Favoriser l’autorégulation et l’autogestion dans les enseignements

L’autorégulation : enjeux

Enjeux

L’école souhaite responsabiliser ses élèves avec plusieurs espoirs : En faire des écoliers intelligents, polyvalents, motivés et constructifs, afin de déboucher sur des écoles à potentiels élevés et harmonieuses. Ils doivent également être métacognitifs, comme nous l’avons déjà vu, afin de pouvoir poursuivre de manière autonome leur formation.
En faire de jeunes respectant la société et s’y investissant avec soin et conscience. En faire de futurs adultes bien formés capables de prendre une part active et constructive à notre société. Que leur formation, toute variée qu’elle doive être, débouche sur des profils de spécialistes.
Or plusieurs limites sont liées à ces enjeux : tout d’abord il nous apparait qu’un modèle d’enseignement de type magistral (théorie par l’enseignant et exercices par les élèves) est très ancré dans les pratiques et ne favorise que peu les apprentissages de type métacognitifs, visant eux-mêmes à rendre les élèves autonomes. En deuxième lieu il semble être inscrit également dans ce modèle la tendance à faire acte d’implicite : les élèves ne doivent-ils pas être capables d’emprunter des raccourcis dans les cheminements intellectuels et d’avoir la capacité innée d’abstraction ? Une partie des élèves en sont certainement capables… Bautier et Rochex évoque les conditions socio-économiques différentes d’une famille d’élève à l’autre et qui crée ou non une culture de l’inné. Les enseignants paraissent faire preuve « d’indifférence aux différences », selon Bourdieu. « (…) plus les modes de travail sont flous, « invisibles » ou ambigus, plus ils reposent sur l’implicite, moins ils permettent aux élèves, peu familiers du rapport étroit entre travail cognitif et apprentissages effectifs, de construire ce rapport nécessaire à l’appropriation du savoir ».
Selon nous la multiplication des attentes, tâches, objectifs, connaissances et compétences constitue une troisième limite : elle sature l’activité cognitive, élément quantitatif qui limite le temps passer à réfléchir et exercer les stratégies d’apprentissage des élèves. Par ailleurs, les enseignements peuvent être, à notre avis, très théoriques et peu pratiques, ce qui ne favorise guère la motivation ni l’épanouissement des élèves.
Cinquièmement, selon Christiensen et alii , « L’un des puissants obstacles pratiques à la mise en place d’une pédagogie de l’autonomie est son caractère particulièrement chronophage et/ou financièrement très coûteux ».
Une sixième limite est la pensée que notre société est créé par les adultes et que les jeunes n’ont pas les capacités à la co-créer. Ces-derniers doivent être formés, voire instruits.
L’autogestion (organisationnelle) par les élèves risquerait donc, selon son degré de mise en œuvre, de remettre trop en question les modèles d’organisation.

Quels éléments les enseignants peuvent-ils mettre en œuvre dans leur enseignement afin de favoriser l’autorégulation et l’autogestion ?

Les réalités cognitives, affectives, motivationnelles, sociales des élèves tout comme les multiples interactions avec les enseignants, les camardes, les éducateurs et les parents sont complexes : des «d’interactions nombreuses et complexes » selon Bailleux et Paour qui induisent la mise en place, dans les dispositifs d’enseignement, d’éléments similairement nombreux et complexes. D’emblée nous précisons qu’il n’est pas question d’inclure tous les éléments ci-dessous dans une séquence mais bien de réfléchir à sa pratique d’enseignant dans ces différentes perspectives. Comme premier élément, un dispositif pourra mettre en évidence les objectifs des tâches à réaliser par les élèves. L’enseignant énonce les buts et les rappelle régulièrement, notamment grâce à des grilles d’évaluation, pouvant être cocréées par les apprenants. Alors ces-derniers pourront «pratiquer le dispositif en ayant en tête un point de mire auquel connecter chacune des étapes et avec la conscience d’un cadrage du cheminement intellectuel attendu ». Le deuxième élément concerne les consignes : formuler les différentes consignes de manière claire et surtout de manière explicite. Cet explicite est fondamental : il s’agit d’éviter dans la mesure du possible des consignes contenant de l’implicite, où plusieurs étapes du cheminement intellectuel sont jointes. Ce genre de consignes implicites conviennent uniquement aux élèves appelés «initiés» par Stéphane Bonnéry, c’est-à-dire capables de «sauts cognitifs». L’implicite favorise ainsi les inégalités et la discrimination. Toujours selon cet auteur, l’explicite, pour les enseignants, consiste à «segmenter les tâches» afin que ces tâches soient dans la « zone proximale de développement » (ZPD) de tous les élèves. La limite, bien entendu, est que chaque élève au sein d’une même classe a, selon nous, une différente ZPD et certains initiés risquent de s’ennuyer avec des tâches progressives et peu complexes. Cela rejoint la problèmatique de la structure scolaire à niveaux ou sans.
Philippe Meirieu synthétise en disant que « Le niveau d’autonomie (…) doit représenter un niveau supérieur et pourtant accessible, un palier de développement qui manifeste un réel progrès (…) ».

Description d’une séquence d’enseignement visant l’autorégulation et l’autogestion

Après avoir défini neuf éléments que l’enseignant peut intégrer à son dispositif d’enseignement pour favoriser l’AR et l’AG, nous présentons à présent une séquence d’enseignement de français testée en mars 2014 dans une classe de 9P d’un établissement secondaire de Lausanne. Nous affirmons que cette classe, depuis le début de l’année, a été passablement décrite par les différents enseignants comme un groupe difficile concernant le comportement (très bavard), mais très compétent et rapide au niveau des apprentissages.
Cette séquence de six périodes avait pour fil rouge une feuille de route que chaque élève recevait  présentant les objectifs et les consignes des différentes activités. Les élèves étaient libres dès lors d’avancer dans ces activités à leur rythme, tout en recevant un cours théorique par l’enseignant à un moment précis des six  périodes, ainsi que l’aide de ce dernier à tout moment souhaité. Outre la lecture de la feuille de route avec les élèves et le cours théorique, l’enseignant n’intervenait au sein de la classe que pour aider les élèves qui le demandaient et pour cadrer les indisciplines. Pendant le reste du temps, il surveillait la classe, s’occupait et remplissait ponctuellement un questionnaire concernant ses observations de la classe. Nous invitons nos lecteurs à parcourir cette feuille de route.
La feuille de route précise les objectifs selon le PER, les micro-objectifs et les consignes, les modalités de travail (seul ou en groupe) et une estimation du timing nécessaire pour chaque tâche. La première page de cette feuille de route donne des échéances aux élèves, notamment les deux tests à agender. Est inclus dans leur temps de travail en classe 15 minutes de devoirs par période. Les activités lors des six périodes portaient sur l’expression orale (EO) à l’occasion de la création d’une pièce de théâtre par les élèves, sur le fonctionnement de la langue (FL) à propos des pronoms personnels, ainsi que sur la correction d’un TS31 de vocabulaire.

Analyse critique de cette séquence d’enseignement

La question à laquelle nous devons répondre ici est de savoir si notre séquence d’enseignement a répondu aux objectifs de favoriser l’autonomie des élèves (AR et AG) tout en faisant progresser leurs apprentissages. Or nous sommes confronté à la difficulté de prouver si les élèves ont véritablement amélioré leurs capacités d’AR et d’AG. En revanche quelques indicateurs nous renseignent sur les apprentissages liés aux objectifs, sur leur motivation, sur l’explicitation des consignes, le niveau des tâches demandées, leur aisance ou non de gérer leur temps ainsi que concernant l’atmosphère de la classe durant ces six périodes.
Les indicateurs proviennent de trois sources qui ont été créées pour cette séquence. Il s’agit : Des deux tests à propos des matières étudiées , à savoir un test (assimilé) sur l’interprétation en théâtre et un test (idem) sur les pronoms personnels.
D’un questionnaire destinés aux élèves et comprenant 15 questions de debreefing à propos de la séquence.
D’un questionnaire à l’attention de l’enseignant qui était sur place – un remplaçant, dans la mesure où j’étais en arrêt accident – et qui comporte 4 questions.
Dès lors nous effectuons aux paragraphes suivants une critique basée d’une part sur nos propres réflexions menées suite à nos lectures et d’autre part grâce à ces trois sources de données. Cette analyse reprend la trame établies dans les pages précédentes, à savoir : l’explicitation des objectifs et des consignes, en lien avec la difficulté des tâches, les éléments visant l’AR, ceux visant l’AG et l’AD, la motivation des élèves, l’atmosphère de la classe et la progression des apprentissages. Nous conclurons par un « patchwork » de remarques critiques diverses.
Débutons avec l’explicitation des objectifs et des consignes. Si nous considérons que les objectifs et consignes ont été soigneusement explicitées, particulièrement par la segmentation et une recherche de clarification de celles-ci, nous doutons tout d’abord que les élèves aient bien compris les objectifs d’apprentissage. Nous n’avons à notre disposition que les résultats aux tests – que nous évoquerons plus bas –, ce qui n’est pas une preuve de leur compréhension ou non des objectifs. Les élèves ont pu les comprendre sans maitriser la matière. Ce qui n’empêche pas les résultats aux tests de donner une tendance.

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Table des matières

Introduction : problématique
1ère partie | L’autorégulation : enjeux, définitions, cadre théorique, questions de recherche et hypothèse
1.1 | Enjeux
1.2 | Cadre théorique et définition des concepts
1.3 | Question de recherche et hypothèse
2ème partie | Mettre en œuvre l’autorégulation et l’autogestion. Analyse d’une séquence d’enseignement
2.1 | Quels éléments les enseignants peuvent-ils mettre en œuvre dans leur enseignement afin de
favoriser l’autorégulation et l’autogestion ?
2.2 | Description d’une séquence d’enseignement visant l’autorégulation et l’autogestion
2.3 | Synthèse à propos de notre analyse de la feuille de route
2.4 | Analyse critique de cette séquence d’enseignement
2.5 | Synthèse de la 2ème partie
Conclusion
Bibliographie 
Résumé

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