Courbe de Wöhler et les différents domaines de fatigue
La courbe de Wöhler est appelée courbe S-N (Stress – Number of cycles) dans les pays anglo-saxons. Universellement connue, la courbe de Wöhler est la plus ancienne et la seule qui permet de visualiser la tenue de la pièce ou des matériaux dans le domaine de fatigue. Elle définit une relation entre la contrainte appliquée σ (parfois notée S) et le nombre de cycles à la rupture NR (en fait nombre de cycles pour lequel on observe P% de ruptures). En pratique, la courbe de Wöhler est généralement donnée pour une probabilité de rupture p = 0.5. Pour la tracer, on réalise généralement des essais simples qui consistent à soumettre chaque éprouvette à des cycles d’efforts périodiques, d’amplitude de chargement constante fluctuant autour d’une valeur moyenne fixée, et à noter le nombre de cycles au bout duquel l’amorçage d’une fissure est observé, appelé ici nombre de cycles à rupture NR. Pour plus de commodité, ce nombre NR est reporté en abscisse sur une échelle logarithmique, et l’amplitude de contrainte σa est reportée en ordonnée sur une échelle linéaire. Ainsi, à chaque pièce essayée, correspond donc un point du plan (NR, σa) et à partir d’un certain nombre d’essais à contrainte généralement décroissante, on peut établir la courbe de Wöhler (Fig. 1.1) qui a l’allure suivante :
Sur cette courbe, connue sous les noms de courbe de Wöhler et courbe S-N (Stress-Number of cycles), on peut distinguer trois domaines :
– Domaine de fatigue plastique oligocyclique, pour faible nombre de cycles (soit par exemple, des durées de vie inférieures à 105 cycles pour un matériau donné). Il correspond à des contraintes élevées pour lesquelles se produit une déformation plastique macroscopique du matériau. On peut situer ce domaine depuis la contrainte correspondant à la limite d’adaptation macroscopique jusqu’à celle correspondant à la charge de rupture statique Rm du métal considéré, sollicité dans les mêmes conditions. Dans cette zone, la rupture survient après un certain nombre de cycles et est précédée d’une déformation plastique notable. Par suite de l’amplitude de la contrainte maximale, chaque cycle d’effort entraîne une déformation plastique d’ensemble accompagnée le plus souvent soit d’un durcissement notable, soit d’un adoucissement du métal. A et a étant des constantes liées au matériau.
– Domaine de fatigue ou d’endurance limitée, où la rupture survient après un nombre limité de cycles (105 à 107) sans être accompagnée d’une déformation plastique d’ensemble, mesurable. La réponse de l’éprouvette peut être purement élastique (comportement élastique dès les premiers cycles) ou bien adapté (comportement devenu élastique après stabilisation cyclique). Dans ce regime, le nombre de cycles NR croît quand l’amplitude de la contrainte périodique σa décroît.
– Domaine d’endurance illimitée ou zone de sécurité, qui correspond aux contraintes les plus petites, inférieures à une contrainte seuil, dite limite de fatigue. En deçà de cette valeur limite de σ, notée σD, il n’y a jamais de rupture par fatigue quel que soit le nombre de cycles appliqué. Cette limite peut ne pas exister ou être mal définie pour certains matériaux (aciers à haute résistance, métaux non ferreux). Dans ce cas, on introduit la notion de limite de fatigue conventionnelle ou limite d’endurance. Il s’agit, pour une contrainte moyenne σm donnée, de l’amplitude de contrainte pour laquelle il est constaté 50% de rupture après un nombre fini N (appelé censure) de cycles.
Chargement affine
Un chargement affine est un chargement dont la trajectoire dans l’espace des contraintes est un segment de droite. Si ce segment est décrit de manière monotone entre ses extrémités, ce chargement est affine simple. Sinon, il est dit affine complexe. Un chargement biaxial en phase à amplitude constante est un exemple du chargement affine simple alors qu’un chargement uniaxial à amplitude variable est affine complexe. Parmi les chargements affines, nous pouvons encore distinguer les chargements proportionnels que nous qualifierons aussi de radiaux. Ce sont ceux pour lesquels le trajet de chargement dans l’espace des contraintes, est un segment d’une droite passant par l’origine
Les méthodes de comptage
Une méthode de comptage est une méthode permettant de recenser un évènement statistique dans une séquence aléatoire de chargement. Cet événement peut être, par exemple, des extrema, des étendues ou cycles du signal. Une méthode de comptage de cycles de contrainte détermine donc le nombre ou la densité de présence des cycles de contrainte dans le signal de chargement. En d’autres termes, la méthode de comptage consiste à discrétiser la séquence de chargement variable en cycles élémentaires simples faciles à mettre en œuvre dans tout processus de pré- vision de durée de vie en fatigue. En effet, chaque cycle élémentaire, extrait de la séquence de chargement, est repéré par son amplitude σa et sa valeur moyenne σ¯ auxquels correspond une durée de vie bien définie. Ensuite, le dommage élémentaire du cycle extrait est calculé à l’aide d’une règle d’endommagement. Le processus se répète le long de la séquence étudiée pour évaluer le dommage total DT à l’aide d’une loi de cumul, et par suite déterminer le nombre de séquences à la rupture. Quelques méthodes de comptage ont été mises au point par les experts. Elles conduisent toutes à des résultats différents et donc, pour certaines, à des erreurs dans le calcul de la durée de vie. Nous pouvons citer à titre d’exemple six grandes familles de techniques de comptage, décrites dans différents ouvrages [2, 4] :
– le comptage des temps de maintien,
– le comptage des extrema entre deux passages par la valeur moyenne,
– le comptage des étendues,
– le comptage des étendues appariées,
– le comptage des dépassements de niveaux,
– le comptage de cycle Rainflow dit de « la goutte d’eau ».
Le choix d’une méthode dépend de la façon dont sont définis les cycles de contrainte. Chaque méthode procède, à partir d’une définition de la notion de cycle qui lui est propre, à l’évaluation du nombre de cycles et de ses étendues, pour une durée t de la séquence étudiée. Il est à noter que les méthodes de comptage de cycles ne peuvent être appliquées qu’à une seule variable. Les deux dernières « méthode de comptage Rainflow » et « méthode des dépassements de niveaux » sont les plus utilisées par les auteurs des méthodes de calcul
Méthode de Preumont, Piéfort et Pitoiset
Les auteurs s’intéressent à l’endommagement par fatigue à grand nombre de cycles de structures soumises à des vibrations aléatoires. Comme l’approche temporelle est trop coûteuse et donc inutilisable dans ce cas, ils proposent l’utilisation de méthodes spectrales basées sur la réponse de la structure dans le domaine fréquentiel. Ils se sont limités aux chargements gaussiens de moyennes nulles. Les « méthodes spectrales » établissent des relations analytiques d’estimation de l’endommagement uniquement à l’aide des moments spectraux. Elles sont issues des secteurs industriels dans lesquels le chargement en contraintes est obtenu à partir de la réponse vibratoire de la structure considérée ; c’est par exemple le cas de l’industrie offshore ou de la « fatigue vibratoire ». Cette approche est basée sur une nouvelle définition de la contrainte équivalente de von Mises comme processus aléatoire. Cette contrainte variable uniaxiale équivalente est construite dans le domaine fréquentiel en combinant, pour chaque fréquence, les densités spectrales de puissance de contraintes selon la relation quadratique de von Mises. La densité spectrale de puissance du processus équivalent est ainsi obtenue et il est possible de calculer ses moments spectraux. Un processus d’analyse du signal est alors appliqué à cette contrainte équivalente pour évaluer très rapidement le dommage dans l’ensemble des éléments finis de la structure. Il est basé sur des formulations fréquentielles (approximation de Rayleigh [21, 82] ou la méthode de Single Moment [40, 44]) qui constituent une alternative au comptage Rainflow. Ces méthodes permettent d’estimer la durée de vie d’une pièce soumise à un chargement aléatoire d’origine vibratoire à l’aide de la courbe de Basquin (courbe S-N) et de la densité spectrale de la contrainte équivalente de von Mises. D’autre part, la génération artificielle d’historiques de la contrainte de von Mises est également possible. Un comptage Rainflow des cycles peut alors être effectué et la méthode s’apparente donc aux méthodes classiques de prévision de durée de vie pour les états de contraintes uniaxiaux. Pitoiset, dans sa thèse [63] utilise aussi un comptage « Rainflow multiaxial », et présente des formulations fréquentielles des critères de Matake et de Crossland.
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Table des matières
Introduction Générale
1 BIBLIOGRAPHIE : Prévision de durée de vie en fatigue à grand nombre de cycles
1.1 Introduction
1.2 Courbe de Wöhler et les différents domaines de fatigue
1.3 Classification des chargements
1.3.1 Chargement affine
1.3.2 Chargement non affine
1.4 Estimation de durée de vie en fatigue multiaxiale sous chargement d’amplitude constante
1.4.1 Méthode de Papadopoulos (2001) [59]
1.4.2 Méthode de Susmel et Petrone (2002) [72]
1.5 Estimation de durée de vie en fatigue sous sollicitation uniaxiale d’amplitude variable
1.5.1 Les méthodes de comptage
1.5.2 Les lois d’endommagement
1.5.2.1 Loi de Miner et ses dérivés [50]
1.5.2.2 Loi de Lemaitre-Chaboche [42, 43]
1.5.3 Courbe de Wöhler
1.6 Estimation de durée de vie en fatigue multiaxiale sous charges variables
1.6.1 Méthodes basées sur la technique de comptage de cycles
1.6.1.1 Méthode de Wang et Brown (1992) [75, 76, 77, 78]
1.6.1.2 L’approche statistique de Macha et Bedkowsky [1, 10, 11, 45]
1.6.1.3 Méthode de Robert et ses dérivées [26, 80, 81]
1.6.1.4 Méthode de Lagoda et Macha [38, 39]
1.6.2 Méthodes sans comptage de cycles
1.6.2.1 Méthode de Preumont, Piéfort et Pitoiset [60, 61, 62, 64]
1.6.2.2 Méthode de l’intégrale curviligne de Stephanov [69, 70, 71]
1.6.2.3 Loi d’endommagement de Papadopoulos [56]
1.6.2.4 Méthode de Morel (1996) [51, 53]
1.6.2.5 Méthode de Zarka-Karaouni (2001) [33, 84]
1.7 Conclusion
2 Proposition d’un modèle de prévision de la durée de vie en endurance limitée
2.1 Introduction
2.2 Choix de l’approche macro-méso (Dang Van)
2.2.1 Rappel des relations générales du passage à l’échelle mésoscopique
2.3 Modèle initial de prédiction de durée de vie en fatigue
2.3.1 Description générale du modèle
2.3.2 Relations de passage macro-méso en fatigue polycyclique
2.3.3 Comportement mécanique à l’échelle mésoscopique
2.3.4 Choix du paramètre du dommage
2.3.5 Evaluation de εpcs par la méthode directe
2.3.5.1 Présentation de la méthode directe
2.3.5.2 Mise en oeuvre de la méthode directe
2.3.6 Applicabilité du modèle
2.4 Modèle de prédiction adopté
2.4.1 Présentation du modèle
2.4.2 Calcul de εpcs par la méthode simplifiée
2.4.2.1 Principe de la méthode simplifiée
2.4.2.2 Mise en oeuvre de la méthode simplifiée
2.4.2.3 Expression explicite de εpc s : cas des chargements affines simples
2.4.3 Critère mésoscopique de durée de vie en fatigue
2.4.3.1 Loi mésoscopique de durée de vie : cas des chargements affines simples
2.4.3.2 Loi mésoscopique de durée de vie : cas général
2.4.4 Identification des paramètres du modèle
2.4.4.1 Recherche de relations entre α, β et γ
2.4.4.2 Identification des paramètres optimaux du modèle
2.5 Conclusion
3 Confrontation : Résultats de prévision du modèle / durées de vie expérimentales
3.1 Introduction
3.2 Prévision de durées de vie des essais réalisés sur l’aluminium 6082 T6
3.2.1 Matériau
3.2.2 Eprouvettes
3.2.3 Essais de fatigue réalisés sur l’aluminium 6082 T6
3.2.4 Application du modèle
3.2.4.1 Identification des paramètres du modèle
3.2.4.2 Evaluation de εpcs
3.2.4.3 Calcul de durées de vie en fatigue
3.3 Simulation des essais de fatigue réalisés sur la fonte GS61
3.3.1 Présentation du matériau [12]
3.3.2 Caractéristiques mécaniques du matériau
3.3.3 Description des essais de fatigue testés
3.3.4 Application du modèle sur la fonte GS61
3.3.4.1 Identification des paramètres
3.3.4.2 Calcul de durées de vie des essais de fatigue réalisés sur la fonte GS61
3.4 Application du modèle à des essais de fatigue réalisés sur l’acier 30 NCD 16
3.4.1 Présentation de l’acier 30 NCD 16
3.4.2 Essais de fatigue réalisés par Dubar sur l’acier 30 NCD 16
3.4.3 Identification des paramètres du modèle pour l’acier 30 NCD 16
3.4.4 Résultats de prédiction de durées de vie
3.5 Application du modèle aux données de fatigue de l’acier SM45C
3.5.1 Présentation de l’acier SM45C
3.5.2 Description des essais de fatigue réalisés sur l’acier SM45C
3.5.3 Identification des paramètres du modèle de l’acier SM45C
3.5.4 Simulation des essais de fatigue réalisés sur l’acier SM45C
3.6 Validation expérimentale du modèle sur l’acier 10 HNAP
3.6.1 Présentation du matériau
3.6.2 Description des essais de fatigue sur l’acier 10 HNAP
3.6.2.1 Courbe de Wöhler en traction-compression
3.6.2.2 Courbe de Wöhler en torsion alternée symétrique
3.6.2.3 Essais de fatigue en traction pour diverses valeurs de la contrainte moyenne
3.6.2.4 Essais de fatigue sous chargement variable
3.6.3 Identification des paramètres du modèle de l’acier 10 HNAP
3.6.4 Simulation des essais de fatigue réalisés sur le 10 HNAP
4 Application à un cas industriel
4.1 Introduction
4.2 Processus de fabrication des ressorts de suspension
4.3 Géométrie de la structure fournie
4.4 Chargement imposé
4.5 Données du matériau
4.5.1 Caractéristiques en fatigue du matériau
4.5.2 Caractéristiques mécaniques et loi de comportement du matériau
4.6 Prédiction numérique de la durée de vie
4.6.1 Recherche du cycle stabilisé sous le chargement imposé
4.6.2 Post-traitement en fatigue : application du modèle prédictif proposé
4.6.2.1 Identification des paramètres du modèle
4.6.2.2 Résultats de prédiction
Conclusion Générale
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