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Usages et accès à l’espace public : Une question de genre ?
Si l’on devait donner un définition de l’espace public, on pourrait tout simplement dire qu’il s’agit de l’ensemble des espaces de passages et de rassemblements qui sont à l’usage de tous. Au fil de nos études d’architecture, nous avons le droit à de nombreux cours de sociologie urbaine, nous permettant de comprendre les multiples facettes de notre société, de comprendre les différentes étapes de fabrication de la ville que nous connaissons aujourd’hui, en prenant en compte les réalités économiques et sociales de chacun.
Cependant, bien que ces enseignements soient très larges et qu’ils tentent de nous offrir une ouver ture d’esprit, essayant de nous faire comprendre que nous, étudiants blancs de classe moyenne, ne sommes pas représentatifs de l’ensemble de la société, une donnée semble manquante : le genre. La ville, telle qu’elle nous l’est enseignée, est neutre et ce n’est pas l’avis de tout le monde.
Yves Raibaud, spécialiste de la géographie de genre et chercheur à l’université de Bordeaux a consacré une bonne par tie de ses recherches au genre de la ville. Celle-ci serait masculine puisque dessinée par des hommes pour des hommes.1
En parallèle des écrits d’Yves Raibaud, assez influents dans les études du genre et de l’espace public, les ar ticles se multiplient depuis une quinzaine d’années et la mise en avant du ressenti des femmes2 dans la ville est un des grand objectifs contemporains, les récents mouvements féministes émergents n’y étant pas pour rien.
Bien que les villes se veuillent fluides, accueillantes, partagées, et durables, il suffit de feuilleter les journaux pour tomber sur des cas de harcèlements de rue, de viols ou d’agressions dans n’impor te quelle ville de France. Si l’on se fie uniquement aux médias, il parait évident que le nombre de cas de harcèlement se multiplie de façon exponentielle depuis les dernières années.
Les sondages et autres recherches mettent en avant que c’est le sentiment de peur qui domine lorsque les « femmes » se déplacent dans l’espace public3.
Tout cela semble donc récent, une cause mystérieuse se serait abattue sur nos villes françaises, empêchant les femmes d’utiliser l’espace public correctement. Cependant, il suffit de parler avec nos mères ou nos grands-mères pour comprendre que le harcèlement et le sexisme ne date pas d’hier. La légitimité des femmes dans l’espace public semble toujours avoir soulevé des questions et nous tâcherons dans cette première par tie de comprendre pourquoi. D’où vient ce sentiment de peur dans l’espace public ? Enfin, nous tâcherons de comprendre qui sont les femmes interrogées et mises en avant dans les médias.
Femmes et ville : Espaces et déplacements contraints Femme d’intérieur
La ville pour les hommes
Si l’on se fie aux écrits des poètes et des auteurs ayant fait le por trait de nos villes, il semblerait que celle-ci soit une femme.
Une femme que l’on découvre, que l’on charme, que l’on pénètre.
Si l’on lit plutôt les écrits des urbanistes et des sociologues de l’urbain, la ville semble être neutre, elle est dépourvue de genre.
Mais si l’on considère que la ville est le reflet de notre société et des normes sociales existantes, ne serait-elle pas masculine ?
Cette dernière hypothèse concernant « le genre » de la ville, bien que cer tainement caricaturale, est celle sur laquelle j’ai décidé de me pencher. Quelques auteurs se sont penchés sur la question de la sédentarisation et de son impact sur les relations hommesfemmes dans la société. Rousseau1 explique cette différence par la nécessité dans le foyer d’avoir un membre s’occupant des enfants et gardant « la cabane » tandis que l’autre, plus for t physiquement Ville en tous genre (on comprendra « l’homme ») s’en ira à la chasse pour subvenir aux besoins du foyer. Une définition bien archaïque, j’en conviens, mais relativement représentative d’une réalité.
En effet, les femmes dans notre contexte de ville riche européenne, ont toujours été reléguées aux rôles secondaires dans l’histoire, dans la politique mais également dans l’espace de nos villes. Dès les années 70 géographes et urbanistes distinguent deux parties scindant nos villes : les lieux de production (entreprises, espaces commerciaux etc.) souvent dans les centres-villes, et les lieux de reproduction (ici, l’espace résidentiel de la famille) dans les banlieues. Par extension on peut parler ici de séparation spatiale des genres, le rôle des femmes se cantonnant bien longtemps au fait d’entretenir le foyer est donc décrit comme « incompatible » avec ce dessin des villes découlant du « fordisme ».2
La parfaite ménagère
Ces femmes entretenant la maison, préparant les repas, s’occupant des enfants ou des personnes âgées de la famille sont presque devenues des sor tes d’icônes. Une image banalisée dont la diffusion atteindra son apogée dans les années 50 sous la forme de la parfaite « Housewife ».3 Avec l’arrivée massive de la société de consommation, les publicitaires comptent bien toucher une cible impor te : c’est elle qui détient le pouvoir d’achat de la famille puisque c’est elle qui fait les courses. Cette production impor tante d’images représentant la femme, grande oubliée habituellement de représentations publiques (peu de statues et noms de rues faisant référence à des femmes) ancre de façon importante dans les imaginaires ce que doit être une femme dite « parfaite ». Les femmes à cette époque sont donc le plus souvent représentée dans la pièce qui leur est dédiée : la cuisine. Les publicitaires se concentrent donc particulièrement sur la promotion de produits électroménagers ou alimentaires.
Cette aire « moderne » est également synonyme de nouveaux espaces et d’architecture. Les grands ensembles se développent
Usages et accès à l’espace public : Une question de genre
Les sorcières, ces figures qui font peur aux enfants et qui inspirent les féministes.
Ces femmes puissantes faisant frémir les hommes et longtemps chassées incarnent une représentation féminine assez peu commune. Les sorcières sont des femmes seules. Elles ne sont ni sous la tutelle d’un père ni sous celle d’un mari. La plupart n’ont pas d’enfants et ne joue donc pas le rôle de « mère ».
La chasse de ces femmes dans nos villes les obligent à s’exclure et rappelle qu’elles ne correspondent pas à l’image de la femme « normale ». Ces femmes étaient souvent guérisseuses et maîtrisaient l’avor tement,ce sont des féministes avant l’heure.
Mona Chollet dans Sorcières, la puissance invisible des femmes, offre une belle description de ces femmes encore si mal perçues aujourd’hui, allégories des «féministes», ces femmes sont «méchantes» et «colériques», bien loin de ce que « doit être » une femme : Douce et gentille.
Chaque cellule familiale possède sa propre cuisine, sa propre salle de bain, sa propre machine à laver. L’individualisme se développe considérablement et les femmes, contraintes toute la journée dans leur rôle de ménagère, se retrouvent seules avec elles-mêmes ou tiennent compagnie aux enfants.
Cette sphère familiale est décrite comme un réel asservissement des femmes et sera massivement
remise en question avec les utopies féministes que nous étudieront à la fin de ce mémoire.
Afin de décor tiquer les liens familiaux et la place dont disposent les femmes, Mauss théorisa autour de la notion de « don » au sein de l’espace familial4. Selon lui, le fondement des relations familiales se base sur la gratuité des échanges ce qui est le contraire du monde traditionnel du travail. Cette théorie explique donc en quoi le travail féminin au sein du foyer fut et est toujours si mal considéré. Il n’est tout simplement pas considéré comme un travail.
Les femmes représentant tout de même une base importante dans laquelle venir puiser pour faire fonctionner l’économie, peu à peu le « travail féminin rémunéré » se banalise bien que celui-ci se cantonne encore à des aspects qui semblent puiser dans les « savoirsfaire » féminin : s’occuper des autres.
On y retrouve alors « le don » dont elles ont l’habitude de faire preuve au sein du foyer. On peut encore voir aujourd’hui que les métiers autour du « care » : enseignante, infirmière, secrétaire, coiffeuse, sont majoritairement féminins.
Tous ces aspects par ticipent et semblent expliquer cette assignation à l’espace privé dont sont victimes les femmes. Mais qu’en estil aujourd’hui ? Toutes ces théories semblent quelques peu éloignées des réalités auxquelles nous sommes confrontées aujourd’hui en tant que femmes… Avons nous réellement le sentiment d’être cantonnées à cette image de « femme d’intérieur » ?
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Table des matières
La ville n’est pas neutre – Introduction
1 – Usages et accès à l’espace public :
Une question de genre ?
a l Femmes et villes : Espaces et déplacements contraints
Femme d’intérieur
Une autre pratique de l’espace public
Socialisation
b l Peur dans l’espace public
Où a t-on peur ?
De qui a t-on peur ?
Qui a peur ?
c l En marge de nos villes
Marge sociale : Invisibiliser et se rendre invisible dans les villes
Marge géographique : Centre-ville ouvert, banlieues fermées, ruralité inexistante
2 – Outils et réactions face à l’inégalité
a l « Faire voir » : Occuper l’espace public
Marcher dans l’espace public : entre lutte et empowerment
Marquer l’espace public : Entre espace médiatique et espaces numériques
bl « Soigner » : Baliser, contrôler et sécuriser l’espace public
Baliser les espaces
Séparer les genres
c l « Eduquer » : Genderplanning et circulation des modèles
Création des modèles et influences
Intégrer la participation dans nos villes
Former ceux qui font la ville
3 – Vers une autre forme de ville
a l La ville faite par et pour les femmes
De l’utopie…
…Au concret
b l Faire la ville par le genre ou intégrer le genre dans la ville
La ville faite par le genre
« La ville inclusive »
Le genre, les femmes et c’est tout ? – Conclusion
Bibliographie
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