Facteurs physiques et chimiques contrôlant la composition

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Altération chimique de la source

Les roches présentes à la surface du globe sont soumises à l’action de l’eau qui peut entraîner la dissolution de certains minéraux particulièrement instables dans les conditions de surface. Ce processus, appelé altération (weathering), est d’une grande ampleur puisque les produits d’altération (espèces dissoutes et particules) représentent près de 90% de la matière apportée aux océans (Martin & Meybeck, 1979 ; Meybeck, 1984). L’altération dépend essentiellement du climat et du relief. La dissolution des minéraux est plus intense dans les régions chaudes et humides (voir, par exemple, la formation de latérites et de bauxites) que dans les régions semi-arides ou polaires.
Cependant, l’altération des roches affleurantes n’entraîne pas une dissolution de tous les minéraux au même rythme. Selon la séquence d’altération des minéraux silicatés proposée par Goldich (1938), les minéraux mafiques (i.e. porteurs de Fe et Mg : olivines, pyroxènes, amphiboles) et les feldspaths plagioclases calciques sont les plus sensibles à l’altération. Par ailleurs, Nesbitt et al. (1980) ont montré, en comparant la composition minérale et chimique d’une granodiorite et des profils d’altération dérivés de cette roche, que les feldspaths plagioclases sont très vite dissous comparés au feldspath potassique lors du processus d’altération. De plus, la composante calcique des plagioclases est beaucoup plus réactive que la composante sodique dans les conditions de surface (Nesbitt et al., 1980 ; 1996). Cette séquence d’altération semble d’ailleurs générale (Grant, 1963 ; Sawyer, 1986 ; Van de Kamp & Leake, 1994). De ce fait, les grès ont un rapport quartz/feldspaths d’autant plus élevé que l’altération est intense.
Le cortège de minéraux accessoires est également sensible à l’altération de surface. Morton & Hallsworth (1999) présentent une revue bibliographique des ordres de stabilité chimique relative des minéraux lourds, proposés par divers auteurs, à la suite d’observations faites sur le terrain ou d’expériences de laboratoire. Ils montrent que cet ordre est très dépendant des conditions chimiques des eaux et des sols et donc du climat. De manière générale, l’apatite est instable dans les conditions acides et les minéraux aluminosilicatés sont particulièrement altérables. Finalement, les minéraux les plus résistants, quelle que soient les conditions de surface, sont le zircon et les oxydes de titane. Il n’en demeure pas moins que l’altération de surface peut modifier les proportions relatives des minéraux lourds mais qu’elle ne permet pas de réduire la diversité du cortège des minéraux accessoires par rapport à la source (Morton & Hallsworth, 1999).
L’altération des roches et la dissolution des minéraux n’entraînent pas nécessairement une modification complète de la composition chimique de la roche. En fait, certains éléments sont redistribués, sous la forme d’autres minéraux (appelés produits d’altération), et d’autres sont évacués par les eaux de surface. L’étude de Nesbitt et al. (1980) montre ainsi que des éléments tels que Ca, Na et Sr sont évacués du système, alors que d’autres, tels que Mg, Rb, Cs et Ba demeurent présents dans les profils d’altération.

Transport et dépôt des sédiments, tri sédimentaire

Sédimentation des particules

Le transport et le dépôt des sédiments sont gouvernés par les lois physiques relevant de la mécanique des fluides et de l’hydraulique. Dans les conditions naturelles, ces processus font appel aux lois de la gravité et à l’action de l’eau, du vent ou de la glace. Dans notre cas, nous nous intéresserons plus particulièrement aux processus aquatiques et gravitaires. Mais, il faut noter que le transport et la sédimentation des particules sous l’action de l’eau ou du vent sont assez voisins. Pour analyser les processus de transport et de dépôt, il faut revenir à la loi de Stokes. Suivant cette loi, la vitesse de sédimentation, v, d’une particule sphérique, dans un milieu non agité, s’exprime ainsi : v . g .d 2 , 18
où est la différence de densité entre la particule et le fluide, g l’accélération liée à la gravité, la viscosité du fluide et d le diamètre de la particule. Suivant cette loi, pour deux particules de même densité, la plus grosse sédimentera plus rapidement. Inversement, pour deux particules de même diamètre, la plus dense sera déposée en premier. La densité des minéraux est, justement, assez variable : les minéraux dits lourds ont une densité élevée (par définition supérieure à 3), alors que celle du quartz est de l’ordre de 2,65 et celle des feldspaths entre 2,55 et 2,76. De ce fait, la notion d’équivalence hydraulique a été introduite afin de rendre compte de particules de forme et de densité diverses qui ont la même vitesse de sédimentation (figure I.1). Cependant, cette loi s’applique correctement pour des particules sphériques. Dans la réalité, les grains tels que quartz et feldspaths peuvent être modélisés comme des sphères, mais d’autres, tels que les micas ou les argiles, sont en feuillets et allongés.
Le mode de transport est également un facteur important pour le dépôt des particules. Trois principaux modes de transport des particules peuvent être pris en considération. Les sédiments peuvent être déplacés en roulant sur le fond, par saltation (sauts successifs) ou en suspension dans le fluide (figure I.2). Les deux premiers modes de transport impliquent un contact régulier entre la particule et le sédiment fraîchement déposé. Ils sont typiques, par exemple, de la base d’un chenal de rivière, où les particules denses ou grossières roulent sur le fond. A l’inverse, dans cette même situation, tant que l’énergie de transport est suffisamment importante, les particules fines restent en suspension dans l’eau. On peut alors fractionner le stock initial de sédiments en une fraction riche en quartz et feldspaths (grains relativement grossiers) et une fraction enrichie en argiles et autres particules fines. Pour une énergie de transport donnée, i.e. une vitesse d’écoulement du fluide donnée, on pourra, par exemple, déposer la fraction plus grossière et transporter la fraction fine plus en aval.

Altération mécanique, abrasion

Les particules transportées tant en suspension que par traction subissent de nombreux chocs provoqués par les collisions entre elles ou avec les sédiments déposés. La notion de « stabilité mécanique » a été introduite pour décrire l’aptitude d’un minéral à résister aux chocs répétés. Cette stabilité dépend de la présence de plans de clivage et de la dureté du minéral. Ainsi, le quartz, qui est un minéral relativement dur et sans clivage, est mécaniquement très stable et résiste bien à un transport agité. A l’inverse, les feldspaths, qui présentent un clivage très marqué, ou bien les fragments de roche, de par leur hétérogénéité, peuvent se désagréger en particules plus fines lors du transport. Odom et al. (1976) ont ainsi montré que les feldspaths sont concentrés dans les niveaux gréseux fins et silteux, à la suite de leur abrasion intense. Cette abrasion mécanique peut devenir un facteur majeur dans le contrôle de la composition minérale des roches silicoclastiques. En effet, selon Ethridge (1977), pour des roches initialement riches en fragments lithiques, le transport des sédiments par des cours d’eau de moyenne ou de haute énergie entraîne une destruction rapide des lithoclastes, sur quelques kilomètres.

Contrôle par l’environnement de dépôt

Il résulte des deux paragraphes précédents que les environnements de dépôt peuvent exercer un contrôle majeur sur la composition et la texture des roches clastiques. En reprenant l’exemple traité par Ethridge (1977), les faciès fluviatiles (remplissage de chenaux) et proximaux (plus proches de la source) sont relativement plus riches en fragments lithiques, quartz polycristallin et feldspaths, du fait d’une abrasion moins poussée. Les faciès de plaine d’inondation, correspondant à des dépôts issus de suspensions et de faible énergie, sont mal triés, riches en matériel argileux et en micas dérivés de la désagrégation des fragments lithiques. Enfin, les faciès d’embouchure, sous l’action des courants tidaux, sont riches en quartz monocristallin et bien classés, du fait d’un vannage et d’un remaniement important et régulier des sédiments. Les travaux réalisés par Kairo et al. (1993) figurent probablement parmi les plus achevés et les plus intéressants sur cet aspect. Ces auteurs ont étudié la composition minérale, en terme de proportions relatives en quartz, feldspaths et fragments lithiques (diagrammes ternaires QFL) de deux formations fluviodeltaïques possédant une grande variété de faciès. Les variations de composition sont imputées aux conditions hydrodynamiques lors du transport et du dépôt des sédiments. Il apparaît ainsi que la principale influence sur la modification du stock détritique résulte de l’importance du tri sédimentaire entre particules de taille différente. Ainsi, les grès côtiers (grès de plage) sont enrichis en quartz : le vannage très régulier a entraîné la désagrégation des feldspaths en grains plus petits qui ont été déplacés et déposés plus en aval, dans les grès d’avant côte et les grès marins, plus fins. Cette interprétation rejoint la conclusion d’Odom et al. (1976) et s’accorde également avec les observations faites sur les grès du Brent par Bjorlykke et al. (1992). Il est d’ailleurs remarquable de constater que l’enrichissement en feldspaths des faciès distaux est contrebalancé par un appauvrissement dans les dépôts fluviatiles et côtiers, ce qui montre bien la ségrégation engendrée par les variations des conditions de transport et de dépôt. Le second type de fractionnement, liée au tri par taille des particules, concerne les fragments de roche. Ceux-ci, plus gros, sont plus abondants dans les niveaux fluviatiles que dans les grès plus distaux et marins, confirmant les observations d’Ethridge (1977). Cet appauvrissement dans les faciès distaux est accentué par le fait que l’abrasion mécanique entraîne la destruction des fragments lithiques en particules monominérales conduisant à des teneurs relatives en quartz et feldspaths encore plus importantes. Enfin, Kairo et al. (1993) montrent également que le degré de maturité des grès, notamment pour les grès de plage, est conditionné par la durée et l’intensité des processus de remaniement par les courants.

Mobilité des éléments et influence de la diagenèse sur la composition chimique de la roche

Les transformations décrites précédemment entraînent des variations de la composition minérale de la roche. Cependant, à l’exception des cimentations carbonatées ou siliceuses, ces variations engendrent-elles pour autant des modifications notables de la composition chimique ?
Un élément de réponse peut être fourni par certaines propriétés des éléments chimiques. En effet, le caractère soluble d’un élément, dépend pour partie de ses propriétés ioniques et/ou de son degré d’oxydation, tel que cela apparaît sur la figure I.4. Il apparaît ainsi que les éléments caractérisés par un rayon ionique élevé (respectivement faible) et une charge ionique ou un degré d’oxydation faible (respectivement élevé), sont réputés solubles. Les éléments dont les propriétés sont intermédiaires sont en revanche insolubles.
On peut remarquer ainsi que les éléments portés essentiellement par les minéraux lourds (Cr, Zr, Hf, Th, U, les terres rares, et dans une moindre mesure Ti) sont insolubles. On peut donc penser que l’altération de ces minéraux ne modifie pas la distribution des éléments constitutifs. Cependant, les observations rapportées par Hole et al. (1992) et Bouch et al. (1995) laissent supposer que certains de ces éléments considérés comme insolubles ont pu être mobilisés par des fluides et accumulés dans des grès poreux, dans des conditions particulières et peu courantes : transport dans une solution alcaline sous la forme de complexes associés à des ligands de type organiques ou halogènes. D’après la figure I.4, un élément tel que l’aluminium apparaît également immobile. Toutefois, le comportement de cet élément lors des transformations diagénétiques est encore vivement débattu (voir par exemple la discussion d’Oxtoby et al., 1997). La conservation de l’aluminium a été discutée par certains auteurs à partir d’arguments pétrographiques. Dans de nombreux cas, il apparaît que l’aluminium libéré essentiellement par la dissolution des feldspaths se retrouve dans les argiles précipités dans les pores proches, illustrant une mobilité limitée à quelques millimètres (Boles, 1984 ; Boles & Ramseyer, 1987 ; Stoessel, 1987 ; Giles & DeBoer, 1990 ; MacAulay et al., 1993). Dans d’autres situations, l’absence d’argiles et d’autres aluminosilicates secondaires associés à la dissolution des feldspaths suggère un départ de l’aluminium (Milliken et al., 1989 ; Mac Laughlin et al., 1994 ; Wilkinson & Hazseldine, 1996). Ce thème a été également abordé en ayant recours à la géochimie et des divergences demeurent. Pour Bloch & Hutcheon (1992) et Wintsch & Kvale (1994) les fortes corrélations entre le titane, élément considéré comme particulièrement immobile, et l’aluminium montrent clairement le caractère inerte d’Al. Pour Lynch et al. (1997), les transformations diagénétiques observées dans les shales de la Frio Formation (Gulf Coast, Texas) nécessitent l’apport d’alumine.
Ce débat n’est pas restreint aux éléments réputés insolubles. En effet, bien qu’impliquant des éléments solubles, les transformations diagénétiques n’entraînent pas nécessairement une modification de la composition en ces éléments par leur évacuation ou leur introduction dans le système et se contentent de les redistribuer au sein de la roche. Ces éléments ont alors un comportement inerte. C’est le point de vue que défend Bjorlykke (1998) pour la réaction d’illitisation dans les grès et des éléments tels que K, Si et Al. Hower et al. (1976) partagent cette opinion pour la formation de l’illite dans les shales. Cependant, les bilans proposés par Hower et al. (1976) ont été discutés, à la suite des études successives réalisées sur les grès et les shales associés de la Frio Formation (Milliken et al., 1994 ; Land et al., 1997 ; Lynch et al., 1997). A la lecture de ces articles, il ressort que les transformations diagénétiques réalisées dans les grès ont pu apporter l’aluminium et le potassium nécessaires au processus d’illitisation dans les shales. Ces derniers ont pu fournir le calcium et la silice en quantité suffisante pour rendre compte de la cimentation carbonatée et la silicification des grès associés. On peut alors considérer, dans cet exemple, qu’à l’échelle de la formation entière la mobilité des éléments est restreinte, mais qu’à l’échelle des bancs, elle peut être particulièrement importante et engendrer des variations de composition non négligeables pour certains éléments.
II. Application de la géochimie élémentaire à l’étude des grès et des roches silicoclastiques : objectifs et exemples
A travers les publications, il est possible d’identifier deux objectifs principaux et complémentaires dans l’application de la géochimie analytique aux roches sédimentaires silicoclastiques. Le premier concerne simplement la caractérisation des roches par leur composition chimique et minérale, ainsi que la variabilité de cette composition. Cette caractérisation peut notamment permettre de discriminer des faciès sédimentaires et diverses sources du sédiment. Toutefois, la composition actuelle de la roche peut être totalement différente de la composition initiale du sédiment. Le second est relatif à la compréhension de la diagenèse d’enfouissement à travers les bilans de matière et la mobilité des éléments. Il s’agit alors de se faire une idée plus ou moins précise de la composition primaire des grès.
Pour parvenir à ces deux fins, le signal géochimique des roches est utilisé. Le traitement de ce signal n’est pas aisé car il contient des informations relatives tant aux compositions primaires que secondaires. La composition primaire est accessible par le biais des éléments, majeurs et traces, qui ne sont pas mobiles, alors que la composition actuelle résulte de la mobilité d’autres éléments, généralement majeurs. Il est alors très délicat de traiter séparément ces deux aspects du même signal. C’est pourquoi, l’analyse des compositions est un exercice qui nécessite des allers et retours incessants entre ces deux composantes du problème.

Caractérisation de la composition chimique et minérale actuelle des roches

Etudes verticales à haute résolution des compositions chimiques, logs géochimiques

La géochimie analytique est appliquée à l’étude des roches sédimentaires dans le domaine pétrolier en complément de la caractérisation des carottes de sondage par les méthodes sismiques et diagraphiques. En l’absence d’informations sur la faune et la flore dans les roches ou lorsque le signal diagraphique est peu variable, l’utilisation de la géochimie est le seul moyen de tenter des corrélations de faciès sédimentaires ou de niveaux particuliers entre puits (Pearce & Jarvis, 1995 ; Racey et al., 1995 ; Preston et al., 1998). Dans ces conditions, il s’agit d’étudier le signal géochimique à haute résolution par des analyses sériées et très rapprochées. Ce type d’approche constitue la chemostratigraphie.
L’obtention de ce signal peut être fait en ayant recours à un échantillonnage régulier de la roche à partir des carottes et à l’analyse élémentaire des prélèvements par des techniques conventionnelles. Ainsi, en complément aux caractérisations diagraphiques, Preston et al. (1998) se sont intéressés aux teneurs en éléments tels que Zr, Nb et Cr, réputés pour être difficilement mobilisables, sur des grès réservoirs triassiques de type red beds. La comparaison des logs verticaux de composition en ces éléments (suivant un intervalle moyen de 1,5 m pour l’échantillonnage) avec les logs diagraphiques et la lithostratigraphie révèle que les variations de teneur en ces éléments ou de paramètres tels que (Zr-Cr) sont corrélées aux faciès. Ainsi, les faciès lacustres d’avant-côte présentent des variations très faibles, à la différence des faciès fluviatiles (chenaux) et fluviolacustres, caractérisés par une très grande variabilité de ces paramètres. Les différents types de variabilité observées sont alors utilisés pour corréler les faciès et réservoirs entre puits.
Par ailleurs, la mise au point d’outils diagraphiques d’analyse élémentaire de la roche, tels que le GLT (Geochemical Logging Tool), a permis de réaliser des campagnes de caractérisation chimique des roches sédimentaires moins lourdes puisque les mesures sont effectuées in situ. Au-delà de la simple identification de la composition chimique, un tel outil a laissé entrevoir certaines applications relatives à la caractérisation des roches sédimentaires, telles que la classification systématique des grès et shales à partir des teneurs en éléments majeurs tels que Si, Al, Fe, K, Ca et des rapports interéléments (Herron, 1988) ou la quantification de la composition minérale de la roche, en associant éléments chimiques et minéraux suivant certaines hypothèses (Scheerens & Steinberg, 1997). L’avantage d’un tel outil est de permettre des mesures à intervalle rapproché (tous les 15 cm) sur plusieurs centaines de mètres en quelques heures. Cependant, une des principales limitations est l’absence de dosage de certains éléments. En effet, si l’on accède aux teneurs en Al, Si, Ca, Fe, K, C, Gd, Ti, Th ou U (Herron, 1988), Na et Mg ne peuvent pas être analysés. Ceci rend l’utilisation de cet outil diagraphique limité pour la caractérisation chimique et minéralogique, si l’on se trouve en présence de minéraux magnésiens (chlorites) ou sodiques (feldspaths, zéolites).
La démarche de caractérisation et de traitement du signal géochimique à haute résolution présentée à travers ces exemples, bien qu’intéressante, présente certaines limites. Dans le premier cas, l’étude géochimique est très partielle et malheureusement restreinte à quelques éléments et faciès. Quant à l’outil diagraphique géochimique, il ne permet pas d’accéder à la composition chimique en certains éléments majeurs. Enfin, bien que présentées comme des études à haute résolution, les échelles retenues pour la caractérisation chimique ne sont pas aussi fines qu’on pourrait l’espérer.

Analyse multivariée de la composition chimique des grès

L’analyse multivariée de la composition chimique d’une roche fait appel à l’utilisation de diagrammes binaires et ternaires dont les axes représentent les teneurs élémentaires (ou des fonctions de celles-ci, par exemple des rapports interéléments) et qui permettent de visualiser diverses projections de la distribution des échantillons dans l’espace de composition chimique. On peut voir ainsi apparaître certaines corrélations entre variables dont il reste à interpréter la cause. Argast & Donnelly (1987) proposent ainsi de considérer la répartition d’une population d’échantillons dans l’espace de composition chimique comme le résultat d’un mélange en proportions variables de plusieurs pôles bien définis, appelés composantes. L’analyse de différents diagrammes binaires doit permettre de caractériser ces différents pôles. Selon Argast & Donnelly (1987), ces pôles sont généralement caractéristiques de certaines classes de minéraux (argiles, feldspaths, par exemple). Suivant ces caractéristiques il est alors possible d’inférer l’origine de ce mélange entre plusieurs composantes. Les exemples suivants vont permettre d’illustrer ce propos.

Fractionnements induits par les processus de transport et de dépôt

Le fractionnement le plus couramment mis en évidence par les études géochimiques résulte du tri sédimentaire qui entraîne une ségrégation plus ou moins marquée entre les grains relativement grossiers, tels que le quartz et les feldspaths et les particules plus fines comme les argiles. Les uns sont concentrés préférentiellement dans les grès et les autres dans les shales. D’un point de vue chimique, les minéraux grossiers (et notamment le quartz) sont riches en silice alors que les minéraux argileux et fins sont enrichis en aluminium. Il en résulte alors une forte corrélation négative entre SiO2 et Al2O3, mise en évidence par de nombreux auteurs (Wyborn & Chappell, 1983 ; Sawyer, 1986 ; Argast & Donnelly, 1987 ; Bloch & Hutcheon, 1992 ; Van de Kamp & Leake, 1996 ; Fralick & Kronberg, 1997). D’autres éléments sont également affectés par ce fractionnement : TiO2, Fe2O3, MgO, K2O, et les éléments trace Ba, Rb, Th, U, Nb, La, Ce, Nd, Cs, V, Cr, Co, Ni et Ga, corrélés avec Al2O3 (Wyborn & Chappell, 1983 ; Van de Kamp & Leake, 1996) ; enrichissement dans les niveaux fins en Cr, Sc, Zn, Y, Rb, Cs et terres rares lourdes ainsi qu’une concentration des éléments Si, Ca, Na, Sr et Zr dans les niveaux grossiers, liés à l’abondance d’une fraction quartzo-feldspathique (Sawyer, 1986). La dispersion des populations d’échantillons est donc, dans ce cas, le résultat d’un mélange entre une composante sable (ou grès), correspondant à la fraction grossière et une composante shale. Il est important de noter que ces deux composantes peuvent avoir des caractéristiques minéralogiques variables (Argast & Donnelly, 1987).
Toutefois, le tri sédimentaire peut être plus complexe qu’un simple fractionnement entre particules grossières et fines (voir le paragraphe I.C.1). Certains résultats géochimiques vont dans ce sens. Argast & Donnelly (1987) font état de corrélations marquées entre Zr et SiO2, laissant supposer une concentration du zircon (qui est pratiquement le seul minéral porteur du Zr) dans les niveaux grossiers, en accord avec le principe d’équivalence hydraulique (figure I.1). Sawyer (1986) avait déjà constaté ce comportement particulier, non restreint au zirconium, puisque Hf, Th et les terres rares légères, éléments également portés par des minéraux lourds, présentent une dispersion semblable. Enfin, les travaux de Garcia et al. (1991) montrent que les diagrammes binaires Zr vs TiO2 permettent de discriminer les shales, riches en titane et pauvres en zirconium, des grès, pauvres en TiO2 et enrichis en Zr et qu’il existe une corrélation très forte entre TiO2/Zr et Al2O3. La fraction grossière elle-même peut également être affectée par un fractionnement lié au dépôt. Argast & Donnelly (1987) présentent un cas où sur les diagrammes SiO2-Na2O et K2O-Na2O, les échantillons relatifs à un greywake se répartissent entre trois pôles : l’un associé à la fraction fine, riche en potassium et pauvre en silicium et en sodium et les deux autres relatifs à la fraction grossière. Au sein de celle-ci, il existe un fractionnement marqué par une anticorrélation entre SiO2 et Na2O, reflétant une ségrégation entre le quartz et les feldspaths plagioclases, qui forment ainsi deux composantes. Pour Argast & Donnelly (1987), ce fractionnement est lié à la différence de taille de grain entre les feldspaths et le quartz, qui peut entraîner un comportement différent lors de la sédimentation, ainsi que le montrent les travaux de Odom et al. (1976).

Diversité chimique résultant de la superposition de l’altération et du tri sédimentaire

La dispersion engendrée par ces deux processus peut être lue sur des représentations faisant intervenir des variables caractéristiques de chacun d’entre eux, comme Na2O, reflétant l’abondance de feldspaths plagioclases et le degré d’altération de la roche et TiO2/Zr, représentant l’importance du fractionnement grès/shale, comme le proposent Garcia et al. (1994). Sur un tel diagramme (figure I.5), les roches sédimentaires marines échantillonnées sont incluses dans un triangle dont les sommets sont des composantes clastiques au sens d’Argast & Donnelly (1987). Deux d’entre elles représentent les grès et la troisième les shales alumineux, pauvres en sodium. Les deux composantes gréseuses sont caractéristiques de grès respectivement matures (du type quartzite) et immatures (riches en sodium).
Figure I.5 : Répartition des séries clastiques marines sur le diagramme TiO2/Zr – Na2O (teneurs en majeurs exprimées en % poids et teneur en Zr en ppm) (modifié d’après Garcia et al., 1994). Les compositions sont distribuées à l‘intérieur du triangle dont les pôles représentent les quartzites, les grès immatures et les shales alumineux. Elles résultent, en première approche, des fractionnements produits par l’altération et le tri sédimentaire.
Sur un diagramme ternaire Al2O3-(CaO+Na2O)-K2O (figure I.6), Nesbitt et al. (1996, 1997) interprètent la répartition complexe de roches dérivées de granite et de granodiorite par altération et tri sédimentaire. L’altération des roches cristallines donne des roches plus alumineuses et potassiques, par lessivage préférentiel des plagioclases, ce qui se traduit par une évolution vers le joint Al2O3-K2O. Le tri sédimentaire entraîne un fractionnement entre des roches très alumineuses et dont la composition tend vers le pôle Al2O3, les shales, et des roches riches en quartz et feldspaths, les grès. La superposition des deux effets induit une distribution des compositions entre trois pôles : l’aluminium ; le pôle caractéristique de la source et le pôle correspondant à la composition du feldspath potassique. Les grès résultant, plus (ou au moins autant) alumineux que la source, présentent alors un rapport K2O/(CaO+Na2O) plus élevé que la roche initiale.

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Table des matières

CHAPITRE I Contrôles sur la composition chimique et minérale des sédiments silicoclastiques et application de la géochimie à l’étude des grès : revue bibliographique
Introduction
I. Facteurs physiques et chimiques contrôlant la composition
des roches sédimentaires silicoclastiques
A. Source du sédiment
B. Altération chimique de la source
C. Transport et dépôt des sédiments, tri sédimentaire
1. Sédimentation des particules
2. Altération mécanique, abrasion
3. Contrôle par l’environnement de dépôt
D. Diagenèse
1. Diagenèse superficielle
2. Diagenèse d’enfouissement
3. Mobilité des éléments et influence de la diagenèse sur la composition chimique de la roche
II. Application de la géochimie élémentaire à l’étude des grès et des roches silicoclastiques :
objectifs et exemples
A. Caractérisation de la composition chimique et minérale actuelle des roches
1. Etudes verticales à haute résolution des compositions chimiques, logs géochimiques
2. Analyse multivariée de la composition chimique des grès
a. Fractionnements induits par les processus de transport et de dépôt
b. Diversité chimique résultant de la superposition de l’altération et du tri sédimentaire
B. Caractérisation de la composition antérieure aux transformations diagénétiques et bilans de matière
1. Caractérisation de la relation profondeur/composition chimique et minérale des grès
2. Comparaison de zones préservées et de zones diagénétisées au sein d’un même grès
Conclusion
CHAPITRE II Contexte géologique et échantillonnage des grès étudiés
Introduction
I. Les grès du Ravenscar Group
A. Géologie du Ravenscar Group
1. Présentation générale
2. Environnements de dépôt
3. Lithostratigraphie
4. Cadre structural et enfouissement du Ravenscar Group
B. Echantillonnage des grès du Ravenscar Group
1. Procédure d’échantillonnage
2. Sondages et formations étudiés
3. Description des faciès sédimentaires échantillonnés
a. Complexe estuarien
b. Plaine deltaïque
c. Lagon
d. Littoral et avant-côte (shoreface)
e. Zone maritime
II. Les Grès d’Annot
A. Géologie des Grès d’Annot
1. Présentation générale
2. Environnements de dépôt et cadre structural
3. Lithostratigraphie
B. Echantillonnage des Grès d’Annot
1. Sites de prélèvements
2. Procédure d’échantillonnage
3. Description des faciès échantillonnés
a. Faciès de remplissage de chenal
b. Faciès de grès massif
c. Faciès de « banc de grès »
d. Faciès hétérolithique
e. Faciès de turbidites de haute densité s.s
f. Faciès de turbidites distales (basse densité s.s.)
g. Faciès de coulées de débris (debris-flow)
h. Faciès des Marnes Bleues et Brunes
Conclusion
CHAPITRE III Variabilité chimique et minéralogique des grès du Ravenscar Group
Introduction
I. Description pétrographique
A. Aspect général
B. Pétrographie des grès
1. Le quartz
2. Les feldspaths
3. Les micas
4. Les lithoclastes
5. Les minéraux argileux
6. La sidérite
7. Les minéraux lourds
C. Pétrographie des niveaux argileux
1. La fraction grossière
2. Les minéraux argileux
3. La sidérite
D. Evolution diagénétique : influence des faciès et variation de composition minérale
II. Variabilité chimique des grès du Ravenscar Group
A. Amplitude des variations de concentration
B. Etude des sections : variations locales de composition chimique
1. Composante minéraux lourds, ML
2. Composantes quartz, QZ, et fraction alumineuse, AL
3. Ségrégations au sein de la composante alumineuse
4. Composante diagenèse précoce, DP
5. Récapitulatif
C. Discussion
1. Hiérarchie des variabilités
2. Interprétation des variations de composition chimique à l’échelle des bancs
a. Variations liées à la composante minéraux lourds, ML
b. Variations liées à la composante diagenèse précoce, DP
c. Variations liées à la fraction alumineuse, AL
d. Caractérisation chimique des composantes ML et AL. Informations sur la provenance
D. Evaluation quantitative de la minéralogie
E. Comparaison entre plugs et sections
1. Amplitude des variations
a. Variations de concentration en aluminium
b. Variations de concentration en zirconium
c. Variations de concentration en fer
2. Caractéristiques chimiques et minéralogiques des composantes ML et AL
a. Signatures chimiques des composantes ML et AL
b. Contenu minéralogique de la composante AL
F. Variations latérales
1. Relations entre les sites de Long Nab et Ravenscar
2. Variations latérales de composition sur le site de Ravenscar
a. Grès de l’Ellerbeck Formation
b. Grès de la Scarborough Formation
c. Grès du Sycarham Member
d. Variations latérales de la concentration en fer
et distribution spatiale du ciment sidéritique
G. Implications pour l’étude de la diagenèse des aluminosilicates
Conclusion
CHAPITRE IV Variabilité chimique et minéralogique des Grès d’Annot
Introduction
I. Description pétrographique
A. Aspect général
B. Pétrographie des grès
1. Fraction grossière
2. Argiles et micas
3. Minéraux lourds
4. Minéraux carbonatés
C. Pétrographie des niveaux argileux
D. Composition minérale des Marnes Bleues
E. Composition minérale des debris-flows
II. Variabilité chimique des Grès d’Annot
A. Variabilité à l’échelle des sections
1. Généralités
2. Composantes géochimiques identifiées
a. Composante carbonates
b. Composante minéraux lourds
c. Composantes fraction grossière (grès) et fraction argileuse
B. Changement d’échelle, variabilité latérale et régionale
1. Variabilité latérale
2. Variabilité régionale
C. Discussion et interprétations des distributions élémentaires
1. Types de variabilité et faciès
2. Informations sur la provenance
a. Signature chimique des minéraux lourds
b. Signature chimique particulière des turbidites de basse densité
3. Processus de sédimentation
a. Chenaux et barres gréseuses
b. Faciès de l’hétérolithique
c. Turbidites
4. Informations granulométriques et minéralogiques
Conclusion
CHAPITRE V Cadre de la modélisation numérique : outils, contexte et données utilisées
Introduction
I. Les outils de la modélisation
A. Principes fondamentaux et phénomènes considérés
1. Définition du système géochimique
2. Principes de thermodynamique et notion d’équilibre
a. Equilibres en phase aqueuse, spéciation
b. Equilibres hétérogènes eau/minéraux et saturation
3. Formalisme cinétique
4. Phénomènes physiques : écoulement en milieu poreux et transport des solutés
a. Ecoulement
b. Transport d’éléments en solution
B. Le modèle DIAPHORE
1. Historique et spécificité du code DIAPHORE
2. Modélisation de la texture et des propriétés pétrophysiques de la roche
a. Surface réactive des minéraux
b. Evolution de la porosité et de la perméabilité
3. Déroulement des calculs
4. Système géochimique et degrés de liberté
II. Modélisation envisagée
A. Néoformation de la kaolinite
1. Altération des micas
2. Altération des feldspaths
B. Diagenèse des feldspaths : dissolution/albitisation
1. Diagenèse des feldspaths plagioclases
2. Diagenèse des feldspaths potassiques
C. Cadre de la modélisation de la diagenèse des grès du Ravenscar Group
III. Les données et paramètres des simulations
A. Données thermodynamiques
B. Données cinétiques
C. Paramètres du réservoir simulé
1. Géométrie du réservoir
2. Paramètres des mailles
a. Système géochimique
b. Composition de la roche
c. Paramètres de texture et propriétés pétrophysiques
d. Composition chimique des eaux
e. Température
3. Conditions aux limites : eau injectée
CHAPITRE VI Présentation et discussion des résultats des simulations numériques
Introduction
I. Simulations à température constante
A. Choix des eaux
B. Evolution en système clos
1. Stabilité des feldspaths plagioclases
2. Stabilité des micas et de l’illite
C. Evolution en système ouvert
1. Circulation d’eaux météoriques
a. Simulation de référence
b. Influence de la composition du feldspath plagioclase
c. Présence de phengite et d’illite dans le système géochimique
d. Autres eaux météoriques
e. Simulations à pression partielle de CO2 imposée
2. Circulation d’eaux marines
a. Simulation de référence
b. Influence de la composition du feldspath plagioclase
c. Présence de phengite et d’illite dans le système géochimique
d. Simulations à pression partielle de CO2 imposée
D. Discussion
1. Généralités
a. Evolution de la composition minérale du réservoir
b. Evolution des propriétés pétrophysiques du réservoir
2. Formation de kaolinite
3. Diagenèse des feldspaths
a. Bilan de l’albitisation du feldspath plagioclase
b. Albitisation du feldspath potassique
II. Simulations avec gradient de température
A. Choix des eaux et composition minérale du réservoir
B. Evolution en système ouvert
1. Circulation d’eau douce équilibrée
2. Circulation d’eau « marine » équilibrée
a. Simulation de référence
b. Présence du mica dans le système géochimique
c. Influence de l’intervalle de température
d. Infiltration d’une eau marine hors d’équilibre
e. Simulations à pression partielle de CO2 imposée
C. Discussion
1. Conditions favorables à l’albitisation du feldspath potassique
2. Bilan de la réaction d’albitisation
3. Albitisation du feldspath potassique et du plagioclase : comparaison
III. Evolution de la composition chimique de la roche
A. Variations de composition chimique relatives à l’altération des feldspaths (kaolinitisation et albitisation des plagioclases)
B. Variations de composition relatives à l’albitisation des feldspaths potassiques
C. Scénario proposé pour la diagenèse minérale des grès du Ravenscar Group
D. Limitations du modèle proposé
1. Cas particulier des grès peu profonds
2. Relations entre la cimentation calcitique et la diagenèse des aluminosilicates
3. Relations entre l’oxydation de la sidérite et la diagenèse des aluminosilicates
Conclusion
Conclusions
Bibliographie

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