Facteurs de stress environnementaux sur la croissance et la formation du bois
Dans les environnements froids, la formation du cerne de croissance est limitée à une certaine période de l’année et est sous le contrôle de plusieurs facteurs endogènes, comme les glucides (Kozlowski et Pallardy 1997), les hormones, dont l’auxine (Uggla et al. 2001) et l’éthylène (Love et al. 2009), l’âge cambial (Rossi et al. 2008a) et les facteurs exogènes, comme la température et les précipitations (Deslauriers et Morin 2005; Giovannelli et al. 2007; Thibeault-Martel et al. 2008). Des études sur le développement intra-annuel du cerne de croissance de l’épinette noire en forêt boréale montrent que la période disponible pour la formation des cellules du bois est très courte (Deslauriers et Morin 2005; Rossi, Deslauriers et Anfodillo 2006; Deslauriers et al. 2008; 2008b; 2009). Chez les arbres matures, la majorité du cerne annuel est formé en moins d’un mois et demi, soit entre le début juin et la mi-juillet. Le maximum de production cellulaire se produit aux environs du solstice d’été (Rossi et al. 2006). La division cellulaire et l’élargissement des trachéides sont des processus influencés par les conditions hydriques (Abe et Nakai 1999; Savidge 2001).
La pression hydrostatique agit sur le cambium, qui règle l’activité mitotique des cellules, et sur les cellules en différenciation (Abe et Nakai 1999; Giovannelli et al. 2011; Rathgeber et al. 2011). Lors de la première phase de différenciation, avec l’augmentation de la turgescence due à l’absorption d’eau dans le cytoplasme, les parois primaires des cellules sont étirées et augmentent le diamètre radial et la surface du lumen (Kramer 1964). Après la phase d’élargissement, la différenciation cellulaire se poursuit avec la formation des parois secondaires. La dernière phase se traduit par la mort cellulaire, c’est-à-dire l’autolyse du cytoplasme (Plomion, Leprovost et Stokes 2001; Rathgeber et al. 2011). Le processus de différenciation d’une dérivée cambiale nécessite une période allant de quelques jours à plusieurs semaines et varie aussi selon les espèces, le type de cellules (par exemple, vaisseaux versus trachéides) et le moment du développement au cours de la saison végétative (Kutscha, Hyland et Schwarzmann 1975; Rossi et al., 2008b; 2011).
Des recherches ont démontré qu’un déficit hydrique peut contribuer à ralentir la croissance chez les jeunes plantations de conifères (Burdett, Herring et Thompson 1984; Bernier 1993). Dans les premiers stades d’un déficit hydrique, l’élargissement cellulaire est d’abord inhibé et, quand le déficit commence à être plus sévère, la division cellulaire est elle aussi inhibée (Abe et Nakai 1999; Abe et al. 2003; Jyske et al. 2010). Cette prolongation du déficit hydrique produit une cascade d’interactions complexes pouvant compromettre l’utilisation des réserves pour le métabolisme, la défense, le maintien de la turgescence (McDowell, 2011). Toutefois, ces mécanismes de réaction sont encore en discussion.
Une diminution de la disponibilité hydrique conjuguée à des températures plus élevées pourrait donc augmenter l’évapotranspiration des plantes et causer un assèchement des sols. Ces changements pourraient avoir des conséquences plus marquées sur la croissance des forêts. La température est un autre facteur influençant la formation du cerne de croissance. La majorité des études traitent de l’importance de la température printanière sur la réactivation cambiale après la phase de dormance hivernale (Seo et al. 2008; ThibeaultMartel et al. 2008; Gruber et al. 2010). La relation entre la croissance et la température de l’air n’est pas nécessairement linéaire et elle pourrait dépendre d’un seuil de température printanier en dessous duquel les divisions cellulaires ne débutent pas. En effet, selon Rossi et al. (2006), un seuil de température relativement constant de 8 °C est nécessaire pour la réactivation de la productivité cambiale au printemps, et ce seuil serait commun chez plusieurs espèces de conifères des milieux tempérés et boréaux (Deslauriers et al. 2008; Rossi et al. 2008b; Swidrak et al. 2011). Chez l’épinette de Norvège (Picea abies), Gričar et al. (2007) ont constaté que des températures plus élevées que 8 °C (23-25 °C) ont été favorables aux divisions du cambium au tout début de la saison de croissance et les cellules en lignification et en maturation ont été observées plus tôt comparativement à des arbres soumis à des températures plus basses (9-11°C).
Cela nous porte à croire qu’une hausse des températures de croissance, prévue par les scenarios des changements climatiques, peut engendrer des conséquences significatives sur l’épinette noire, encore plus que ces augmentations seront plus rapides pendant la nuit que le jour. À ce sujet, certaines études mentionnent que la formation de la paroi cellulaire est l’un des processus de la croissance radiale qui se produit surtout pendant la nuit (Saveyn et al., 2007; Turcotte et al., 2011). Dans le même sens, des études plus récents confirment l’hypothèse que les processus de croissance se produisent majoritairement pendant la nuit de concert avec l’état hydrique et la pression de turgescence (Pantin, Simonneau et Muller 2012; Steppe, Sterck et Deslauriers 2015). L’accroissement des températures nocturnes pourrait donc affecter les mécanismes physiologiques et affecter le stockage de l’eau pendant la journée. La réponse de la dynamique de la région cambiale par rapport aux températures pendant les différentes phases de croissance, en combinaison avec un déficit hydrique, reste donc à déterminer.
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Table des matières
CHAPITRE I
INTRODUCTION GÉNÉRALE
1.1 MISE EN CONTEXTE
1.2 PROBLÉMATIQUE
1.2.1 Facteurs de stress environnementaux sur la croissance et la formation du bois
1.2.2 La dynamique dans les flux et le stockage d’eau
1.2.3 Effets de la température et du déficit hydrique sur la structure du xylème :
implications sur la fonctionnalité du système
1.3 APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE
1.4 OBJECTIFS ET HYPOTHÈSES
1.5 STRUCTURE DE LA THÈSE
1.6 RÉFÉRENCES
CHAPITRE II
Effects of temperature and water deficit on cambial activity and woody ring features in Picea mariana saplings
2.1 ABSTRACT
2.2 INTRODUCTION
2.3 MATERIAL AND METHODS
2.3.1 Experimental design
2.3.2 Sapling mortality
2.3.3 Water relations, gas exchange and CO2 assimilation
2.3.4 Xylem development
2.3.5 Wood anatomy and density
2.3.6 Statistical analysis
2.4 RESULTS
2.4.1 Growth conditions and saplings mortality
2.4.2 Water relations, gas exchange and CO2 assimilation
2.4.3 Xylem development
2.4.4 Wood anatomy and density
2.5 DISCUSSION
2.5.1 Saplings mortality
2.5.2 Needle water relations under water deficit and warming
2.5.3 Rate of xylem growth: a matter of water?
2.5.4 Effects of water deficit and warming on xylem anatomy and density
CONCLUSION
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