Introduction
Les femmes sont de plus en plus nombreuses sur les bancs d’école, et ce, dans de plus grandes proportions que les hommes (Statistique Canada, 2011). Pourtant, elles continuent à obtenir des gains d’emploi en moyenne moins élevés que ceux des hommes, même si elles ont un niveau de scolarité équivalent (Turcotte, 2011). Par conséquent, elles se retrouvent sous-représentées dans les hautes sphères de la direction et les instances décisionnelles (Jérôme-Forget, 2013; Sandberg, 2012; OIT, 2015). Comment expliquer cette situation? À cet effet, Marie-Claude Lortie (2016) publiait un article en ligne dans le journal La Presse intitulé: «Légendes et bonnes ambitions» qui rapportait les résultats d‘une étude commanditée par l’organisme L ‘effet A. Cet organisme, cofondé par Isabelle Hudon, haute dirigeante de la Sun Life au Québec, a pour but de propulser l‘ambition professionnelle des femmes en leur donnant le courage d‘atteindre leurs objectifs de carrière (Effet A, 2016). Cette recherche, réalisée par la firme Léger Marketing, portait sur la relation qu‘entretiennent les Québécoises avec l‘ambition. L’auteure écrit: Si seulement 18 % des postes de direction et uniquement 37 % des postes de gestionnaires au Québec sont occupés par des femmes, ce n‘est pas donc pas par manque d‘envie. Légende urbaine, légende humaine… Appelez ça comme vous voulez. Ce n’est juste pas vrai (La Presse, 12 septembre 2016).Tel qu’illustré par ce sondage réalisé auprès de 2002 Québécoises et Québécois, les femmes se disent aussi ambitieuses que les hommes (73 % contre 78% pour les hommes). Leur sous représentation ne repose donc pas sur un manque d‘ambition. Qu‘en est-il alors? À ce propos, les répondantes de l‘étude ont plutôt mentionné le manque d‘opportunités comme premier obstacle: On ne les sollicite pas assez, on ne les prépare pas assez pour des postes de direction, on ne leur offre pas assez souvent de promotion, elles ne sont pas assez souvent identifiées par les entreprises comme les dirigeantes de demain et donc épaulées en ce sens dans leur cheminement professionnel (Ibid).Aussi, les hommes de l‘étude ont noté les obligations familiales comme étant le principal frein à l’ascension professionnelle des femmes, alors que ces dernières les ont classés seulement au 4e rang. Cela dit, pour reprendre les propos de l‘auteure, «mythes et légendes urbaines» semblent planer autour du leadership des femmes. Suivant Koenig et ses collègues (2011), les femmes constituaient en 2010 seulement vingt-cinq pour cent des chefs exécutifs de toutes les organisations aux États-Unis. Au Canada, les femmes sont passées de trente à trente-sept pour cent des postes de gestionnaires entre 1987 et 2011 (Statistique Canada, 2012). Ces chiffres s‘effritent cependant au fur et à mesure que l‘on grimpe dans la hiérarchie organisationnelle. En effet, la proportion de femmes fond de cinquante pour cent avant d‘ atteindre l‘ avant-dernier échelon hiérarchique (Jérôme-Forget, 2012). À ce sujet,l‘étude Canadien Women in Business menée par Catalyst (2012) illustre que seulement 6,1 pour cent des grandes entreprises canadiennes sont dirigées par des femmes, et que pour ces mêmes entreprises, seulement 17,6 pour cent des postes de direction sont tenus par des femmes (cité dans Jérôme-Forget, 2012, p. 13). Au niveau international, elles sont moins de cinq pour cent à être PDG de grandes entreprises (OIT, 2015).Dans une optique apparentée, Lafortune, Deschênes, Williamson et Provencher (2008) avancent que les femmes sont encore moins présentes en STIM (sciences technologiques, ingénierie et mathématique) que dans la plupart des autres sphères professionnelles. Aussi, il semble que les femmes sont de moins en moins nombreuses à occuper des postes dans les domaines traditionnellement masculins. En effet, selon le Conseil d‘ intervention pour l‘accès des femmes au travail (CIAFT, 2015), la proportion de femmes qui se retrouvaient dans des professions à prédominance masculine est passée de 20,2 pour cent en 2000 à 18,5 pour cent en 2005. Elle ne cesse de diminuer depuis (Emploi Québec, 2009).
Les représentations sociales
Ce mémoire porte sur les représentations sociales du leadership. La théorie des représentations, telle que définie par tenants de l‘école française, a été mobilisée par une multitude d‘auteurs en sciences sociales issues de disciplines académiques distinctes. Soulignons que le concept de représentations demeure polysémique et est utilisé pour discuter d‘une myriade de thématiques (Lalancette, 2009). Aux fins de ce mémoire, les représentations renvoient au caractère référentiel et symbolique d‘objets sociaux, tels la politique, le sport ou encore le féminisme. Plus spécifiquement, elles sont appréhendées comme des structures sociocognitives organisées et hiérarchisées (Abric, 1994). Ces structures sont formées d‘informations, d‘opinions et de croyances reliées à ces objets. Dans ce prolongement, Flament (1994; 2001) considère les représentations comme un ensemble organisé de cognitions (relatives à un objet) partagées par les membres d‘une population homogène. L‘ auteur met en exergue la cohésion du groupe qui endosse la représentation. En effet, tel que le souligne Seca (2010), les représentations sont partagées par des groupes de personnes qui, quelquefois, ne se connaissent pas personnellement, mais qui ont hérité de ce savoir collectif. Ipso facto, l‘ajout du qualificatif sociale à représentation prend tout son sens : [L]a représentation est alors sociale parce que son élaboration repose sur des processus d‘échange et d‘interaction qui aboutissent à la construction d‘un savoir commun, propre à une collectivité, un groupe social ou à une société tout entière (Moliner, 2001 , p. 8). La représentation doit donc être appréhendée comme une production symbolique que la communication rend possible et opérationnalise (Lalancette, 2009). Ainsi, les représentations se développent et se transmettent dans les conversations quotidiennes et par rapport à des circonstances culturelles et historiques particulières (Moliner, 2001).Cela étant dit, sans faire une recension exhaustive des recherches ayant traité des représentations, nous ferons tout de même mention de certaines d‘entre elles afin d‘ en illustrer la richesse et la polyvalence. Soulignons d‘abord que cette théorie est le fruit de recherches issues du domaine de la psychologie sociale. Pensons à Jodelet (1989) qui s‘est intéressée aux représentations de la folie. L‘auteure explique que sa démarche s‘ est centrée sur la façon dont les représentations sociales, en tant que théories socialement créées et opérantes, ont affaire avec la construction de la réalité quotidienne, les conduites et les communications qui s’y développent et se transmettent. L‘auteure a tenté de comprendre comment les représentations sociales de la folie rendent compte du rapport au malade mental, figure de l’altérité. Comme bon nombre de chercheurs dans ce domaine d‘étude, elle appréhende les représentations sociales en fonction de leur rôle dans les relations interpersonnelles et intergroupe afin de cerner comment elles sont conçues, organisées et structurées .D‘autres chercheurs se sont également intéressés aux représentations sociales d’un point de vue de l‘interactionnisme, dans le but de comprendre la relation entre les représentations et les pratiques. Mentionnons ici l‘étude réalisée par Mardellat (1994) portant sur les pratiques commerciales et les représentations dans l‘artisanat en France. L‘auteur a étudié, à l‘aide d‘entrevues, les perceptions du chef d‘entreprise telles que conçues par des propriétaires d‘entreprises artisanales. Il tentait alors de comprendre la nature des réticences des artisans à adopter des comportements commerciaux plus adaptés à la réalité de leur marché. L’auteur, à travers une approche systémique, est notamment arrivé à la conclusion que les pratiques commerciales des artisans sont accompagnées de représentations d‘eux-mêmes et de leur environnement particulièrement concordantes.
La théorie des représentations sociales
Aux fins de cette étude, nous nous sommes penchée sur la théorie des représentations sociales telle qu‘élaborée par de nombreux sociologues et psychologues issus de l‘école française des représentations. Moscovici, considéré comme le fondateur de ce courant de pensée, s‘est inspiré du sociologue Émile Durkheim pour élaborer sa théorie. Plus spécifiquement, c‘est l‘article Représentations individuelles et représentations collectives qui a alimenté sa réflexion. Les bases de la théorie ont été jetées en 1961 par la publication de sa thèse doctorale intitulée La psychanalyse, son image, et son public. Un texte incontournable qui a donné lieu à de nombreuses autres études en sciences sociales (comme nous l’avons vue précédemment).Tel que le souligne Seca (2010), Durkheim considère à l‘époque (1898) la notion de représentation individuelle et de représentation collective comme étant radicalement distincte l‘une de l’autre. Ce n‘est qu‘en 1961 puis en 1979 que Moscovici aborde la représentation en tant que « passerelles» du plan individuel au niveau interindividuel à celui de social. La représentation devient alors sociale et incarne pour l’auteur une «préparation à l‘action» dans la mesure où elle guide et oriente les comportements. Dès lors, bons nombres de chercheurs définissent les représentations sociales comme étant l‘élément liant l‘ individuel et le collectif, l’un et l‘autre étant étroitement interdépendant. La communication, et plus largement les interactions, sont au cœur de ce concept, dans le sens où ils rendent possible l‘échange et la transmission des représentations. C‘est également à travers les processus interactionnels qu‘elles sont produites. Ces dernières sont véhiculées dans et à travers la société, de telle sorte qu‘elles semblent aller de soi, elles semblent normales. Pensons aux légendes, aux mythes et aux traditions. Quel enfant n‘a jamais enfoui une dent sous son oreiller pensant qu‘une bonne fée la lui échangerait contre quelques pièces ? Par conséquent, il apparait incontournable de considérer les représentations sociales en lien avec les pratiques qu‘elles engendrent.
Influence du milieu professionnel sur les représentations du leadership et le choix des pratiques
Suivant Suquet et Moliner (2009, p. 36), l’attribution de traits masculins ou féminins à un personnage cible dépend davantage du contexte professionnel dans lequel ce personnage est décrit que de son genre « réel ». Pour ces auteurs, les contextes professionnels sont divisés en deux: stéréotypés ou contre-stéréotypés. Nous utiliserons plutôt les expressions «milieux traditionnellement féminins» (communal) ou «traditionnellement masculins» (agentic). Pour Koenig et Eagly (2014), les six rôles traditionnellement féminins dans lesquels les femmes sont le plus souvent représentées aux États-Unis sont les .postes de secrétaires et d’adjointes administratives, d’infirmières, d’enseignantes du primaire et du secondaire, de caissières, d’aides à domicile et de vendeuses au détail. Au Québec, ces milieux sont sensiblement les mêmes. Il s’agit de la plupart des postes (70 pour cent) du secteur de la santé, de ceux du personnel en finance, en secrétariat et en administration, du personnel de bureau et de supervision du travail de bureau et du personnel de soutien familial et de garderie (Emploi Québec, 2009). Ces deux derniers portraits sont davantage équilibrés entre les attributs masculins et féminins. Au Québec, les milieux non traditionnellement féminins comptent plus de 253 professions selon ce qui est rapporté dans le site Information sur le marché du travail (IMT, 2003). Pour l’organisme Emploi Québec (2016), ces milieux masculins sont constitués par moins de 33 pour cent de femmes. En deçà de cette masse critique de 33 pour cent, Fortier (2008) fait remarquer que « les comportements des membres ne sont plus considérés pour eux-mêmes, mais sont interprétés selon les stéréotypes attribués à leurs groupes» (p. 62). De surcroit, une grande proportion de ces domaines professionnels sont même entièrement exempts d‘effectifs féminins. C‘est le cas pour le métier de gestionnaire en aquaculture, celui d‘ingénieur d‘extraction et de raffinement du pétrole, ou encore le métier d‘entrepreneur en forage (IMT, 2003). Un poste de cadre intermédiaire ou supérieur est considéré comme non traditionnellement féminin en raison de la proportion de femmes qui est inférieure à 33 pour cent (Koenig et Eagly, 2014).Pour cerner les types de milieux professionnels, Alvesson (1998b) a développé le concept de gender symbolism. Selon l’auteur, le gender symbolism correspond à l‘idée qu‘un genre est symboliquement attribué à des postes ou des types d‘emplois comme étant soit féminins ou masculins. Pour l‘auteur, en raison de ce gender symbolism, il se peut qu‘une occupation particulière (un poste, un titre, ou même une entreprise) engendre des attentes et des significations qui sont comprises et interprétées différemment par les femmes et les hommes (Alvesson, 1998b, p. 977). Ces attentes produiront des effets distincts pour l‘individu qui occupe le poste. Pensons au domaine de l‘administration qui, même s‘il n‘est plus considéré comme étant un milieu non traditionnellement féminin, demeure ancré au masculin (il est plus fréquent d‘entendre parler d‘hommes d‘affaires que de femmes d‘affaires). Dans cette optique, ce concept permet de mettre en relief l‘inégalité d‘accès des femmes de certains milieux non traditionnellement féminin. À cet effet, nous soutenons que ces milieux n‘ont pas tous la même symbolique masculine (certains milieux masculins, comme l‘armée, sont davantage définis et perçus dans des termes masculins que d‘autres milieux, comme la politique par exemple, qui compte de plus en plus de femmes)8. Il en va de même pour les milieux féminins.
Une recherche inscrite dans le courant de l’interactionnisme symbolique
Il importe de situer cette recherche en lien avec les prémisses conceptuelles qui découlent des représentations sociales. Inspirée de Giordano (2003), Lalancette (2009) fait remarquer qu‘on ne peut jamais évaluer une recherche sans prendre en considération les prémisses mêmes de celle-ci.Dans cette optique, il apparait essentiel de préciser les prises de position qui ont guidé cette recherche. Pour ce faire, nous illustrerons dans quel paradigme ou cadre épistémologique nous nous situons. En outre, comme les chercheurs s‘inscrivent eux aussi dans une société, donc faisant partie de la culture et étant influencés par celle-ci, ils possèdent eux aussi des représentations et des significations face à leurs objets d‘étude. Dans ce sens, pour Allard-Poesi et Marechal (1999), l‘important est que cette réalité ne sera jamais indépendante de l‘esprit et de la conscience de celui qui l‘observe ou l‘expérimente. Enfin, tel que le propose Seca (2010), les représentations sociales sont partiellement, voire entièrement actives chez les chercheurs. Elles influencent donc le regard posé sur l‘objet d‘étude. Ainsi, tel que discuté précédemment, ce mémoire porte sur les représentations sociales. Rappelons qu‘elles sont définies comme des « formes de connaissances socialement élaborées et partagées, ayant une visée pratique et concourant à la construction d‘une réalité commune à un ensemble social» (Jodelet, 1989, p. 36). Les représentations sont, tel qu‘abordé précédemment, des ancrages socioculturels qui reflètent la manière dont, individuellement et collectivement, nous construisons notre rapport aux objets. Tel que l‘illustre Bourassa-Dansereau (2015), ces représentations sont articulées les unes aux autres et «se construisent, se diffusent, se transforment et ne sont jamais cristallisées» (p. 50). Pour l’auteure, cela s‘explique notamment ,parce que la représentation sociale d’un objet n’est jamais homogène et prend une signification particulière à travers l’histoire et la réalité de chaque individu. Soulignons aussi que, tel que nous l‘entendons, les représentations sont porteuses de significations. Pour ces raIsons, nous nous situons dans le courant de l’interactionnisme symbolique. L‘interactionnisme symbolique, tel qu’élaboré par George-Herbert Mead en 1934 et popularisé par Herbert Blumer en 1937, est un courant selon lequel l‘humain est un organisme actif pouvant s‘engager dans une activité grâce au fait qu’il possède un « soi» lui permettant de traiter l‘information reçue de son environnement et d‘y répondre (Savoie-Zajc, 2010, p. 341).Dans ce sens, nous soutenons, tout comme Le Breton (2004, p. 46), que l‘ individu est un acteur interagissant avec les éléments sociaux, et non un agent passif subissant les structures sociales liées à son habitus ou à sa culture d‘appartenance. Dans ce prolongement, et tel que l’explique Savoie-Zajc (2010), les humains agissent en fonction du sens qu’ils attribuent aux objets. À cet effet, [l]a réalité est apprise à travers des interprétations que les acteurs en donnent, en fonction notamment des intentions, des motivations, des attentes et des croyances des acteurs. Dans ce contexte, le chemin de la connaissance se fait alors par la compréhension du sens que les acteurs donnent à leur réalité sociale construite et du contexte de cette construction qui donne un sens à leurs comportements (Allard-Poesi et Marechal, 1999, p. 42).Par conséquent, un rapprochement entre ce courant et la théorie des représentations sociales est possible. En effet, tout comme le proposent les auteurs contemporains des représentations, il ne s‘agit pas d‘ expliquer la réalité. Il s‘ agit plutôt de la comprendre à travers l‘interprétation et le sens qu‘en donnent les acteurs, dans la mesure où l’information est souvent l‘expression d‘une opinion ou d‘une croyance. Luckerhoff et Guillemette (2014) expliquent que les faits n‘existent pas en soi. En effet, ils se construisent plutôt dans le cadre de situations concrètes, telles les dynamiques d’échanges entre les individus (interaction) et le sens donné de ces actions (symboles). Est ainsi pointée une co-construction de sens entre les considérations individuelles et collectives qui évoluent à travers le temps et les expériences (Luckerhoff et Guillemette, 2012).De la même manière que les représentations influencent les pratiques, le sens attribué aux objets modifie également les comportements adoptés et le rapport à la réalité. Sans entrer dans les détails, cette manière d‘aborder la réalité se rapproche grandement du paradigme interprétatif et de celui du constructiviste.
Corpus: les discours des Mauriciennes d’influence
Afin d’analyser les représentations du leadership féminin dans le cadre de ce mémoire, nous nous sommes servis des vingt entretiens réalisés en 2014 auprès des Mauriciennes d’influence (2010 et2012). Mauriciennes d ‘influence est un concours biennal organisé par la TCMFM. Il récompense les femmes qui ont fait une différence en Mauricie et qui, pour y arriver, ont fait preuve de leadership. L’objectif de ce programme est de promouvoir le talent des femmes d’ici et de les inciter, notamment avec l’aide de mentors, à oser se diriger vers les hautes sphères de la direction et les lieux décisionnels. Ils espèrent ainsi pallier la sous-représentation des femmes des lieux de pOUVOIr. Celles qui ont remporté un prix sont des femmes qui ont occupé des postes à responsabilités dans des milieux masculins, comme celui de députée fédérale. D’autres encore sont des femmes qui ont mis sur pied un projet qui a contribué à améliorer la société, comme la création de Maisons pour femmes ou de Centres jeunesse. Dans plusieurs des cas, il s’agit d’un amalgame de ces deux types de parcours. Nous retrouvons, entre autres, des attachées politiques, des conseillères municipales, des mairesses ainsi que des députées provinciales et fédérales. Notre échantillon est également constitué de professeures d’université, de chercheures, d’entrepreneures et de travailleuses autonomes. Enfin, il comprend des directrices, actionnaires ainsi que des fondatrices d’entreprises de différents secteurs (finances, communautaire, agricole et médiatique 12, entre autres). À l’instar du concours Mauriciennes d’influence, plusieurs d’entre elles ont également été récompensées pour leur leadership et leur implication dans le cadre de concours régionaux et provinciaux: Femmes et mérite de la YWCA Québec, Femmes essor, ou encore Chapeau les filles. Soulignons que cet échantillon rend ce mémoire particulier. En effet, les femmes que nous avons rencontrées ont toutes été récompensées pour leur leadership. Celui-ci est donc reconnu et apprécié, ce qui renforce l’idée que celles-ci sont des leaders. De plus, toutes ces femmes sont concentrées dans la région de la Mauricie, ce qui permet d’avoir des individus ayant des réseaux d’appartenance similaires et homogènes (Bourassa-Dansereau, 2015). Ce choix provient aussi de raisons logistiques, telle la proximité avec les participantes (recrutement aisé, déplacements courts, coûts de déplacement faibles, etc.). Tel que le souligne Abric (1994, p. 39), l‘homogénéité d‘une population ne se définit pas par le consensus entre ses membres. Elle se défmit plutôt par le fait que leur représentation s’organise autour du même noyau central et du sens donné à la situation ou à l‘objet. Ainsi, notre corpus est formé d’un groupe d‘individus relativement homogène, notamment parce qu‘elles ont toutes eu une expérience en lien avec le concours de Mauriciennes d ‘influences. Elles partagent donc, théoriquement, certaines valeurs, opinions et croyances communes. Pour la suite de ce mémoire, nous mobiliserons différents synonymes pour parler de ces femmes. Seront utilisées les expressions « participantes », « répondantes », «femmes leaders », « Mauriciennes» ou encore «Mauriciennes d‘influence ». Ce corpus nous permettra d‘avoir accès aux représentations du leadership telles que conçues par des femmes elles-mêmes considérées comme des leaders. Les fonctions des représentations nous permettront de comprendre par quoi celles-ci sont informées et comment elles sont construites. Pour ce faire, l‘analyse de contenu des verbatims d‘entretien individuel s‘est illustrée comme une méthode privilégiée pour répondre à nos questions de recherche..
Identité et appartenances sociales
Afin de mieux cerner les différentes significations des représentations du leadership, nous nous sommes inspiré des travaux de Maalouf (1998). En ayant comme point de départ que l‘individu est unique de par ses multiples appartenances sociales, nous avons été en mesure de comprendre ce qui forme ces significations. Ainsi, pour Maalouf (1998), les appartenances peuvent être géographiques, générationnelles, ethniques, professionnelles, religieuses, politiques, ou encore langagières. Elles ont toutes une plus ou moins grande importance dans la construction de l‘identité personnelle et sociale. Les individus ont donc une seule identité, faite de tous les éléments innés et acquis qui l‘ont façonnée selon des proportions particulières. Toujours selon cet auteur, les éléments du registre identitaire sont certes organisés de manière hiérarchique, mais ne sont pas immuables et changent avec le temps, modifiant en profondeur les comportements. Pour lui, tous les humains sont différents, leur identité se construisant et se transformant tout au long de leur vie, selon leurs préférences, leurs croyances, leurs expériences, l‘influence des autres, notamment. Dans sa thèse doctorale, Bourassa-Dansereau (2015) s‘est penchée sur les représentations de l‘amour chez les jeunes adultes issus de l’immigration. À l’aide des quatre fonctions des représentations énumérées plus haut, elle visait à explorer et à mieux comprendre les stratégies de négociation identitaire chez ces jeunes adultes. Ces fonctions caractérisent l‘articulation des appartenances et des représentations sociales. Selon cette chercheure, les appartenances sociales sont interprétées en fonction des expériences et du projet identitaire personnel de chaque individu. Elles sont intrinsèquement liées à leur construction identitaire. Ces résultats montrent «que le déploiement et l’effectivité de ces fonctions [les quatre fonctions des représentations] sont modulées par les appartenances sociales des jeunes participants» (p. 202). Dans cette lignée d’idées, nous soutenons, tout comme le propose Lipiansky (1993), que la «conscience de soi ne se définit et ne se construit que dans une relation d’identification et d’opposition à autrui» (p. 34). Cette citation, qu‘ il tire de Sartre (1943), illustre cette idée: «autrui n‘est pas moi, et je ne suis pas autrui» (Ibid). Celle-là illustre les logiques de différentiations que nous considérons aussi essentielles à la construction identitaire que les logiques d‘appartenances définies précédemment. Afin d‘illustrer « ce jeu d‘opposition et d‘assimilation » et parlant de la construction des identités sociales, Lipiansky offre l‘exemple suivant: «Ces identités se définissent le plus souvent dans un rapport de complémentarité où chacun n’existe que dans la relation qui l’unit à une autre identité: ainsi l’identité d’homme suppose-t-elle celle de femme [ ... ] » (p. 36). Selon lui, c‘est grâce à sa nature relationnelle et interactive que s‘actualise l‘identité de soi. Dans cette optique il met l‘accent sur le concept d‘identités « situationnelles », où l‘identité prend une forme spécifique en fonction de la relation entre les interlocuteurs..
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1 – Les représentations sociales
1. La théorie des représentations sociales
1.1 Pratiques et représentations sociales
1.2 Procédés de production des représentations sociales
1.3 Structure des représentations sociales
1.4 Conclusion
Chapitre 2 – Leadership et leadership féminin
2. Théories du leadership
2.1 Le leadership idéal
2.2 Le leadership des femmes
2.2.1 Rôles sociaux
2.2.2 Représentations du genre féminin
2. 3 Influence du genre sur les représentations du leadership
2.4 Influence du milieu professionnel sur les représentations du leadership et le choix des pratiques
Chapitre 3 – Implications méthodologiques et démarche d’analyse
3. Une recherche inscrite dans le courant de l’interactionnisme symbolique
3.1 Projet « Femmes leaders en Mauricie »
3.2 Corpus : les discours des Mauriciennes d’influence
3.3 Méthode: l‘entretien qualitatif
3.4 Stratégies analytiques
3.4.1 Concepts sensibilisateurs
3.5 L’analyse et l’émergence des trois types de leadership
Chapitre 4 -« Femme leader, leader idéal et leadership personnel»
1. Représentations de la femme leader
1.1 L‘attention portée aux autres
1.2 La sollicitude
1.3 La recherche de consensus
2. Le/la leader idéal
2.1 L‘équilibre
2.2 La communication fédératrice
2.3 L’inspiration
3. Les représentations du leadership personnel: récit de vie
3.1 La construction du leadership personnel
3.1.1 L’appartenance aux milieux professionnels
a) Les milieux non traditionnellement féminins, des leaders transactionnels
b) Les milieux traditionnellement féminins, des leaders démocratiques
3.1.2 L’appartenance au genre
3.1.3 L’appartenance à la génération
3.2 Conclusion
Chapitre 5 -Discussion et conclusion
5. Retour sur la démarche
5.1 Particularités et limites
5.2 Ouvertures
Bibliographie
Annexe 1 : Projet femmes leaders en Mauricie Guide d’entrevu
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