alors une défocalisation spatiotemporelle. En effet, les parties « bleues » du spectre diffractent moins que les parties « rouges » du spectre. Ainsi, pour un faisceau de dimension finie, en utilisant un détecteur lui aussi de dimension finie placé à grande distance du laser, on mesure un spectre plus étroit que le spectre de départ, correspondant à une impulsion plus longue.

Dispersion de vitesse de groupe
Le deuxième effet linéaire est la dispersion de vitesse de groupe qui traduit le fait que la réponse de la matière dépend de la longueur d’onde d’excitation. Dans la région de dispersion normale d’un matériau transparent, les fréquences « rouges » du spectre se déplacent plus rapidement que les fréquences « bleues ». Cela signifie que l’impulsion acquiert une phase temporelle au cours de sa propagation, les fréquences rouges vont être au début de l’impulsion et les fréquences bleues à la fin.

Génération de plasma 

Nous avons vu que l’effet Kerr entraîne un effondrement total du faisceau qui mène à une singularité. Ainsi, un autre phénomène physique saturant l’intensité avant l’effondrement est nécessaire pour mener au mode de propagation autoguidée. Bien que récemment, des groupes de recherches aient suggéré que ce processus était principalement du à la contribution des ordres élevés de la polarisabilité non linéaire, il apparaît de manière expérimentale que le processus non linéaire mis en œuvre est la création de plasma. Ce plasma est créé par l’interaction simultanée entre plusieurs photons laser et l’atome entraînant la libération d’un électron. Pour les atomes avec un petit potentiel d‘ionisation (typiquement moins que 3 fois l’énergie d’un photon laser), l’absorption à deux photons atténue trop fortement le faisceau laser pour permettre la création d’un filament fin. Dans le cas de l’air où l’oxygène est le principal élément ionisé, 8 photons laser sont nécessaires pour ioniser un atome. Bien que ce phénomène soit hautement improbable à faible intensité, au moment de  l’effondrement du faisceau, l’intensité atteint des valeurs très élevées et l’ionisation devient un mécanisme prépondérant. L’ionisation est un phénomène extrêmement non linéaire car la probabilité d’ionisation dépend très fortement de l’intensité laser. Pour les intensités laser inférieures à 10¹³ W/cm², l’ionisation  multiphotonique est le processus prépondérant. A 800 nm, l’énergie d’un photon laser est de 1,54 eV, ainsi 8 photons laser sont nécessaires pour ioniser l’oxygène (potentiel d’ionisation Ui = 12,1 eV) et 10 photons sont nécessaires pour ioniser l’azote (Ui = 15,6 eV). Plus de 90% du plasma créé lors de la filamentation provient de l’ionisation du dioxygène de l’air. L’ionisation multiphotonique peut être décrite à l’aide d’un développement perturbatif. Pour des intensités plus grandes (supérieures à 10¹⁴ W/cm²) l’ionisation se décrit par un autre processus qui est l’ionisation par effet tunnel. Le champ laser est si intense que la barrière de Coulomb créée par le noyau de l’atome est considérablement baissée, permettant ainsi aux électrons de se libérer. Aux intensités extrêmes, la barrière de potentiel peut être totalement supprimée et les électrons naissent dans le continuum d’ionisation à chaque cycle optique. Ce dernier phénomène est la clé pour la génération d’harmoniques d’ordre élevée, à la base de la génération d’impulsions attoseconde.

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Table des matières

Introduction générale
Filamentation laser femtoseconde : état de l’art et perspective
INTRODUCTION
A)CONCEPTS DE BASE DE LA FILAMENTATION LASER
I) Principaux effets en jeu
II) Propriétés remarquables
1) Robustesse des filaments
2) Saturation d’intensité
3) Propagation longue distance
4) Génération de supercontinuum et obtention d’impulsions de l’ordre du cycle optique
5) Emission conique
6) Emission THz
7) Génération d’harmoniques d’ordre élevé pour l’obtention d’impulsions attoseconde dans le domaine XUV
8) Obtention d’une colonne de plasma
B)MODELISATION THEORIQUE
I) Théorie de base
II) Extensions et perspectives
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
Symétrisation spontanée d’un faisceau Terawatt focalisé par interaction de multifilaments
INTRODUCTION
A)RAPPELS
I) Multifilamentation
B)MESURES
I) Interaction entre deux filaments
II) Caractérisation de l’impulsion Terawatt focalisée
1) Contrôle de la durée d’impulsions
2) Filamentation d’un faisceau de 7 TW focalisé
3) Influence de la durée initiale de l’impulsion
4) Répartition de l’énergie dans le faisceau filamenté
III) Symétrisation spontanée d’un faisceau tronqué
IV) Quantification du degré de symétrie et de similitude
V) Interprétation
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
Rayonnement du filament laser soumis à un champ électrique statique
INTRODUCTION
A)RAPPELS
I) La théorie du rayonnement appliquée aux antennes filaires
B)MESURES
I) Présentation des antennes de mesure et caractérisation de l’environnement électromagnétique
II) Ondes stationnaires radiofréquences émise par un filament excité par deux électrodes chargées
III) Ondes progressives radiofréquences émise par un filament excité par une électrode chargée
IV) Origine du rayonnement radiofréquence
1) Rayonnement THz dans le filament
2) Rayonnement radiofréquence
3) Interprétation des résultats
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
Antennes plasmas virtuelles initiées par filament laser
INTRODUCTION
A)RAPPELS
I) Etat de l’art sur les antennes plasmas
II) Les ondes de surface sur une colonne de plasma
1) Comportement
2) Cas asymptotique des basses fréquences
3) Conclusion
B)MESURES
I) Couplage GHz dans une décharge guidée par filamentation laser
1) Résultats des mesures directes de courant dans le plasma
2) Mesure du rayonnement de l’onde radiofréquence couplée dans le plasma
3) Conclusion
II) Propagation de corona dans un filament
1) Description et Montage expérimental
2) Résultats
3) Conclusion
III) Guidage de décharge radio fréquence générée par un générateur tesla
1)Dimensionnement empirique
2) Modélisation théorique du fonctionnement du generateur tesla
3) Premiers résultats de guidage de décharges electriques courtes
4)Guidage de décharges metriques en exterieur
5) Perspectives
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
Eclateur de type spark gap déclenché par filamentation laser femtoseconde
INTRODUCTION
A)RAPPEL
I) Commutation de fort courant par laser
B)MESURES
I) Présentation du montage expérimental
II) Résultats expérimentaux et discussion
1) Etude en fonction de la distance inter électrode
2) Effet du contact avec les électrodes
3) Essais en tension continue
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
Déclenchement et guidage de décharges électriques dans l’air par filamentation laser femtoseconde
INTRODUCTION
A) RAPPELS
I) Processus de développement d’un arc électrique dans l’air
1) Cas du Leader Positif
2) Cas du Leader Négatif
II) Etat de l’art du guidage par laser
3) Effet du filament sur le développement de la décharge électrique
B)MESURES
I) Etude du déclenchement et du guidage en fonction de la polarité
1) Description du dispositif expérimental
2) Résultats expérimentaux
3) Abaissement du seuil de claquage en fonction du retard laser/tension
4) Etude du retard laser/décharge
5) Tension en fonction du courant
6) Conclusion
II) Démonstration de la déviation d’un arc électrique
1) Montage expérimental
2) Résultats
3) Conclusion
II) Etude du déclenchement et du guidage à distance de décharge électrique fort courant
1) Description du dispositif expérimental
2) Résultats expérimentaux
3) Evaluation de l’abaissement du champ de claquage
4) Etude du courant circulant dans l’arc 140
5) Retard entre l’impulsion laser et l’onde de tension
6) Essais en non court-circuit
7) Influence de l’énergie de l’impulsion laser sur le guidage
8) Conclusion
III) INTERPRETATION
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
Conclusion générale

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