GENERALITES
Le choix des matériaux utilisés dans les moteurs d’avions ou de fusées dépend essentiellement des contraintes mécaniques qu’ils sont capables de supporter dans la gamme des températures de fonctionnement de ces moteurs. Les alliages à base de nickel sont, en majeure partie, utilisés dans l’industrie aéronautique et aérospatiale, car leurs hautes performances jusqu’à des températures relativement élevées les ont rendus indispensables dans les parties chaudes. Ces matériaux doivent particulièrement pouvoir s’accommoder d’environnements de plus en plus hostiles avec des températures de plus en plus hautes et dans des milieux bien spécifiques, comme l’hydrogène et l’oxygène sous forme gazeuse présents dans les turbines de fusée. Les propriétés mécaniques des matériaux à base de nickel sont généralement améliorées par la formation de solutions solides, de précipités et parfois de carbures pour les propriétés de fluage par exemple. Le durcissement par solution solide peut se faire en ajoutant du molybdène qui forme une solution solide sans modifier la structure cristalline. Un exemple de matériau durci par solution solide est l’Hastelloy X qui possède une excellente résistance au brouillard salin, même à haute température. Cette bonne résistance à la corrosion de l’air provient des 22 % de chrome en solution qui génère une couche d’oxyde de chrome à la surface, suite à une réaction avec l’oxygène. En raison de ces propriétés, l’Hastelloy X est souvent employé dans la marine et dans les réacteurs industriels. Le durcissement par précipités est le mode de durcissement le plus employé; il est à la base de la majorité des traitements thermiques des superalliages. Les matériaux à base de nickel ont généralement une structure CFC avec des précipités de type Ni3(Al,Ti), dispersés dans les grains, qui augmentent leurs propriétés mécaniques à haute température. On peut citer par exemple le Waspaloy qui est un matériau à base de nickel principalement allié au chrome et au cobalt puis durci par des précipités Ni3(Al,Ti). Le Waspaloy a une bonne résistance à la fatigue à haute température, c’est pourquoi il est le plus souvent utilisé pour la construction des disques et des aubages de turbine. Cet alliage est un bon compromis entre la résistance mécanique et la résistance à l’oxydation grâce, notamment, aux éléments tels que le chrome et l’aluminium. Le matériau faisant l’objet de cette étude, le Superwaspaloy, est une évolution du Waspaloy. Le Waspaloy a été développé afin de pouvoir subir des contraintes élevées jusqu’à des températures de l’ordre de 850°C. Le Superwaspaloy, dont la composition est en tout point identique à celle du Waspaloy, ne diffère de ce dernier que par sa taille de grain qui a été réduite afin d’améliorer ses propriétés mécaniques. Les lignes qui suivent sont consacrées à la présentation des caractéristiques métallurgiques et mécaniques du Superwaspaloy.
MICROSTRUCTURE
La microstructure du Superwaspaloy est présentée à deux échelles. Pour la première, les observations sont réalisées en microscopie électronique à balayage (MEB) sur des échantillons polis puis attaqués à « l’eau Régale » à 0°C afin de révéler la microstructure du matériau. À cette échelle, on accède à des informations concernant principalement la structure granulaire de l’alliage ainsi qu’à des indications grossières sur les précipités !’. La phase !’ et les carbures sont observables de façon plus précise en microscopie électronique en transmission (MET) en raison de la petite taille des précipités. Pour cette seconde échelle, les observations sont réalisées à l’aide d’un MET Philips EM430, sous une tension d’accélération des électrons de 300 kV, et portent sur des lames minces préparées par amincissement électrolytique. Le matériau présente des grains équiaxiaux dont la taille moyenne est d’environ 15 µm, ce qui correspond à une taille ASTM de 4. De nombreux grains sont maclés et l’existence de ces macles est à attribuer au procédé d’élaboration de la barre de Superwaspaloy. Il semble, à cette échelle, que les joints de grains contiennent de nombreux carbures de type M23 C6. À plus fort grossissement (figure I-2), on devine la phase !’ dont la structure est très fine. Seuls les plus gros précipités !’ sont décelables en microscopie électronique à balayage. Ils ont une taille assez régulière d’environ 0,2 µm et sont répartis de façon relativement uniforme dans le matériau.
DEFINITION DES CONDITIONS EXPERIMENTALES
La réalisation d’essais de fatigue oligocyclique requiert une machine de fatigue, un dispositif permettant le chauffage et le refroidissement, ainsi qu’un système de contrôle et de mesure des sollicitations mécaniques des éprouvettes. La mise en œuvre d’un essai isotherme diffère peu de celle d’un essai anisotherme en termes de moyens matériels. Ces considérations ont conduit notre groupe de recherche à équiper nos machines de fatigue avec un certain nombre d’appareillages « standard » de manière à ce qu’il soit possible de réaliser sur chacune d’elles des essais isothermes ou anisothermes. Dans les lignes qui suivent, nous exposons les points communs à ces deux types d’essai, les caractéristiques particulières de chaque essai faisant l’objet de paragraphes spécifiques. Le chauffage de l’éprouvette est obtenu par un four à quatre lobes elliptiques et une régulation Eurotherm 818. L’éprouvette est située au foyer commun des quatre lobes, et le chauffage est réalisé au moyen de quatre lampes halogènes de 1,5 kW placées aux autres foyers du four. Nous pouvons ainsi atteindre des températures maximales de l’ordre de 1200°C. Dans les conditions de cyclage anisotherme, le refroidissement est obtenu soit naturellement par simple contrôle de l’extinction des lampes, soit par la combinaison de l’extinction des lampes avec un refroidissement forcé par air comprimé comme dans le cas dans notre étude. Le débit d’air est contrôlé par une électrovanne à ouverture proportionnelle, et le flux est dirigé sur l’éprouvette et les lignes d’amarrage par des orifices répartis à l’intersection des lobes du four. Le recours à ce système de refroidissement forcé est nécessaire pour atteindre des températures inférieures à 600°C avec une vitesse de refroidissement constante fixée à 5°C/min. La température est mesurée par un thermocouple gainé « Thermocoax » de type K (chromelalumel) maintenu en contact linéique sur la surface de l’éprouvette. L’extrémité du thermocouple coïncide avec le milieu de la zone utile de l’éprouvette. Pour mesurer la déformation de l’éprouvette, nous utilisons un extensomètre longitudinal entièrement développé au laboratoire, et dont la base de mesure est voisine de 10 mm. Le contact avec l’éprouvette est réalisé par l’intermédiaire de deux couteaux en alumine qui transmettent, via un système d’articulation, l’allongement ou la contraction de l’éprouvette à un capteur constitué de quatre jauges d’extensométrie. Connaissant le coefficient d’amplification du capteur grâce à un étalonnage préalable, nous pouvons calculer la déformation pour une valeur donnée de la base de mesure. Le capteur permet d’effectuer des mesures de déformation avec une précision de l’ordre de 0,01 %, ce qui correspond à un déplacement d’environ 1 µm. L’extensomètre est positionné sur un support lui-même fixé sur le four dans lequel est pratiquée une ouverture pour le passage des tiges d’alumine. Afin de réduire le moins possible le rendement du four, ce trou débouche au niveau d’une intersection de deux lobes elliptiques.
Fatigue oligocyclique isotherme
Dans ce paragraphe, nous présentons d’abord le comportement cyclique du Superwaspaloy sous différentes conditions de chargement isotherme, puis nous étudierons plus particulièrement l’influence de certains paramètres sur l’endurance du matériau. Les mécanismes d’endommagement du matériau seront alors illustrés par quelques observations métallographiques. Le Superwaspaloy a été étudié en fatigue oligocyclique isotherme à la température de 200°C pour une fréquence de sollicitation de 0,01 Hz et à 750°C aux fréquences de 6,25 10-3 Hz, 0,1 Hz et 1 Hz. A haute température et faible fréquence, les essais ont été réalisés sous air et sous vide. L’effet de la température apparaît assez nettement sur les boucles contrainte vs déformation inélastique. A 200°C la forme des boucles indique que le Superwaspaloy a un comportement élastoplastique à cette température, tandis qu’à 750°C, les boucles s’arrondissent au voisinage des contraintes maximales et minimales, traduisant l’apparition d’une composante visqueuse à haute température (750°C). Généralement les mécanismes visqueux de déformation sont d’autant plus importants que la température est élevée et que la fréquence est faible. C’est ce que nous constatons sur les boucles contrainte vs déformation des essais de fatigue oligocyclique réalisés à 750°C aux fréquences de 6,25 10-3 Hz, 0,1 Hz et 1 Hz. Toutefois, à la fréquence la plus élevée de nos essais (1 Hz), les mécanismes visqueux, bien que de moindre importance, sont toujours observés.
|
Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I : LE MATÉRIAU
I.1. Généralités
I.2. Composition
I.3. Traitements thermiques
I.4. Microstructure
I.5. Propriétés mécaniques
I.6. Propriétés thermiques
CHAPITRE II : FATIGUE OLIGOCYCLIQUE
II.1. Introduction
II.2. Définition des éprouvettes
II.3. Définition des conditions expérimentales
II.3.a. Fatigue oligocyclique anisotherme
II.3.b. Fatigue oligocyclique isotherme
II.4. Résultats expérimentaux
II.4.a. Fatigue oligocyclique anisotherme
II.4.b. Fatigue oligocyclique isotherme
4.b.1. Influence de la température
4.b.2. Influence de l’environnement
4.b.3. Influence de la fréquence
II.4.c. Réflexions sur la fatigue oligocyclique
CHAPITRE III : FATIGUE THERMIQUE
III.1. Introduction
III.2. Définition des éprouvettes
III.3. Définition des conditions expérimentales
III.4. Résultats expérimentaux
III.5. Observations métallographiques
III.6. Détermination des états de déformations et de contraintes
III.6.a. Identification des lois de comportement cyclique
6.a.1. Base expérimentale
6.a.2. Méthode utilisée
6.a.3. Résultats
III.6.b. Identification du chargement thermique des éprouvettes
6.b.1. Méthodologie de l’identification
b.1.1. Maillage des éprouvettes
b.1.2. Conditions aux limites
b.1.3. Cycle thermique
b.1.4. Identification
6.b.2. Résultats pour l’éprouvette standard
6.b.3. Résultats pour l’éprouvette longue
III.6.c. Calcul des déformations et des contraintes
6.c.1. Méthodologie
c.1.1. Maillage des éprouvettes
c.1.2. Conditions aux limites
6.c.2. Résultats du calcul pour l’éprouvette standard
6.c.3. Résultats du calcul pour l’éprouvette longue
CHAPITRE IV : Modélisation de la durée de vie
IV.1. Modèle du dommage continu de Chaboche
IV.1.a. Modèle utilisé, formulation anisotherme
1.a.1. Loi de fluage
1.a.2. Loi de fatigue
– En déformation plastique
– En contrainte
1.a.3. Cumul des endommagements de fatigue et de fluage
IV.1.b. Ajustement de la loi sur des éléments de volume
1.b.1. Modélisation de l’élément de volume
1.b.2. Essais isothermes
1.b.3. Essais anisothermes
IV.1.c. Application à la fatigue thermique
• Prévision de l’amorçage
• Description de la propagation
IV.2. Modèle d’endommagement par fatigue avec interaction fluage – oxydation
IV.2.a Présentation du modèle
2.a.1 Équation de dommage en fatigue pure
2.a.2 Équation de dommage en fatigue – fluage
2.a.3 Équation de dommage en fatigue – fluage – oxydation
2.a.4 Cas particuliers du cycle anisotherme et du calcul de structure
IV.2.b Application à la fatigue oligocyclique
2.b.1 Cinétiques d’oxydation
– Oxydation statique
– Oxydation sous charge
2.b.2 Loi de fatigue – fluage
2.b.3 Loi d’interaction fatigue – fluage – oxydation
2.b.4 Cas de la fatigue oligocyclique anisotherme
IV.3. Application à la fatigue thermique
IV.4. Conclusion
CONCLUSION GÉNÉRALE
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXE : PROPAGATION DE FISSURES
A.1. Introduction
A.2. Géométrie des éprouvettes
A.2.a. Éprouvette de propagation de fissure en plasticité confinée
A.2.b. Éprouvette de propagation de fissure en plasticité généralisée
A.3. Mesure de a longueur de la fissure
A.4. Rappels sur la fermeture de fissure
A.5. Propagation de fissures longues en plasticité confinée
A.5.a. Définition des conditions expérimentales
A.5.b. Résultats expérimentaux
5.b.1. Effet de la température
5.b.2. Effet du rapport de charge
5.b.3. Effet de l’environnement
5.b.4. Identification des lois de Paris
A.5.c. Observations métallographiques
A.6. Propagation de fissures courtes en plasticité généralisée
A.6.a. Définition des conditions expérimentales
A.6.b. Résultats expérimentaux
A.6.c. Observations métallographiques
A.6.d. Conclusion .
Télécharger le rapport complet