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La comprรฉhension de texte, une diffรฉrenciation mal orientรฉe

La littรฉrature scientifique insiste trรจs fortement sur le deuxiรจme versant de lโ€™activitรฉ de lire. Le rรฉsultat de la lecture nโ€™est pas une collection de mots. Ceux-ci doivent ensuite dialoguer pour former un tout qui fait sens. La comprรฉhension en lecture peut ainsi se dรฉfinir comme ยซ ยซ la capacitรฉ ร  construire (โ€ฆ) une reprรฉsentation mentale cohรฉrente de la situation รฉvoquรฉe par le texte ยป27.
La comprรฉhension ne va pas de soi : elle suit un processus complexe ร  plusieurs niveaux. De nombreux modรจles thรฉoriques existent pour faire apparaรฎtre ce qui se joue entre le texte et le lecteur. Andrรฉ Ouzoulias propose la ยซ machine ร  lire ยป28 (cf Annexes doc 2) Au bas, on retrouve lโ€™ensemble des connaissances mentionnรฉes en partie 1 de ce mรฉmoire : ce qui permet ยซ dโ€™avoir accรจs au contenu linguistique des textes ยป. En haut, figurent les ยซ connaissances qui concourent au processus dโ€™รฉlaboration du contenu sรฉmantique des textes, la comprรฉhension proprement dite ยป.
La comprรฉhension de texte prรฉsente deux enjeux principaux.
Tout dโ€™abord, elle nรฉcessite de traiter de nombreuses informations prรฉsentes dans le texte. La morphosyntaxe (marques de genre et de nombre) et la morphologie lexicale donnent des indices visuels pour oraliser. Ces informations doivent รฉgalement รชtre mises en relation avec le reste des mots de la phrase pour comprendre et lever dโ€™รฉventuelles mรฉsinterprรฉtations. Dans lโ€™exemple proposรฉ par Ouzoulias, on voit bien comment la terminaison du dernier verbe inflรฉchit le sens de la phrase : ยซ Cโ€™est le chien des voisins qui hurle. Cโ€™est le chien des voisins qui hurlent ยป. Dans ยซ Paul va a la piscine. En sautant, il tombe sur son bassin ยป : cโ€™est le dรฉterminant possessif ยซ son ยป qui, dans la phrase, permet de distinguer les homographes ยซ bassin ยป du corps et ยซ bassin ยป de la piscine. Les reprises anaphoriques constituent dโ€™autres informations certes immรฉdiatement accessibles mais que lโ€™รฉlรจve doit savoir traiter pour saisir un texte. Lโ€™illustration dโ€™Ouzoulias est parlante (cf Doc 3). Il sโ€™agit enfin de collecter des informations ยซ disposรฉes de maniรจre รฉparse dans le texte : les infรฉrences de liaison ยป29. Les caractรฉristiques physiques dโ€™un personnage ne sont pas nรฉcessairement dรฉcrites dans un mรชme paragraphe. Pour se faire une idรฉe exhaustive de son apparence, le lecteur devra garder en mรฉmoire les รฉlรฉments distillรฉs au fil des paragraphes.
Le second enjeu de la comprรฉhension rรฉside dans les informations extra-textuelles. ยซ Lire, cโ€™est toujours lire entre les lignes ยป30. Face ร  un texte long, le lecteur doit lever de nombreux implicites. Pour ce faire, le lecteur puise dans sa base de connaissances, travail mental nommรฉ ยซ infรฉrences pragmatiques ยป31. Ces connaissances sont de diffรฉrentes natures. Elles peuvent รชtre encyclopรฉdiques : on comprend le comportement de tel animal dans une histoire parce que lโ€™on sait dans quel milieu il vit, ce quโ€™il mange, comment il se dรฉplace, โ€ฆ Elles sont รฉgalement culturelles. En particulier, la maรฎtrise des diffรฉrents types de texte dรฉtermine la posture dans laquelle se place le lecteur pour recevoir les informations. Face ร  un roman policier, il sait par exemple quโ€™il doit รชtre attentif aux dรฉtails pour saisir les ressorts de lโ€™intrigue. De mรชme, lโ€™humour dโ€™un auteur qui joue avec les codes du genre ne peut รชtre saisi que par un lecteur au fait des fonctionnements canoniques. Enfin, Goigoux et Cรจbe insistent fortement sur les connaissances sociales et relationnelles : Dans la plupart des rรฉcits, la comprรฉhension de lโ€™implicite repose sur celle de lโ€™identitรฉ psychologique, et sociale des personnages, de leurs mobiles, de leurs systรจmes de valeur, de leurs affects, de leurs connaissances (โ€ฆ) il faut guider รฉtroitement les รฉlรจves sur la recherche de liens entre les faits exposรฉs et les pensรฉes des personnages, pensรฉes toujours dรฉcomposรฉes en 3 sous ensembles : 1/ leurs buts (pour le futur) et leurs raisons dโ€™agir (en rรฉfรฉrence au passรฉ) 2/ leurs sentiments et leurs รฉmotions 3/ leurs connaissances, leurs croyances et leurs raisonnements.
Les deux chercheurs font dโ€™ailleurs remarquer lโ€™inรฉgale rรฉpartition de ces capacitรฉs dโ€™analyse psychologique : les รฉtudes ยซ associent les diffรฉrences interindividuelles observรฉes ร  la qualitรฉ des conversations familiales portant sur les รฉtats mentaux et sur les relations avec les comportements que ces derniers provoquent ยป 32. Lโ€™essentiel en comprรฉhension est la quantitรฉ et la qualitรฉ des interactions qui se nouent entre le lecteur et le texte.
La comprรฉhension se travaille. La terminologie ยซ tรขches de bas niveau ยป et ยซ tรขches de haut niveau ยป ne doit pas suggรฉrer un ordre chronologique dans les apprentissages. Bien entendu, plus un รฉlรจve se sera รฉmancipรฉ du dรฉcodage, plus il sera disponible pour approfondir la comprรฉhension. Trรจs tรดt, il sโ€™agit nรฉanmoins dโ€™habituer les รฉlรจves ร  un rapport actif ร  la lecture et de faire comprendre que le plaisir et lโ€™intรฉrรชt des textes ne rรฉsident pas uniquement dans la douce musique des mots. Dรจs la maternelle, lโ€™enseignant oralise des textes de plus en plus longs et construit une posture rรฉflexive: les รฉlรจves identifient les personnages, รฉtablissent des liens entre eux, expliquent ce quโ€™il sโ€™est passรฉ, imaginent la suiteโ€ฆ En primaire, lโ€™รฉcoute de textes lus par lโ€™adulte, impliquant ou non un temps dโ€™interprรฉtation, se poursuit.
Il se complรจte dโ€™exercices dรฉtachรฉs dont lโ€™objectif est de clairement faire apparaรฎtre aux รฉlรจves les stratรฉgies ร  mettre en ล“uvre pour comprendre et les procรฉdures de contrรดle ร  dรฉvelopper. Par une batterie dโ€™exercices, le manuel CLEO entraรฎne successivement les รฉlรจves ร  33: comprendre ce qui est ยซ cachรฉ ยป dans un texte, faire attention ร  tous les dรฉtails de la phrase, prendre en compte la situation initiale pour adapter sa lecture, comprendre de qui lโ€™on parle, comprendre dans quel ordre se passent les choses. Lโ€™ouvrage Je lis, Je comprends cible
4 champs ร  travailler avec les รฉlรจves 34:
– les connecteurs : ยซ ils รฉtablissent, entre les รฉlรฉments reliรฉs, une relation logique et une nuance de sens prรฉcise ยป.
– les substituts : qui permettent dโ€™identifier de qui lโ€™on parle, indรฉpendamment des faรงons plus ou moins directes de le dรฉsigner.
– les infรฉrences : ยซ raisonner pour trouver/comprendre une information qui nโ€™est pas รฉcrite dans le texte ยป.
– retrouver les idรฉes essentielles : ยซ saisir le sens global dโ€™un texte ou dโ€™un paragraphe pour se construire une image mentale de la situation ยป.
Quel que soit le support utilisรฉ, lโ€™enjeu est dโ€™expliciter ces nล“uds de comprรฉhension et de formuler trรจs clairement aux รฉlรจves les moyens de les dรฉpasser. En organisant le dรฉbat entre รฉlรจves, en soulignant les indices, en faisant apparaรฎtre des justifications linguistiques, encyclopรฉdiques ou psychologiques, lโ€™enseignant fait apparaรฎtre quโ€™il ne sโ€™agit nullement de deviner mais dโ€™aboutir ร  une comprรฉhension suffisamment รฉtayรฉe pour รชtre valable.
La complexitรฉ du vocabulaire est un autre frein ร  la comprรฉhension. Un lecteur expert nโ€™est pas un puits de vocabulaire : cโ€™est un lecteur qui sโ€™accommode de ne pas tout saisir et qui collecte des indices dans le texte pour dรฉduire approximativement le sens des mots inconnus. Goigoux et Cรจbe proposent dโ€™encourager ร  ยซ stroumpfer ยป les mots : les รฉlรจves sont autorisรฉs
ร  remplacer un mot inconnu par une locution alternative pour peu quโ€™elle soit cohรฉrente avec le texte et leurs connaissances du monde. Lโ€™enseignant les pousse ร  maintenir leur vigilance pour valider ou non cette approximation35. Il peut aussi travailler en sens inverse : dans un texte caviardรฉ oรน des ยซ stroumpf ยป se substituent ร  certains mots, les รฉlรจves doivent proposer des formules pertinentes.
En parallรจle, lโ€™enseignant doit organiser la lecture dโ€™ล“uvres intรฉgrales36. Outre la construction dโ€™une culture commune et la dรฉcouverte de rรฉcits enrichissants, la lecture dโ€™ล“uvres littรฉraires renforce en effet les capacitรฉs de comprรฉhension des รฉlรจves par ses difficultรฉs spรฉcifiques 37 :
– ils mobilisent la mรฉmoire et la culture du lecteur, notamment sa connaissance des genres et des structures traditionnelles.
– ils prennent place dans un cadre spatio-temporel souvent inconnu.
– ils peuvent se baser sur des choix narratifs peu รฉvidents, par exemple un narrateur animal.
– ils impliquent de nombreux personnages.
– ils utilisent des ellipses narratives qui nโ€™interrompent pas pour autant le cours de lโ€™action.
– lโ€™humour ou la dimension rรฉflexive du rรฉcit (regard portรฉ sur la littรฉrature, sur les attitudes du lecteur, โ€ฆ) se lisent entre les lignes.

Des besoins incompris, une diffรฉrenciation mal orientรฉe

En pรฉriode 1 et 2, je propose des exercices dรฉtachรฉs de comprรฉhension en mโ€™appuyant sur le manuel CLEO. Je construits par ailleurs des sรฉquences de lecture littรฉraire en mโ€™inspirant des exercices proposรฉs dans le manuel Etincelles43. En pรฉriode 1, nous travaillons La Brouille de C.Boujon. Puis, nous nous penchons sur trois contes รฉtiologiques issus de 20 Contes des Pourquoi, de Rรฉgis Delpeuch et Michel Piquemal.
Le travail dโ€™explicitation du texte est menรฉ quasi-essentiellement ร  lโ€™oral via des questions ou des dรฉbats. Le texte nโ€™est pas รฉtudiรฉ pas ร  pas avec les รฉlรจves. De grandes affiches trรจs simples ร  dรฉcoder matรฉrialisent le travail en cours. Les documents en annexes permettent par exemple dโ€™identifier les diffรฉrentes รฉtapes dโ€™un conte des origines (doc 4). Les exercices individuels sont trรจs guidรฉs et limitent la lecture comme la rรฉdaction. La reconstitution de lโ€™ordre du rรฉcit se fait par des รฉtiquettes ร  dรฉcouper et ร  coller. Un autre exercice sur La Brouille consiste ร  recopier les paroles des personnages sans exiger de reformulation (doc 5). Lโ€™objectif est de rรฉduire au maximum la quantitรฉ de texte ร  lire : les modalitรฉs de travail en classe sont entiรจrement pensรฉes en rรฉfรฉrence aux petits lecteurs.
Du point de vue des apprentissages, les limites de ce fonctionnement mโ€™apparaissent rapidement. Les sรฉances proposรฉes ne permettent pas de lever les incomprรฉhensions. Aprรจs la lecture orale de Pourquoi les hรฉrissons ont-ils des piquants ?, je demande aux รฉlรจves oรน se trouvent les animaux au dรฉbut de lโ€™histoire. Hormis quelques รฉlรจves trรจs bons compreneurs que je ne souhaite pas interroger, une grande partie de la classe ne sait pas comment procรฉder pour retrouver lโ€™information. Il sโ€™agit pourtant dโ€™une indication prรฉsente dans le texte qui ne nรฉcessite pas dโ€™infรฉrences particuliรจres. Ma rรฉponse ร  leur silence ne me satisfait pas du tout :
ยซ eh bien, regardez dans votre texte ยป. La derniรจre รฉtape de cette sรฉquence consiste ร  รฉcrire un court rรฉcit รฉtiologique. Sur plusieurs textes, jโ€™ai fait apparaรฎtre les trois phases de ce type de conte : il me semble que cette structure est alors bien intรฉgrรฉe. Le travail dโ€™รฉcriture est donc divisรฉ en 3 temps. Ecrire dโ€™abord la troisiรจme partie du texte, conclusion dans laquelle on prรฉsente les caractรฉristiques actuelles de lโ€™animal (ex : ยซ et cโ€™est ainsi que les abeilles ont un dardโ€ฆ ยป). Puis, les รฉlรจves rรฉdigent la premiรจre partie, dont une version trรจs simple consiste ร  dรฉcrire lโ€™opposรฉ de la phase trois (ex : il y a fort longtemps, les abeilles nโ€™avaient pas de dardโ€ฆ). Enfin, ils doivent imaginer lโ€™action qui conduit lโ€™animal ร  se transformer. Pour faciliter lโ€™รฉcriture, une sรฉrie de formules introductives sont affichรฉes au tableau (doc 6) Dรจs la premiรจre sรฉance dโ€™รฉcriture, je sens que les รฉlรจves ne comprennent pas ce que jโ€™attends dโ€™eux et les pages restent blanches. Aprรจs avoir rรฉpondu ร  de nombreuses questions qui ne lรจvent pas les incomprรฉhensions, je me rรฉsous ร  donner un exemple de rรฉcit.
La lecture des ouvrages scientifiques me permet de mieux comprendre ces situations de classe. En pรฉriode 1 et 2, je nโ€™ai pas vรฉritablement pris la mesure des difficultรฉs de comprรฉhension dโ€™un texte pour un รฉlรจve de 7 ans. Je nโ€™anticipe donc pas dโ€™outils pour les lever en mโ€™appuyant sur lโ€™รฉcrit. Les rรฉponses sont finalement donnรฉes par les bons compreneurs sans que la justification soit partagรฉe ร  la classe. Cela laisse sans ressources les รฉlรจves moins efficaces. Plutรดt que des sรฉances de comprรฉhension, il sโ€™agit avant tout de moments faisant appel ร  la mรฉmoire et ร  la capacitรฉ de concentration des รฉlรจves lors des temps de lecture orale. La situation des faibles lecteurs prend le pas sur une vรฉritable rรฉflexion dรฉdiรฉe ร  la comprรฉhension, diffรฉrente du premier ยซ compartiment du jeu ยป. Je confonds niveau de dรฉcodage et niveau de comprรฉhension. Ouzoulias fait remarquer la diffรฉrence fondamentale entre groupe de besoin et groupe de niveau44. Des difficultรฉs trรจs prรฉcisรฉment dรฉfinies justifient la crรฉation dโ€™un groupe de besoin. Son objectif est dโ€™aboutir ร  la maรฎtrise de compรฉtences circonscrites. Dans un groupe de niveau, les รฉlรจves sont intรฉgrรฉs en fonction de leurs rรฉsultats dans plusieurs domaines, selon une sorte de moyenne gรฉnรฉrale. En pรฉriode 1 et 2, je crรฉรฉ inconsciemment un groupe de niveau composรฉ des faibles lecteurs. Celui-ci me conduit ร  privilรฉgier un seul type de diffรฉrenciation quels que soient les objectifs travaillรฉs : recourir ร  lโ€™oral.
Ces difficultรฉs didactiques se ressentent fortement dans la dynamique de groupe et lโ€™ambiance de classe. Je suis surprise de la participation pertinente des petits dรฉcodeurs. A lโ€™inverse, un groupe de lecteurs qui semble moyen reste apathique. Les รฉlรจves adoptent une attitude de retrait, attendant les rรฉponses des trรจs bons compreneurs. Les รฉlรจves les plus performants sโ€™ennuient. En pรฉriode 2, quelque uns sortent leurs livres personnels pendant les sรฉances ou rรชvassent longuement. Une remarque du RASED concernant un รฉlรจve illustre bien cette situation : ยซ Il faut le nourrir, lui donner davantage. Sinon, il va commencer ร  รชtre trรจs agitรฉ en classe ยป. Pour moi, les sรฉances de lecture longue deviennent fatigantes. Le recours ร  lโ€™oral รฉtant ma prioritรฉ, aucun temps calme de travail individuel ne vient rรฉduire le niveau sonore. Ces sรฉances demandent beaucoup dโ€™รฉnergie, tant pour animer les รฉchanges que pour limiter les bavardages. Enfin, jโ€™ai le sentiment de ne pas vรฉritablement mettre ร  profit la prรฉsence de la maรฎtre E. Comme les faibles lecteurs nโ€™ont pas besoin de recourir au texte, sa prรฉsence ne leur est dโ€™aucune aide.
A lโ€™issue de la pรฉriode 2, mes lectures en didactique me permettent de poser un diagnostic plus รฉclairรฉ des niveaux des รฉlรจves, en dรฉchiffrage comme en comprรฉhension :
Groupe 1/ Trรจs bons lecteurs, trรจs bons compreneurs : huit รฉlรจves. Leur lecture expressive mรชme sans prรฉparation tรฉmoigne dโ€™une comprรฉhension des textes quasi-immรฉdiate. Ils savent rechercher des donnรฉes prรฉcises dans un รฉcrit de plusieurs pages. Ils adoptent une attitude distanciรฉe vis ร  vis des textes, questionnant les choix narratifs des auteurs.
Groupe 2/ dรฉcodeurs moyens, compreneurs moyens : quatorze รฉlรจves. Ces derniers ont rarement recours au texte pour rรฉpondre aux questions de comprรฉhension. Lorsquโ€™ils y sont encouragรฉs, ils ont du mal ร  sโ€™y repรฉrer ou ร  identifier lโ€™indice pertinent.
Groupe 3/ faibles dรฉcodeur, bons compreneurs : cinq รฉlรจves. Malgrรฉ une lecture trรจs lente, quatre รฉlรจves sur les cinq dรฉploient de vรฉritables stratรฉgies de comprรฉhension, notamment la mise en mรฉmoire dโ€™informations au fil du texte et les infรฉrences. Un รฉlรจve tรฉmoigne รฉgalement de difficultรฉs de comprรฉhension mais celles ci tiennent davantage ร  sa capacitรฉ de concentration.
Mรชme si les compรฉtences en dรฉchiffrage et en comprรฉhension se superposent largement dans ma classe, je distingue clairement les deux pans du travail de lecture et je sais les รฉcueils dans lesquels je suis naturellement tombรฉe durant les premiรจres semaines.
Les enjeux des deux pรฉriodes suivantes sont donc :
– dโ€™engager un vรฉritable entrainement ร  la lecture fluide, pour les faibles et les moyens lecteurs.
– dโ€™approfondir les sรฉances de comprรฉhension pour dรฉlivrer des mรฉthodes.
– de continuer ร  faire progresser les รฉlรจves trรจs performants en maintenant une cohรฉsion de classe via des lectures communes.

Renforcer la fluence des moyens lecteurs

Concentrรฉe sur lโ€™amรฉlioration des outils et dispositifs destinรฉs aux petits lecteurs, je nโ€™ai pas en pรฉriode 3 dรฉveloppรฉ de travail particulier pour amรฉliorer la fluiditรฉ des moyens lecteurs. Si certains รฉlรจves classรฉs dans cette catรฉgorie ont progressรฉ entre la fin de la pรฉriode 2 et la fin de la pรฉriode 3, lโ€™รฉcart avec le groupe 1 concernant la vitesse de lecture reste sensible. Les รฉlรจves de ce groupe ne butent pas sur chaque syllabe mais peinent ร  lire par groupes de mots et ร  anticiper lโ€™identification du mot suivant. Cela se ressent aussi dans la rรฉalisation des exercices de comprรฉhension. Plusieurs รฉlรจves nโ€™achรจvent pas leurs entraรฎnements en pรฉriode 3 et mes observations ne permettent pas de retenir le manque de concentration pour expliquer le retard de ces derniers, toujours ยซ sรฉrieux ยป.
Cโ€™est principalement dans le cadre des sรฉances de lecture longue que lโ€™entrainement renforcรฉ prend place ร  partir de la pรฉriode 4. Lโ€™objectif est de multiplier les occasions de relire plusieurs fois un mรชme texte afin dโ€™automatiser la reconnaissance des mots. Comme pour les faibles lecteurs, la transmission des documents la veille est la garantie que la plupart des รฉlรจves lisent ร  minima deux fois chaque chapitre. Si les parents ne sont pas nรฉcessairement en mesure de suivre la scolaritรฉ de leurs enfants, le suspense mรฉnagรฉ par Joseph Pรฉrigot et Nicolas de Hirsching motive tous les รฉlรจves ร  dรฉcouvrir le soir la suite des histoires. Lโ€™organisation par groupes me permet de consacrer plus de temps ร  lโ€™entrainement ร  la lecture orale : ร  lโ€™รฉtude du premier chapitre, alors que le groupe 1 et 3 sont au travail, je suis en mesure de faire lire plus longuement et corriger plus prรฉcisรฉment les 14 รฉlรจves qui en ont besoin (doc 14). Je propose aussi en binรดme un travail autour des mots rรฉcurrents des romans. Enfin, si les exercices de comprรฉhension impliquent lรฉgรจrement moins dโ€™รฉcrit que pour le groupe 1, je ne rรฉduis jamais la quantitรฉ de lecture demandรฉe au groupe 2. Comme lโ€™on constate sur le doc 16, le groupe 1 doit รฉcrire des phrases, le groupe 3 rechercher des mots. Le groupe 2 doit lire les 5 phrases ร  remettre en ordre. Enfin, lors des temps de mise en commun, je prends soin de ne plus interroger ยซ au hasard ยป et de cibler les รฉlรจves de ce groupe pour lire les supports.
Ce travail reste cependant assez limitรฉ. La littรฉrature livre des pistes intรฉressantes notamment sur la lecture par groupes de mots, la ponctuation ou la segmentation prosodique des textes. Je crois quโ€™un temps de recherche plus consรฉquent aurait รฉtรฉ nรฉcessaire pour mieux mโ€™en approprier les outils. Peut รชtre est-il รฉgalement pertinent de travailler ces points en dehors de sรฉquences de lecture longue, qui imposent un rythme soutenu pendant trois semaines afin dโ€™achever la lecture dans un temps raisonnable.

Ecrire davantage

Alors que mes sรฉances en pรฉriode 2 sont trรจs oralisรฉes, la pรฉriode 3 et 4 se distinguent par de trรจs nombreux exercices รฉcrits : rรฉpondre ร  des questions, complรฉter des phrases en utilisant les mots du texte, imaginer un dialogue, proposer un titre, รฉcrire une suite, donner son avis, โ€ฆ Tous ces moments sont des occasions pour les รฉlรจves de rรฉutiliser les mots du texte, de les recomposer sur leur feuille. Faire le chemin du mot prononcรฉ et entendu ร  sa traduction graphique facilite le trajet en sens inverse.
Le changement des modalitรฉs de travail me rend aussi plus disponible pour passer de table en table et encourager les รฉlรจves ร  corriger immรฉdiatement leurs productions รฉcrites. Je pointe les orthographes douteuses de plusieurs รฉlรจves et leur demande, une fois leur rรฉdaction terminรฉe, dโ€™aller chercher dans le texte le mot รฉcrit. Je propose aussi ร  certains de chercher dans le dictionnaire (doc 17). Les effets ne sont certes pas immรฉdiatement visibles mais ils contribuent ร  lโ€™extension de la lecture orthographique. Si lโ€™รฉlรจve garde en mรฉmoire une graphie erronรฉe dโ€™un mot, lorsquโ€™il recroisera celui-ci correctement orthographiรฉ plus tard, cette orthographe lui semblera comme nouvelle et il sera donc obligรฉ de dรฉcoder avec les risques dโ€™erreurs que cela comporte. A lโ€™inverse, sโ€™il รฉcrit (ou plutรดt rรฉรฉcrit) correctement le mot, il y aura une adรฉquation par la suite entre le mot quโ€™il cherche ร  lire et le mot quโ€™il a auparavant รฉcrit.
On ne peut uniquement attribuer lโ€™amรฉlioration de la vitesse de lecture pour certains รฉlรจves au travail que jโ€™ai rรฉalisรฉ. La programmation par cycles existe justement parce que lโ€™on sait que les apprentissages ne se font pas au mรชme rythme. Pour certains, il est par ailleurs clair quโ€™une prise en charge par un orthophoniste est un important facteur de progrรจs. Nรฉanmoins, il me semble que la diffรฉrenciation mise en place a, mรชme modestement, contribuรฉ ร  lโ€™รฉvolution des รฉlรจves, notamment les plus petits dรฉcodeurs. Pour ces derniers, les rรฉsultats sont trรจs encourageants. A la fin de la pรฉriode 4, lโ€™รฉlรจve A demande ร  lire des textes non adaptรฉs et sโ€™y accommode sans difficultรฉs. Il est prรฉvu que lโ€™รฉlรจve E ne participe plus aux ateliers du RASED et lโ€™รฉlรจve F a une lecture de plus en plus fluide. Pour C, la concentration et lโ€™implication en classe se sont amรฉliorรฉes. Enfin, si elle fait encore face ร  dโ€™importantes difficultรฉs, lโ€™รฉlรจve B a progressรฉ dans lโ€™identification des mots outils. Elle sโ€™est tranquillisรฉe pendant les sรฉances et reste trรจs motivรฉe par les apprentissages. Je crois que cet aspect nโ€™est pas nรฉgligeable : face ร  des troubles importants du langage, cette รฉlรจve aurait pu dรฉcrocher ou se braquer. Le sentiment dโ€™รชtre soutenue et de travailler avec des outils adaptรฉs lโ€™a peut รชtre maintenue dans une dynamique positive. Lโ€™รฉvolution de la fluence chez les moyens lecteurs est plus difficile ร  รฉvaluer de maniรจre informelle car les progrรจs, sโ€™ils existent, sont nรฉcessairement moins flagrants. Un test similaire ร  celui proposรฉ en dรฉbut dโ€™annรฉe est prรฉvu en pรฉriode 5 pour mesurer le chemin parcouru.

Lโ€™intรฉrรชt des fichiers PEMF

En janvier, ma maรฎtre formatrice me prรฉsente les fichiers ICEM- PEMF. Ceux-ci sont รฉditรฉs par lโ€™Institut Coopรฉratif de lโ€™Ecole Moderne, association visant la diffusion de la pรฉdagogie Freinet. Pour le CE1, les packs regroupent chacun une cinquantaine de fiches cartonnรฉes qui engagent lโ€™รฉlรจve dans un court exercice de comprรฉhension. Le document dโ€™accompagnement prรฉsente les diffรฉrents types de fiches (doc 18):
– des fiches pour dรฉvelopper la lecture par anticipation. Dans ces fiches, certains mots ne peuvent รชtre dรฉchiffrรฉs ou perรงus, les รฉlรจves doivent donc formuler des hypothรจses et trouver des indices pour les vรฉrifier.
– des fiches pour affiner la perception des significations en sโ€™appuyant sur les structures syntaxiques ou sรฉmantiques.
– des fiches pour dรฉvelopper une lecture fine. Dans ces fiches, il sโ€™agit de prendre conscience des nuances de sens.
– des fiches pour dรฉvelopper une lecture sรฉlective. La connaissance des types dโ€™รฉcrits permet dโ€™identifier leurs fonctionnements et, dรจs lors, de savoir oรน aller chercher lโ€™information visรฉe.
Comme recommandรฉ par la littรฉrature, ces fiches exercent les รฉlรจves ร  ยซ penser (leurs) processus mentaux et ร  utiliser certaines stratรฉgies pour comprendre le texte ยป49. A lโ€™image des supports utilisรฉs en pรฉriode 1 et 2, elles ne mรชlent pas plusieurs compรฉtences afin de renforcer la clartรฉ cognitive. A partir de janvier, je choisis dโ€™abandonner le manuel CLEO et ยซ Je lis, je comprends ยป au profit des fichiers PEMF.
La premiรจre raison rรฉside dans la progression proposรฉe. Ces fiches sont organisรฉes en trois niveaux : A1, A2, A3. Les compรฉtences exercรฉes y sont quasi-identiques mais les textes sont de difficultรฉ croissante. La longueur, le vocabulaire, la police utilisรฉe, la quantitรฉ de question ou le niveau de prรฉcision attendu varient. Cette particularitรฉ rรฉpond bien ร  lโ€™hรฉtรฉrogรฉnรฉitรฉ de la classe. Elle permet de sโ€™adapter aux niveaux de fluiditรฉ et de comprรฉhension des รฉlรจves tout en leur faisant travailler les mรชmes ยซ agilitรฉs ยป vis ร  vis de lโ€™รฉcrit. La comparaison de ces documents avec un exercice de CLEO permet bien de saisir lโ€™intรฉrรชt des premiers du point de vue de la diffรฉrenciation (doc 19). En dรฉcembre, les supports utilisรฉs me semblaient inutiles pour les bons compreneurs qui les rรฉalisaient sans erreur en quelques instants. Les compreneurs plus moyens avaient ร  peine le temps de sโ€™y plonger que la correction collective รฉtait lancรฉe. Par ailleurs, les fiches PEMF, notamment de niveau 3, se basent sur des extraits rรฉels et trรจs variรฉs (brochure, article, page de dictionnaire, โ€ฆ) : ร  lโ€™inverse dโ€™exercices fictifs trรจs scolaires, elles simplifient le transfert de connaissance.
Le second intรฉrรชt de ces fichiers est de faire travailler les รฉlรจves de maniรจre autonome. Chacun est dotรฉ dโ€™une fiche de rรฉponse quโ€™il complรจte aisรฉment au fil de ses exercices. Les modalitรฉs de rรฉponse sont limitรฉes ร  trois configurations : sรฉlectionner la bonne lettre/ faire correspondre numรฉro et lettre/ รฉcrire lโ€™information prรฉcise sur les pointillรฉs. Les exercices ne sont pas liรฉs entre eux. Les รฉlรจves ne les rรฉalisent pas tous au mรชme moment, ils se partagent les fiches. Ce fonctionnement permet de rendre les รฉlรจves plus indรฉpendants vis ร  vis de lโ€™รฉcrit. Ils doivent lire seuls et silencieusement. Ils ne peuvent ni jeter un coup dโ€™ล“il sur le travail de leurs camarades ni attendre la correction collective. Les fichiers ont ainsi lโ€™intรฉrรชt de pousser les รฉlรจves ร  se questionner, ร  relire et ร  chercher pour trouver les rรฉponses. Ils sont finalement trรจs proches des situations de lecture rรฉelles oรน le lecteur est seul face ร  lโ€™รฉcrit. Lโ€™adaptation des fiches aux niveaux rรฉels des รฉlรจves permettent de limiter ยซ lโ€™anxiรฉtรฉ ยป que pourrait gรฉnรฉrer cette individualisation des tรขches. Les รฉlรจves peuvent par ailleurs laisser de cรดtรฉ une fiche au texte rรฉsistant pour y revenir plus tard.
En complรฉment de son intรฉrรชt didactique, ce fonctionnement permet de gรฉrer les rythmes dans la classe. Lโ€™hรฉtรฉrogรฉnรฉitรฉ des รฉlรจves dans toutes les matiรจres gรฉnรจre des temps de latence importants. Les รฉlรจves finissant trรจs vite se mettent ร  bavarder gรชnant ceux qui terminent et cantonnent lโ€™enseignant ร  un rรดle de ยซ policier ยป quโ€™il pourrait autrement utiliser pour soutenir les enfants les plus en difficultรฉs. Pendant la pรฉriode 1 ou 2, je tente de gรฉrer ces temps de trois faรงons relativement classiques. Dans les premiรจres semaines, je propose des activitรฉs purement occupationnelles comme des dessins ou des coloriages. Cela รฉvolue ensuite vers des exercices ludiques autour des apprentissages de la pรฉriode : coloriages magiques, mots mรชlรฉs, …. Mais les รฉlรจves plus lents sont dรฉconcentrรฉs par les activitรฉs de leurs
camarades : ils bรขclent leurs exercices pour รชtre sรปrs de pouvoir colorier ร  leur tour. Je propose donc des exercices supplรฉmentaires plus difficiles. Dans tous les cas, je ne suis pas satisfaite : temps perdu sans apprentissages, faible motivation des รฉlรจves, multiplication des corrections,… Les fichiers PEMF sont parfaitement calibrรฉs pour ces interstices de la vie de la classe. Les รฉlรจves peuvent dรฉmarrer comme interrompre leur activitรฉ trรจs rapidement, pour la reprendre plus tard. Avec cet outil, la programmation en comprรฉhension peut prendre place dans les temps auparavant inutilisรฉs sans nรฉcessairement รชtre intรฉgrรฉe ร  lโ€™emploi du temps.

Les modalitรฉs de travail

Pour les รฉlรจves, comme pour moi, ces fichiers sont une dรฉcouverte. Je fais plusieurs recherches infructueuses sur internet pour mieux comprendre comment les enseignants se servent de ces outils. La plupart des retours dโ€™expรฉriences sont partagรฉs lors de temps de formation dรฉdiรฉs ร  la pรฉdagogie Freinet. Par ailleurs, ces fichiers sont souvent intรฉgrรฉs ร  une organisation pรฉdagogique trรจs ambitieuse impliquant des plans de travail individuels. Les quelques conseils glanรฉs sur les forums ne correspondaient ainsi pas aux premiers essais de dรฉbutante.
A partir des conseils de ma maรฎtre formatrice, jโ€™imagine un fonctionnement qui apporte des rรฉponses aux questionnements suivants :
Comment gรฉrer le matรฉriel et les dรฉplacements ?
– Les รฉlรจves sont rรฉpartis par groupe de couleur sur une grande affiche intitulรฉe ยซ Lecture en autonomie ยป. Ces groupes correspondent peu ou prou ร  la rรฉpartition prรฉsentรฉe page 21.
– Pour chaque niveau, les fiches sont rangรฉes des pochettes plastiques transparentes, dans des classeurs de couleur. A la place de la fiche empruntรฉe, les รฉlรจves glissent une ยซ fiche fantรดme ยป oรน se lit leur prรฉnom. A tout moment, on peut ainsi savoir qui travaille sur quelle fiche.
– Les รฉlรจves peuvent se dรฉplacer librement dans la classe pour prendre une fiche. Ils sont autorisรฉs ร  รชtre ร  deux par classeurs : 8 รฉlรจves peuvent donc consulter les documents en mรชme temps. Les classeurs sont rรฉpartis dans lโ€™espace de la classe pour รฉviter les ยซ embouteillages ยป.
– Tous les documents (fiche en cours, fiche de rรฉponse, fiche fantรดme) sont rangรฉs dans la pochette dโ€™autonomie que les รฉlรจves gardent dans leur case.
La libertรฉ donnรฉe aux รฉlรจves et le fait que chaque temps de travail ne soit pas introduit par le rappel des consignes donne forcรฉment lieu ร  quelques ratรฉs : รฉcriture sur les fiches les rendant inutilisables, casse de quelques classeurs, chamailleries entre รฉlรจves se disputant lโ€™accรจs aux fiches. Nรฉanmoins, ces derniers intรจgrent bien le fonctionnement et ร  la fin de la pรฉriode 4, leur travail sโ€™organise sans que jโ€™ai besoin dโ€™intervenir.
– Les รฉlรจves planchent sur leurs fiches dรจs quโ€™ils ont fini leur travail, quelle que soit la matiรจre รฉtudiรฉe. Aprรจs avoir donnรฉ les consignes dโ€™un exercice, je rappelle toujours lโ€™existence du fichier et la nรฉcessitรฉ dโ€™y travailler sitรดt lโ€™entrainement terminรฉ.
– A quelques rares occasions, les fichiers PEMF me permettent dโ€™organiser des temps en demi-groupe : pendant quโ€™une moitiรฉ de la classe รฉtudie les fiches, je peux me consacrer plus longuement aux autres.
– Jโ€™exclus rapidement de dรฉdier des plages horaires rรฉservรฉes au travail sur les fiches : la rรฉalisation de chaque exercice รฉtant relativement rapide, certains รฉlรจves font la course pour prendre un autre document, pendant que dโ€™autres moins compรฉtiteurs (ou plus respectueux des rรจgles !) restent bloquรฉs.
– Lorsque lโ€™enseignant indique le passage ร  un autre travail, les รฉlรจves doivent ranger immรฉdiatement. Les dรฉplacements ne sont plus possibles.
Ce fichier permet de maintenir la concentration de lโ€™ensemble de la classe pendant les phases de travail individuel. Dรจs que des รฉlรจves bavardent, je peux leur rappeler prรฉcisรฉment ce qui est attendu dโ€™eux. En pรฉriode 1 et 2, je ne trouve pas le temps de passer dans les rangs. A partir de janvier, ces fichiers me permettent de crรฉer de la diffรฉrenciation dans toutes les matiรจres puisque je peux sereinement prendre le temps de rรฉexpliquer une consigne ou dโ€™aider un รฉlรจve.
– Je prends un long temps introductif pour prรฉsenter aux รฉlรจves lโ€™organisation des fiches et de la fiche rรฉponse car ils sont peu familiers de cette prรฉsentation en tableau.
– Ils utilisent successivement un stylo bleu puis vert pour que je puisse distinguer le travail rรฉalisรฉ en pรฉriode 3 et 4.
– Le code de correction est prรฉsentรฉ en dรฉbut de pรฉriode 4 (doc 20).
La fiche rรฉponse est un รฉlรฉment trรจs important de ces fichiers par rapport ร  dโ€™autres outils de travail autonomes autocorrectifs. Elle permet dโ€™avoir une vue prรฉcise de la quantitรฉ dโ€™exercices rรฉalisรฉe par les รฉlรจves et de mesurer leur progression. Elle me permet dโ€™รฉtablir un tableau de suivi particuliรจrement intรฉressant (doc 21). Prise par le temps, je corrige ces fiches ร  lโ€™issue de la pรฉriode 3 et de la pรฉriode 4, plutรดt que de les annoter chaque semaine comme initialement prรฉvu. Je le regrette car cela mโ€™aurait permis de prรฉciser certaines consignes (doc 22).

Les apprentissages gรฉnรฉrรฉs

Ces fichiers dรฉveloppent effectivement lโ€™autonomie des รฉlรจves vis ร  vis de lโ€™รฉcrit. 15 รฉlรจves sur 16 ayant rรฉalisรฉ plus de 9 fiches ont rรฉussi plus de 50% de leurs exercices. 9 sur 16 en ont rรฉussi plus de 75%. Certains รฉlรจves me sollicitant beaucoup au dรฉbut de la pรฉriode 3 parce quโ€™ils ne comprenaient pas les fiches prรฉsentent finalement de bons rรฉsultats. Par ailleurs, parce quโ€™elles impliquent un sentiment de libertรฉ, ces fiches crรฉent beaucoup de motivation chez les รฉlรจves. Il est parfois difficile de les leur faire ranger pour poursuivre la journรฉe. Ce plaisir est nรฉcessairement un facteur positif dans les apprentissages. Mรชme sโ€™ils sont peu nombreux, les รฉlรจves ayant corrigรฉ leurs fiches trouvent gรฉnรฉralement la bonne rรฉponse. On peut supposer quโ€™ils ont compris leurs erreurs et ainsi progressรฉ dans la maรฎtrise des stratรฉgies de comprรฉhension.
Il existe nรฉanmoins des marges dโ€™amรฉlioration.
Le tableau rรฉvรจle que certains รฉlรจves (en rouge) ont rรฉalisรฉ trรจs peu de fiches. Pour certains, il sโ€™agit dโ€™un enjeu de motivation : quand ils finissent leurs exercices, ils rรชvassent, lisent ou dessinent discrรจtement. Ne faisant pas de bruit, je ne mโ€™en aperรงois pas. Quand cโ€™est le cas, ils mettent si longtemps ร  dรฉmarrer que nous passons ร  autre chose. Pour dโ€™autres รฉlรจves, le faible nombre de fiches rรฉalisรฉes tient ร  leurs difficultรฉs dans les matiรจres รฉtudiรฉes (sans pour autant quโ€™ils soient de faibles lecteurs) : ils finissent tardivement leur travail et nโ€™ont pas le temps de se pencher sur les fiches. Mรชme sโ€™il est ร  relativiser puisquโ€™il ne reprรฉsente que 6 semaines de classe, ce constat nโ€™est pas ร  nรฉgliger. De fait, ces 6 รฉlรจves ne sont pas entraรฎnรฉs aux stratรฉgies de comprรฉhension, travail pourtant essentiel en cycle 2. Exclues en pรฉriode 3 et 4 pour des raisons pratiques, des plages de travail autonome spรฉcifiques pourraient sโ€™intรฉgrer ร  une pรฉdagogie plus large par ยซ plan de travail ยป. Les รฉlรจves ayant plusieurs activitรฉs possibles, ils se rรฉpartiraient naturellement sans monopoliser un mรชme outil. A la fin de la semaine, ils devraient nรฉanmoins avoir rรฉalisรฉ la liste dโ€™entraรฎnements fixรฉe par lโ€™enseignant. 5 รฉlรจves nโ€™apparaissent pas dans le tableau. Il sโ€™agit du groupe 3 pour lequel je privilรฉgie la production de sons ร  la production de sens. Le deuxiรจme axe de progrรจs se situe dans lโ€™explicitation des apprentissages en cours et la remรฉdiation. On note en effet dโ€™importants รฉcarts entre les รฉlรจves. Certains ont besoin dโ€™un soutien pour comprendre la difficultรฉ rencontrรฉe et ne pas la reproduire. Or, je nโ€™ai organisรฉ aucun temps de mise en commun autour de ces fichiers. Je me rends compte aujourdโ€™hui que jโ€™ai concentrรฉ ma rรฉflexion sur un usage fluide et organisรฉ de ces documents. Du point de vue didactique, je me suis reposรฉe uniquement sur leurs contenus. Des corrections plus rรฉguliรจres auraient pu attirer mon attention sur les premiers ยซ รฉchecs ยป et mโ€™inciter ร  construire avec les รฉlรจves des mรฉthodologies de rรฉsolutions de problรจmes. Cโ€™est un point essentiel sur lequel les groupes dรฉpartementaux de lโ€™ICEM se rรฉunissant rรฉguliรจrement apportent probablement dโ€™intรฉressants รฉclairages.

Des itinรฉraires croisรฉs

Comme Joole le recommande, jโ€™organise ร  chaque sรฉance des temps de mise en commun. Ceux-ci contribuent aux apprentissages des รฉlรจves, quel que soient leur niveau.
Avant le travail par groupe, je prรฉcise aux รฉlรจves que chacune de leurs recherches nous permettrons de mieux comprendre ensemble le texte. Le sentiment de responsabilitรฉ vis ร  vis des autres suscite une grande implication. Apathiques en pรฉriode 1 et 2, ils ont dรฉsormais envie de partager ce quโ€™ils ont fait. Ils sont plus ouverts aux apprentissages.
Ces temps collectifs permettent รฉgalement de rebondir sur des interprรฉtations divergentes. Une meilleure gestion des rythmes me permet de passer entre les rangs et de relever des rรฉponses qui me permettent ensuite dโ€™organiser le dรฉbat. A plusieurs occasions, les exclamations des รฉlรจves me montrent que les arguments utilisรฉs par leurs camarades leur font comprendre leurs erreurs et les engagent ร  redoubler dโ€™attention pour la prochaine question.
Enfin, ces temps valorisent le travail de chacun. Pour les petits lecteurs, ils ne sont plus une occasion de constater leurs difficultรฉs ร  dรฉcoder mais leur permettent de montrer leurs compรฉtences. Les informations prรฉcises relevรฉes dans le chapitre 1 du Mot Interdit sont validรฉes par le reste du groupe et leur donnent confiance (doc 31). Dans lโ€™exercice dรฉjร  รฉvoquรฉ en page 23, le groupe 3 dispose, ร  lโ€™issue de son travail de dรฉcodage, de la correction des travaux effectuรฉs par les autres รฉlรจves. Ils sont ravis de devenir ยซ assistants de correction ยป et de valider les rรฉponses de leurs camarades en plaรงant au tableau les รฉtiquettes correspondantes.
Si elle apporte beaucoup, ยซ lโ€™interconnexion ยป entre les diffรฉrents groupes nโ€™est pas รฉvidente ร  organiser et nรฉcessite dโ€™รชtre trรจs attentif ร  lโ€™adรฉquation entre les trois supports de travail. A lโ€™รฉtude du chapitre 5, je me suis ainsi retrouvรฉe gรชnรฉe par la remise en ordre chronologique qui nโ€™impliquait pas les mรชmes numรฉros pour tous les รฉlรจves (doc 16).

Les apprentissages gรฉnรฉrรฉs

Lโ€™รฉvolution de ma pratique vers un enseignement plus explicite et diffรฉrenciรฉ soutient les progrรจs des รฉlรจves dans deux compรฉtences principales : le retour au texte et lโ€™identification du discours direct. A lโ€™issue de la pรฉriode 4, les รฉlรจves ont lโ€™habitude de justifier leur propos en citant un passage et se repรจrent beaucoup mieux dans les extraits, mรชmes longs. Sans pouvoir livrer une vision exhaustive, le travail de lโ€™รฉlรจve A en tรฉmoigne (doc 32). Aprรจs un exercice sur texte caviardรฉ, il a su prendre la correction directement sur le texte complet. Des fiches de suivi des corrections mises en place ร  partir de janvier me permettent dโ€™observer la progression de tous les รฉlรจves dans lโ€™identification du narrateur et des dialogues. Si le rรฉcit ร  la premiรจre personne a quelque peu dรฉcontenancรฉ au dรฉbut de lโ€™รฉtude du Mot Interdit, les erreurs ne durent pas (doc 34).
En pรฉriode 5, le travail sur les infรฉrences reste ร  approfondir. Les rรฉponses ร  ยซ Pourquoi lโ€™homme de Tixar sourit en lissant sa barbiche ? ยป le montrent. Cette question suppose en effet de se remรฉmorer plusieurs informations : les mauvaises intentions du personnage (faire travailler lโ€™enfant sur la planรจte), lโ€™รฉchec de son piรจge (lโ€™enfant sโ€™est souvenu dโ€™une seconde clause au contrat), lโ€™importante quantitรฉ de jouets commandรฉs. Le lecteur doit sโ€™interroger sur le ยซ sourire ยป de lโ€™homme, contradictoire avec son premier รฉchec et son ยซ air ennuyรฉ ยป. La combinaison de tous ces รฉlรฉments permet de dรฉduire les nouvelles pensรฉes du personnage et interprรฉter ainsi son attitude physique. Seule une รฉlรจve sโ€™est approchรฉ de cette comprรฉhension fine (doc 35).
Comme pour les fichiers PEMF, je remarque que quelques รฉlรจves ne rรฉalisent pas ou que partiellement les exercices donnรฉs lors du travail par groupe. Pour ces รฉlรจves, je crois que la plus grande autonomie accordรฉe renforce leur tendance ร  se dรฉconcentrer ou ร  prendre leur temps. Lors des sรฉances futures, il me semble important de leur porter une attention plus particuliรจre.

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Table des matiรจres

Des apports thรฉoriques pour analyser mes premiรจres pratiques
1. L’identification rapide du ยซย contenu de surfaceย ยป : un entrainement indispensable impensรฉ en classe
1.1. Lire, c’est dรฉcoder.
1.2. Un objectif explicite des programmes de cycle 2
1.3. Des besoins identifiรฉs, une remรฉdiation oubliรฉe
2. La comprรฉhension de texte : une diffรฉrenciation mal orientรฉe
1.1. Lire, c’est comprendre
1.2. L’รฉvolution des programmes
1.3. Des besoins incompris, une diffรฉrenciation mal orientรฉe
Faire progresser l’identification du contenu de surface
1. Amรฉliorer le dรฉcodage des petits lecteurs
1.1. Adapter contenus et supports, augmenter les quantitรฉs lues
1.2. Multiplier les rendez-vous
1.3. Collaborer
2. Renforcer la fluence des moyens lecteurs
1.1. Relire
1.2. Ecrire davantage
Faire progresser la comprรฉhension
1. Dรฉvelopper la prise d’information
1.1. L’intรฉrรชt des fichiers PEMF
1.2. Les modalitรฉs de travail
1.3. Les apprentissages gรฉnรฉrรฉs
2. Comprendre des rรฉcits longs
1.1. Un enseignement explicite et planifiรฉ
1.2. Des itinรฉraires diffรฉrenciรฉs
1.3. Des itinรฉraires croisรฉs
1.4. Les apprentissages gรฉnรฉrรฉs
Conclusion
Bibliographie

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